Peurs et autres idées...
La peur de la mort est-ce une peur de la mort ou celle d’une idée de la mort ? Dans les deux cas, quelle est sa fonction ?
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Dhammapada


Je pense que la peur est celle de l'idée de la mort et non de la mort elle-même. Je vais essayer d'expliquer pourquoi (désolé si c'est un peu long) :
Prenons le cas d'une personne qui se promène dans les bois et voit un mouvement au sol qui évoque un serpent. En réalité, il ne s'agit que de l'ombre d'une branche d'arbre secouée par le vent. Quelle sera la réaction de la personne ?
En 1er lieu vient la surprise, mêlée de peur, car le circuit neurologique suit d'abord la voie dite "basse". En clair, l'impression rétinienne de l'ombre est transmise en premier lieu au cerveau archaïque (thalamus). L'homme, depuis sa genèse, est doté d'un cerveau archaïque qui reçoit tous les signaux de l'extérieur et va les interpréter d'une façon très archaïque (danger, manger, se reproduire...). Si c'est un signal qui met la vie en danger — et le cas d'une ombre qui évoque un serpent est interprété comme un danger par le cerveau archaïque — le thalamus envoie aussitôt un signal à une petite glande (qui se situe à proximité) qui est l'amygdale. L'amygdale, recevant un signal de danger par le thalamus, va provoquer (et faire ressentir) la peur du danger et la personne est donc tentée de fuir et fuira s'il ne reçoit pas un signal qui va inhiber cette peur. Cette peur est donc utile, a priori, parce qu'elle est censée protéger l'individu des dangers qu'il court.
En second lieu vient l'analyse, qui est le résultat du circuit neurologique qui suit la voie dite "haute". En clair, le thalamus, quand il a reçu un signal qu'il interprète comme un danger potentiel a non seulement envoyé l'information vers l'amygdale, mais aussi vers le cortex (le cerveau de la réflexion, de l'analyse...). La voie haute est donc le circuit thalamus-cortex. Le cortex va analyser le signal et va comprendre (plus ou moins rapidement) qu'il ne s'agit pas d'un danger mais de l'ombre d'une branche d'arbre. Il va donc envoyer — aussitôt qu'il a compris — un message à l'amygdale qui va aussitôt inhiber la sensation de peur, et tout va rentrer dans l'ordre (la personne ne fuira plus).
Ceci étant compris, je vais à présent parler de deux grands maîtres du Zen : le 4ème Patriarche (Taosin) et un ermite qui lui était contemporain (Nietou).
Taosin avait entendu parler de Nietou, en particulier que celui-ci vivait en pleine nature et que les animaux, y compris les plus dangereux, étaient ses amis. Taosin décida donc de lui rendre visite et il s'ensuit entre eux une discussion à propos de la nature de l'esprit. Quand Nietou (qui avait aussi entendu parler de Taosin) compris que ce dernier souhaitait le rencontrer, il l'invita à boire un thé à son ermitage. En chemin, un tigre surgit et Taosin sursauta en criant. Nietou dit : "la peur est encore en vous !". Puis ils arrivèrent à l'ermitage et Nietou alla préparer du thé pendant que Taosin l'attendait à l'extérieur. Taosin remarqua alors le siège où avait l'habitude de s'asseoir Nietou et y dessina l'idéogramme du Bouddha. Quand Nietou revint avec le thé et qu'il voulu s'asseoir, il hésita, car — voyant l'idéogramme — il craignit le blasphème. Et Taosin dit alors : "la peur est encore en vous".
Cette histoire zen montre bien que Taosin a eu une réaction naturelle, liée à la voie basse et au signal thalamus-amygdale. Son cerveau archaïque a interprété la présence du tigre comme un signal de danger (un tigre est un vrai danger). Le cortex est intervenu en second lieu quand il a réalisé qu'il ne risquait rien en présence de Nietou qui était l'ami du tigre (ce qui inhiba la peur initiale). En revanche, dans le cas de Nietou, le problème est bien différent, car l'idéogramme du Bouddha n'est pas inscrit dans le thalamus comme un danger potentiel. Le signal est donc venu du cortex vers l'amygdale, non pas pour inhiber mais au contraire pour activer sa peur ou sa crainte du blasphème. La peur est donc ici la conséquence d'une interprétation, d'une idée, et non de quelque chose de réel. Et c'est la raison pour laquelle Nietou demanda finalement à Taosin de lui enseigner le Dharma.
