La foi

Katly

QU’EST-CE QUE LA FOI DANS LE BOUDDHISME ?
Trinh Dinh Hy

Parmi les grandes religions du monde, le bouddhisme occupe une place à part, dès lors qu’on se pose la question de la foi.

Il est en effet regardé comme une religion sans Dieu, ce qui à première vue apparaît comme quelque chose d’antinomique. En réalité, le Bouddha admet l’existence de divinités, les deva, mais ne leur prête guère de rôle actif dans la marche du monde. Bien plus, ces divinités doivent subir, comme tous les êtres sensibles, la loi du karma (de cause à effet) qui régissent les phénomènes.

Ainsi, on peut penser que la foi occupe une place secondaire dans le bouddhisme, ce qui le fait considérer davantage comme une philosophie plutôt qu’une religion.

En fait, il est essentiel de comprendre que, comme toute philosophie ou religion ayant traversé les siècles, le bouddhisme est loin de former un tout homogène. Au cours de sa propagation en Asie puis dans le monde pendant plus de 2500 ans, le bouddhisme primitif ou originel enseigné par le Bouddha Gotama en Inde du Nord a donné naissance à de multiples branches, lesquelles se sont différenciées et, il faut le reconnaître, plus ou moins éloignées du tronc initial.

La foi bouddhique a donc aussi évolué, si bien que son importance dépend étroitement de l’école (vada), ou de la branche du bouddhisme concernée.

Pour certaines écoles, la foi est secondaire, pour d’autres, elle est primordiale. Nous verrons au cours de cet exposé les raisons de cette différence, et aussi les liens qui néanmoins relient ces diverses écoles.
Généralités sur la foi, la croyance

La croyance est un terme plus général que la foi, qui désigne plus particulièrement la foi religieuse.

Le concept de foi implique quelque chose de plus absolu que celui de la croyance : on a la foi ou non, et non pas un peu de foi, ou plus ou moins de foi, alors que l’on peut croire un peu ou plus ou moins, en quelqu’un ou à quelque chose.

Une caractéristique de la croyance est que l’on n’est jamais sûr à 100%, même si l’on dit que l’on croit fermement à quelque chose. Par exemple, on ne dit pas : " Je crois que le soleil existe ", parce que cela est démontré par l’expérience de tous les jours ; ou bien " Je crois que vous avez quelque chose dans la main " lorsque votre main est grande ouverte. Mais par contre, si vous tenez la main fermée, et que vous dites que vous avez quelque chose dans la main, je peux croire ou non à cela. Autrement dit, lorsque quelque chose a été démontrée et prouvée par l’expérience, alors il n’y a plus de croyance.

La deuxième caractéristique de la foi, c’est son appartenance au domaine affectif. Believe (croire en anglais) vient de l’ancien teuton liebe, qui veut dire aimer. Foi et amour sont ainsi très proches, comme adoration ou dévotion que les ango-saxons appellent loving-abandon. Avoir foi en Dieu, c’est se donner, s’abandonner à Lui. Pascal disait : " Voilà ce que c’est que la foi : Dieu sensible au coeur, non à la raison ".

La foi dépasse l’entendement, le raisonnement, elle ne peut être expliquée par la science. On peut croire ou ne pas croire, mais on ne peut pas démontrer ou récuser la foi.

Mais si sur le plan théorique, fides et ratio se sont toujours opposés, il n’en va pas de même sur le plan pratique : dans la même personne peuvent coexister la foi et la raison, comme dans le même cerveau coexistent, et même interagissent, les hémisphères droit et gauche, l’un pour l’affectif, le sensible, l’intuition, l’autre pour la raison, le langage, la science.

La force de la foi consiste en la formidable énergie qu’elle procure. La foi peut soulever les montagnes, a t-on l’habitude de dire.

Mais c’est là aussi que résident sa faiblesse, son danger : elle peut être excessive, aveugle et conduire à l’obscurantisme, ou bien exclusive et conduire au fanatisme, à l’intolérance.

L’idéal est sans doute un bon équilibre entre la foi et la raison, car comme le disait lama Anagarika Govinda, " La foi est comme le vent qui gonflent les voiles, et la raison comme le gouvernail d’un bateau ; sans le vent, le bateau resterait sur place, et sans gouvernail, il tournerait en rond ".
La croyance dans le bouddhisme originel

La tradition indienne ancienne distingue 3 catégories de chemins conduisant à la délivrance (moksha) : les chemins de la dévotion (bhakti-magga), les chemins des rites (kamma-magga) et les chemins de la sagesse, de la connaissance (ñana - magga). On peut dire que le bouddhisme fait partie de cette 3è catégorie, ce qui n’exclut pas l’existence des deux autres.

