Le domptage de l'éléphant (DANTABHUMI-SUTTA

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Le domptage de l'éléphant(DANTABHUMI-SUTTA)

(20.1)
Ainsi ai-je entendu: Une fois, le Bienheureux séjournait à l'endroit appelé Kalandakanivapa, dans le bois de bambous, près de la ville de Rajagaha. En ce temps-là, le novice Aciravata demeurait dans la cabane de bois. Le prince Jayasena, qui se promenait ici et là, s'approcha un jour du novice Aciravata. S'étant approché, il échangea avec lui des compliments de politesse et des paroles de courtoisie, puis il s'assit à l'écart sur un côté.

(20.2)
S'étant assis à l'écart sur un côté, le prince Jayasena dit au novice Aciravata: J'ai entendu dire, ô ami Aggivessana, que, si un moine demeure ici (dans cette cabane de bois), diligent, ardent et bien déterminé, il peut atteindre la concentration de la pensée. - C'est vrai, ô prince, c'est vrai. Un moine qui demeure ici, diligent, ardent et bien déterminé, peut atteindre la concentration de la pensée, répondit le novice Aciravata.

(20.3)
Le prince Jayasena demanda alors: Le révérend Aggivessana peut-il m'enseigner la doctrine comme il l'a apprise, comme il l'a pratiquée? - Je ne suis pas capable, ô prince, de vous enseigner la doctrine comme je l'ai apprise et comme je l'ai pratiquée, dit le novice Aciravata. Si je vous enseignais la doctrine comme je l'ai apprise et comme je l'ai pratiquée et si vous ne comprenez pas le vrai sens de ce que je dis, ce serait pour moi fatigant et ennuyeux.

(20.4)
Le prince Jayasena demanda à nouveau: Que le révérend Aggivessana m'enseigne la doctrine comme il l'a apprise et comme il l'a pratiquée. Peut-être pourrai-je comprendre ce qu'il dit. - Si je vous enseigne la doctrine comme je l'ai apprise et comme je l'ai pratiquée, ô prince, si vous pouviez comprendre ce que je dis, ce serait bon. Si vous ne pouviez pas comprendre ce que je dis, vous devriez vous arrêter là. Vous ne devriez pas m'interroger davantage sur cette matière.

(20.5)
Que le révérend Aggivessana m'enseigne la doctrine comme il l'a apprise et comme il l'a pratiquée. Si je ne peux comprendre ce qu'il me dit, je m'arrêterai là. Je n'interrogerai pas davantage le révérend Aggivessana.

(20.6)
Le novice Aciravata parla alors de la doctrine comme il l'avait apprise et comme il l'avait pratiquée. Quand il eut terminé, le prince Jayasena dit: "C'est impossible, ami Aggivessana. Il est impossible qu'un moine puisse atteindre la concentration de la pensée en demeurant ici, diligent, ardent et résolu." Ce disant, le prince Jayasena quitta la place où il était assis et s'en alla.

(20.7)
Dès que le prince Jayasena fut parti, le novice Aciravata s'approcha du Bienheureux. S'étant approché, il rendit hommage au Bienheureux, puis s'assit à l'écart sur un côté, il raconta au Bienheureux la discussion qu'il avait eue avec le prince Jayasena.

(20.8)
Ayant entendu le novice Aciravata, le Bienheureux dit: A quoi bon, ô Aggivessana ? Il est impossible que le prince Jayasena, vivant au milieu des plaisirs sensuels, jouissant des plaisirs sensuels, consumé par la pensée des plaisirs sensuels, brûlé par la fièvre des plaisirs sensuels, passionné par la recherche des plaisirs sensuels, il est impossible qu'il puisse savoir ou voir ou atteindre ou réaliser ce que l'on peut savoir par le renoncement (aux plaisirs sensuels), voir par le renoncement, atteindre par le renoncement, réaliser par le renoncement. Cela ne peut être.

(20.9)
Supposons Aggivessana, que, parmi les éléphants, ou les chevaux, ou les boeufs qui doivent être domptés, il y ait deux éléphants, ou deux chevaux, ou deux boeufs, bien domptés et bien entraînés, et deux qui ne soient ni bien domptés ni bien entraînés. Qu'en pensez-vous, ô Aggivessana? Est-ce que les premiers qui doivent être domptés et qui sont déjà bien domptés et bien entraînés ne pourront pas atteindre un haut niveau de domptage et d'entraînement ? - Si, Bienheureux, répondit le novice Aciravata.