Si nous avions naturellement peur de la mort, alors la mort serait inscrite comme un danger dans le thalamus. Mais le danger ne vient pas de la mort mais de ce qui est susceptible de la produire. C'est très différent et fondamental à comprendre. Ceci montre que si nous interprétons la mort comme un danger, cela ne peut venir que du cortex et donc de l'analyse et non du thalamus. Ce qui veut dire que la peur de la mort est en réalité la peur de l'idée de la mort en ce qu'elle représenterait un danger pour nous. Or, la mort en elle-même n'est pas dangereuse. Elle est même utile d'un certain point de vue. De fait, quand la mort est comprise comme un danger, et qu'elle est inévitable, alors on ne peut plus fuir et c'est le drame ! Cette peur là est donc inutile. Pire que ça, elle est nuisible.
Prenons le cas d'une personne qui se promène dans les bois et voit un mouvement au sol qui évoque un serpent. En réalité, il ne s'agit que de l'ombre d'une branche d'arbre secouée par le vent. Quelle sera la réaction de la personne ?
En 1er lieu vient la surprise, mêlée de peur, car le circuit neurologique suit d'abord la voie dite "basse". En clair, l'impression rétinienne de l'ombre est transmise en premier lieu au cerveau archaïque (thalamus). L'homme, depuis sa genèse, est doté d'un cerveau archaïque qui reçoit tous les signaux de l'extérieur et va les interpréter d'une façon très archaïque (danger, manger, se reproduire...). Si c'est un signal qui met la vie en danger — et le cas d'une ombre qui évoque un serpent est interprété comme un danger par le cerveau archaïque — le thalamus envoie aussitôt un signal à une petite glande (qui se situe à proximité) qui est l'amygdale. L'amygdale, recevant un signal de danger par le thalamus, va provoquer (et faire ressentir) la peur du danger et la personne est donc tentée de fuir et fuira s'il ne reçoit pas un signal qui va inhiber cette peur. Cette peur est donc utile, a priori, parce qu'elle est censée protéger l'individu des dangers qu'il court.
En second lieu vient l'analyse, qui est le résultat du circuit neurologique qui suit la voie dite "haute". En clair, le thalamus, quand il a reçu un signal qu'il interprète comme un danger potentiel a non seulement envoyé l'information vers l'amygdale, mais aussi vers le cortex (le cerveau de la réflexion, de l'analyse...). La voie haute est donc le circuit thalamus-cortex. Le cortex va analyser le signal et va comprendre (plus ou moins rapidement) qu'il ne s'agit pas d'un danger mais de l'ombre d'une branche d'arbre. Il va donc envoyer — aussitôt qu'il a compris — un message à l'amygdale qui va aussitôt inhiber la sensation de peur, et tout va rentrer dans l'ordre (la personne ne fuira plus).
Ceci étant compris, je vais à présent parler de deux grands maîtres du Zen : le 4ème Patriarche (Taosin) et un ermite qui lui était contemporain (Nietou).
Taosin avait entendu parler de Nietou, en particulier que celui-ci vivait en pleine nature et que les animaux, y compris les plus dangereux, étaient ses amis. Taosin décida donc de lui rendre visite et il s'ensuit entre eux une discussion à propos de la nature de l'esprit. Quand Nietou (qui avait aussi entendu parler de Taosin) compris que ce dernier souhaitait le rencontrer, il l'invita à boire un thé à son ermitage. En chemin, un tigre surgit et Taosin sursauta en criant. Nietou dit : "la peur est encore en vous !". Puis ils arrivèrent à l'ermitage et Nietou alla préparer du thé pendant que Taosin l'attendait à l'extérieur. Taosin remarqua alors le siège où avait l'habitude de s'asseoir Nietou et y dessina l'idéogramme du Bouddha. Quand Nietou revint avec le thé et qu'il voulu s'asseoir, il hésita, car — voyant l'idéogramme — il craignit le blasphème. Et Taosin dit alors : "la peur est encore en vous".
