Omniscience ou liberté peut-on choisir ?

Dumè Antoni

Fa a écrit :Regarde ce que tu écris : Si tu reconnais ta "nature de Bouddha", c'est qu'elle pré-existe, et qu'elle a un caractère universel et intemporel, qui échappe
à l'impermanence qui est le fondement du Bouddhisme des origines.
Non, ce n'est pas ce que j'ai écrit. C'est ce que tu interprètes parce que tu ne comprends pas ce qu'est la nature de Bouddha. Tu confonds le "Non-né" (qui au passage est la traduction que certains théravadins donnent de "Nibanna") avec une entité universelle et/ou intemporelle. Comme quoi, le manque d'expérience et même d'études du Bouddhisme te fait dire n'importe quoi.
Le tathāgatagarbha, « matrice » ou « embryon » de bouddha, encore appelé « nature de bouddha » ou « graine d'éveil », est le germe renfermant la nature essentielle, universelle et immortelle présente en tout être sensible, cause et potentiel d’illumination (nirvāṇa). Cette notion, inconnue du bouddhisme originel dit theravāda, fournit une base théorique à l’élargissement de la pratique aux laïcs - une des caractéristiques du mahāyāna - ainsi qu’à certaines pratiques de méditation visant l’illumination subite, comme le zen ou le dzogchen.
A moins de refuser tout raisonnement logique, le corrélat métaphysique de l'illumination subite propre au Zen, est le Tathagatagarbha encore appelé "nature de Bouddha". La "nature de Bouddha" postule bien l'existence d'une cause permanente, un invariant métaphysique.
Inutile de recopier des définitions de Wiki ou de je ne sais qui, qui sont fausses de surcroît, pour argumenter. Tu ne sais rien de ce qu'est l'illumination subite, dans le Zen comme dans le Dzogchen.

Fin de la discussion pour moi. Je ne souhaite pas débattre sur une affaire qui est pour moi entendue mais qui ne l'est manifestement pas pour tout le monde.
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Zopa2
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La douceur et l'humilité....valent mieux pour un dialogue équilibré, constructif et à la recherche de la vérité.
Dumè Antoni

Zopa a écrit :La douceur et l'humilité....valent mieux pour un dialogue équilibré, constructif et à la recherche de la vérité.
Je ne dialogue pas. Je ne m'engage dans aucun débat. Pour moi la question de la nature de Bouddha, de l'Omniscience comme de toute Sagesse du Dharmakya est une affaire entendue (ou pas) qui ne souffre aucune contestation possible ni aucune discussion. Je ne suis donc sans doute pas la personne la plus habilitée pour m'engager dans un dialogue avec douceur et humilité. Je préfère de loin les coups de pieds aux fesses. Mais je n'oblige personne à les prendre, bien sûr. C'est pourquoi je préfère me retirer de cette conversation à laquelle je n'ai participé que par erreur.
FA

pour toi, reconnaître sa nature de Bouddha, c'est postuler l'existence d'une entité éternelle ?
Postuler "la nature de Bouddha" est nécessaire, à quiconque envisage la possibilité d'une illumination subite, qui apparaît non comme une construction
mais une reconnaissance abrupte d'un soi universel transcendant.

Le concept de tathāgatagarbha, qui n’est pas accepté par le courant hînayāna, a dû au départ lutter pour s’imposer, si l’on en croit l’énergie avec laquelle ses partisans le défendent dans certains sutras. Il a fini par être universellement accepté dans l’ensemble mahāyāna / vajrayāna où il a pris une place très importante. Impliquant l’existence d’une essence ontologique transcendante dont participent tous les êtres, il rappelle le monisme des Vedas (Brahman/atman) qui l’a peut-être inspiré. Les adeptes du Bouddhisme theravāda ou du bouddhisme critique japonais considèrent que le concept d’absence de soi propre (anatta) ne permet pas d’envisager l’existence d’un soi universel transcendant, et que la déconstruction des douze maillons de la coproduction conditionnée est le seul mécanisme permettant d’aboutir à l’illumination, sans qu’il soit nécessaire de faire appel à une « graine d'éveil ».

