Dans cette mesure, notre pratique en viendra donc à conditionner et à prolonger la souffrance dont elle est censée nous délivrer. Ce qu'il nous faut, c'est une pratique ou discipline qui reconnaisse le puissant besoin qui nous anime de faire quelque chose quand notre vie devient difficile, source de souffrance ou d'ennui, et qui reconnaisse en même temps qu'aussi longtemps qu'elle est perçue comme un moyen pour obtenir un résultat futur, la pratique passe du même coup à côté du but auquel elle vise, à savoir : retrouver ce qui manque. Nous devons pouvoir appréhender la pratique d'un point de vue qui ne rejette pas plus qu'il n'accepte les présupposés et affirmations liés à toute pratique spirituelle ou psychologique. Il devrait être clair que le concept de pratique que nous développons ici ne peut pas se référer à une pratique ordinaire qui reposerait sur l'anticipation de l'accès à la liberté naturelle, perpétuant ainsi le besoin continuel de s'adonner à la pratique. Le concept de discipline que nous présentons ici correspond à une compréhension subtile et progressive, qui tient compte du fait que toute pratique conditionne et perpétue la croyance que "quelque chose manque"."
la est je crois le point clé sur lequel achoppent bien des gens, qui vont refaire du bouddhisme un édifice conceptuel auquel s'accrocher, ce qui tape a coté de la cible. Qui d'ailleurs n'existe pas....

Le silence est peut etre absence de bruit, mais le bruit n'est pas absence de silence. Le bruit est du bruit, qui se surajoute au silence, et l'empèche d'etre perçu s'il est trop fort.
Comme le disait Tozan Ryokai après avoir eu le satori en traversant une rivière, ayant vu son reflet:
"L'ayant cherché longtemps ailleurs Il me fuyait.
Maintenant je vais seul et je le rencontre partout.
Il est moi et je ne suis pas lui.
Cette compréhension est la clé de l'éternelle réalité."
Le problème n'est pas qu'il n'y ait ou pas de pratique : ultimement il faut se dépouiller meme de la pratique, et ceci, le zen, le dzogchen, le disent, et je pense que toutes les traditions non dualistes sont unanimes sur ce point : quand on a franchi la rivière, on n'a plus besoin du radeau.
Quand on a accompli le dharma, on n'a plus besoin du dharma, on se libère d'un lien de dépendance.
Cela ne signifie pas qu'on n'a plus besoin de bouddha, de dharma, de sangha, qu'on se passe de lien avec des autres, des instructeurs, qu'on refuse de recevoir de l'enseignement.
C'est juste qu'on n'attend plus ce que ça ne pourra faire pour nous : devenir libre, et vivre dans le réel.
Car vivre dans le réel, on le faisait déja avant de pratiquer.
Le Bouddha n'a jamais parlé de tradition a maintenir : tout ceci sont des constructions a posteriori pour justifier des institutions. Son discours était on ne peut plus direct.
Il ne parlait meme pas tant de technique, sauf aux moines qui le cotoyaient tout le temps. Il parlait de comment etre libre maintenant.
Après, il n'est pas sur qu'aucune pratique ne peut nous retirer ce que nous avons déja, plein de pratiques servent a se dépouiller de l'idée de quelque chose en trop pour combler un manque a etre.
Par contre, aucune pratique ne peut nous retirer ce que nous sommes déja, qui ne dépend en rien de ce que nous ayions, et que nous ne pouvons avoir, mais qui ne nous a jamais quitté. Qui était la avant qu'on ne pratique.
Souvent l'on pratique pour accèder a cette perception qui nous échappe.
Mais si l'on s'attache a la pratique, on rend le radeau plus important que le fait d'avoir été sur l'autre rive.
Le sens d'une tradition, c'est, je pense, savoir ce qu'on veut faire : construire un radeau comme il y a 2600 ans, comme en Inde, comme en Chine, comme au Tibet??
Ou savoir construire et piloter un radeau pour aller sur l'autre rive et amener du monde avec soi??
Bien sur on peut bénéficier du fait de savoir le construire comme il y a 2600 ans, comme dans un pays lointain....mais faut-il que ça puisse etre utile en 2013.
Je pense que c'est ce genre de boulot que fait un Peter Fenner, et je trouve ça intéressant.
Et on ne peut pas me taxer d'avoir été antitraditionnel, mais il est clair qu'il faut trouver comment la tradition peut vivre et etre utile efficacement dans notre monde tel qu'il est. et je pense que c'est une vraie question aujourd'hui.