Dumè Antoni a écrit :La juste compréhension des choses n'est pas subordonnée à la vue médiane, elle EST la vue médiane
Cette proposition n'est qu'un postulat. La voie médiane n'est du reste pas une Vue, au sens du Zen comme au sens du Dzogchen et de bien d'autres Voies encore. Il convient de l'avoir à l'esprit, si l'on veut être logique jusqu'au bout. Voici, avec des propositions similaires mais dans un autre registre, l'équivalent de ce que tu es en train de nous dire, et cela manifestement sans t'en rendre compte :
1) Postulat : Dieu est la Vérité absolue (équivalent dans le registre bouddhique à "la vue médiane est la juste compréhension des choses")
2) Affirmer que Dieu n'est pas la Vérité absolue est donc une erreur (les vues qui affirment le contraire de ce qu'affirme la vue médiane sont donc dans l'erreur)
3) Ce qui prouve que Dieu est la Vérité absolue (ce qui prouve que la vue médiane est la juste compréhension des choses)
Les propositions 2 et 3 sont logiques en ce qu'elles découlent du postulat initial. Le problème est que l'on ne peut pas démontrer la véracité du postulat ni démontrer le contraire (c'est une proposition indécidable). Si tu devais être logique et modéré, tu devrais te contenter de dire que la vue médiane ne reconnaît pas les propositions qui la contredisent et en rester là. Mais tu ne peux pas t'empêcher, avec des sourires de condescendance qui montrent le mépris que tu éprouves pour les traditions qui ne reconnaissent pas la voie médiane comme une Vue, que ces traditions sont dans l'erreur, alors que tu ne peux démontrer que la voie médiane est une Vue, et qu'on peut même démontrer le contraire, car une Vue ne peut pas être une proposition négative et aboutir à la conclusion que "rien n'échappe à la vacuité". Que tu le décides ou non, une telle proposition est imparfaite et rigoureusement nihiliste. Et comme elle n'est pas une Vue, au sens des traditions basées sur la Vue et non sur les inférences logiques (dont il convient de rappeler que Çakyamuni les a déclarées incapables de saisir la 3ème Noble Vérité), elle est donc irrecevable.

L'exemple de postulat que tu donnes n'a rien à voir avec ce que je dis parce que j'ai montré qu'assimiler la vacuité et l'impermanence n'est pas la vue médiane (qui est bien une vue, la vue libératrice exposée par Nagarjuna tel que prophétisé par le Bouddha).
La vue médiane est être au-delà des extrêmes, et assimiler la vacuité à l'impermanence implique forcément des extrêmes comme par exemple le non-né qui serait doué d'un soi absolu vu qu'il ne dépendrait pas de causes et conditions.
Nous avons tous que le Bouddha a donné plusieurs types d'enseignements pour adapter son discours à différents auditoires. Peut-être que dans les sources sur lesquelles tu t'appuies (lesquelles d'ailleurs ?) le Bouddha déclare les inférences incapables de saisir la 3ème noble Vérité, mais dans d'autres comme le
Samadhiraja Sutra, il dit qu'il faut analyser le non-soi et qu'en dehors de cette analyse, il n'est pas d'autre porte vers la libération. C'est pour ça que Sa Sainteté le Dalaï Lama dit qu'il faudrait étudier les Lam Rims à l'envers et commencer par la perfection de sagesse parce que tout le reste en découle: la certitude de la possibilité de la 3ème noble Vérité justement parce que nous ne sommes pas des êtres ordinaires en soi.
En tant que zeniste, je ne reconnais pas la Voie médiane comme une Vue.
La voie médiane est une vue et une vue juste (
samyak-drishthi, parmi le Noble Octuple Sentier), et le Dzogchen n'y échappe pas parce que l'essence pure ne va pas plus loin que la pureté par rapport à un soi. Quant au Zen, je n'y connais pas grand-chose, mais j'espère que tu ne le représentes pas en son entier car si c'était le cas, alors le Zen serait simplement une voie mondaine, à côté de la voie médiane, et ne serait tout simplement pas une voie libératrice puisque ce qui nous enchaîne au cycle est une adhésion au soi.
Si la juste compréhension des choses n'était pas la vue médiane, alors elle serait l'adhésion à un extrême ! C'est tellement fastoche à comprendre que je me demande pourquoi quelqu'un d'aussi intelligent que toi et d'aussi éduqué en logique passe à côté du truc.

Regarde ce que tu dis sur mon supposé
mépris des traditions qui ne reconnaissent pas la voie médiane: c'est une hallucination totale; ton esprit adhère à un soi nommé "mon [supposé] mépris des traditions qui ne reconnaissent pas la voie médiane"; qu'est-ce qui se passe en toi ? Aversion, le poil qui se hérisse et tout le tintouin ! Tout le samsara se trouve dans une telle saisie d'un soi.
Pour les traditions autres que bouddhistes, c'est normal que d'entretenir de telles vues, et tant mieux si les gens y trouvent leur compte, mais si on se réclame du Bouddhisme, c'est dommage d'entretenir des vues fausses et de faire croire à qui veut l'entendre que c'est la solution au problème qu'on traîne depuis toujours. Surtout qu'on a déjà débattu sur cette question, et il ne me semble pas que tu aies posé des arguments convainquants pour démontrer que la vue médiane s'arrêterait à ce que tu en comprends.
Le problème est que l'on ne peut pas démontrer la véracité du postulat ni démontrer le contraire (c'est une proposition indécidable)
... oui, tant qu'on ne s'est pas donné la peine d'étudier les traités fondateurs de la vue médiane, comme ceux de Nagarjuna. As-tu seulement ouvert un seul de ses traités ?
Ceci clos la discussion puisque la phrase "la juste compréhension des choses est la vue médiane" est irrecevable dans ma tradition.
Est-ce parce que tu as étudié Nagarjuna et y as trouvé des incohérences logiques ou bien est-ce parce-que-c'est-comme-ça-et-pis-c'est-tout ? Quelle qu'en soit la raison, tant que tu voies midi à ta porte, c'est très bien ainsi.
Comme je l'ai indiqué ailleurs, il y a plusieurs sens au mot "vue" et affirmer un sens ne revient pas à infirmer les autres acceptions. On peut évoquer la vue médiane sans pour autant nier que la vue du Dzogchen ou celle des Tantras soient autres; et ça non plus ça ne veut pas dire que le Dzogchen ou les Tantras échappent à la vacuité: c'est impossible !