Ils reprochent aux adeptes du concept de tathāgatagarbha de s’écarter de l’orthodoxie, ce à quoi ceux-ci opposent un certain nombre d’arguments basés sur leur lecture des soutras.

Il y a débat, parcequ'avec le postulat de la "nature de Bouddha" on aboutit à admettre l'existence d'une sorte d'Atman, ce contre quoi le Bouddha historique
avait bâtit sa philosophie...

L'Atman sorti par la grande porte de l'impermanence à coup de pompe dans le train revient par la porte de service, avec la nature de Bouddha.

Alors oui il y a débat, et je pense qu'il n'est pas clos.

jap_8
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Zopa2
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Je suis du même avis que FA lorsqu'il dit qu'il y a débat. Et c'est d'ailleurs sain que cela soit ainsi.

Après, personne n'est obligé d'y participer s'il ne le souhaite pas. Ce serait quand même le comble de l'intolérance, que de devoir forcer quelqu'un à participer à un débat qu'il estime pour sa part clos depuis le début ;-)

Pour en revenir à la nature de Bouddha, dont le Mahayana pense qu'elle est présente dans tous les êtres sensibles, certaines écoles du Grand Véhicule déclarent qu'elle est une graine de pureté, située dans la conscience base-de-tout. Sous l'influence de certaines conditions, cette graine de pureté s'activerait et se développerait. Puisqu'elle passe de vie en vie, certains peuvent y voir une sorte de soi permanent. D'où le débat, car en effet, un telle vue serait en contradiction avec la doctrine du non-soi qui est un des quatre sceaux du bouddhisme.

Cependant, d'autres écoles philosophiques appartenant également au Mahayana pensent que la nature de Bouddha n'est pas une graine de pureté, passant de vie en vie, mais qu'elle serait plutôt la nature ultime de notre conscience, c'est-à-dire le vide d'existence inhérente de notre conscience. Il ne s'agit pas de dire que la nature de Bouddha est la vacuité tout court, mais bien qu' elle est la vacuité de notre conscience. Cette école pose comme postulat que c'est parce que notre esprit est vide de nature propre, que nous pouvons le changer et nous éveiller. On voit ici, me semble t-il, que la contradiction initiale est levée.

Cependant, comme l'état d'Eveil est supposé la Perfection même, on peut ensuite se demander si cette perfection n'est pas qu''un idéal "a priori" qui doit servir de modèle à la pensée ou à l'action. Il est vraisemblable que cet idéal ne puisse jamais être atteint ; constitué comme dépassement perpétuel du réel, il serait normal que ce réel (une action, une oeuvre, une forme de vie ) ne puisse jamais rejoindre ce dépassement qu'on place au-delà de lui-même. C'est en tout cas, une question qu'on peut se poser.
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Dharmadhatu
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Zopa2 a écrit :Ce n'est qu'une opinion personnelle, mais pour moi, l'omniscience telle qu'elle est décrite dans certains textes, est un concept, non une réalité.

Je pense que c'est une illusion de croire qu'il est possible de percevoir la totalité de l'Univers, dans les trois temps, et en un seul instant. Cela relève d'un fantasme grandiose : l'homme, par nature limité, se rêve de pourvoir devenir omniscient.
Espoir ? Rêve stérile ? Délire ? Orgueil suprême ? Folie ?
Il n'y a aucun témoignage direct qui prouverait l'omniscience, ni aucun raisonnement qui tienne véritablement la route pour établir la véracité de cet état. On reste bien dans le domaine de la croyance pure, sans aucun fondement scientifique, sans témoin direct, et sans raisonnement parfaitement établi.
:D Voilà qui ressemble à une mise en exergue au début de Is Enlightenment Possible?:

Pouvons-nous vraiment "connaître" l'univers ? Mon Dieu, il est déjà tellement difficile de trouver son chemin dans Chinatown. (Woody Allen). :lol:

Pourtant, ce livre Is Enlightenment Possible? est à lui tout seul une réponse magistrale à cette question car il traduit le chapitre Pramanasiddhi du Pramanavartika dans lequel Dharmakirti donne des raisonnements sur la base d'une perception directe de la nature de l'esprit.

