Extrait du livre " Après l'extase, la lessive " de Jack Kornfield (Éditions: la table ronde)Du fait de l'infortune de ses parents, une jeune princesse nommée Aris fut promise en mariage à un terrible dragon. Lorsque le roi et la reine l'annoncèrent à la princesse, celle-ci eut très peur pour sa vie, mais reprenant ses esprits, elle se rendit à travers le marché auprès d'une dame de sagesse qui avait élevé douze enfants vingt-neuf petits-enfants et connaissait les manières des dragons et des hommes.
Cette femme annonça à Aris qu'elle allait effectivement se marier avec le dragon mais qu'il existait des moyens appropriés pour s'en approcher. Puis elle lui donna les instructions pour la nuit de noces et demanda en particulier à la princesse de revêtir à cette occasion dix robes magnifiques, l'une au-dessus de l'autre.
Les noces eurent lieu et il y eut une grande fête au palais. Puis le dragon emporta la princesse vers la chambre à coucher. Lorsqu'il s'approcha de son épouse, celle-ci l'arrêta en lui disant qu'elle enlève avec précaution toutes ses parures avant de lui offrir son coeur. Et sur les conseils de la vieille dame, elle ajouta qu'il devait, lui aussi, enlever avec précautionneusement ce qui l'habillait. Le dragon accepta de bon coeur.
"A chaque fois que j'enlève une épaisseur de robes, tu dois aussi enlever quelque chose." dis la princesse.
Alors, enlevant sa première robe, la princesse regarda le dragon se défaire de la première couche de sa cuirasse d'écailles.
Bien que ce fût douloureux, le dragon avait déjà fait cela de temps en temps. Mais la princesse ôtait une autre robe, et une autre encore. À chaque fois le dragon devait retirer une épaisseur d'écailles de plus en plus profonde.
À la cinquième robe, le dragon commença à verser de chaudes larme de souffrance.
À chaque nouvelle couche, la peau du dragon devenait de plus en plus tendre et sa silhouette s'adoucissait.
Il devenait de en plus lumineux et quand la princesse ôta la dixième robe, le dragon laissa tomber le dernier vestige de sa forme de dragon et apparut en homme, un beau prince dont les yeux étincelaient comme ceux d'un enfant, enfin libéré du vieux sortilège d'être un dragon.
La princesse Aris et son nouveau mari s'abandonnèrent ensuite aux plaisirs de leur chambre nuptiale, suivant ainsi le dernier conseil de la femme de sagesse aux douze enfants et vingt-neuf petits-enfants.
" ou comment découvrir qu'il est possible de tirer notre coeur hors des sillons qui nous enlisent"...