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Le doute

Publié : 31 janvier 2017, 16:01
par Circé
Est ce que ça vous arrive????
Envie d'être " comme avant", avant la prise de conscience de l'impermanence, avant d'avoir compris les 4 nobles vérités, avant d'avoir entendu le mot " karma" et quand on trouvait très chouette d'avoir un ego sur-dimensionné.?????Bref, avant....
Je vais faire un doigt d'honneur au type qui me double en voiture, je vais recommencer à manger d'autres êtres vivants, je vais cesser de me contrôler, je vais mentir quand ça m'arrange, tricher aussi à l'occasion, colporter ragots rumeurs et médisances, être prête à tout ( ou presque) pour préserver mes intérêts, et rester convaincue que je suis l'être le plus important du monde et que je mérite bien ce que j'ai, pas question de partager, ils n'ont qu'à bosser ces c......!!!!.Comme avant.......................

ça ne dure pas longtemps, mais ça m'arrive. Et en même temps je sais que c'est impossible.Il n'y a pas de retour en arrière, vers l'ignorance et l'inconscience.Je vais aller me servir un double whisky pour me consoler................( je blague)

Re: Le doute

Publié : 31 janvier 2017, 18:00
par Compagnon
Je pense, d'après mes lecture et mon expérience, que la "tentation" (ce que Jatson Nyingpo appelle le "Démon du retour en arrière") existe toujours jusqu’à l'eveil. Même après l'Eveil le Bouddha douta une dernière fois (du moins c'est une des interprétations) puisqu'il se demanda si il serait en mesure de transmettre sa découverte et si il y aurait des personnes susceptibles de vraiment la comprendre. La légende prétend qu'il fallut l'intervention de Brahma en personne pour le décider.

La "foi" ou plutôt la "confiance" dans le Dharma, le Bouddha, la Sangha, n'est que le pendant du doute. L'un ne va pas s'en l'autre.

Peut être que tant que l'on est "prisonnier" en quelque sorte d'une perception duale qui met en opposition "confiance" et "doute", on est heureux quand on est dans un état de confiance et malheureux dans un état de doute. Tant que l'on n'a pas compris que l'un ne va pas sans l'autre, qu'il ne faut avoir ni attachement ni répulsion pour l'un ou l'autre, on souffre. On est insatisfait. On redoute de douter, on recherche l'état de confiance.

Si on regarde en profondeur les raisons, les causes de notre confiance dans la pratique, on voit aussi ce qui peut nous en faire douter. Et inversement quand on est dans un état de doute, si on regarde sans peur au tréfonds de ce doute, on peut y trouver les raisons, les causes qui d'habitude nous portent à la confiance. On peut donc trouver du doute dans la confiance et de la confiance dans le doute. On applique les 4 Nobles Vérités au doute et à la confiance : on reconnait l'existence du doute ou de la confiance, leurs causes, on reconnait qu'il existe des chemins pour y mener et on sait quelle méthode employer.

L'attachement à l'état de confiance est souffrance.
La répulsion vis à vis de l'état de doute est souffrance.

Si l'on arrive à comprendre que confiance et doute sont "vides" d'existence indépendante, alors on ne redoute plus le doute et l'on est plus attaché à la confiance puisque l'un ne peut exister sans l'autre.

Quand on est en état de confiance, c'est bien, on en profite pleinement, et quand on est en état de doute, qu'on a l'impression de "retomber" dans des travers "d'autrefois", a quoi cela sert-il de culpabiliser ? On peut aussi prendre soins de son doute, de ses moments de "faiblesses", avoir de la compassion pour soi dans ses moments là, reconnaître le doute ou la faiblesse en soi à ce moment là et ne pas les rejeter, les accepter, reconnaître qu'ils sont là, accepter leur passage, car justement ils sont impermanent. Les traiter avec tendresse, leur parler, les laisser s'exprimer et passer. Si on les reconnait pour ce qu'ils sont, et comme impermanent, ils passeront en principe. Ils perdront substance, force. Alors que plus on rejettera le doute, plus il prendra substance et voudra s'exprimer avec force.

De plus, penser en terme d'avant et de maintenant, c'est regarder vers le passé. L'un des moyens d'avancer sur la voie c'est d'être le plus souvent possible ici et maintenant. Le passé est mort, le futur pas encore né, il n'y a que le présent.

Comme le dit de manière très synthétique Milarépa :

"Au début rien ne vient, au milieu rien ne reste, à la fin rien ne s'en va".

Donc je pense qu'en effet le doute, le "retour en arrière" parfois, fait partie du cheminement, c'est "normal". Jusqu'a l'Eveil. Ou là il n'y a plus de retour en arrière puisque toute notion, tout dualisme disparaît.

Est ce que dire les choses ainsi t'aides ?

love_3

Re: Le doute

Publié : 31 janvier 2017, 18:52
par Circé
Oui, tu m'aides!
je n'avais pas pensé a considérer le doute sous l'angle de la vacuité.
Merki, Compagnon.

Re: Le doute

Publié : 31 janvier 2017, 19:50
par Compagnon
Remercies Tich Nath Hanh, c'est un très bon professeur je crois :)

Il insiste beaucoup sur le fait de se débarrasser de toute forme de dualisme. Il insiste beaucoup sur le fait que toute pensée duale mène tôt ou tard au fanatisme et à la souffrance. Le bouddhisme vietnamien est je crois influencé notamment par le taoïsme et cela se sent dans les propos de Tich Nath Hanh.