(20.10)
Cependant, les deux éléphants, ou les deux chevaux, ou les deux boeufs, qui devaient être domptés mais qui n'étaient ni domptés ni entraînés, atteindront-ils un haut niveau de domptage et d'entraînement comme ce fut le cas pour les deux éléphants, ou les deux chevaux, ou les deux boeufs, bien domptés et bien entraînés ? - Non, Bienheureux.

(20.11)
De même, ô Aggivessana, il est impossible que le prince Jayasena vivant au milieu des plaisirs sensuels, jouissant des plaisirs sensuels, consumé par la pensée des plaisirs sensuels brûlé par la fièvre des plaisirs sensuels, passionné par la recherche des plaisirs sensuels, il est impossible qu'il puisse savoir ou voir ou atteindre ou réaliser ce qu'on peut savoir par le renoncement (aux plaisirs sensuels), voir par le renoncement, atteindre par le renoncement, réaliser par le renoncement. Cela ne peut être.

(20.12)
Supposons, Aggivessana, qu'il y ait un versant de montagne près duquel se trouve un village, une petite ville. Deux amis arrivent, la main dans la main, dans ce village ou cette petite ville, et s'approchent du pied de la montagne. Arrivé là, un des amis veut rester au pied de la montagne, tandis que l'autre veut la gravir jusqu'au sommet. Alors, l'ami qui est resté au pied de la montagne dit à celui qui est monté au sommet: "Mon ami, maintenant que vous êtes sur le sommet, que voyez-vous ? " L'autre répond: "Debout sur le sommet de la montagne, mon ami, je vois des jardins ravissants, des bois ravissants, des terrains ravissants." Cependant, l'autre dit: "C'est impossible! Cela ne peut être, mon ami, que vous voyiez des jardins ravissants, des bois ravissants, des terrains ravissants."

(20.13)
L'ami qui était sur le sommet de la montagne, étant redescendu, ayant pris la main de son ami, le conduit alors au sommet et, lui laissant le temps de souffler, lui dit: "Maintenant, mon ami, maintenant que vous êtes debout au sommet de la montagne, que voyez-vous? " L'autre répond: "Mon ami, maintenant que je suis debout au sommet de la montagne, je vois des jardins ravissants, des bois ravissants, des terrains ravissants." L'autre dit: "Tout à l'heure, j'ai compris ce que vous avez dit: "C'est impossible! Cela ne peut pas être (...)" cependant, maintenant, je comprends ce que vous dites: "Je vois des jardins ravissants, des bois ravissants (...)". L'autre répond: "Mon ami, c'était parce que j'étais au pied de la montagne. Je n'avais pas vu ce qu'il y avait à voir."

(20.14)
De même, ô Aggivessana, mais encore plus, le prince Jayasena est enserré, bloqué, entravé, enveloppé par ce tas d'ignorances. En vérité, ce prince Jayasena, vivant au milieu des plaisirs sensuels, jouissant des plaisirs sensuels (...) il est impossible que ce prince Jayasena puisse savoir ou voir ou atteindre ou réaliser ce qu'on peut savoir par le renoncement (aux plaisirs sensuels), voir par le renoncement, atteindre par le renoncement, réaliser par le renoncement. Cela ne peut pas être.

(20.15)
O Aggivessana, si vous aviez raconté ces deux paraboles au prince Jayasena, alors il aurait pu mettre sa confiance en vous; ayant confiance, il aurait pu agir à la façon de quelqu'un qui aurait confiance en vous.

(20.16)
Le novice Aciravata répondit: "O Bienheureux, comment aurais-je pu raconter ces deux paraboles au prince Jayasena? Je vois que ces deux paraboles sont spontanées chez vous et, d'ailleurs, je n'avais jamais entendu ces deux paraboles."

(20.17)
Le Bienheureux s'adressa à nouveau au novice Aciravata: "O Aggivessana, imaginons qu'un roi qui a été sacré s'adresse à un capteur d'éléphants, en disant: "O bon capteur d'éléphants, allez à la forêt où se trouvent des éléphants. Allez-y sur l'éléphant royal. Lorsque vous y verrez un éléphant sauvage, attachez-le au cou de l'éléphant royal." Le capteur d'éléphants ayant répondu en disant " Bien, sire ", se rend dans la forêt des éléphants sauvages. Y ayant trouvé un éléphant sauvage, il l'attache au cou de l'éléphant royal. Ensuite, l'éléphant royal amène l'éléphant sauvage hors de la forêt. Cependant, celui-ci a une seule envie: retourner à la forêt des éléphants sauvages.