Dans l’enseignement fondamental du bouddhisme, l’ignorance (avijja) est le point de départ de la chaîne des 12 éléments de ce qu’on appelle la coproduction conditionnée (paticca-samuppada) entraînant l’homme dans la naissance, la souffrance et la mort. De ce fait seule la sagesse, la connaissance profonde (ñana ou pañña - ce terme est difficile à traduire, car il ne s’agit pas de la sagesse ni de la connaissance ordinaires, mais d’une sagesse, d’une compréhension profonde, intuitive des vérités du monde -) permet d’éliminer l’ignorance et conduire à la délivrance.

Cette sagesse, cette compréhension profonde ne tombe pas du ciel, elle ne provient pas de la grâce de Dieu ou d’un don de diverses divinités, mais de soi-même, de son propre développement et par ses propres efforts, en suivant le chemin déjà parcouru par le Bouddha.

La voie qui conduit à l’extinction de la souffrance est appelée l’Octuple Sentier de la Sagesse (ariya-atthanggika-magga) (c’est-à-dire vue, pensée, parole, action, moyen d’existence, effort, attention et concentration justes). L’élément le plus important est la vue juste (samma-ditthi), car l’essentiel est de voir la vérité telle qu’elle est (yatha bhutam). Dans la littérature bouddhique, on désigne sous le nom de l’Oeil de la vérité (dhamma-cakku) celui qui a vu clairement la vérité. Et juste après la mort du Bouddha, on entend partout ses disciples se lamenter : " L’Oeil du Monde a disparu ! L’Oeil du Monde a disparu ! ". L’enseignement du Bouddha est encore appelé " Ehi passika !", c’est-à-dire " venez voir ", et non pas venez croire...

Dans le bouddhisme originel, la foi existe également, elle est appelée saddha en pali, sraddha en sanskrit, mais il s’agit d’une foi de confiance et non pas d’une foi de dévotion(bhakti), comme dans d’autres religions. Le disciple bouddhiste croit en Bouddha et son enseignement, comme le novice qui prend un chemin pour la première fois fait confiance à celui qui l’a expérimenté et qui lui sert de guide. Le Bouddha n’est pas considéré comme une divinité toute puissante, mais seulement comme un homme, qui à force de volonté et par ses propres efforts, a atteint l’éveil, et par la suite a montré à ses disciples et aux générations futures son chemin.

Bien sûr, le disciple doit faire confiance au début à son guide, comme un voyageur tâtonnant dans la nuit sur un chemin escarpé, puis au fur et à mesure qu’il avance, que ses pas deviennent plus solides et que le chemin s’éclaircit, il n’a plus besoin de guide ni de confiance.

Le Bouddha lui-même a enseigné à ses disciples peu de temps avant sa mort : " Faites de vous-mêmes votre île (votre soutien), faites de vous-mêmes votre refuge, et de personne d’autre ". Dans le Dhammapada (Paroles du Bouddha), il disait également : " Efforcez-vous vous-mêmes, les Tathagata (Ainsi-allés, c’est-à-dire les Bouddhas) ne sont que des guides ".

Dans le Canon Pali, se trouve un sutta (sermon) traitant de la foi, appelé le Kalama-sutta. Un jour, le Bouddha passa par une petite bourgade du royaume de Kosala. Les habitants du village, appelés les Kalama, vinrent à sa rencontre et lui firent part de leur perplexité de l’attitude des sramana (solitaires) et des brahmanes qui louaient tous leur propre religion et disaient du mal des autres religions. Le Bouddha leur donna alors cet avis : " Ecoutez, Kalama, ne vous laissez pas guider par les rapports, par la tradition ou par ce que vous avez entendu dire. Ne vous laissez pas guider par l’autorité de textes religieux, ni par la simple logique ou l’inférence, ni par les apparences, ni par le plaisir de spéculer sur des opinions, ni par des vraisemblances possibles, ni par la pensée " il est notre maître ". Mais Kalama, lorsque vous savez par vous-mêmes que certaines choses sont défavorables (akusala), fausses et mauvaises, alors renoncez-y. Et lorsque par vous-mêmes vous savez que certaines choses sont favorables (kusala) et bonnes, alors acceptez-les et suivez-les ". Ce message, qui prône l’esprit critique, l’ouverture d’esprit et la primauté de l’expérience, est unique dans l’histoire des philosophies et des religions.