Cette histoire zen montre bien que Taosin a eu une réaction naturelle, liée à la voie basse et au signal thalamus-amygdale. Son cerveau archaïque a interprété la présence du tigre comme un signal de danger (un tigre est un vrai danger). Le cortex est intervenu en second lieu quand il a réalisé qu'il ne risquait rien en présence de Nietou qui était l'ami du tigre (ce qui inhiba la peur initiale). En revanche, dans le cas de Nietou, le problème est bien différent, car l'idéogramme du Bouddha n'est pas inscrit dans le thalamus comme un danger potentiel. Le signal est donc venu du cortex vers l'amygdale, non pas pour inhiber mais au contraire pour activer sa peur ou sa crainte du blasphème. La peur est donc ici la conséquence d'une interprétation, d'une idée, et non de quelque chose de réel. Et c'est la raison pour laquelle Nietou demanda finalement à Taosin de lui enseigner le Dharma.
Si nous avions naturellement peur de la mort, alors la mort serait inscrite comme un danger dans le thalamus. Mais le danger ne vient pas de la mort mais de ce qui est susceptible de la produire. C'est très différent et fondamental à comprendre. Ceci montre que si nous interprétons la mort comme un danger, cela ne peut venir que du cortex et donc de l'analyse et non du thalamus. Ce qui veut dire que la peur de la mort est en réalité la peur de l'idée de la mort en ce qu'elle représenterait un danger pour nous. Or, la mort en elle-même n'est pas dangereuse. Elle est même utile d'un certain point de vue. De fait, quand la mort est comprise comme un danger, et qu'elle est inévitable, alors on ne peut plus fuir et c'est le drame ! Cette peur là est donc inutile. Pire que ça, elle est nuisible.
Ça ne peut être qu'une peur de l'idée de la mort, certainement bien utile pour survivre parfois ...c'est sans doute aussi lié à l'attachement et aux résistances, mais tu parles de quelle mort ? La grande ou les petites morts de chaque instant ?
Sinon, les images mots "cerveaux archaïque" et "cortex" donnent un sens à l'histoire (la peur archaïque a cette fonction de préservation et le cortex fournit la représentation), mais où nous sommes vraiment là dedans je ne sais pas...
Sinon, les images mots "cerveaux archaïque" et "cortex" donnent un sens à l'histoire (la peur archaïque a cette fonction de préservation et le cortex fournit la représentation), mais où nous sommes vraiment là dedans je ne sais pas...
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
Je ne partage pas ton avis sur l'utilité d'avoir peur de l'idée de la mort pour survivre. C'est là, précisément à mon sens, considérer la mort comme un danger. Or, ce qui est utile, c'est de reconnaître un danger pour pouvoir échapper à la mort et non considérer la mort elle-même comme le danger, car on ne peut pas fuir un tel danger puisque la mort est inéluctable. C'est un vrai drame, si l'on ne peut fuir.Axiste a écrit :Ça ne peut être qu'une peur de l'idée de la mort, certainement bien utile pour survivre parfois ...
Ce qui est utile, à mon sens, par rapport aux maladies mortelles (comme le cancer), par exemple, c'est de reconnaître en elles un danger et de se (faire) soigner sans tarder. Mais c'est souvent l'inverse qui se produit : l'idée de mourir est tellement forte qu'elle paralyse et peut retarder les soins (quand les personnes consultent trop tard, par exemple).
C'est plus qu'un sens à l'histoire. Il s'agit de découvertes relativement récentes en neurobiologie qui nous concernent tous, sans exception. Les voies basse et haute, avec le rapport à l'amygdale, ont été mises en évidence et c'est bien le cortex qui inhibe la peur et c'est donc le cortex qui peut l'entretenir. D'où l'idée (très mauvaise) de certains de "ne plus y penser" car la peur n'est pas réellement inhibée (elle est seulement remplacée par une autre qui est celle de la pensée de la mort — qu'on cherche à éviter, donc).Sinon, les images mots "cerveaux archaïque" et "cortex" donnent un sens à l'histoire (la peur archaïque a cette fonction de préservation et le cortex fournit la représentation), mais où nous sommes vraiment là dedans
Pour ma part, cette peur vient du faite que l'image d'un soi durable que l'on fabrique( l'atman ou anatta) est mise à mal au moment où le corps et l'esprit cessent de fonctionner et c'est sur ce duo corps-esprit que l'on attache le "moi".
Dissocier le danger de la mort pour éviter le danger…et donc éviter la mort qui lui est associé en prenant conscience qu'on peut faire quelque chose, certes.Or, ce qui est utile, c'est de reconnaître un danger pour pouvoir échapper à la mort et non considérer la mort elle-même comme le danger.
