Une expérience est-elle partageable ?

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chercheur
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Et étant donné qu'il existe d'autres Bouddhas. Innombrables. Quand on parle à une personne, qui est-elle exactement ? Une expression de notre propre flux ? Ou bien le reflet d'un autre flux ? :roll:
Deux feuilles d'un même arbre ?

Ce mystère de l'altérité...
Nous sommes des autistes brillants, prisonniers d'une bulle d'ignorance. Incapables de voir les choses telles qu'elles sont vraiment. Incapables de voir l'autre tel qu'il est vraiment dans sa clarté/félicité/luminosité.
Ne serait-il pas parce qu'on réifie l'autre ? qu'on l'assimile à un objet (de notre haine, désir, reconnaissance... )? Qu'on le met hors de "soi" ? Ne sommes-nous pas gênés par le regard de l'autre parce que justement nous devenons un objet à ses yeux, alors que nous ne sommes bien plus qu'objet (le sac d'os) ?
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C'est étonnant comment dans les méditations concernant l'amour bienveillant et la compassion, on nous recommande de nous mettre à la place des autres êtres sensibles, pour pouvoir ressentir leur souffrance. Comment avoir de la compassion si on ne se met pas à la place de l'autre, si on ne sait pas que l'autre souffre aussi.

Pour avoir fréquenter un maître dit "éveillé" j'avais été étonné de voir comment il arrivait à refléter les émotions de la personne qu'il avait en face de lui.

Lors de spectacle, artistique ou footballistique, la salle ou le groupe ne fait-il pas un ? ne vibre-t-il pas à l'unisson, ressentant et vivant la même expérience ? ( à quelques détails près )
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jules
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Ted : Pour moi, le flux est juste un Bouddha qui s'ignore.
Un Bouddha aurait la connaissance parfaite de son flux en somme et par là de tout flux en tant que flux.
Est-ce que quelque part l'altérité ne serait pas le principe par lequel cette reconnaissance pourrait avoir lieu ?

Par exemple, quand on dit : Je ne suis pas ce corps, je ne suis pas ces pensées, je ne suis pas cet esprit, je ne suis pas les manifestations, je ne suis ni ceci ni cela, est-ce que cela ne veut pas dire finalement que je suis autre (altérité donc) que ce corps, autre que ces pensées, autre que cet esprit etc. étant dit qu'on se gardera bien de définir ce qu'est cet autre qui n'est pas ce flux (flux = corps, pensées, esprit etc.)
ted

jules a écrit :
25 août 2017, 14:00
on se gardera bien de définir ce qu'est cet autre qui n'est pas ce flux (flux = corps, pensées, esprit etc.)
Ce n'est pas faute d'avoir essayé de le définir. :)
Mais c'est autre, qui est nous même, est tout simplement introuvable.
On a beau le chercher, on ne trouve que sa vacuité.

Et si, d'une façon ou d'une autre, nous finissions par réaliser qui nous sommes, par réaliser notre véritable nature, on ne pourrait que préparer l'étiquette "Bouddha" pour nous la coller. En vain hélas. Car nous serions introuvables.
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jules
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D'où le koan arrangé pour les circonstances :

Si tu vois cet autre, tue-le.

Voici l'original :
Si tu vois Bouddha, tue-le.

FleurDeLotus
ted

chercheur a écrit :
24 août 2017, 17:02
C'est étonnant comment dans les méditations concernant l'amour bienveillant et la compassion, on nous recommande de nous mettre à la place des autres êtres sensibles, pour pouvoir ressentir leur souffrance. Comment avoir de la compassion si on ne se met pas à la place de l'autre, si on ne sait pas que l'autre souffre aussi.
Oui.
Mais peut-on dire que l'autre partage son expérience de la souffrance avec nous ?
N'est-ce pas plutôt une inférence que nous faisons ?
Nous nous disons : "Si j'étais à sa place, dans les mêmes conditions, je souffrirais sans doute énormément. :cool: Donc, je sais ce qu'il doit ressentir".

Autant dire qu'on se trompe parfois lourdement. La souffrance étant intimement liée au Karma. Et les Karmas étant différents d'une personne à l'autre.
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chercheur
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Nous nous disons : "Si j'étais à sa place, dans les mêmes conditions, je souffrirais sans doute énormément. :cool: Donc, je sais ce qu'il doit ressentir".
Bien sûr, je soulevais juste le point que les maîtres nous encourageaient à se mettre à la place de l'autre. Même si on ne peut pas souffrir comme l'autre. Quelque part dans la pratique de la compassion, notre ego/ldentification s'efface au profit de l'autre. Si on reste juste dans les limites strictes de notre terminal peut être qu'on passe à côté de quelque chose...
ted

Oui. Absolument.
Bodhicitta est indispensable.
Même si on le voit comme un moyen habile.
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chercheur
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Ce que j'aime bien dans le terme bodhicitta c'est qu'elle décrit l'esprit d'éveil à la fois d'une manière "absolue" (la nature de l'esprit) et d'une manière relative (la compassion, les voeux du bodhisattva...)