La foi, selon le Bouddha, ne doit pas en outre conduire à l’intolérance. A un jeune brahmane qui lui demandait comment soutenir la vérité, il répondit : " Lorsqu’un homme dit : ’ Ceci est ma foi’, jusque là il soutient la vérité. Mais il ne peut pas s’avancer jusqu’à la conclusion formelle : ’Ceci seulement est la vérité et toute autre chose est fausse’. Autrement dit, il peut croire ce qu’il veut, et il peut dire ’Je crois ceci’. Mais parce c’est sa croyance ou sa foi, il ne devrait pas dire que ce qu’il croit est seule la vérité et que toute autre chose est fausse ".

Il mettait également en garde ses disciples contre l’attachement à ce que ceux-ci croyaient voir clairement : " O bhikkhus (moines), même cette vue qui est si pure et si claire, si vous la chérissez, si vous la gardez comme un trésor, si vous vous attachez à elles, alors, vous n’avez pas compris que l’enseignement est semblable à un radeau qui est fait pour traverser la rivière, et non pas pour être gardé et porté sur le dos ". Dans un autre sutta (Mahavaipulyarurna-sutta), il déclarait : " Mon enseignenent est comme le doigt qui montre la lune ". Il ne faut pas prendre le doigt pour la lune.

Ainsi la foi dans le bouddhisme originel est une foi de confiance, confiance en un guide, c’est-à-dire le Bouddha, au chemin qu’il a expérimenté et tracé, c’est-à-dire le Dhamma, et à la communauté des moines et des laïcs, c’est-à-dire la Sangha.

Dans les pays du Petit Véhicule (Theravada), les bouddhistes affirment d’ailleurs leur confiance dans les Trois Joyaux, au cours de la cérémonie du Triple Refuge (ti-sarana), où il répète trois fois en Pali "Buddham saranam gacchami. Dhammam saranam gacchami. Sangham saranam gacchami." (Je prends refuge dans le Bouddha. Je prends refuge dans le Dhamma. Je prends refuge dans la Sangha.)
La croyance dans les développements ultérieurs du Bouddhisme

En Inde, dans les siècles qui ont suivi la disparition du Bouddha (vers 480 av JC), la foi-dévotion (bhakti) a commencé à apparaître et à se développer, notamment dans les couches les plus populaires.

Le Mahaparinibbana-sutta (de la Grande Extinction) rapporte ainsi les détails des derniers jours du Bouddha. Immédiatement après sa disparition et son incinération à Kusinara, les souverains des pays voisins se sont accourus avec leur armée, se disputant les restes de son corps, afin de les ramener en tant que reliques dans leur pays. Finalement, afin de préserver la paix, les plus proches disciples du Bouddha ont accepté que ses restes (ossements, dents, cheveux, etc.) soient répartis en 8 parts afin que les fidèles puissent les vénérer.

En fait, la vénération de ces reliques vont à l’encontre des dernières recommandations du Bouddha à ses disciples : " Après ma disparition, ce que vous devez garder est le Dhamma, la Loi, l’enseignement. C’est lui qui me représentera dans le monde ". Malheureusement, dans l’esprit des gens, le Dhamma est quelque chose de trop abstrait, de trop lointain pour qu’ils puissent vénérer. Par contre, un ossement, une dent, même appartenant à quelqu’un d’autre, peuvent contribuer à fixer la foi...

Ainsi, dire qu’il n’y a pas de foi-dévotion dans le bouddhisme Theravada, qui est une continuation du bouddhisme originel dans les pays de l’Asie du Sud-Est (Sri Lanka, Birmanie, Thailande, Malaisie, Laos, Cambodge), est quelque chose d’inexact. Il suffit de voir la ferveur populaire avec laquelle il est pratiqué pour être convaincu de l’importance du bouddhisme en tant que religion dans ces pays.
La foi dans le Bouddhisme du Mahayana (Grand Véhicule)

Rappelons que le Mahayana est un mouvement de sécession au départ, un nouveau courant du bouddhisme apparu en Inde vers le début de notre ère, et qui est devenu ensuite une grande branche du bouddhisme se propageant essentiellement vers l’Est (Chine, Japon, Corée, Viêt Nam) et vers le Nord (Tibet, Mongolie). Cette branche principale se subdivisera en plusieurs autres branches ou écoles, représentées essentiellement aujourd’hui par le Chan (ou Zen au Japon) et le Jing Du (Terre Pure), dans les pays d’influence chinoise, et le Vajrayana (Véhicule du Diamant), plus ou moins confondu avec le tantrisme, dans les pays d’influence tibétaine.

