MAZU DAOYI (709-788) c'est à dire « patriarche Ma » est l'auteur de cette stance qui prolonge celle de BODHIDHARMA dans le Xuemai lun (Xuzang jing 15-5) : « Le cœur même, c'est le Buddha, le Buddha est le cœur...En dehors du cœur, il n'y a finalement pas de Buddha que l'on puisse obtenir »
Un jour, Mazu s'adressa à l'assemblée en ces termes : « Vous tous avez la conviction que le cœur est le Buddha. C'est parce que le cœur est le Buddha que le grand Maître Bodhidharma est venu du Sud de l'Inde (…) pour transmettre la doctrine du cœur unique du véhicule supérieur (également défini comme véhicule suprême) – A l'aide du Lankavatarasutra, il en a imprimé (…) la terre du cœur des êtres, de crainte que vous ne gardiez votre esprit inversé (a) et n'ayez foi en cette doctrine du cœur unique, inné en chacun de nous. (…) Ainsi ceux qui recherchent la Loi ne doivent rien rechercher. IL N Y A PAS DE BUDDHA EN DEHORD DU COEUR IL N EST PAS DE COEUR EN DEHORS DU BUDDHA. Ne vous attachez pas au bien, ne rejetez pas le mal, ne vous appuyez pas sur les deux extrêmes de la pureté et de l'impureté. Ainsi vous comprendrez que la nature des fautes commises est Vacuité et que les Pensées ne peuvent être atteintes car elles n'ont pas de nature propre. Le triple monde (du désir, de la forme et du sans forme) n'est que le cœur et l'Univers et ses myriades de formes ne sont que le sceau de la Loi unique. Toutes les formes que l'on voit sont des visions du cœur. Le cœur n'existe pas en soi et n'existe qu'au travers des formes, mais à chaque fois que vous parlez du cœur, comprenez que les phénomènes et l'Absolu sont sans obstruction réciproque. Ainsi en est-il du fruit de l'éveil. Ce qui est produit par le cœur est appelé forme. Lorsque l'on sait que la forme est vide, la production devient non-production. Ayant compris le sens de cela, vous pouvez agir selon les circonstances, vous nourrir, vous vêtir, entretenir longuement l'embryon saint et vivre en accord avec le spontané. »
A propos de la Voie Mazu dit : "... S'attacher au bien, rejeter le mal, contempler la vacuité, entrer en contemplation, tout cela n'est que création de l'Esprit. (…) Qu'une seule pensée subsiste dans le cœur, la racine fondamentale de la transmigration dans le triple monde demeure. Lorsque cette seule pensée disparaît, la racine fondamentale de la transmigration est éliminée et l'on obtient le trésor précieux et suprême du Roi de la Loi. (…) Lorsque la pensée d'avant, la pensée d'après et la pensée du milieu ne sont pas reliés entre elles, chaque pensée est dans l'extinction et l'on appelle cela : « Samâdhi du sceau de l'océan » qui englobe toutes choses pareil à l'océan auquel retournent les cent mille cours d'eau différents qui sont tous l'eau de l'océan... "
(a) La traduction des Entretiens de Mazu due à Catherine DESPEUX, dans une note de bas de page, met l'accent sur l'inversion de l'Esprit qui génère l'illusion du Samsara, de la transmigration dans les différents mondes et qui nécessite un « retournement », une « conversion » (paravrtti) pour percevoir les choses du point de vue de l'éveillé. Je rappelle modestement que le premier retournement par rapport à la nature du réel primitif (nature naturante) est lié au lancement de la roue du Samsara par le Buddha et que le second et le troisième tour de roue, par retournements réciproques – nous dirons par sauts quantiques - parachèvent définitivement la force de la sagesse intuitive qui, fondamentalement ne nous a jamais quitté.
Encore faudrait-il définir ce cœur dont il s'agit. Une histoire va éclairer ce point par identification du cœur, coeur-symbole avec la nature même de l'Univers.
« ...Le trente-troisième patriarche, le maître zen Daikan (Enô), avant qu'il reçut la tonsure, était hébergé au temple de la nature de la Loi de la province de Kô. Il y avait deux moines qui se disputaient. L'un disait : « c'est la bannière qui bouge » et l'autre lui répondait : « c'est le vent qui bouge » - Tandis que leur dispute se poursuivait ainsi sans fin, le sixième patriarche dit : « ce n'est ni le vent, ni la bannière qui bouge, c'est votre cœur qui est en mouvement » - En entendant cette parole les deux moines la reçurent aussitôt avec foi... »
La même histoire est maintes fois racontée avec une seule différence, c'est l'Esprit qui bouge ! Ce n'est pas innocent mais sans conséquence sur la finalité de l'histoire et en renforce la portée. En chinois le Cœur se dénomme :" hsin" qui désigne également l'Esprit. Il est même dit que le cœur est le logis du Shen (âmes végétatives) - C'est alors que Maître Deshimaru rappelle que la pratique de zazen en permet la transmission au-dela de la parole, d'Esprit à Esprit (i shin den shin)
Ainsi donc se dessine une pratique, une expérimentation, une connaissance, une voie qui passant de « Zazen c'est zazen ! » de « Yuibutsu yobutsu » à « Buddha c'est le Coeur » indique l'Expérimentation de la Joie Pure de l'Existence au travers des Multiples Formes de la Souffrance.

