Etre bouddhiste et croire en Dieu, est-ce possible ?

ardjopa

Cher Dharmadhatu, dont j'apprécie les messages et "l'esprit" (quand même :lol: )
Je parlais du panthéisme (peut-être à tort, si ce n'est pas le bon terme) dans le sens de "panthéon de divinités/déités" dans le bouddhisme (vajrayana entre autre); Après, je te rejoins assez sur le coté "Vacuité, absolu", sans divinités ni créateur, c'est aussi ma vision des choses, bien que je l'exprime différement; (Et d'ailleurs, je n'aime pas trop non plus ce coté "yogas des déités" dans le BT, alors si en plus on y ajoute un "dieu créateur" n'en parlons pas ;-) ) Mais je ne crois pas que le bouddhisme ait "l'exclusivité" de cette vision de la réalité, bien qu'en effet, les monothéismes (entre autres) dans leur forme "populaire" affichent souvent le culte d'un "Dieu" au-dessus ou au delà du monde, je crois que certaines visions plus "secrêtes" ou spirituelles de ces religions, vont au-delà :
Je ne sais pas vraiment ce que pense les dieux comme Brahma. Dans l'Hindouïsme, il semble, à l'instar d'Ishvara, être le créateur de l'univers, ce qui n'est pas accepté par le Bouddha et ses disciples.
Exemple : Si je me souviens un peu, dans l'hindouisme, Brahma est considéré comme "dieu" (avec forme), source de l'univers, puis ishvara créateur de l'univers, ainsi que d'autres divinités ou avatars comme Shiva, vishnou, krishna, etc...
Tous ces "êtres" participant à la création, le déroulement, et la destruction des mondes;
Mais tout cela reste dans l'hindouisme "dvaita", de la dualité, de l'univers "manifesté", de la forme, et donc ils sont tous impermaments à mon sens et n'ont une réalité que relative;
Par contre dans l'advaita vedanta, entre autres, (hindouisme non-duel), on parle moins de "Brahma", que de "Brahman" (ne pas confondre), qui désigne la "réalité ultime" dans l'hindouisme, sans forme, ou au-delà des formes, et qui n'est donc plus une divinité ou un dieu "personnel", ni un "être", ou une entité distincte, mais "l'essence vide", au-delà de la réalité phénomènale, (en fait il est "toutes choses", à la fois transcendant et immanent) et où "soi et le monde" sont un, ou tout simplement : Ce qui est...
Dans l'advaita, des yogis ou "sages" enseignent d'ailleurs des paroles, parfois sous forme de mantras, qui vont donc au-delà des "créateurs supposés" de la réalité manifestée, comme "Aham Brahmasmi" ce qui signifie 'Je suis Brahman" ; De même que le "neti neti" (Ni ceci, ni cela);
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

jap_8 Rebonjour Arjopa, moi aussi, j'apprécie beaucoup ton intérêt pour la spiritualité dans toutes ses formes,
Et d'ailleurs, je n'aime pas trop non plus ce coté "yogas des déités" dans le BT
Peux-tu me dire ce que tu as compris concernant cette pratique ?
"Brahman" (ne pas confondre), qui désigne la "réalité ultime" dans l'hindouisme, sans forme, ou au-delà des formes, et qui n'est donc plus une divinité ou un dieu "personnel", ni un "être", ou une entité distincte, mais "l'essence vide", au-delà de la réalité phénomènale,
Il faudrait définir ce que "vide" signifie dans ce contexte, car il existe plusieurs types de vacuité et celle enseignée par le Bouddha possède ses propres caractéristiques.

Si cette essence vide est au-delà de la réalité phénoménale, elle n'est pas la même que celle exposée dans le Bouddhadharma, car cette dernière n'est pas au-delà, mais est mutuellement dépendante avec les phénomènes.

Elle est d'ailleurs elle-même un phénomène, un existant.

Chaleureusement FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
ardjopa

Si cette essence vide est au-delà de la réalité phénoménale, elle n'est pas la même que celle exposée dans le Bouddhadharma, car cette dernière n'est pas au-delà, mais est mutuellement dépendante avec les phénomènes.
En fait, c'est justement cela (mon résumé au-dessus, restait assez alléatoire) : le "Brahman" dans l'advaita, est "non-duel",
par conséquent, il désigne à la fois "l'essence vide" de l'univers manifesté, que non manifesté; Immanent et transcendant, c'est la nature ultime des phénomènes, et du "vide où ils apparaissent", ou comme on dit dans le bouddhisme : Samsara et Nirvana sont un; Deux faces d'une même pièce
ardjopa

Peux-tu me dire ce que tu as compris concernant cette pratique ?
Je ne prétends pas avoir "compris totalement" ce genre de pratiques, étant donné que je ne l'ai jamais trop pratiqué, contrairement à des formes de méditation plus "personnelles" ou non-duelle, comme anapanasati, satipatthana,
et autres;
J'imagine bien sûr que les "déites", visualisées, (guru-yogas etc) ne sont que des supports de méditations, censées représenter des "qualités spirituelles" que le méditant cherche à développer ou retrouver en lui, et qu'elles n'ont pas de réalité "absolues", mais il y a un coté "dévotion" qui ne correspond tout simplement pas à tout le monde, et je dirais que des divinités dans d'autres spiritualités, ont parfois aussi la même "fonction" spirituelle, et la même (ir)réalité relative
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

:D Selon le Bouddhisme, samsara et nirvana sont un seulement au niveau ultime. En fait, ultimement, ils ne sont ni un ni deux. Cette vérité ultime n'est pas transcendante, mais immanente. C'est ce qui marque la différence entre le Buddhadharma et les autres traditions.