(20.18)
Le capteur d'éléphants informe le roi qu'il a amené l'éléphant sauvage hors de la forêt. Le roi demande alors à un dompteur d'éléphants: "Venez, ô bon dompteur d'éléphants. Domptez cet éléphant sauvage afin de réduire sa conduite sauvage, afin de réduire ses souvenirs sauvages, afin de réduire ses aspirations sauvages, afin de réduire ses angoisses, afin de réduire son chagrin et afin de réduire son désir pour la forêt sauvage, en lui faisant aimer la vie dans les villages, en l'habituant aux méthodes des êtres humains."

(20.19)
Le dompteur d'éléphants répond alors " Bien, sire" et il plante un grand pilier dans la cour, y attache l'éléphant sauvage, puis il le dompte afin de réduire sa conduite sauvage (...) pour qu'il aime la vie dans les villages, qu'il s'habitue aux méthodes des êtres humains. Le dompteur s'adresse à cet éléphant avec des mots gentils, agréables aux oreilles, affectueux, cordiaux, des mots urbains, agréables à tout le monde, plaisants à tout le monde.

(20.20)
Le dompteur, ô Aggivessana, s'étant adressé à lui avec des mots gentils, agréables aux oreilles (...) l'éléphant sauvage se met à écouter, à ouvrir ses oreilles, et il commence à apprendre. Désormais, le dompteur d'éléphants lui donne à manger et à boire. Lorsque l'éléphant est prêt à manger et à boire, le dompteur arrive à la conclusion que l'éléphant du roi va vivre.

(20.21)
Puis, il lui donne des ordres en disant " Prends ceci " et " Dépose cela". Lorsque l'éléphant est obéissant et lorsqu'il prend ou dépose selon les ordres du dompteur, celui-ci donne d'autres ordres en disant "Avance " et " Recule". Lorsque l'éléphant est obéissant et lorsqu'il avance et recule selon les ordres du dompteur, celui-ci donne d'autres ordres en disant " Lève-toi " et " Assieds-toi".

(20.22)
Lorsque l'éléphant est obéissant et lorsqu'il se lève et s'assied selon les ordres du dompteur, celui-ci fait un autre essai appelé " immobilité". Pour cela, le dompteur attache un bouclier à la trompe de l'éléphant. Un homme qui porte une lance se tient assis sur son cou, et des hommes qui portent des lances se tiennent debout autour de lui, de tous les côtés, et le dompteur lui-même prend une lance avec un long manche et se tient debout devant l'éléphant. Pendant ce temps, l'animal reste immobile, il ne bouge ni ses antérieurs ni ses postérieurs; il ne bouge ni son avant-train ni son arrière-train; il ne bouge ni la tête, ni une oreille, ni une défense, ni la queue, ni la trompe.

(20.23)
Cet éléphant du roi, désormais, supporte les attaques des épées, des haches, des flèches, des hachettes, et il supporte le tapage retentissant des tambours, des timbales, des conques et des tam-tams.

(20.24)
Comme l'or purifié, lavé de toutes ses impuretés et scories, cet éléphant convient désormais pour un roi, pour une procession royale; il est également considéré comme un symbole royal.

(20.25)
De même, ô Aggivessana, il apparaît (de temps en temps dans le monde) un Tathagata, qui est un Arahant, complètement et parfaitement éveillé, parfait en sa sagesse, parfait en sa conduite, arrivé correctement à son but, dompté, connaisseur des mondes, incomparable guide des êtres qui doivent être dirigés, instructeur des dieux et des êtres humains, l'Eveillé, le Bienheureux.

(20.26)
Ayant connu par lui-même ce monde-ci, avec ses dieux, avec ses Mara(s) et ses Brahma(s), avec ses religieux et ses brahmanes, avec ses êtres divins et humains, il le fait connaître.

(20.27)
Il enseigne la doctrine, bonne en son début, bonne en son milieu, bonne en sa fin, bonne dans sa lettre et dans son esprit, et il exalte la Conduite pure parfaitement pleine et parfaitement pure.