Du point de vue philosophique, le Mahayana se caractérise par une littérature canonique abondante, apparue plus tardivement et écrite en sanskrit : par exemple le volumineux recueil du Prajnaparamita-sutra en 600 volumes, souvent présenté sous forme condensée en 2 sutras, les fameux Hrdaya-sutra (Sutra du Coeur) et Vajracchedika-sutra (Sutra du Diamant). On énumère ainsi des milliers de sutras, parmi lesquels chaque école se réfère volontiers à un ou plusieurs.

Deux notions importantes vont exercer une grande influence sur le rôle de la foi dans le bouddhisme Mahayana : c’est la théorie des " 3 corps de Bouddha " (trikaya) et le concept des moyens habiles (upaya kusala).

- Selon le bouddhisme Mahayana, le Bouddha existe sous 3 corps différents : 1) le corps de transformation (Nirmanakaya), c’est-à-dire le corps physique dans lequel il apparaît aux hommes ; 2) le corps de jouissance (Sambhogakaya), c’est-à-dire dans lequel il jouit dans la Terre Pure des bouddhas ; 3) le corps de la Loi (Dharmakaya), c’est-à-dire la Nature de Bouddha, l’unité des choses, l’essence de l’univers. Du coup, le Bouddha Gotama n’est plus que le Bouddha historique, l’une des apparitions du Bouddha, alors qu’il existe bien d’autres Bouddhas du passé, du présent et de l’avenir (ce dernier, qui viendra un jour sur terre, est le Bouddha Maitreya). L’école Jing Du (Terre Pure) vénère plus particulièrement le Bouddha Amitabha (ou Amida) (de la Grande Lumière et du Temps Infini), qui règne dans le Pays de l’Ouest (Sukhavati), ainsi que d’autres Bouddha et de Boddhisattvas. Parmi ceux-ci, le plus populaire est Avalokiteshvara qui dans les pays d’influence chinoise apparaît sous la forme d’une déité miséricordieuse Guan Yin (à l’écoute des suppliques du monde). Il y a aussi le Bodhisattva Ksitigarbha, qui a fait le voeu de rester aider les gens dans les tourments de l’enfer jusqu’au dernier.

Ainsi apparaît avec le Mahayana tout un panthéon bouddhique, avec de multiples Bouddhas et Bodhisattvas vénérés par les bouddhistes avec la foi-dévotion, mais comme nous le verrons, de nombreuses différences existent d’une école à l’autre.

- Les " moyens habiles " constituent une autre déformation, si l’on peut dire, par rapport au Bouddhisme originel. Alors que celui-ci prône l’effort personnel, s’appuyant sur soi-même et au début aidé par un guide, le Mahayana préconise l’appel à d’autres moyens, habiles puisqu’ils permettent au pratiquant d’accéder plus facilement à la délivrance. Il peut s’agir de prières, de récitations du nom du Bouddha, de mantras ou de syllabes sacrées, de chants et de sons divers (cloches, timbales, tambours...), de visualisations de figures colorées symétriques (mandala), de divinités diverses, tous les moyens dont l’effet est de créer un calme mental puis éventuellement l’éveil.

En fait, la foi occupe une place éminemment variable d’une école à l’autre, au sein même du Mahayana.

1) Dans le Chan (ou Zen), ou école de la méditation (dhyana en sanskrit), qui s’est développé en Chine essentiellement à partir du VIè siècle, avec l’arrivée en Chine du Sud d’un Indien, Bodhidharma, personnage semi-légendaire, la foi joue un rôle tout à fait secondaire, l’essentiel reposant sur la sagesse, la compréhension profonde ou prajña.

