Vue juste, pensée juste, parole juste et non-discrimination

Compagnon

Je crois que, entre autre chose, lorsque le Sutra du Coeur de la Perfection de la Sagesse se résume ainsi :

gate gate pāragate pārasaṃgate bodhi svāhā !

Aller, aller, aller au-delà, au-delà du par delà, vers la rive de l'Eveil.

Il nous invite a nous défaire de toute pensée, vue et parole discriminante, et donc à adopter pensée juste, vue juste et parole juste. Juste au sens à la fois de véridique, conforme au réel, noble et équilibrée. Aller au delà de toutes nos conceptions duales.

Une clé vers une porte du dharma possible, une porte vers l'Eveil, par la vacuité, par l'expérimentation de la vacuité de toute chose. De l'interdépendance de toute chose.

Ainsi l'on nous invite à aller au delà de toute conception comme bien/mal, "petit" véhicule ou "grand" véhicule, soi/l'autre, soi/non-soi, samsara/nirvana, vacuité/non-vacuité, sagesse/folie, savoir/ignorance etc...

Dépasser tout dualisme car le dualisme, la pensée duale, qui est le mode de fonctionnement naturel de notre esprit, ne peut mener qu'a dukkha au travers du couple désir/répulsion. Discrimination, violence.

Plus précisément, si l'on observe la conduite même du Bouddha, il fait coexister en lui à la fois le soucis que sa parole ne soit pas déformée (soucis présent de nos jours dans le courant Thérava, très soucieux de conservation de la pureté de l'enseignement originel) mais la souplesse dans la forme, les modes de transmission de cet enseignement de façon à s'adapter aux publics. Le Bouddha fait la synthèse en lui des 2 tendances sans rejeter l'une par rapport à l'autre. Car les 2 tendances sont louables autant l'une que l'autre.
Le Dharma est donc à la fois semblable dans chaque discours et différents dans chaque discours en fonction des circonstances. Les 2 tendances coexistent harmonieusement dans l'efficacité.

PS : je trouve que qualifier tel forme du dharma de "petite" par rapport à une autre de "grande" est une manque flagrant du respect le plus évident pour des frères dans le dharma et que c'est causer un tort évident, en parole, en pensée, à tout le monde en flagrante contradiction avec l'invitation même du Bouddha à nuire le moins possible aux autres.

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Des notions comme le conservatisme et la modernité, la rigueur et la souplesse, etc... sont des conceptions interdépendantes, chacune a besoin de l'autre pour exister. Si l'une l'emporte sur l'autre elle signe alors aussitôt son propre arrêt de mort.

Et comme y invite le Bouddha, je crois que penser ainsi contribue à faire le moins de tort possible à qui que ce soit.
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davi
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Compagnon a écrit :PS : je trouve que qualifier tel forme du dharma de "petite" par rapport à une autre de "grande" est une manque flagrant du respect le plus évident pour des frères dans le dharma et que c'est causer un tort évident, en parole, en pensée, à tout le monde en flagrante contradiction avec l'invitation même du Bouddha à nuire le moins possible aux autres.
Pourquoi le pratiquant sincère se vexerait-il ? Je ne sais pas si la voie que je suis est plus grande ou plus petite qu'une autre, et même si untel me dit qu'elle est plus petite, moins rapide, peu importe, c'est celle que je suis et c'est la voie qui mène à la cessation de la souffrance. Je ne veux pas qu'on me surprotège, qu'on me trompe, qu'on me prenne pour un idiot; je veux la meilleure voie pour moi, et surtout je veux la vérité. Qu'est-que nuire aux autres ? Dire la vérité à celui qui peut l'entendre est-ce nuire ?
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
Compagnon

Un pratiquant sincère n'a pas à se vexer en effet, il doit être au dessus de cela mais alors pourquoi des responsables de courants on jugé utile de porter un jugement de valeur sur d'autres frères ? Pourquoi qualifier mesquinement je trouve des frères dans le dharma d'adeptes du "petit véhicule" ? Quel interêt si ce n'est pour se grandir soi-même ? Ils devraient eux aussi être au dessus ce cela. C'est décrédibilisant pour eux je trouve.

La vérité ? :lol:

Laquelle ? Sur quoi ? Quand ? et ou ? Pour qui ? Dans quelle langue ? (questions rhétoriques).

Le Bouddha n'encourage t-il pas à chercher en soi sa propre vérité et non pas dans les paroles des autres a prendre automatiquement comme argent comptant surtout si ce sont des sages ?

"Soyez votre propre flambeau".

