ted a écrit : ↑02 décembre 2017, 00:01
Zopa2 a écrit : ↑01 décembre 2017, 19:13
Tant que les hommes, quelles que soient leurs croyances, ne feront pas cette prise de conscience de leur faiblesse fondamentale et ne considéreront pas la pureté de l'intention morale comme valeur ultime, les conflits perdureront.
Faudrait quand même définir ce qu'on appelle "la pureté de l'intention morale".
Si c'est une qualité qui est définie par un petit nombre, on risque de sombrer dans une dictature religieuse.
Dans le film Le Cercle des poètes disparus, Robin William, le professeur de littérature, pour faire comprendre à ses élèves la valeur de la vie, leur fait regarder avec attention une photo d'un groupe d'anciens du collège, afin qu'en prenant conscience du fait que tous ces garçons apparemment si vivants sont morts, ils découvrent ce que la vie a de précieux. Carpe diem, cueille l'aujourd'hui ! Pour Marc Aurèle, la seule valeur n'est pas la vie tout court, mais la vie morale. Dans l'immensité de l'univers, dans l'infini du temps et de l'espace, l'homme n'est qu'un point minuscule, mais ce tout petit point, ce point tellement petit qu'à partir d'une certaine distance, il devient invisible, a néanmoins la capacité de faire le bien.
Nous retrouvons le principe fondamental : la valeur absolue pour un stoïcien, c'est l'intention morale. Elle seule dépend entièrement de nous. Ce qui compte, ce n'est pas le résultat, qui ne dépend pas de nous, ce qui compte, c'est l'intention que l'on a en cherchant à atteindre ce résultat. Si notre activité est animée par l'intention parfaitement pure de ne vouloir que le bien, elle atteint à chaque instant sa fin, elle est tout entière présente dans le présent, elle n'a pas besoin d'attendre du futur son achèvement et son résultat.
Pour que cette intention morale soit pure, il doit être libre.
Elle doit viser le bien d'autrui sans demander quelque chose en retour, même si comme le reconnait Marc Aurèle, " J'ai fait quelque chose au service de la communauté humaine. Donc, j'ai été utile à moi-même." (XI, 4) ou encore " Ne te lasse pas d'être utile à toi, même en étant utile aux autres. "(VII,74).
Mais Marc Aurèle va plus loin encore dans l'exigence de pureté, lorsque pour fonder le désintéressement de l'action bonne, il introduit la notion de fonction naturelle. Chaque espèce a un instinct inné qui lui est donné par la nature et qui le pousse à agir selon sa structure, selon sa constitution : la vigne à produire les raisins, le cheval à courir, l'abeille à faire le miel. L'espèce agit donc selon sa nature. Ce qui, dans l'espèce humaine, correspond à l'instinct, c'est l'impulsion à agir, l'intention, la volonté d'agir selon ce qui définit la constitution de l'homme : la raison. Pour un stoïcien, agir selon la raison, c'est préférer l'intérêt commun, l'intérêt de l'humanité à son propre intérêt. Agir selon la raison, c'est faire le bien et le faire naturellement.
Et parce que bien faire, c'est agir naturellement, l'action bonne doit être accomplie spontanément, purement et presque inconsciemment. " Il est semblable à la vigne qui porte le raisin et ne cherche rien de plus, une fois qu'elle a donné son fruit... Ainsi l'homme qui fait le bien ne le sait pas, mais il passe à une autre action, comme la vigne qui donnera à nouveau son raisin quand la saison viendra... Il faut donc être de ceux qui en quelque sorte font le bien inconsciemment."(V, 6,3).
Les réflexions de Marc Aurèle vont dans ce sens : la véritable action bonne doit être spontanée et irréfléchie. Elle doit venir sans effort, de l'être même. Il critique la conscience de bien faire car, selon lui, la conscience trouble la pureté de l'acte ; être conscient de faire le bien, c'est à la fois se composer artificiellement une attitude, se complaire dans cette affectation et ne pas se consacrer de toute son énergie à l'action elle-même. Dans cette critique de la conscience de bien faire, il y a une idée très profonde : la bonté ne peut être que générosité totale, sans retour sur elle-même, sans complaisance en elle-même, tout entière tournée vers les autres. Elle est parfaitement désintéressée, parfaitement libre intérieurement, sans être attachée à ce qu'elle accomplit.
Tout ceci nous donnera peut-idée une idée de ce que les stoïciens comprenaient, lorsqu'ils évoquaient la " pureté de l'intention morale".