Bref, l'omniscience est autant possible que l'est l'illumination de toute la pièce quand on a ôté l'abat-jour d'une lampe, parce qu'illuminer est la nature de la lampe.
Zopa a écrit :Cependant, d'autres écoles philosophiques appartenant également au Mahayana pensent que la nature de Bouddha n'est pas une graine de pureté, passant de vie en vie, mais qu'elle serait plutôt la nature ultime de notre conscience, c'est-à-dire le vide d'existence inhérente de notre conscience. Il ne s'agit pas de dire que la nature de Bouddha est la vacuité tout court, mais bien qu' elle est la vacuité de notre conscience. Cette école pose comme postulat que c'est parce que notre esprit est vide de nature propre, que nous pouvons le changer et nous éveiller. On voit ici, me semble t-il, que la contradiction initiale est levée.
jap_8 Très juste.

FleurDeLotus
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Zopa2
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Dharmadhatu a écrit : :D Voilà qui ressemble à une mise en exergue au début de Is Enlightenment Possible?:

Pouvons-nous vraiment "connaître" l'univers ? Mon Dieu, il est déjà tellement difficile de trouver son chemin dans Chinatown. (Woody Allen). :lol:

Pourtant, ce livre Is Enlightenment Possible? est à lui tout seul une réponse magistrale à cette question car il traduit le chapitre Pramanasiddhi du Pramanavartika dans lequel Dharmakirti donne des raisonnements sur la base d'une perception directe de la nature de l'esprit.

Bref, l'omniscience est autant possible que l'est l'illumination de toute la pièce quand on a ôté l'abat-jour d'une lampe, parce qu'illuminer est la nature de la lampe.

FleurDeLotus
Bonjour Dharmadhatu,

J'ai tenu entre les mains le livre dont tu fais référence, il y a fort longtemps, une quinzaine d'années peut être. J'étais alors rempli d'espoirs d'y trouver un raisonnement infaillible prouvant la possibilité de l'Eveil et de l'omniscience. Je dois avouer que j'ai été déçu. Était-ce dû à la confusion de mon esprit ou bien à une argumentation plutôt tortueuse, mais une chose est sûre : ce livre ne représentait pas pour moi une réponse magistrale à ma question.
Les arguments employés ne m'ont pas convaincu.
Si une comparaison est permise (mais comparaison n'est pas raison, comme on dit), cela me faisait penser aux prétendues preuves de l'existence de Dieu, qui ont vu le jour à une époque de l'Histoire où la philosophie est devenue la servante de la théologie. La riche tradition philosophique occidentale en a le plus souvent retenue trois principales : la preuve ontologique, la preuve cosmologique et la preuve physico-théologique. Si ces "preuves" peuvent donner matière à réflexion, il n'en demeure pas moins qu'elles ne sont pas très convaincantes... D'ailleurs, depuis Kant (qui était pourtant lui-même croyant), les philosophes ont renoncé à avancer des preuves de l'existence de Dieu.

Puisque s'en tenir à des arguments rationnels n'est pas suffisant pour accepter l'idée de Dieu, et que l'incertitude n'interdit pas le choix, il faut donc recourir à la foi, du moins pour ceux qui décident de faire le choix d'adhérer à l'existence de Dieu. D'où l'importance de la foi et de l'espérance dans le Christianisme. Pour les non-croyants, plusieurs positions sont possibles : sceptique, agnostique, probabiliste, athée.