Le Chan a été profondément influencé par l’esprit du Prajanaparamita, lequel a été clairement expliqué par le philosophe indien Nagarjuna, du 2è - 3è siècle, fondateur de l’école du Milieu (Madhyamaka) encore appelée la voie de la Vacuité (Shunyatavada). Le concept de la vacuité (shunyata) occupe une place centrale dans le bouddhisme Mahayana. La vacuité ne signifie pas le néant, mais l’absence de substantialité, de permanence, de caractéristique de tout phénomène. Puisque tout est vacuité, il n’y a pas de croyance, pas de sujet ni d’objet de croyance.

C’est ainsi que Bodhidharma répondit à l’empereur Liang, venu l’interroger sur l’essence du Chan : " Un vide insondable et rien de sacré ". L’esprit du Chan est défini par les stances suivantes, attribuées au 6è patriarche Hui Neng : "Ne pas se baser sur les mots et les écritures, transmettre en dehors de l’enseignement, aller directement à l’esprit, voir sa propre nature, et devenir Bouddha." Dogen, patriarche de l’école Zen Soto disait : "Vous n’avez pas besoin ni d’encens, ni de prières, ni d’invocation du nom du Bouddha, ni de confession, ni d’Ecritures saintes. Asseyez-vous et faites za-zen".

2) Inversement, pour l’école Jing Du (Terre Pure), la foi est primordiale. Les fondateurs de cette école ont justifié ce renversement par rapport au bouddhisme originel par le constat que " le bouddhisme traversait une période de déclin " et que la foi est devenue nécessaire pour donner de la force à des bouddhistes peu doués et peu courageux. En utilisant des moyens habiles comme la prière, la répétition inlassable du nom de Bouddha (nian fo, nembutsu) pendant des milliers de fois par jour, ils demandent aux Bouddhas, notamment à Amida, de les accueillir dans le pays de la Terre Pure de l’Ouest. Il y aurait aussi d’innombrables pays de Bouddhas, encore appelés " champs de Bouddhas ", répandus partout, sous d’innombrables apparences, mais qui finalement serait le même.

L’homme serait devenu trop faible pour compter sur ses forces (jiriki) et doit donc faire appel à la force de l’autre (tariki), c’est-à-dire des Bouddhas et des Bodhisattvas, pour qu’ils viennent lui insuffler leur force, le secourir, le délivrer de ce monde de souffrance.

Vu sous l’angle psychologique, il ne semble exister aucune différence entre la foi du bouddhiste de la Terre Pure en le Bouddha Amida et la foi du juif, du chrétien, ou du musulman en Yahvé, Dieu ou Allah. C’est apparemment la même foi-dévotion, le même espoir d’être accueilli dans le monde de Bouddha ou le royaume de Dieu.

Mais en regardant de plus près, on ne peut s’empêcher de relever une différence de taille : c’est le caractère utilitaire de la foi bouddhique, en tant que moyen, le véritable but restant toujours la délivrance, l’éveil. Peut-on dire la même chose de la foi monothéiste, dont l’objet, Dieu, est justement le but ?

En réalité, la Terre Pure peut être regardée sous deux aspects : " la Terre Pure d’ailleurs " et " la Terre Pure intérieure ", autrement dit la Terre Pure peut être considérée comme un autre monde auquel on espère accéder dans la vie future, ou bien comme le monde de pureté et de sérénité de son propre esprit. Comme le dit le Vimalakirti-sutra : " Si le Bodhisattva veut accéder à la Terre Pure, il doit d’abord purifier son mental. Quand son mental sera purifié, la terre de Bouddha deviendra pure ".

Le Vajrayana (véhicule de Diamant) ou tantrisme tibétain est la branche du bouddhisme qui utilise le plus de moyens habiles, avec des pratiques à caractère ésotérique, allant à l’encontre de l’enseignement clairement exotérique du bouddhisme originel. Peu avant sa mort, le Bouddha Gotama disait à ses disciples : " Dans mon enseignement, je n’ai jamais fait de différence entre ce qui est ésotérique et ce qui est exotérique. L’enseignement du Tathagata n’a jamais ressemblé à la main fermée du maître (acariya-mutthi)".

Ses fondements théoriques sont les mêmes que les écoles Madhyamaka (du Milieu) et Vijñanavada (Rien que Concience), mais ceci n’empêche en rien l’apparition d’une multitude de divinités, de moyens habiles comme les mantras , mandalas et mudras, mélangés à des croyances populaires héritées de la religion Bön locale. Estimant que " le samsâra est le nirvâna ", le Vajrayana avec ses multiples écoles, a comme particularité d’utiliser toutes les expériences, les états psychologiques, même s’ils sont méprisables et vils, de façon à les transformer, à dépasser toute dualité et parvenir à l’éveil.

