Le Vénérable W. ou le visage de la terreur bouddhiste

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Le Vénérable W. ou le visage de la terreur bouddhiste

Par Maud Le Rest - publié le 13/06/2017

En salles depuis le 7 juin, Le Vénérable W. de Barbet Schroeder enquête sur le célèbre moine birman Ashin Wirathu, obscure figure de proue de l'extrémisme bouddhiste.

Juillet 2013. Le public découvre une personnalité inédite en couverture de l'hebdomadaire américain Time : le moine bouddhiste Wirathu. Connu pour ses prêches islamophobes et ses incitations à la haine, le Birman y est décrit comme « le visage de la terreur bouddhiste » (« the face of Buddhist terror »). Assez rapidement, le moine s'est forgé une solide réputation auprès de ses fidèles, distillant tout au long de ses discours une rhétorique anti-islam et appelant à la « défense de la race ». Convaincu que l'ethnie musulmane du Myanmar [nom officiel de la Birmanie, ndlr] – les Rohingyas, environ 3 % de la population – est au cœur d'un vaste projet de conquête et de remplacement, il appelle les bouddhistes à rester vigilants, quitte à prendre les armes.

Gourou et orateur hors pair

Quatre ans plus tard, Le Vénérable W., de Barbet Schroeder, portrait sans concession du prêcheur, est présenté en sélection spéciale au festival de Cannes. Dans la lignée de ses précédents documentaires sur le dictateur ougandais Idi Amin Dada (Général Amin Dada : autoportrait, 1974) et l'avocat Jacques Vergès (L’Avocat de la terreur, 2007), le cinéaste suisse enquête, à sa manière, sur les exactions de la star birmane et de ses admirateurs. Pendant 1h35, au rythme de la voix de l’actrice Bulle Ogier, Schroeder alterne entretiens avec le moine, images d'archives et interviews de spécialistes (Matthew Smith, de l'ONG Fortify Rights, moines et politiques birmans).



Le film s'ouvre sur Wirathu, assis en tailleur, serein. Souriant, celui-ci nous explique que les musulmans sont comme certains types de carpes : conçus pour la reproduction, envahissants, violents et cannibales. Satisfait de sa comparaison – qu'il utilise à chaque interview –, il hoche la tête, comme pour s'approuver lui-même. Et il en a toutes les raisons : son discours imagé est très apprécié au sein de la société birmane. Voir Wirathu prêcher, c'est un peu comme aller à un concert de rock : les fans transis l'ovationnent et boivent ses paroles.

Les Rohingyas en exil

À l'origine du mouvement islamophobe 969 et de l'association nationaliste Ma Ba Tha [acronyme signifiant Association pour la protection de la race et de la religion, rebaptisée Fondation Buddha Dhamma en mai dernier, ndlr], le moine superstar a bien rôdé son discours. Selon lui, les kalars (les musulmans, sorte d'équivalent de « nigger » aux États-Unis) détiendraient tous les commerces du pays. Riches, les kalars détourneraient les jeunes filles bouddhistes et les épouseraient, en vue de « faire disparaître la race et la religion ». Les kalars prôneraient le terrorisme, se verraient allouer de gigantesques sommes d'argent de la part de puissances étrangères. À tous ces maux, une seule solution : l'auto-défense et le combat.

Point culminant de la stratégie de Wirathu : l'appel à l'insurrection. En mars 2013, les partisans de 969, fidèles à leur gourou, incendient des mosquées, des commerces et des établissements musulmans. Plus de quarante personnes trouvent la mort, dont une écrasante majorité de Rohingyas. Tragique conséquence du nettoyage ethnique qui opère depuis les années 2000, ces émeutes sont justifiées, selon le prêcheur, par la menace que constitueraient les musulmans pour les bouddhistes, faibles et terrorisés. Selon Barbet Schroeder, les Rohingyas s'enfuiraient par milliers au Bangladesh et dans les autres pays voisins. Dans un reportage télévisé français datant de 1978, un migrant rohingya témoigne de l'horreur, comparant les bouddhistes birmans aux « nazis ». Au cours de l'année 2012, deux cents musulmans ont été tués au Myanmar.


