Hum, message plein de questions intéressantes. Je vais tenter d'y répondre selon ce que j'en ai compris (des questions)
davi a écrit :Robi a écrit :Ainsi le Royaume de Dieu ce n'est pas un endroit ou un état où il n'y a personne (pas de soi) mais au contraire une communion entre personnes et Dieu.
A priori c'est quelque chose qui peut du coup vraiment éloigner le bouddhisme du christianisme. Pour le bouddhisme notamment c'est quelque chose de totalement exclu, que les personnes, les mêmes que celles ayant vécues leur vie terrestre, même avec un corps (et un esprit ?) glorieux, se retrouvent auprès de cette
autre personne qu'est Dieu, leur créateur. En effet, le bouddhisme fait de la croyance en la personne la raison essentielle de la non-illumination.
Oui ça je peux t'assurer que c'est 100% juste. C'est (après tous les bouquins que j'ai lu qui confrontent bouddhisme et christianisme un des points de divergence constante. Ultimement dans le bouddhisme il n'y a personne et conventionnellement c'est une illusion pour les éveillés. Pour le christianisme c'est radicalement l'inverse, la personne est une réalité (sacrée) dès ici bas et appelé à une rencontre face à face avec son Créateur (c'est la vision béatifique).
davi a écrit :Cependant je me demande si le christianisme fait de cette idée, un incontournable, ou s'il s'agit éventuellement d'une image pour se représenter quelque chose de ce qu'il indique comme étant la vie éternelle, tout en sachant que ce qui compte vraiment c'est le message d'Amour que véhicule cette religion.:
Je répondrai: non, ce qui compte ce n'est pas le message d'amour mais l'Amour lui-même ou autrement dit Dieu (le message n'est qu'un véhicule). Donc (cette idée de la pérénité éternelle de la personne, si je t'ai bien compris)ce n'est pas une image, c'est vraiment un incontournable. C'est-à-dire la Vie éternelle n'est pas la vie tout court qui se poursuit après la mort de la personne ou que cette personne se fondrait et disparaitrait en Dieu (toujours si je comprends bien ce que tu veux dire) mais c'est bien la Vie éternelle de la personne dans la communion des saints (les autres personnes ayant quitté ce monde) et la communion avec Dieu qui est la finalité. C'est la conception des choses du christianisme (et pas seulement du catholicisme) et ça s'appelle l'eschatologie (les fins dernières). Pour les chrétiens Dieu a un plan, un dessein, avec un début (la création) et une fin (la Vie éternelle). Il (Dieu) nous a créé pour cela, le voir et vivre avec lui éternellement (pour ceux qui le veulent).
davi a écrit : On pourrait par exemple reprendre cette expression de vie éternelle pour l'être illuminé car seul l'être samsarique meurt, tandis qu'un Bouddha ne meurt jamais.
Oui pourquoi pas, mais un Bouddha est-ce encore une personne? Ou à ce stade la désignation d'une équivalence genre Bouddha=vacuité? Et si il vit éternellement est-ce compatible avec la voie du milieu ni néant, ni éternalisme? (du moins pour le grand véhicule). Là je n'ai pas de réponse car justement, à ce que j'en sais le bouddhisme reste assez flou ou confus selon les écoles. En tout cas je pense qu'à ce stade, un Bouddha n'est plus une personne (c'est en tout cas ce que dit le Bouddha à Subbhuti dans je ne sais plus quel sutra) la question se pose alors, c'est quoi un Bouddha, un nirvané, si c'est plus une personne?
davi a écrit : Ensuite, pour se représenter ce qu'est la vie d'un Bouddha, c'est autre chose, difficilement imaginable ou exprimable. Dans le bouddhisme, tout du moins dit du "
grand véhicule" (que je mets entre guillemets), il existe deux branches qui sont compassion et sagesse. La réalisation des deux est nécessaire à l'illumination (et l'une alimente l'autre), et donc puisque la sagesse se rapporte principalement (dans un premier temps du moins) au non-soi de la personne, je me demande dans quelle mesure à partir du moment où l'on pratique cet Amour professé par Jésus cela ne vient pas comme une méthode pour "tuer" l'amour égotique de sa propre personne, qui isole un soi. Ainsi l'on verrait d'un côté une méthode plus analytique, enseignée par le bouddhisme, et de l'autre une méthode plus basée sur le sentiment, enseignée par le christianisme.

Tuer l'amour égotique de sa propre personne, oui mais pas tuer sa personne (unique et libre). Ce qui nous est demandé par Jésus dans cet Amour qu'il professe c'est de ne pas se mettre en avant et d'élever Dieu et les autres au-dessus de soi (sans que ce soi disparaisse), c'est ce qu'on appelle la kénose, une sorte de grande humilité comme Jésus s'est abaissé à laver les pieds de ses disciples et comme même Dieu s'est abaissé à prendre notre condition humaine à travers Jésus. Et comme lui nous aussi en s'abaissant devant nos frères (en étant humble et aimant tout simplement, bref en se faisant serviteur de nos frères) en fait on s'élève spirituellement, on se glorifie, on se divinise, on devient Amour soi-même (et c'est une joie immensément plus grande que l'amour de soi, c'est un peu paradoxal, mais c'est ça: plus on est humble et aimant plus on est élevé dans l'Amour. C'est l'état des saints et des mystiques et de tous ceux qui sont au Ciel auprès de Dieu).
En résumé, on voit donc quand même à ce niveau un parallèle certain entre christianisme et bouddhisme, c'est le suivant:
La finalité dans le christianisme (voir Dieu face à face) nécessite de mourir à son propre attachement à soi-même (c'est ce que Dieu dit à Moise: "nul ne peut me voir sans mourir" et que Jésus répètera: "si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même"), c'est la kénose. Mais, c'est certain, ce n'est pas disparaître et c'est même le salut de la personne. Et pour cause, la personne est une réalité appelée à vivre éternellement.
Dans le bouddhisme, cette nécessité du détachement de soi (illusion de toute façon) laisse place au final à un état impersonnel: le nirvana où (je pense) la personne n'est plus.
Le point commun c'est donc dans les deux cas une démarche de prise de distance nécessaire vis à vis du soi.