D'accord avec vous les amis, pas d'action ni de non-action, il me semblait que la citation du
Hridaya Sutra le laissait largement supposer... et j'ajouterais pas d'opposé à la non-action, etc... D'accord sauf sur la nature de Bouddha qui ne serait que la vacuité. Nagarjuna lui-même expose cette nature de Bouddha soit comme la vacuité, soit comme la nature de l'esprit. Voir à ce sujet son
Dharmadhatustavam.
Antodume a écrit :Pour Dharmadhatu, s'il y a action, il y a nécessairement un acteur. Pour moi, s'il y a action, cela ne signifie pas qu'il y a un acteur. Pourquoi ? Parce que si, réellement, il existait un acteur, alors celui-ci n'aurait aucune chance d'échapper au cycle des renaissance.
Et si réellement il y a une action, tu es encore pris dans l'ignorance, une conception d'existence ultime, et tu mettras encore du temps à te sortir du samsara. Croire en être sorti parce qu'on n'a compris que le non-soi personnel et pas le non-soi phénoménal ne mène que dans les méandres de la souffrance.
Alors pour la compréhension de tous, j'ajoute un extrait de
Self, Reality and Reason de Thupten Jinpa qui expose les 2 sens du mot
ultime.
Deux sens du mot « ultime » dans la dialectique mādhyamika
Dans le contexte de la manière dont les mādhyamikas expriment la notion selon laquelle les choses et les événements sont vides d’existence et d’identité sur un plan ultime – c.-à-d. leur assertion de la vacuité (
śūnyatā) en tant que nature ultime des choses – il y a, selon Tsongkhapa, deux façons subtilement différentes avec lesquelles le terme ‘ultime’ (
paramārtha) est employé. Ces deux connotations d’‘ultime’ sont, en outre, intimement liées à la distinction entre deux formes de discours, ultime et conventionnelle. D’abord et surtout, dans le contexte de l’ontologie (ou de sa négation) mādhyamika, le terme ‘ultime’ est utilisé en signifiant que toute chose et tout événement sont vides de toute existence ou identité absolues ou ultimes. Ici, ‘ultime’ (
paramārtha) est synonyme de « mode d’être substantiellement réel » comme dans la phrase « existant avec un mode d’être substantiellement réel » (
bden par grub pa), et de « complet » ou « parfait » comme dans « exister avec une nature complètement ou parfaitement définissable » (
yang dag par grub pa). Dans sa seconde acception, ‘ultime’ est associé à ‘relatif’ (
saṃvṛti) dans la doctrine pan-mahayaniste des deux vérités, et dans ce contexte, ‘ultime’ se réfère à la nature ultime de toute chose et de tout événement par opposition à leur nature relative (c.-à-d. empirique et conventionnelle). Bien que ces deux sens d’‘ultime’ (
paramārtha) se recoupent, chacun a une signification distincte. Rien ne peut être affirmé comme étant réel au premier sens – ultimement, ou absolument réel – parce que tous les phénomènes – c.-à-d. les choses, les événements, jusqu’à la vacuité d’existence intrinsèque elle-même – sont vides d’existence et d’identité ultimes. Néanmoins, la vacuité (
śūnyatā) peut être dite « réelle » au second sens d’‘ultime’ et peut, par conséquent, être dite « vraie » (
bden pa), puisqu’elle est la nature finale de toute chose et de tout événement, la façon dont les choses existent véritablement. Ceci parce que seule la vacuité (
śūnyatā) peut être trouvée comme étant ce qui demeure à l’issue d’une analyse relevant du statut ultime des choses et des événements. Cela ne veut pas dire que la vacuité elle-même puisse résister à l’analyse ultime aux yeux de Tsongkhapa, car rien ne peut résister à une telle investigation. Quand elle est soumise à cette analyse déconstructrice, la vacuité aussi est trouvée comme étant vide. D’où la vacuité de la vacuité.