Dans cette voie complexe et difficile, la direction par un guru (maître spirituel) est essentielle. Le disciple doit avoir une totale confiance en la relation maître/disciple (comme les relations exemplaires entre Tilopa, Narupa, Marpa et Milarepa), autant que la confiance en ses propres capacités d’éveil.
Pour résumer et conclure

On peut dire que le point important à retenir sur la foi dans le bouddhisme est qu’il ne s’agit que d’un moyen. La sagesse, la compréhension profonde (prajña) est aussi un moyen, mais c’est un moyen essentiel, alors que la foi est un moyen secondaire et provisoire.

Le but ultime du bouddhisme est la délivrance de la souffrance, autrement dit l’éveil. C’est aussi le but unique et commun de toutes les branches du bouddhisme.

La foi est semblable à un bâton, sur lequel on doit s’appuyer lorsqu’on entame une marche sur un chemin rocailleux et sombre. Mais une fois que le chemin devient confortable et bien éclairé, le bâton n’est plus utile. La foi ressemble aussi à une bouée que l’on porte au début pour apprendre à nager, mais qu’il faut abandonner lorsqu’on est devenu un bon nageur. Comme on n’a plus besoin de barque quand on est passé sur l’autre rive, plus besoin de doigt quand on a vu clairement la lune.

Mais parfois, les drames de la vie surgissent et s’enchaînent, comme les maladies graves, la disparition d’êtres chers, plongeant l’homme dans un abîme de doute, de désespoir. C’est là que la foi réapparaît comme une bouée de sauvetage, plus indispensable que jamais.

La foi dans le bouddhisme originel et le Theravada est la foi de confiance, confiance en celui qui a atteint l’éveil, en son enseignement et en ceux qui ont suivi cet enseignement. L’important est que cette confiance ne doit pas faire oublie sa propre expérience et surtout la confiance en soi-même, en sa capacité d’éveil.

La foi dans la Mahayana, notamment dans l’école de la Terre Pure, est la foi-dévotion en les Bouddhas et Bodhisattvas, mais cette foi-dévotion, comme l’appel fait à leur force, ne doit pas faire oublier le but final du bouddhisme, qui est la délivrance et la réalisation de sa propre nature.

En fait, si l’on réalise que le mental joue un rôle primordial, que " le Bouddha se trouve dans le mental", alors on peut se poser la question s’il y a vraiment une différence entre la " force de soi " et la " force de l’autre ". Car lorsqu’on fait appel à la force d’autrui, où se trouve cette force sinon à l’intérieur de soi-même ? Où résident les Bouddhas et Bodhisattvas, sinon dans son propre mental ? Où se situe la Terre Pure, sinon dans la pureté de son esprit, ici et maintenant ?

Finalement, tout est question sans doute de confiance en soi-même. La foi en Dieu, en Bouddha ou en d’autres divinités apparaît lorsque, face à une situation désespérée, on a perdu toute confiance en soi-même.

Et si l’on veut élargir le problème de la foi dans les autres religions, à la lumière des progrès en neurosciences, on a l’impression de plus en plus nette que la foi est sous-tendue par le même mécanisme neuro-psychologique chez tous les individus, quelles que soient leur religion, leurs croyances et leur tradition. Récemment, des chercheurs en neurophysiologie comme Eugène d’Aquili, Adrew Newberg et Michael Persinger, utilisant de nouvelles techniques d’IRM fonctionnelle, de tomographie à émission de positons (TEP), ont mis en évidence, non pas un centre anatomique du cerveau correspondant à la perception de Dieu, mais des inhibitions ou des stimulations de plusieurs régions du cerveau, tel le lobe pariétal postérieur ou le lobe temporal, lors d’états de conscience proches de l’extase mystique ou de hauts degrés de méditation (jhana).

L’homme peut être ou non une créature de Dieu, suivant que l’on y croit ou non, mais une chose est certaine : Dieu est une création de l’homme, tel qu’il se le représente dans son esprit. Dès lors, toutes les guerres de religion s’expliquent clairement : c’est parce que chacun défend l’image qu’il se fait de Dieu, que les hommes se battent entre eux. Si c’était vraiment pour Dieu, au-delà de toute représentation et de toute religion, ils devraient tous se reconnaître les uns les autres et s’aimer comme des frères...