Avoir de la compassion pour les autres, la souffrance des autres c'est commencer a avoir de la compassion (et non de la complaisance) pour soi, car soi et l'autre ne sont guère différents. Nous sommes tous égaux devant dukkha.

Re: Le doute

Publié : 31 janvier 2017, 20:44
par davi
Parfois il m'arrive de me demander si ça ne serait pas plus simple, moins douloureux, de penser comme un pur matérialiste : une seule et unique vie, pas d'effets au-delà de cette vie, le hasard qui régit nos expériences, pas d'efforts à fournir, ni remords ni regrets ni scrupules, pas de promesse, pas de fol espoir, jouissance de tous les instants... ::mr yellow::

Re: Le doute

Publié : 01 février 2017, 06:26
par Compagnon
Oui , suivre le troupeau, se comporter comme le troupeau , quitte à se renier soi-même, à se trahir soi-même (surtout quand on est par nature un peu différent) est d'un confort séduisant. Mais le prix est élevé (je ne parle même pas du cheminement spirituel) car on ne vie qu'a moitié. Et donc on souffre.

Re: Le doute

Publié : 01 février 2017, 10:29
par Circé
ted a écrit :Circé, je crois que tu n'as pas forcément envie de redevenir comme ça, mais plutôt que tu t'ennuies parfois non ?

@Davi
C'est toujours plus confortable sur l'instant de suivre le troupeau. Revoir le film Matrix, en cas de doute... :)
Exact. parfois la tentation de la facilité, se laisser aller à ses instincts basiques, un peu comme un animal.
C'est vrai aussi que je m'ennuie, que la vie m'ennuie parce que je n'y vois aucune finalité.

Re: Le doute

Publié : 01 février 2017, 14:05
par Compagnon
Qui dit finalité dit but, dit bout du chemin, cela sous entend qu'on regarde au loin, comme si l'important était au loin, à atteindre, alors que l'importance c'est ici et maintenant.

De toute façon il n'y a aucun doute sur la fin, nous avons tous la même destination au bout d'un certain temps : la mort de cette forme, car les conditions ne seront plus réunies pour qu'elle se maintienne. Tous égaux devant cela. Aucune surprise.

La finalité c'est vivre ici et maintenant. L'important n'est pas demain, c'est maintenant. Ainsi au moment de mourir au moins on pourra se dire que l'on a vécu. Pas de regrets, mort paisible.

C'est brutal de dire les choses ainsi mais c'est la stricte vérité. Qui souhaiterait d'une mort dans la douleur, le regret et l'angoisse ?

Il y a des moines tibétains qui se lèvent chaque matin en se disant : ce jour peut parfaitement être le dernier de ma vie, je dois le vivre pleinement, être ici et maintenant à chaque seconde, et quand il se couchent ils se disent : je peux très bien ne pas me réveiller.

Et ils se lèvent chaque matin en étant heureux d'être toujours là, car dans leur sommeil il aurait pu se passer tellement de chose qui auraient mis fin à leur vie que c'est un vrai miracle qu'ils soient toujours là. Donc autant ne pas gâcher ce sursis !

Re: Le doute

Publié : 01 février 2017, 18:36
par ted
  • " Il était une fois un homme qui était fasciné par les dragons. Les murs de sa maison étaient tapissés de peintures de dragons, et chaque étagère était remplie de figurines et de statues de dragons. Un jour, un vrai dragon se trouva à regarder par la fenêtre. Lorsqu'il vit toutes ses images de dragons, il déborda de joie, car ici, clairement, habitait quelqu'un qui aimait les dragons. Il serait sûrement très heureux qu'un vrai dragon vienne lui rendre visite. Mais lorsque l'homme regarda dehors et vit le dragon, il eut si peur qu'il s'évanouit sans attendre.
    "
    Meet the real dragon - Gudo Wafe Nishijima
Image
Circé

Comme disait Jean, on abandonne un plaisir que pour un autre plaisir égal ou supérieur.

Nous avons de bonnes intentions. Et nous adhérons aux valeurs du bouddhisme (compassion, non violence, responsabilité, impermanence, etc...)

Mais ça ne suffit pas. Cela revient à accrocher des images de dragons aux murs. Il faut voir nos vêtements emportés par l'haleine brûlante du Vrai Dragon, dont l'énorme tête et l'oeil rond apparaît par la fenêtre, pour comprendre le sens de notre engagement.

Ce vent printanier, féminin et impertinent qui t'emporte Circé, et qui souffle pour chasser l'ennui, c'est aussi le souffle du dragon. Mais tu dois le reconnaître comme tel.

Grande Félicité veut dire aussi "immense plaisir". Il y a une source de plaisir intense à découvrir, qu'elle soit dans samatha, dans le premier jhana, dans l'état naturel ou dans l'apparition de prajna... etc...

Ce n'est pas le plaisir de respecter un dogme. Il n'y a pas de dogme. C'est autre chose. Une jubilation secrète liée à une compréhension tout aussi secrète. Faut te brancher sur cette compréhension là. Elle peut surgir au détour de n'importe quelle pratique. Elle ne dépend pas de toi. C'est une véritable jouissance. Et même si elle se met de temps en temps en veille, son empreinte t'accompagne dans tes choix. Et une simple séance de méditation, voire une légère concentration sur le souffle, ranime la flamme. C'est un précieux trésor, toujours à portée. Tu pourras même faire un doigt d'honneur sans aucune espèce de conséquence négative.

Mais tu sais déjà tout ça. Tu joues avec le bijou au fond de ta poche. :)

Re: Le doute

Publié : 02 février 2017, 12:25
par Circé
Merci Ted.
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