Je ne sais pas si je comprends bien ta phrase mais je l'aborde comme la fable de la grenouille qu'on chauffe progressivement et qui ne s'en rend guère compte (elle est anesthésiée lentement) et de la grenouille qu'on ébouillante et qui saute dans l'instant pour fuir le danger cette fois ci bien perçu
Mais à part vivre ses petites morts en conscience, la mort physique finale on aura toujours du mal à la vivre avant l'heure ou à l'appréhender parce qu'elle reste au niveau de la pensée
Il y a des milliers de façons de partir, on voit les gens autour de nous qui s'en vont et on peut aussi s'observer vieillir, mais ce sont toujours des pensées, généralement on en reste là
A moins de faire des méditations approfondies sur le sujet…et là on en vient aux conclusions d'Upekkhā
Mais qui serais-je pour prétendre ne plus avoir peur de la mort ? Tant qu'on ressent son corps, ça me semble une prise de conscience qui se fait toujours en pointillés : parfois on est dans la peur, d'autre fois on ne l'est plus vraiment
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
Et c'est là que l'on voit le gouffre entre l'intellect et l'expérience directe du nirvana. Par exemple, pour moi - intellectuellement - la mort est tout à fait normale et je trouve que, en y réfléchissant, c'est un peu insensé d'avoir peur de quelque chose de naturel et qui nous arrivera de toute manière. Mais au moment de ma mort ou qu'un danger mortel se présentera , il est peu probable que je sois serein et que je me dise "c'est normal, stresse pas! " (sauf peut être si c'est une mort douceMais à part vivre ses petites morts en conscience, la mort physique finale on aura toujours du mal à la vivre avant l'heure ou à l'appréhender parce qu'elle reste au niveau de la pensée

Oui, je pense que c'est juste, on ne sait pas comment on réagira quand elle se présentera, on n'en connait ni les circonstances, ni le décors, etc..tout cela qui influera peut-être sur nos états d'esprits à ce moment là
Je vois des gens qui sont prêts à mourir, qui n'attendent plus rien de la vie,qui appellent la mort, d'autres qui s'accrochent à la vie avec une grande vigueur et fougue, et des gens qui ne se posent pas la question...ou qui l'évitent.
Des gens en paix ou tourmentés, des gens avec mille états d'esprits différents
Mais même ces états traversent des zones d'oscillations, des zones de doute ou d'acceptation
Oui, le lâcher prise à ce moment là...mais cela se fera comme ça se doit, comme on pourra l'aborder... de toutes les façons.
Je vois des gens qui sont prêts à mourir, qui n'attendent plus rien de la vie,qui appellent la mort, d'autres qui s'accrochent à la vie avec une grande vigueur et fougue, et des gens qui ne se posent pas la question...ou qui l'évitent.
Des gens en paix ou tourmentés, des gens avec mille états d'esprits différents
Mais même ces états traversent des zones d'oscillations, des zones de doute ou d'acceptation
Oui, le lâcher prise à ce moment là...mais cela se fera comme ça se doit, comme on pourra l'aborder... de toutes les façons.
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
Merci pour le partage de vos points de vues. Force est de constater que cette peur est bien ancrée et même avec les explications scientifiques de Dumè, on ne peut véritablement la circoncire au risque de devenir une sorte ciborg insensible, à l'image de ces jihadistes qui gobent cette amphétamine nommée captagon qui inhibe totalement leurs peurs, y compris celle de la mort. Si je comprends bien l'idée de la mort et la peur qui l'accompagne est à la fois utile et inutile ?
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Dhammapada


Je ne sais pas, certaines personnes partent très sereinement. Les peurs sont parties parce qu'elles n'attendent plus rien de la vie, elles attendent leur heure en quelque sorte. La peur permet de ne pas tuer dans l'exemple que tu donnes, mais est-ce vraiment ce qui doit motiver le respect de l'intégrité ? Je ne pense pas...je pense qu'on n'a pas le droit de vie ou de mort parce que ça ne nous appartient pas en propre, c'est s'approprier le corps de l'autre...l'euthanasie me pose d'ailleurs un problème, je pense qu'on doit atténuer les souffrances au maximum, mais comme je serai incapable de débrancher pour les raisons évoquées, je ne suis pas pour...qui sait ce qui se joue pour la personne à ce moment là ?
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