(20.28)
Un chef de maison, ou le fils d'un chef de maison, ou une personne née dans une quelconque famille, entend cette doctrine. L'ayant entendue, il atteint la confiance sereine dans le Tathagata.

(20.29)
Parce qu'il a atteint la confiance sereine et qu'il en est pourvu, il réfléchit ainsi: "Cette vie à la maison est pleine d'obstacles, elle est un chemin poussiéreux; la vie religieuse est comparable au plein air. Il n'est pas aisé de pratiquer la Conduite pure entièrement pleine, entièrement pure, parfaite comme une conque gravée, en demeurant dans la vie domestique. Il faut donc que, m'étant rasé la barbe et les cheveux, ayant couvert mon corps de vêtements ocre, je quitte ma maison pour mener une vie religieuse, sans maison."

(20.30)
Plus tard, ayant abandonné l'ensemble de ses biens quelle qu'en soit la valeur, ayant abandonné ses parents et son entourage quel qu'en soit le nombre, s'étant rasé la barbe et les cheveux, ayant couvert son corps des vêtements ocre des religieux, il quitte sa maison pour mener une vie religieuse, sans maison. A ce point, le disciple religieux atteint la liberté.

(20.31)
Pourtant, ô Aggivessana, les dieux et les êtres humains désirent les cinq sortes de plaisirs sensuels.

(20.32)
Le Tathagata entraîne alors son disciple, en disant: "Venez, ô moine, soyez vertueux, vivez en maîtrisant les sens par les restrictions, vivez en pratiquant la bonne conduite et vivez en voyant du danger même dans les moindres fautes, vivez en vous entraînant vous-même dans le Code de discipline."

(20.33)
Lorsque le disciple religieux est vertueux, lorsqu'il vit en maîtrisant ses sens par les restrictions, lorsqu'il vit en pratiquant la bonne conduite et en voyant du danger dans les moindres fautes, lorsqu'il vit en s'entraînant lui-même dans le Code de discipline, le Tathagata alors l'entraîne à nouveau, en disant: "Venez, ô moine, soyez vigilant, à propos de vos organes sensoriels.

(20.34)
Par exemple, ayant vu une forme matérielle au moyen de votre oeil, ne soyez pas plongé dans ses apparences générales ni dans ses détails car, en conséquence de ce que cet organe de l'oeil demeure non maîtrisé, les choses mauvaises et vicieuses, la convoitise et la tristesse peuvent s'introduire dans votre pensée. Maîtrisez donc bien l'organe de l'oeil et achevez le domptage de l'organe de l'oeil.

(20.35)
Egalement, ayant écouté un son au moyen de votre oreille (...)

(20.36)
Ayant senti une odeur au moyen de votre nez (...)

(20.37)
Ayant goûté une saveur au moyen de votre langue (...)

(20.38)
Ayant senti une chose tangible au moyen de votre corps (...)

(20.39)
Ayant reconnu un objet mental au moyen de votre pensée, ne soyez pas plongé dans ses apparences générales ni dans ses détails car, en conséquence de ce que cet organe de la pensée demeure non maîtrisé, les choses mauvaises et vicieuses, la convoitise et la tristesse peuvent s'introduire dans votre pensée. Maîtrisez donc bien l'organe de la pensée et achevez le domptage de l'organe de la pensée."

(20.40)
Lorsque, ô Aggivessana, le disciple religieux a maîtrisé ses organes sensoriels, le Tathagata alors l'entraîne à nouveau, en disant: "Venez, ô moine, soyez modéré lorsque vous mangez. Mangez attentivement en réfléchissant: Je me sers de cette nourriture non pour le plaisir, non pour l'exagération de la vigueur, non pour l'esthétique, non pour la beauté, mais simplement pour maintenir l'existence de ce corps, pour supprimer la souffrance, pour favoriser la Conduite pure car, ainsi, je mettrai fin à la souffrance ancienne, je ne produirai pas de nouvelles souffrances et, de cette façon, mon existence sera irréprochable et heureuse."