En fin de compte, qu’est-ce que la foi, sinon un phénomène neuro-psychologique universel, une thérapeutique efficace contre la souffrance et le désespoir ? Quels que soient son objet et son intensité, elle peut être utile, voire salutaire.

Alors, " Fais ce que voudras ", comme la devise de l’abbaye de Thélème.
Que chacun croit à ce qui bon lui semble, si cela le rend heureux !

A condition, comme l’a mis en garde le Bouddha, qu’il reste lucide, tolérant, et qu’il respecte la différence, c’est-à-dire la foi - ou l’absence de foi - des autres.


http://www.buddhachannel.tv/portail/spi ... rticle3836

FleurDeLotus
FA

Que chacun croit à ce qui bon lui semble, si cela le rend heureux !
Voilà l'enfer sur terre. On tue, et on massacre, on se fait exploser, on s'immole par le feu, au nom de la foi.
Au diable la foi, et son cortège de destruction.

FleurDeLotus
FA
ted

FA a écrit :Voilà l'enfer sur terre. On tue, et on massacre, on se fait exploser, on s'immole par le feu, au nom de la foi.
Au diable la foi, et son cortège de destruction.
Pourquoi ne retenir qu'une partie de la citation ? Celle qui t'arrange pour consolider ta vision du monde. :-(

La foi raisonnée et confiante est possible. Et heureusement !

Des personnes qui ont foi en quelque chose de plus vaste, passent leur temps à essayer de réparer les dégats que des égoïstes sans foi ni loi, commettent au nom du progrès, de la science ou du profit !
Que chacun croit à ce qui bon lui semble, si cela le rend heureux !

A condition, comme l’a mis en garde le Bouddha, qu’il reste lucide, tolérant, et qu’il respecte la différence, c’est-à-dire la foi - ou l’absence de foi - des autres.
L'absence de foi est d'ailleurs une sorte de religion déguisée qui gaspille une énergie précieuse car on passe à coté d'un mécanisme déterminant dans l'entrainement de l'esprit.

La foi, même dite "raisonnée" au sens bouddhique, permet d'allumer un turbo qui booste de façon impressionnante l'efficacité de la pratique. C'est comme ça... Pourquoi ? :roll: j'en sais rien.

Ce cher cerveau, que tu vénères tant, adore développer des facultés supplémentaires, d'apaisement, de guérison, de clarté, quand il est convaincu de l'existence d'un schéma directeur. Certains scientifiques disent même que le cerveau est programmé pour croire. Et comme l'évolution ne développe jamais une aptitude sans raison... :D

Mais le cerveau (si on adopte cette approche biologique) ne développera jamais de telles aptitudes sur la seule action d'un raisonnement intellectuel ou philosophique. :oops:
Ah bin, zut alors... :)
:D

Je crois que les pratiques bouddhistes vont utiliser ces formidables capacités là, de mobilisation et de concentration. Même si, au final, l'absence de toute croyance est un aboutissement. Mais pour monter sur le toit, on va quand même utiliser l'échelle avant de la laisser derrière nous.

On parle aussi d'un radeau qu'on abandonne sur l'autre rive. Le radeau, c'est l'enseignement du Bouddha. Il faut avoir foi en cet enseignement si on veut que le radeau supporte notre poids et nous aide à traverser.

Il vaut mieux consolider le radeau plutôt que passer son temps à décrire l'autre rive. <<metta>>
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Flocon
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ted a écrit :La foi, même dite "raisonnée" au sens bouddhique, permet d'allumer un turbo qui booste de façon impressionnante l'efficacité de la pratique. C'est comme ça... Pourquoi ? j'en sais rien.
Exact. Même moi qui n'ai pas beaucoup de foi :oops: , c'est un phénomène que j'ai pu constater. Je pense d'ailleurs que le choix de placer la foi, saddha, en premier parmi les "puissances" ou facultés psychiques, dans les sutras qui les exposent, provient d'une observation très précise du fonctionnement de l'esprit. Que ce choix soit celui du Bouddha lui-même, ou des moines qui ont ultérieurement compilé son enseignement, peu importe : on sent que c'est le fruit d'une expérience concrète.
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
FA

Bonjour,

A la foi, je préfère le Doute,
la foi est aveugle, et a besoin de béquilles.
Le doute demande du courage et de la détermination.

jap_8
Fa
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