J'ai trouvé un petit texte sur le net qui a été écrit par un pratiquant et j'avoue qu'il a bien expliqué les choses :
La question du renoncement aux plaisirs physiques
Posée en ces termes, cette question n'est pas la question centrale. Il n'est pas surprenant de voir que c'est autour de
cette thématique que certains auteurs occidentaux alimentent les citations et les commentaires.
On sait bien que c'est l'un des points sur lesquels l'occident a le plus de difficultés à produire une réflexion
équilibrée.
Il faut tout d'abord dire que l'Inde est la civilisation du renoncement. Il n'est pas rare de rencontrer, encore
aujourd'hui, des hommes et des femmes qui ont tout quitté (y compris leur fortune parfois importante) pour mener
une vie d'ascète mendiant.
Les textes font état de termes qui peuvent surprendre tels que "éradication, "suppression", "anéantissement" et qui
ne doivent pas nécessairement être pris au pied de la lettre.
En effet :
1°) Ces termes doivent être remis dans le contexte indien de l'époque, et en particulier par rapport à la notion de
libération totale (Nibbana). La démonstration bouddhique était justement de montrer que la libération totale était
possible dans cette vie (et pour tous), ce qui n'avait jamais été fait jusqu'à là.
2°) Il convient de recadrer cette terminologie avec ce qui est l'essentiel de la méthode bouddhique à savoir; la
maîtrise de l'attachement aux choses et des processus de causalité. Cette démarche, qui constitue une véritable
discipline de vie et qui a pour visée la suppression de dukkha, sert précisément de tronc commun à tout un
ensemble d'activités culturelles ou physiques dans toute l'Asie (arts martiaux, art du thé, calligraphie ...).
Ce recadrage, c'est de prendre cette terminologie avec une acceptation pratique, concrète, et ayant pour but la
réalisation d'un projet défini (le tireur à l'arc japonais, met en repos sa pensée et apprivoise ses sensations pour
que la flèche ne soit déviée par aucune interférence et qu'elle atteigne le centre de la cible).
Il faut être attentif aux acceptations des certains mots provenant d'autres conceptions, dans notre propre culture,
dans notre vision occidentale du monde et dans notre époque.
Sur le fond du problème, renoncer aux plaisirs des sens, sans savoir ce que sont les plaisirs des sens, sans
comprendre comment fonctionnent les sens et le plaisir qu'ils procurent, cela évidement frise l'absurde.
Nier le corps, se couper du corps, rejeter le corps, évidemment ça ne marche pas. Ça ne marche pas, parce que le
corps lui existe, le corps lui se manifeste, le corps lui à sa vie fantasmatique propre, ses pulsions, ses besoins.
Nier le corps, cela conduit en occident (et ailleurs) à des spectaculaires cas de schizophrénie aggravée. N'oublions
pas que la découverte de thérapie psychanalytique a débuté avec une nouvelle approche de l'hystérie (Cours du
Professeur Charcot auxquels a assisté S. Freud) mettant en évidence les ravages chez les sujets atteints, de la
négation du corps et de ses besoins fondamentaux.
Ce type de négation du corps conduit aux frustrations, aux déviations et à l'intolérance.
Je ne vois nulle part de bonne raison pour nier le corps, pour rejeter les sensations corporelles.
La beauté, l'attirance, la sensualité, l'ivresse sont justement les moyens qu'ont mis en place les espèces vivantes
pour se reproduire et pour se développer (que l'on considère les substances olfactives sécrétées par certaines
espèces, ou le déploiement de couleurs par certains oiseaux pour attirer leurs congénères). Nier cela, c'est nier la
vie même.
La beauté, la sensualité, la séduction sont des éléments fondamentaux de la perpétuation de la vie, de la pulsion de
vie.
Le renoncement dont il est question dans le bouddhisme s'adresse à celui qui a fait le choix de s'engager sur le
chemin qui conduit à la cessation de dukkha.
Dukkha (la peine, la souffrance, la frustration, l'inobtention, l'inachèvement, l'interruption ....) fait partie de la vie
et du plaisir lui-même, dukkha est indissociable de la vie. Cette composante est, me semble t-il, bien comprise et
bien acceptée, y compris de ceux qui acceptent le plaisir de leurs sens.
Ce que déclare le bouddhisme aux plaisirs des sens, ce n'est pas la guerre aux sensations, ni aux sens, c'est la
compréhension juste du plaisir à partir de l'exercice des sens, du fonctionnement des sens à partir du corps, des
échanges sensoriels entre le corps et le monde extérieur ...
Ce qui est dukkha ce n'est pas le plaisir des sens en lui-même, ce qui est dukkha c'est la croyance que le plaisir des
sens est la solution à tous nos problèmes (le bonheur). Bien sûr, il ne l'est pas, ou s'il l'est, il l'est d'une manière
provisoire et illusoire. Et bien sûr, il engendre à son tour, dukkha et bien sûr il ouvre à chaque fois sur un nouveau
cycle : apparition de la satisfaction, atténuation de la satisfaction, perte de la satisfaction, recherche de la
satisfaction (que ce cycle dure quelques instants, quelques heures, quelques jours, ou une vie entière). Ce qui est
dukkha, c'est l'irrépressible attachement, l'aliénation au plaisir des sens, ce qui d'ailleurs altère l'essence même du
plaisir des sens. C'est la notion même de non-connaissance (ignorance ou avija) ; prendre le désir comme un
espoir de solution.
Sachant que le plaisir des sens n'est pas la solution à tous les problèmes, il change de nature et de fonction pour
redevenir ce qu'il est, tout simplement, c'est-à-dire le plaisir des sens.
A quoi bon le désirer ou ne pas le désirer, puisque le plaisir des sens n'est pas la solution à tous nos problèmes ? A
quoi bon le combattre, le rejeter, le nier, puisqu'il n'est rien d'autre que le plaisir des sens ? Le plaisir des sens
advient, il est ce qu'il est, tout simplement, rien de plus et rien de moins.
Pour celui qui choisit le chemin qui conduit à la libération de dukkha, le plaisir des sens n'est évidement pas un
raccourci, mais chacun reste libre de la voie et des moyens qu'il utilise pour atteindre ses objectifs. Si le
bouddhisme doit véritablement s'imposer à vous comme étant votre voie, le plaisir des sens tombera tout seul,
comme un fruit trop mur.
La notion de "renoncement" suppose une suspension librement consentie, pleinement comprise et acceptée, non
seulement du point de vue intellectuel et sensoriel, mais aussi du point de vue fonctionnel. A ce titre, il est
toujours amusant de lire certains auteurs sur le bouddhisme faire part à longueur de pages de leur dégoût pour le
corps et pour les sens, de leur amertume face à leurs propres échecs affectifs ou sensuels, et puis proclamer avec
fougue leur "renoncement" aux plaisirs des sens.