Hé bien, j'ai l'impression que c'est un peu pareil avec les arguments de Dharmakirti. D'abord, il y a une distinction à faire entre l'opinion, la foi et le savoir. Si le propre du savoir est qu'il peut être transmis à tout individu normalement intelligent et cultivé. Alors, on peut supposer que l'argumentation rationnelle qui vise à démontrer l'existence d'une chose ou d'un état puisse être transmise elle aussi à tout individu normalement intelligent et cultivé. Or, nous constatons que peu nombreux en ce monde sont ceux qui adhèrent à la possibilité de l'omniscience. Il faut également rappeler que la philosophie occidentale affirme depuis l'Antiquité que la charge de la preuve incombe à celui qui affirme. D'où l'importance de la foi dans le bouddhisme, et pas seulement à l'égard du maître spirituel mais aussi envers la doctrine.

Maintenant, j'ai lu ce livre il y a longtemps. Donc si tu as envie de revenir sur les arguments qu'il présente, pourquoi pas ? Ça me les remettra en mémoire ;-)

Amicalement,
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Dharmadhatu
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jap_8 Bonsoir Zopa,

La comparaison avec les "preuves" de l'existence de Dieu a une limite de taille: Dharmakirti dit lui-même qu'une raison/preuve, pour être valide, doit s'appuyer sur une perception directe (valide); il y a d'excellents développements dans Recognizing Reality de Georges Dreyfus. Ca explique pourquoi si peu nombreux sont ceux qui acceptent l'omniscience, car elle implique une perception directe de la nature de l'esprit.

Dharmakirti dit que, bien que le corps soit limité, l'esprit, lui, ne possède pas de limites inhérentes. On peut cultiver par exemple la compassion sans fin. Donc en gros, si on enlève l'abat-jour d'une lampe, rien ne l'empêche plus d'illuminer toute la pièce.

Bien sûr la question de la foi n'est pas négligeable parce qu'entrevoir la nature de l'esprit nécessite souvent d'être entré dans le Mahayana, d'avoir purifié suffisamment l'esprit, d'avoir rencontré un Maître qualifié etc. Donc on entre dans le Mahayana sur un acte de foi: la possibilité de l'omniscience comme étant le seul état permettant d'accomplir le bien des êtres sans plus aucune erreur, d'où le souhait de l'atteindre dans ce but qu'est bodhichitta. (C'est d'ailleurs uniquement dans ce but que l'omniscience est nécessaire, sinon Dharmakirti déclare que si c'est tout connaître pour tout connaître, autant choisir pour Maître un aigle - dont la vue est réputée grande).

Mais si on a vraiment entrevu la nature de l'esprit grâce à tout un ensemble de conditions et en particulier les insctructions d'un Maître qualifié, alors l'omniscience ne fera plus aucun doute, comme ne fait aucun doute le fait de comprendre qu'une fois l'abat-jour ôté, la lampe dont la nature est d'éclairer, ne rencontrera plus aucun obstacle dans sa capacité d'éclairer.

C'est vrai que les différentes écritures bouddhistes indiquent la définition de l'esprit comme étant clair et cognitif (claire lumière etc.), mais comme le dit Sa Sainteté le Dalaï Lama, il y a une grande différence entre connaître cette définition et savoir d'expérience de quoi il s'agit. Qu'en penses-tu ?

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jap_8

Hé bien d'abord, prenons l'idée que l'esprit est par nature clair et connaissant. Ici, la clarté renvoie à la nature de l'esprit, capable de refléter les phénomènes qui se présentent à lui.

C'est une chose d'affirmer que l'esprit perçoit ce qui se présente à lui, c'en est une autre de croire qu'il a la capacité de tout percevoir. Il y a entre ces deux affirmations une différence de taille ! Comment passe-t-on de la première affirmation à la seconde ? Par un tour de passe-passe métaphysique ;-) ou bien par une expérience réelle dont nous pourrions témoigner ?