"Doutez de tout et surtout de ce que je vais vous dire !"

Tu connais le Sutra sur la confusion des Kalamas ou sur la liberté de penser ?
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jules
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En fait, la pensée est discrimination. Il s'agirait de ne pas discriminer cette discrimination ce qui constituerait une réalisation au travers de ce principe inhérent aux pensées, de leur vacuité.
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davi
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L'intérêt c'est mettre en perspective les enseignements, adapter ceux-ci à l'auditoire, en comprenant que cela s'adresse d'abord aux adeptes des écoles proprement dites.

En soi sa propre vérité, oui, mais en étant guidé. La voie conventionnelle est aussi importante que la voie ultime. Sinon c'est la porte ouverte au grand n'importe quoi.
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
Compagnon

jules a écrit :En fait, la pensée est discrimination. Il s'agirait de ne pas discriminer cette discrimination ce qui constituerait une réalisation au travers de ce principe inhérent aux pensées, de leur vacuité.
Pas faux !

@Davi : ce que le Bouddha invite à faire c'est à ne pas gober sans réfléchir tout ce qu'il dit, à tester et questionner ce qu'il dit, justement pour ne pas le prendre comme un dogme indiscutable. Il invite a expérimenter par soi même et non pas à croire par principe. D'ailleurs il a régulièrement accepté de discuter avec des contradicteurs.

La confiance dans le Bouddha, le Dharma et la Sangha doit être basée sur l'expérimentation personnelle, une confiance gagnée en vérifiant expérimentalement par soi même si ce que dit le Bouddha est exacte ou non, et non pas une croyance aveugle à accepter d'un bloc sans poser de question comme les dogmes de certaines religions.

Le Bouddha invite à un doute utile dans le texte sur la confusion de kalamas. Une remise en cause constructive.
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davi
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Ce que dit le Bouddha est indiscutable, question de foi, ce qui n'empêche de devoir faire l'expérience par soi-même.
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
Compagnon

Ce que dit le Bouddha est indiscutable, question de foi, ce qui n'empêche de devoir faire l'expérience par soi-même.

Dans l'autre sens c'est préférable je crois... sinon on ce contente de vérifier par l'expérimentation ce dont on est déjà convaincu, alors à quoi sert l'expérience ?

Si l'on ne commence par par discuter le Dharma... le questionner, le mettre à l'épreuve de la vie, le vérifier... en quoi se distingue t-on alors d'un fanatique ? On devient prisonnier de sa foi dans le Bouddha et le Dharma. Une voie dangereuse.

Et pourtant Davi... et pourtant ...

Kalama Sutta (AN 3.65)
Discours du Bouddha aux Kalamas
à propos de la liberté de penser

S'étant assis ainsi à l'écart sur un côté, ils s'adressèrent au Bienheureux et dirent : « Vénérable Gotama, il y a des contemplatifs et des prêtres qui arrivent à Kesaputta. Ils exposent et exaltent leur propre doctrine, mais ils condamnent et méprisent les doctrines des autres. Puis d'autres contemplatifs et d’autres prêtres arrivent ensuite à Kesaputta. Eux aussi exposent et exaltent leur propre doctrine, et ils méprisent, critiquent et vilipendent les doctrines des autres. Vénérable, il y a des doutes, il y a une perplexité chez nous à propos de ces diverses opinions religieuses. Parmi ces contemplatifs et ces prêtres, qui dit la vérité et qui des mensonges ? »

Le Bienheureux s'adressa aux Kalamas et dit : « Il est normal, Kalamas, que vous ayez des doutes et que vous soyez dans la perplexité, car le doute est né chez vous avec raison.

« Kalamas, ne vous laissez pas guider par ce que vous avez entendu dire ni par les traditions. Ne vous laissez par guider par l'autorité des textes religieux, ni par la simple logique ou les allégations, ni par les apparences, ni par la spéculation sur des opinions, ni par des vraisemblances probables, ni par la pensée : ‘Ce religieux est notre maître spirituel’.

« Cependant, lorsque vous savez par vous-mêmes que certaines choses ne sont pas justes, qu‘elles sont blâmables, condamnées par les sages et que, lorsqu'on les met en pratique, elles conduisent au mal et au malheur, abandonnez-les !

.....

« Cependant, Kalamas, lorsque vous savez par vous-mêmes que certaines choses sont justes, qu’elles sont irréprochables, louées par les sages et que, lorsqu'on les met en pratique, elles conduisent au bien et au bonheur, pénétrez-vous de telles choses et pratiquez-les !