Une timide contestation

Le succès de Wirathu, amplifié par la distribution sauvage de pamphlets et de vidéos de propagande sur les marchés, est incompréhensible pour nombre de moines. Le bouddhisme, religion fondée sur la tolérance, la non-violence et la méditation, semble à mille lieux de la doctrine d'Ashin Wirathu. En effet, il est impossible, au travers du documentaire de Schroeder, de retrouver ne serait-ce qu'une once de compassion, d'intelligence et de douceur dans les propos du moine extrémiste.

Soucieux de donner la parole à des défenseurs du bouddhisme originel, le cinéaste interroge les figures de la Révolution de Safran de 2007, qui avait vu les Birmans se soulever contre l'oppression de la junte au pouvoir et la misère. Loin d'approuver le discours de Wirathu, ceux-ci prônent le dialogue et le vivre-ensemble.


Le Vénérable W., de Barbet Schroeder, est en salles depuis le 7 juin



Un sujet douloureux. Que l'on doit accepter de regarder en face. Personne n'est à l'abri des poisons que sont la haine, la violence, la discrimination, engendrés par la peur et la flatterie du "moi". C'est ce que je vois dans cet homme : colère, peur, culte de la personnalité, rejet, haine, autosatisfaction dans cette posture. Comment en arrive t-on là en étant moine bouddhiste ? Comment peut-on s'aveugler à ce point ?

"Be kind to the unkind, they need the most". (je ne sais pas d'ou elle vient cette citation.)

Le Vénérable Ashin Wirathu a besoin de compréhension, de compassion, car il agît de manière terriblement non-profitable, pour lui même, pour les autres, bouddhistes, non-bouddhistes, musulmans...

Si je pouvais le rencontrer, hors camera, dans l'intimité, en confiance, j'aurais envie de lui dire : racontez moi votre vie. Par ou êtes vous passé pour en arriver là ? Qu'est ce qui s'est passé ? Qu'avez vous vécu, entendu ou cru pour en arriver à dire ce que vous dites apparemment avec une conviction certaine ?

On en reviens toujours à l'interprétation qui veut que, lorsqu'une personne fait souffrir les autres autour d'elle c'est qu'elle est incapable de gérer la souffrance qu'il y a en elle et que cela déborde.

Si je pouvais rencontrer cet homme, Ashin Wirathu, je lui poserais en fait sans doute une seul question :

"S'il vous plait, parlez moi de vos souffrances, dites moi qu'est ce qui vous fait mal, ou et pourquoi ?"

Et j'ajouterais : Parce que vous savez, je souffre moi aussi, sans doute des mêmes souffrances que vous, et ce que vous faites et dites me fait souffrir, et pourtant je ne suis pas musulmans, je ne suis pas Birman, j'essais comme vous de suivre (bien plus modestement) les enseignements du Bouddha, et vous me faites souffrir, pourquoi ? Dites moi le mal que je vous ai fais, moi, à l'autre bout du monde, pour que vous me fassiez ainsi du mal ?

Voila ce que je lui dirais.

anjalimetta
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<polémique> Pourquoi a -t-on besoin de balancer sa souffrance au visage de l'autre dans une discussion? En quoi dire à l'autre personne que l'on souffre aussi comme elle lui permettrait de changer ses vues ?</polémique>
Compagnon

Lui faire prendre conscience qu'elle fait souffrir l'autre et qu'elle même souffre.
Permettre l'apparition de la 1ère Noble Vérité.
Reconnaître l'existence de la souffrance.

Quand quelqu'un de pressé te bouscule et t'écrase le pied, te fais mal, tu restes indifférents et tu laisse filer ? Ou tu apostrophe la personne afin qu'elle fasse attention à l'avenir ?

De plus faire prendre conscience à l'autre de sa souffrance peut mener à l'expression de celle-ci sous une forme non nuisible pour les autres. S'en prendre aux autre pour évacuer sa souffrance n'a jamais été efficace durablement. Cela soulage, peut être, temporairement, mais cela aliène aussi au niveau des relations sociales.

On peut interpréter l'attitude du Bouddha face à Angulimala ainsi. Le Bouddha dit à Angulimala que lui s'est arrêter, alors qu'Angulimala non. Angulimala ne comprend pas, alors le Bouddha explique.

Angulimala a été poussé à la folie meurtrière.

Lorsque le Bouddha le croise, Angulimala tente de le retenir, de le menacer, pour le tuer, sans y arriver :

"O moine, halte, arrête toi !"

Et l'Eveillé de lui répondre :

'Je me suis arrêté. C'est vous qui ne vous êtes pas arrêté".