En tout cas, certainement pas à l'aide d'une simple image, fusse-t-elle lumineuse eveil_333
La lampe avec son abat-jour qu'on retirerait est une comparaison allégorique. Ce n'est pas un raisonnement.

De plus, chacun sait que la lumière d'une lampe n'a pas la capacité d'éclairer un environnement infini.
A mesure que l'on s'éloigne de l'ampoule, la force de la lumière décroît.
A mesure que l'on s'éloigne du Soleil, l'obscurité de l'espace s'épaissit...
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Dharmadhatu
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Zopa2 a écrit :jap_8

Hé bien d'abord, prenons l'idée que l'esprit est par nature clair et connaissant. Ici, la clarté renvoie à la nature de l'esprit, capable de refléter les phénomènes qui se présentent à lui.

C'est une chose d'affirmer que l'esprit perçoit ce qui se présente à lui, c'en est une autre de croire qu'il a la capacité de tout percevoir. Il y a entre ces deux affirmations une différence de taille ! Comment passe-t-on de la première affirmation à la seconde ? Par un tour de passe-passe métaphysique ;-) ou bien par une expérience réelle dont nous pourrions témoigner ?

En tout cas, certainement pas à l'aide d'une simple image, fusse-t-elle lumineuse eveil_333
La lampe avec son abat-jour qu'on retirerait est une comparaison allégorique. Ce n'est pas un raisonnement.

De plus, chacun sait que la lumière d'une lampe n'a pas la capacité d'éclairer un environnement infini.
A mesure que l'on s'éloigne de l'ampoule, la force de la lumière décroît.
A mesure que l'on s'éloigne du Soleil, l'obscurité de l'espace s'épaissit...
jap_8 Tout d'abord merci de prendre part à ce débat, je suis très heureux que cette méthode d'apprentissage employée dans le monde indo-tibétain soit reprise sur Nangpa de manière informelle, entre potes.

Dharmakirti donne un raisonnement bien sûr: notre capacité de méditer des sentiments infinis, comme la bienveillance, la compassion, la joie et l'impartialité montre que notre esprit n'est pas fondamentalement limité. Notre esprit a non seulement la capacité d'envisager l'infini, mais il peut aussi cultiver ces sentiments à l'infini pour peu qu'on lui donne un entraînement approprié. Si notre esprit était fondamentalement limité, le mot "infini" n'aurait pu entrer dans notre vocabulaire et tout entraînement pour le faire développer des sentiments infinis ou pour lui faire accéder à l'omniscience serait au mieux inutile, au pire antinaturel: on serait de plus en plus mal dans sa peau à mesure qu'on s'entraînerait à quelque chose qui serait contraire à notre nature foncière (= la pratique de la voie vers l'Eveil).

Autre chose: combien d'objets notre esprit a-t-il reflétés jusqu'à maintenant ? combien de pensées ? Si on s'en tenait uniquement à cette existence, le compte serait immense (sans même que cette capacité soit amoindrie, contrairement à l'"usure" du soleil ou de la lampe), et si on accepte les renaissances, le compte est infini.

Sur la base d'une inférence selon laquelle seul un instant de clarté cognitive peut être la cause substantielle d'un autre instant de clarté cognitive, l'esprit est aussi infini dans le temps: pas de début, pas de fin.

C'est vrai que la comparaison de la lampe ou du soleil (tous 2 de nature finie), comme celle de la preuve de Dieu, a ses limites, mais on ne peut nier le fait que l'esprit peut développer des qualités sans fin.

Pour ce qui est du témoignage, nous savons que seuls les Bouddha historiques clament leur Eveil. Et puis s'il fallait qu'un témoignage fût l'unique preuve d'un fait, alors on devrait accepter l'existence de Dieu parce que certains disent l'avoir rencontré, ou accepter l'existence d'un atman parce que d'autres disent l'avoir réalisé, n'est-ce pas ?

FleurDeLotus
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