C'est ce que dit le Bouddha.

Si on considère les paroles du Bouddha comme indiscutable par principe, parce que c'est le Bouddha qui les a dites, parce que la foi aveugle en le Bouddha passe avant l'expérimentation personnelle... alors on est prisonnier de l'attachement au Bouddha... je le crains.

Si tu rencontres le Bouddha, tue le Bouddha !

du maître chinois Lin-Tsi

Lin-tsi vécut au IXe siècle, sous la dynastie des T'ang. Le caractère abrupte de sa pensée lui valut de son vivant une célébrité nationale. Il est le fondateur de la branche Rinzaï du Zen.

Son école transplantée au Japon vers le XIIIe siècle y devint le Rinzaï. Lin-tsi était partisant d'una approche directe et brutale pour provoquer l'état d' Eveil chez le disciple. Ses diatribes violentes étaient célèbres. En voici un exemple :

Adeptes, voulez-vous voir les choses conformément au Dharma ? Gardez-vous seulement de vous laisser égarer par les autres. Tout ce que vous rencontrez au-dehors, comme au-dedans de vous-mêmes, tuez-le. Si vous rencontrez le Bouddha, tuez le Bouddha ! Si vous rencontrez un Maître, tuez le Maître ! .... C'est là le moyen de vous délivrer, d'échapper à l'esclavage; c'est là l'évasion, c'est la l'indépendance.

De ces adeptes qui de toutes parts viennent à moi pour que je leur apprenne la Voie, il n'en est pas un qui soit indépendant, tous sont tombés dans le piège illusoire tendu par les anciens. Moi, le moine des montagnes, je ne possède aucun Dharma à transmettre aux hommes; je ne fais que traiter la maladie et dénouer les liens.

Je vous le dis : il n'y a pas de Bouddhas, il n'y a pas de Dharma, point de discipline à cultiver, point de fruit à en attendre. Que cherchez-vous donc auprès d'autrui ? Aveugles, qu'est-ce qui vous manque donc ? C'est vous-mêmes qui ne différez en rien du Bouddha et des patriarches !Mais vous n'avez pas confiance, et vous allez chercher au-dehors.
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davi
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La foi vient avant l'expérience, l'inverse serait un non sens. La foi n'est pas la connaissance, mais la précède. La foi permet l'engagement afin d'atteindre à la connaissance. Une fois la connaissance atteinte, la foi n'est plus nécessaire. Tant que la connaissance n'est pas, la seule foi est insuffisante.
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
Compagnon

La foi vient avant l'expérience, l'inverse serait un non sens.

On ne doit pas parler de la même chose... pour ce qui est du terme de "foi".

En ce qui me concerne quand j'ai abordé le dharma au début je n'ai pas commencé par me dire : le Bouddha a raison et je vais vérifié par l'expérience qu'il a raison. Non, je n'ai pas agît comme cela. J'ai commencé par lire ce qu'il disait, et je me suis dis : voyons par l'expérience si ce qu'il dit est vrai ou pas. Comme il recommande lui même de faire. Et c'est en vérifiant par l'expérience la véracité ou non véracité de ses affirmation que ma confiance (plutôt que ma foi) à grandi.
Pour moi, quelqu'un qui à déjà une foi et qui cherche par l'expérience à la confirmer ne cherche qu'a se rassurer sur le fait qu'il a fait le bon choix et non pas si ce choix est vérité.
Du moins c'est mon opinion. On est libre de ne pas être d'accord, mais la citation que j'ai fournit ci-dessus me paraît on ne peut plus claire.
Partir du principe dés le départ que le Bouddha à raison pour ensuite chercher à confirmer par les faits cette foi, ce n'est pas ce que le Bouddha invite a faire, au contraire.
Je n'y puis rien, excuse moi Davi mais ce que l'on prête comme paroles au Bouddha ci-dessus est en contradiction évidente avec ta démarche, et si tu as bel et bien foi en le Bouddha alors ce qu'il dit doit primer sur ta démarche et tu dois revoir celle-ci, pour te conformer à ce que le Bouddha dit de faire ou plutôt à l'attitude qu'il recommande.

A moins que ce ne soit qu'une formulation maladroite de ta part. Evidemment.

En tout cas moi je vois déjà au moins un lien, une entrave, un attachement puissant qui ne peut que t'empêcher d'avancer : ta propre foi dans le Bouddha et le Dharma.

Tout comme l'on dit que ceux qui ont une foi absolue dans la vacuité sont incurables...

Je ne l'invente pas, je l'ai lu dans des sources bouddhiques.
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