Belle description sur Wikipédia :
On distingue aussi le bodhicitta absolu et le bodhicitta relatif, à mettre respectivement en correspondance avec les Deux Réalités, absolue ou ultime, et relative ou conventionnelle. « Réalité absolue », (paramārtha-satya), désigne les phénomènes tels qu'ils sont essentiellement, par opposition à la « réalité relative » (saṃvṛti-satya), qui désigne alors les phénomènes tels qu'ils apparaissent et fonctionnent « réalistement » au niveau pragmatique. Le Lojong contient un entraînement de l'esprit aux deux bodhicittas. Ces deux bodhicittas agissent à partir de chacun de ces deux points de vue :

Dans la perspective ultime, notre ignorance manifeste ou projette la nature-de-bouddha en tant qu'univers d'objets autonomes et substantiels. Cette substantialité projetée est imaginaire, identique au rêve, c'est là sa vacuité, que le bodhisattva s'entraîne à reconnaître. Cependant rien n'apparaît en un «dehors» fictif de la grande perfection primordiale (dzogchen). On doit donc considérer que l'univers, cette vie, est encore un moyen habile (upāya) par lequel notre nature essentielle se représente à nous, et tente avec compassion de nous ramener à nous-même9, à notre authentique destin, l'Éveil.

Cette compassion inhérente à toute manifestation est le bodhicitta absolu. Lorsqu'elle se déploie à travers l'activité imparfaite et dualiste d'un bodhisattva, c'est le bodhicitta relatif. Cependant le bodhisattva peut œuvrer directement en harmonie avec le bodhicitta absolu, le canaliser pour ainsi dire, dès qu'il a clairement perçu et intégré les sagesses de la vacuité et de la non-dualité. La pratique du bodhicitta absolu est donc cet entrainement à la reconnaissance de la vacuité, méditation conceptuelle et analytique dans un premier temps, puis non verbale et intuitive dans un second temps, en « demeurant dans l'état naturel de l'esprit » où la prajñā peut dévoiler la nature de la réalité.
Au sujet de l'empathie encore sur wikipedia :
L'empathie a récemment fait l’objet de nombreuses investigations neurophysiologiques chez l’adulte et l’enfant, principalement en utilisant les techniques d’imagerie cérébrale fonctionnelle. Par exemple, ces recherches indiquent que lorsque nous percevons autrui dans des situations douloureuses dont la cause est accidentelle (par exemple se couper en cuisinant), les circuits neuronaux de la carte somato-sensorielle qui sont impliqués dans la douleur physique sont actifs chez l’observateur. Le physicien Pierre Papon explique ainsi : « On fait subir à la première une légère douleur, et l'on voit une région précise de son cerveau « s'illuminer » lorsqu'elle la ressent. La personne voisine, qui observe la scène sans être manipulée et donc sans rien sentir sur le plan physique, présente une image IRM comparable au même moment, tout simplement par empathie. On arrive donc à mettre en évidence un sentiment »22. Lorsqu'on présente à des personnes des images qui suggèrent qu'une autre personne a mal, un tiers des personnes ressentent une douleur au même endroit de leur corps (empathie sensorielle), deux tiers sont perturbées mais ne ressentent pas elles-mêmes la douleur (empathie affective)23

(...)

Ce mécanisme de résonance sensori-somatique entre autrui et soi, relativement primitif sur les plans évolutif et ontogénétique (il semblerait en place dès la naissance), joue un rôle crucial dans le développement de l’empathie et du raisonnement moral, en nous permettant de partager la détresse des autres et de déclencher une inhibition des comportements agressifs28. Dans le cas de la douleur, il semblerait que nous soyons prédisposés à ressentir la détresse des autres comme un stimulus aversif, et que nous apprenions à éviter les actions associées à cette détresse29
Il semblerait que le terminal soit programmé pour entrer en résonance avec autrui.
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axiste
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Oui.
Mais peut-on dire que l'autre partage son expérience de la souffrance avec nous ?
N'est-ce pas plutôt une inférence que nous faisons ?
Nous nous disons : "Si j'étais à sa place, dans les mêmes conditions, je souffrirais sans doute énormément. Donc, je sais ce qu'il doit ressentir".

Autant dire qu'on se trompe parfois lourdement. La souffrance étant intimement liée au Karma. Et les Karmas étant différents d'une personne à l'autre.
Je ne pense pas qu'il partage, son expérience de la souffrance, mais peut-être, l'autre, à travers les mots qu'il nous dit trouve des chemins vers lui même. Nous, on ne partage rien de sa souffrance et effectivement on ne sait rien de ce que l'autre ressent.
Mais il y a le silence aussi.
Quelquefois il n'y a rien à dire.
Le silence dit.
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
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