(20.41)
Lorsque, ô Aggivessana, le disciple religieux est devenu modéré dans ses repas, le Tathagata l'entraîne à nouveau, en disant: "Venez, ô moine, vivez en vigilance. Pendant la journée, lorsque vous marchez, lorsque vous restez immobile, purifiez votre pensée des états mentaux entravés. Pendant la première partie de la nuit, couchez-vous en la posture du lion, consciemment, en réfléchissant à l'intention de vous lever, le lendemain matin. Puis, dans la dernière partie de la nuit, lorsque vous vous levez, lorsque vous marchez, lorsque vous restez immobile, lorsque vous vous asseyez, purifiez votre pensée des états mentaux entravés."

(20.42)
Lorsque, ô Aggivessana, le disciple religieux est tout entier vigilant, le Tathagata l'entraîne à nouveau, en disant: "Venez, ô moine. Vous possédez l'attention et la conscience. Soyez quelqu'un qui agit avec conscience. Soyez attentif et conscient. Allant ou revenant, soyez parfaitement conscient. Regardant devant ou autour de vous, soyez parfaitement conscient. Etendant ou repliant vos membres, soyez parfaitement conscient. Portant le bol à aumône et les vêtements monastiques, soyez parfaitement conscient. Mangeant, buvant, mâchant, soyez parfaitement conscient. Déféquant, urinant, soyez parfaitement conscient. Marchant, étant debout, vous asseyant, vous endormant, vous éveillant, parlant, vous taisant, soyez parfaitement conscient."

(20.43)
Lorsque, ô Aggivessana, le disciple religieux possède l'attention et la conscience dans ses actes quotidiens, le Tathagata alors l'entraîne à nouveau, en disant: "Venez, ô moine, choisissez un logement solitaire, dans la forêt, au pied d'un arbre, dans la montagne, une grotte, une caverne, un cimetière, un plateau boisé, un endroit découvert, une meule de paille." Il choisit alors un logement solitaire, dans la forêt (...)

(20.44)
Etant revenu de sa tournée d'aumône, après son repas, il s'assied en repliant et croisant les jambes, posant son corps bien droit, fixant son attention.

(20.45)
Ainsi, ayant abandonné la convoitise en ce monde, il demeure, la pensée débarrassée de convoitise; il purifie sa pensée de la convoitise.

(20.46)
Ayant abandonné la haine et la méchanceté il demeure, la pensée débarrassée de méchanceté; il purifie sa pensée de la haine et de la méchanceté.

(20.47)
Ayant abandonné la paresse et la torpeur, il demeure, la pensée débarrassée de la paresse et de la torpeur; attentif, pleinement conscient de ce qu'il voit, il purifie sa pensée de la paresse et de la torpeur.

(20.48)
Ayant abandonné l'agitation et le regret, il demeure, la pensée débarrassée d'agitation; la pensée apaisée intérieurement, il purifie sa pensée de l'agitation et du regret.

(20.49)
Ayant abandonné le doute, il demeure ayant franchi le doute; ne se posant plus de questions concernant les choses bonnes, il purifie sa pensée du doute.

(20.50)
Le disciple religieux, ayant abandonné ces cinq entraves, qui sont des souillures de la pensée, qui affaiblissent la sagesse intuitive, demeure, observant le corps selon la fonction du corps, d'une façon ardente, consciencieuse, afin de pouvoir maîtriser la convoitise et la tristesse.

(20.51)
Puis il demeure, observant les sensations selon les fonctions des sensations, d'une façon ardente et consciencieuse afin de pouvoir maîtriser la convoitise et la tristesse.

(20.52)
Ensuite, il demeure, observant la pensée selon les fonctions de la pensée, d'une façon ardente et consciencieuse afin de pouvoir maîtriser la convoitise et la tristesse.

(20.53)
Puis il demeure, observant les divers objets mentaux selon leur fonction, d'une façon ardente et consciencieuse, afin de pouvoir maîtriser la convoitise et la tristesse.

(20.54)
Tout comme, ô Aggivessana, un dompteur d'éléphants, ayant planté un grand pilier dans la cour, y attache un éléphant sauvage par le cou afin de réduire sa conduite sauvage, ses souvenirs sauvages (...) et afin de l'habituer aux méthodes des êtres humains; de même, ô Aggivessana, ces quatre Attentions sont des moyens de la pensée, chez un disciple religieux, pour réduire les manières propres aux chefs de famille, réduire les aspirations propres aux chefs de famille, réduire l'angoisse propre aux chefs de famille, réduire l'agitation, la fièvre des chefs de famille. Elles sont les moyens qui conduisent le disciple religieux à la voie correcte, à réaliser le nibbana.