Angulimala ne saisissait pas le sens de ces mots, alors il demanda :

"O moine ! Comment ça tu t'es arrêté et moi pas ?"

Le Bouddha répondit :

"Je dis que je me suis arrêté car j'ai cessé de tuer tout être vivant. J'ai cessé de maltraiter tout être vivant et par la méditation me suis établi dans la connaissance, la patience et l'amour universel. Mais vous n'avez pas cessé de tuer ou de maltraiter les autres et vous n'êtes pas encore établi dans la patience et l'amour universel. C'est pourquoi vous êtes celui qui ne s'est pas arrêté".
Dernière modification par Compagnon le 15 juin 2017, 08:26, modifié 1 fois.
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ah, je croyais que c'était une forme d'ascendant que l'on veut avoir sur cette personne.
Comment en arrive t-on là en étant moine bouddhiste ? Comment peut-on s'aveugler à ce point ?
Ca reste un homme sous sa robe. (<= je dis ça mais je ne suis pas allé voir :mrgreen: )
Compagnon

chercheur a écrit :
15 juin 2017, 08:25
ah, je croyais que c'était une forme d'ascendant que l'on veut avoir sur cette personne.
Comment en arrive t-on là en étant moine bouddhiste ? Comment peut-on s'aveugler à ce point ?
Ca reste un homme sous sa robe. (<= je dis ça mais je ne suis pas allé voir :mrgreen: )
Pas compris la première phrase.

Certes mais un homme passablement averti par le sage Bouddha. Un homme qui théoriquement a voué sa vie au Dharma. Et le Dharma du Bouddha est sans ambiguïté en ce qui concerne les émotions négative, la violence en parole et en geste. Cet homme ne peut pas dire "je ne savais pas". Il doit donc être en proie à une immense souffrance pour atteindre à un tel aveuglement.
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Certes mais un homme passablement averti par le sage Bouddha. Un homme qui théoriquement a voué sa vie au Dharma. Et le Dharma du Bouddha est sans ambiguïté en ce qui concerne les émotions négative, la violence en parole et en geste. Cet homme ne peut pas dire "je ne savais pas". Il doit donc être en proie à une immense souffrance pour atteindre à un tel aveuglement.
A mon humble avis, ce n'est pas la souffrance qui mène à cet aveuglement. J'ai pas vu le film, mais je crois que ça a plus à voir avec la haine, l'avidité et l'ignorance/confusion, qui empoisonnent son esprit. Alors certes tu me diras que cela doit amener de la souffrance, je dirais plutôt une insatisfaction.

Je pense que la première vérité du bouddha, dans un premier temps ne concerne pas l'Autre, mais nous-même, surtout si comme moi on a une grosse tendance à la critique des autres. D'abord, il faut regarder en nous-même, dans notre propre corps, notre propre esprit, nos pensées, nos paroles, et nos actes, sans faire intervenir une deuxième partie. Et c'est là que sati, l'attention, est primordiale. S'observer encore et encore, continuellement.

Après dans ma relation à l'autre. Evoquer ma souffrance, peut être utile, mais là encore il faut être très vigilant. Ne pas écraser l'autre avec ma souffrance, ne pas l'accabler, la noyer dedans. L'autre personne n'a peut être aucun rapport avec ma souffrance. Et puis, parfois évoquer sa souffrance c'est un peu dire à l'autre : et regarde je souffre plus que toi alors ce que je dis c'est plus important que ce que tu dis.

Tu me marches sur le pied, ok. Tu dois faire attention, ok. Mais moi je dois faire aussi attention à ne pas souffrir davantage en m'énervant, et en donnant des leçons(égo subtil), développer l'équanimité. Après je ne sais pas à quel point je suis là sur cette terre pour faire prendre conscience aux gens. Est-ce vraiment ma responsabilité ? Et si je dois la prendre, ne devrais-je pas faire très attention à ma manière de m'y prendre, justement pour ne pas générer davantage de poisons chez lui et chez moi ?

Bon je crois que je parle trop là ! shuuuut_8
ted

Compagnon a écrit :Comment en arrive t-on là en étant moine bouddhiste ? Comment peut-on s'aveugler à ce point ?
De la même façon que certains prêtres catholiques se détournent du message de l'église et tombent dans la pédophilie.

Rien de bien nouveau chez les humains. :mrgreen:
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