La vacuité de soi est dite ultime car non trompeuse.
J'imagine bien sûr que les "déites", visualisées, (guru-yogas etc) ne sont que des supports de méditations, censées représenter des "qualités spirituelles" que le méditant cherche à développer ou retrouver en lui, et qu'elles n'ont pas de réalité "absolues",
jap_8 Très juste.
mais il y a un coté "dévotion" qui ne correspond tout simplement pas à tout le monde,
En effet, mais seulement à un certain niveau, comme dans les Guru-yogas. Concernant les pratiques tantriques, plus elles sont élevées, et plus la dévotion est remplacée par la fierté divine car, comme tu l'as rappelé, elles permettent au méditant de reconnaître en lui ou d'actualiser les qualités de la nature de Bouddha.

Par exemple, lorsqu'il est question du refuge, il se fait à l'égard des 3 Joyaux dans le Théravada et le Sutrayana, dans le Tantra, il y a en plus les 3 racines, et dans le Dzogchen, la prise de refuge s'adresse avant tout aux trois aspects du rigpa du pratiquant.

Amitié FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
ardjopa

En effet, mais seulement à un certain niveau, comme dans les Guru-yogas. Concernant les pratiques tantriques, plus elles sont élevées, et plus la dévotion est remplacée par la fierté divine car, comme tu l'as rappelé, elles permettent au méditant de reconnaître en lui ou d'actualiser les qualités de la nature de Bouddha.
Je connais cela en parti, c'est sûr que c'est tellement plus "valorisant" de se visualiser 'soi-même' en tchenrezig ou en "dieu", plutot que de le "voir" en face de soi :lol: La "fusion" de la visualisation et de soi, c'est la part de cette méditation que je préfère, car la dualité, seul ou en couple, c'est pas toujours le top :cool:
Avatar de l’utilisateur
Flocon
Messages : 1701
Inscription : 19 mai 2010, 07:59

Question bête, ce n'est pas un peu dangereux sans une bonne direction, ce genre de pratique? Parce qu'entre la "fierté divine" et l'orgueil, la frontière doit parfois être bien mince... Entre l'actualisation de qualités de Bouddha présentes en soi et la réactivation des fantasmes infantiles de toute-puissance, tout aussi présents, mieux vaut sans doute ne pas faire de confusion. :?:
Ma question n'est pas provocatrice, elle est naïve -je n'y connais rien. Pour rester dans le fil de départ, le thème de la "déification" de l'homme existe dans le christianisme et les autres religions du Livre, mais il a toujours été considéré comme nécessitant quelques précautions.
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
passager

c'est sûr que c'est tellement plus "valorisant" de se visualiser 'soi-même' en tchenrezig ou en "dieu", plutot que de le "voir" en face de soi :lol:
Quoique ... :roll:
Il y a une anecdote sur quelqu'un qui n'arrive pas à visualiser le bouddha en face de lui parce qu'il (le méditant)est un peu trop au dessus de la tête(celle du bouddha) ...
:lol:
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

Je connais cela en parti, c'est sûr que c'est tellement plus "valorisant" de se visualiser 'soi-même' en tchenrezig ou en "dieu", plutot que de le "voir" en face de soi
:D En fait, si on prend en compte les 3 conditions nécessaires au yoga de la déité, on ne peut plus parler de valorisation, car il s'agit, non seulement de la fierté divine, mais aussi de l'apparence claire et surtout du souvenir du sens pur: la vacuité. C'est la négation de l'ego.

On peut alors parler de valorisation dans le sens où le pratiquant voit ce qu'il est réellement: sa nature de Bouddha, et non pas les déguisements conceptuels qu'on se fait de soi-même. C'est plutôt cela se voir en face de soi.

Amitié FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

Flocon a écrit :Question bête, ce n'est pas un peu dangereux sans une bonne direction, ce genre de pratique? Parce qu'entre la "fierté divine" et l'orgueil, la frontière doit parfois être bien mince... Entre l'actualisation de qualités de Bouddha présentes en soi et la réactivation des fantasmes infantiles de toute-puissance, tout aussi présents, mieux vaut sans doute ne pas faire de confusion. :?:
jap_8 Très juste, Flocon, c'est pourquoi la pratique tantrique nécessite une initiation, une transmission orale et des instructions de la part d'un Maître qualifié.

Amitié FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Répondre