(20.55)
Le Tathagata entraîne alors à nouveau son disciple religieux, en disant: "Venez, ô moine, demeurez en observant le corps selon les fonctions du corps, mais ne vous appliquez pas vous-même à une série de pensées concernant le corps.

(20.56)
Demeurez en observant les sensations selon les fonctions des sensations, mais ne vous appliquez pas vous-même à une série de pensées concernant les sensations.

(20.57)
Demeurez en observant la pensée selon les fonctions de la pensée, mais ne vous appliquez pas vous-même à une série de pensées concernant la pensée.

(20.58)
Demeurez en observant les divers objets mentaux selon les fonctions des divers objets mentaux, mais ne vous appliquez pas vous-même à une série de pensées concernant les divers objets mentaux."

(20.59)
Ainsi, ayant mis fin au raisonnement et à la réflexion, le disciple religieux entre et demeure dans le deuxième recueillement (dutiyajjhana) qui est apaisement intérieur, unification de la pensée, qui est dépourvu de raisonnement et de réflexion, né de la concentration, et consiste en bonheur.

(20.60)
Puis se détournant du bonheur, le disciple vit dans l'indifférence, conscient et vigilant, il ressent dans son corps le bonheur, en sorte que les êtres nobles l'appellent: "Celui qui, indifférent et attentif, demeure heureux ", il entre ainsi et demeure dans le troisième recueillement (tatiyajjhana).

(20.61)
Enfin, s'étant débarrassé du bonheur et s'étant débarrassé de la peine, ayant supprimé la gaieté et la tristesse antérieures, le disciple entre et demeure dans le quatrième recueillement (catutthajjhana) où ne sont ni plaisir ni douleur, mais qui est pureté parfaite d'attention et d'indifférence.

(20.62)
Ensuite, ayant une pensée ainsi réglée, ainsi purifiée, sans défauts, sans souillures, bien souple, maniable, stable, arrivée à l'impassibilité, le disciple religieux dirige sa pensée vers la connaissance pour se rappeler ses anciennes " existences".

(20.63)
Il se rappelle ainsi une série d'anciennes existences: une naissance, deux naissances, trois, cinq, dix, vingt, trente, quarante, cinquante, cent, mille, cent mille, etc., et beaucoup de naissances pendant un kappa d'intégration, et beaucoup de naissances pendant un kappa de désintégration, et beaucoup de naissances pendant un kappa d'intégration et de désintégration, en voyant: "Je fus connu par tel ou tel nom, étant né dans telle race portant telle ou telle couleur. J'ai été nourri de telle ou telle façon. J'ai senti telles et telles sensations et de telle ou telle façon ma vie là-bas est arrivée à sa fin.

(20.64)
Après la fin de ma vie là-bas, j'ai eu une autre naissance et une autre vie dans laquelle j'ai été appelé par tel ou tel nom, dans telle ou telle race, portant telle ou telle couleur (...)

(20.65)
Après la fin de cette vie, je suis né à nouveau ici-bas (...)"

(20.66)
De cette façon, le disciple religieux se rappelle ses diverses existences en tous leurs modes et détails.

(20.67)
Ensuite, ayant une pensée ainsi réglée, ainsi purifiée, sans défauts, sans souillures, bien souple, maniable, stable, arrivée à l'impassibilité, le disciple religieux dirige sa pensée vers la connaissance de la manière dont les êtres meurent et naissent encore et encore.

(20.68)
Avec une faculté de clairvoyance qui surpasse la vision ordinaire des êtres humains il voit comment les êtres partent d'ici et comment ils renaissent.

(20.69)
Il comprend que, si les êtres deviennent ainsi excellents ou ordinaires, laids ou élégants, heureux ou malheureux, c'est la conséquence de leurs actions, et il réfléchit: "En vérité, tels ou tels êtres respectables, mais qui ont eu une mauvaise conduite avec leur corps, une mauvaise conduite en parole, une mauvaise conduite en pensée, qui ont adopté des opinions fausses, se sont engagés dans de mauvaises actions encouragées par des opinions fausses, ces êtres, après la dissolution de leur corps, après la mort, sont nés dans des lieux malheureux comme l'enfer.