Cette distinction entre deux connotations du terme ‘ultime’ permet à Tsongkhapa de faire des déclarations apparemment paradoxales comme « la vacuité est la réalité ultime mais elle n’est pas ultimement réelle », « elle est vraie mais pas vraiment établie », « elle est la na-ture intrinsèque [de toutes choses] mais n’existe pas intrinsèquement » etc. Par exemple, dans le Gongpa Rabsel [Commentaire au
Prasannapada de Chandrakirti *], Tsongkhapa écrit :
Si cette [distinction entre les deux sens du terme ‘ultime’] est bien certifiée, on com-prendra les significations expliquant pourquoi il n’y a pas de contradiction dans le fait de [maintenir] que rien n’existe au moyen de sa propre nature et que rien n’existe selon la perspective ultime, tout en soutenant qu’une ‘nature ultime’ existe et qu’elle est le ‘mode d’être [des choses]’ ainsi que l’objet ultime.
Bien qu’il soit volontiers coutume pour des érudits modernes du Bouddhisme Mahāyāna de traduire le mot sanskrit paramārtha par « absolu » dans le contexte de la théorie mādhyamika des deux vérités, mon sentiment est que cette traduction ne devrait pas être acceptée comme étant non-problématique. Suivant Tsongkhapa, il semble y avoir des raisons valables pour défendre la distinction entre
paramārtha en tant qu’ « absolu » et
paramārtha en tant qu’ « ultime ». L’interprétation de
paramārtha en tant qu’ « absolu » est totalement rejetée dans la dialectique mādhyamika, même par rapport à la vacuité. L’interprétation de
paramārtha en tant qu’ « ultime » est cependant acceptable dans le sens où ceci est mis en contraste avec la vérité relative, voilée (
saṃvṛti) constituée par notre monde quotidien des causes et des effets. Tsongkhapa écrit :
Par conséquent, il est impossible que le sens ultime, la nature des choses, leur ainsité et le mode d’être [de tous les phénomènes] n’existent pas. Même s’ils existent, ils ne le peuvent en tant qu’absolus ou en tant que [leur propre] mode d’être réel. Suggérer autre chose est montrer un manque total de familiarité avec les modes d’analyse critique selon le point de vue ultime.
Tsongkhapa conclut la discussion ci-dessus en déclarant que c’est parce qu’ils n’apprécient pas cette subtile distinction, à savoir, la différence entre l’ultime et l’absolu, que certains (p. ex.,
Ngok Loden Shérap) ont maintenu que la vérité ultime (
paramārthasatya) est inconnaissable, tandis que d’autres (comme les jonangpas) ont affirmé qu’elle était absolue. En bref, Tsongkhapa dit que rien, pas même la vacuité, ne peut être dit exister selon un point de vue ultime, alors qu’en même temps quelque chose, c.-à-d. la vacuité, peut être déclaré comme étant la nature ultime. En d’autres termes, rien n’existe ‘ultimement’ (
don dam par) bien que quelque chose puisse être déclaré comme étant ‘l’ultime’ (
don dam pa). Il est intéressant de noter ici qu’autant d’importance philosophique dépend de ce qui semble être une singulière forme linguistique ou grammaticale. Tsongkhapa sous-entend que tout emploi particulier du terme ‘ultime’ (
paramārtha) dans ce cas grammatical spécifique implique des exigences ontologiques. Le cas grammatical en question est ce qui est connu en tibétain comme étant
de nyid, un cas unique d’emploi prépositionnel qui est fait presque exclusivement en référence à la notion d’identité. Cet usage pourrait sans doute être le mieux comparé au cas adverbial anglais. Des phrases comme
don dam par grup (ultimement existant),
yang dag par grub (existant au moyen d’une nature parfaitement définissable),
bden par yod (vraiment existant),
gshis lugs su grub (établi au moyen de son propre mode d’être),
rang dbang du grub (indépendamment existant),
rdzas su yod (substantiellement existant), et
tshugs thub tu yod (existant au moyen d’une essence autonome) sont des exemples de cet emploi. De plus, la façon qu’a Tsongkhapa de définir le sens d’‘ultime’ (
paramārtha) dans le contexte de la dialectique mādhyamika, en se basant sur la distinction des deux sens spécifiques du terme, semble avoir contribué à une plus grande clarté dans le raisonnement du Madhyamaka. Elle nous permet d’avoir une plus claire appréciation de ce qui est nié exactement dans l’assertion mādhyamika suivant laquelle les choses et les événements n’existent pas du point de vue ‘ultime’. Ceci nous entraîne alors vers le prochain élément. (p.49)
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* n.d.t.
Amitié