(20.70)
Cependant, tels et tels êtres respectables, qui ont eu une bonne conduite avec leur corps, une bonne conduite en parole, une bonne conduite en pensée, qui ne se sont pas moqué des Arahants, qui ont adopté des opinions correctes et ont fait de bonnes actions encouragées par des opinions correctes, ces gens-là, après la dissolution de leur corps, après leur mort, sont nés dans des états heureux, par exemple, dans les cieux.

(20.71)
Ensuite, ayant une pensée ainsi réglée, bien purifiée, sans défauts, sans souillures, bien souple, maniable, stable, arrivée à l'impassibilité, le disciple religieux dirige sa pensée vers la connaissance qui permet de détruire les souillures.

(20.72)
Il comprend les choses telles qu'elles sont: "Voilà, ceci est le dukkha, ceci est la cause du dukkha, ceci est la cessation du dukkha, ceci est la voie conduisant à la cessation du dukkha."

(20.73)
Il comprend ainsi les choses telles qu'elles sont: "Voilà, celles-ci sont des souillures, ceci est la cause des souillures, ceci est la cessation des souillures, ceci est la voie conduisant à la cessation des souillures."

(20.74)
Ayant compris ainsi, ayant vu ainsi, sa pensée se libère des souillures concernant la ré-existence et le re-devenir (dans le cycle des renaissances). Sa pensée se libère des souillures concernant les plaisirs sensuels. Sa pensée se libère des souillures concernant l'ignorance. Quand il est libéré, vient la connaissance: "Voici la libération " et il sait: "Toute naissance nouvelle est anéantie, la Conduite pure est vécue, ce qui devait être accompli est accompli, plus rien ne demeure à accomplir."

(20.75)
Enfin, ce moine est capable de supporter la chaleur, le froid, la faim, la soif, les piqûres des moustiques, les piqûres des taons, le vent, le soleil, les serpents venimeux, les paroles abusives venant d'autrui, les paroles méchantes venant d'autrui. Il est capable de supporter les sensations corporelles douloureuses, aiguës, coupantes, insupportables, pénibles, et des sensations fatales.

(20.76)
Délivré de toutes les scories et impuretés de l'attachement (aux choses mondaines), délivré de la méchanceté et de l'illusion, ce moine est tout à fait digne de recevoir des dons, des offrandes, des marques de respect et d'hommage. Il est un des plus grands champs de mérites pour le monde.

(20.77)
O Aggivessana, si un éléphant du roi, âgé, non dompté et non entraîné, meurt, il est considéré comme un éléphant mort dans un état non dompté. Egalement, ô Aggivessana, si un éléphant du roi, d'âge moyen, non dompté et non entraîné, meurt, il est considéré comme un éléphant mort dans un état non dompté. Egalement, ô Aggivessana, si un éléphant du roi, jeune, non dompté et non entraîné, meurt, il est considéré comme un éléphant mort dans un état non dompté.

(20.78)
De même, ô Aggivessana, si un moine âgé, non dompté et non entraîné, meurt, il est considéré comme quelqu'un mort dans un état non dompté. Si un moine d'âge moyen, non dompté et non entraîné meurt, il est considéré comme quelqu'un mort dans un état non dompté. Si un moine jeune, non dompté et non entraîné, meurt il est considéré comme quelqu'un mort dans un état non dompté.

(20.79)
Par contre, ô Aggivessana, si un éléphant du roi, âgé, bien dompté et bien entraîné, meurt, il est considéré comme un éléphant mort dans un état bien dompté. Si un éléphant du roi, d'âge moyen, bien dompté et bien entraîné, meurt, il est considéré comme un éléphant mort dans un état bien dompté. Si un éléphant du roi, jeune, bien dompté et bien entraîné meurt, il est considéré comme un éléphant mort dans un état bien dompté.

(20.80)
De même, ô Aggivessana, si un moine âgé, ayant éliminé ses souillures, meurt, il est considéré comme quelqu'un mort dans un état bien dompté. Si un moine d'âge moyen, ayant éliminé ses souillures, meurt, il est considéré comme quelqu'un mort dans un état bien dompté. Si un moine jeune ayant éliminé ses souillures, meurt, il est considéré comme quelqu'un mort dans un état bien dompté.

(20.81)
Ainsi, parla le Bienheureux. Ravi, le novice Aciravata se réjouit de ce qu'avait dit le Bienheureux.
------------------------------------------------------------------------------ Image Sabba danam dhammadanam jinati - Le don du Dhamma surpasse tout autre don ImageDhammapada
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