Vues d'ensemble des Bouddhismes tibétain et chinois

Dumè Antoni

Ce qui me chiffonne, Ted, c'est que tu puisses supposer que les éveillés orientent l'enseignement dans telle ou telle direction, comme s'il s'agissait d'une stratégie visant à le rendre plus lisible ou plus compréhensible qu'il ne l'est actuellement, dans un esprit adaptatif à l'époque et au public. Ceci me paraît dangereux car cela reviendrait à effacer les différences karmiques des êtres, différences qui font que tous les individus ne sont pas au même niveau vis à vis du Dharma. Il existe des voies lentes et des voies rapides, ainsi que des voies intermédiaires. Certaines de ces voies mènent à l'éveil parfait et insurpassable et d'autres à des éveils intermédiaires et nier cela revient à nier le principe de différentiation des éveillés. Tous les êtres ne sont pas aptes à comprendre certains enseignements. Orienter l'enseignement de manière à le rendre plus apte à l'époque et au public reviendrait donc à dévoyer cet enseignement en le nivelant par le bas (fatalement, puisque tous les individus sont différents). Il est évident, pour donner un exemple précis, que la vue ultime du Madhyamaka qui est la Vacuité ("tout est vide") ou encore la vue Chittamatra ("Tout est esprit") n'ont strictement rien à voir avec la vue Zen ou Dzogchen, par exemple. Non pas que le Madhyamaka ou le Chittamatra soient des vues erronées, mais parce qu'elles ne sont pas, précisément, des Vues au sens du Zen ou du Dzogchen, et qu'il faut donc les placer au rang de philosophies. Nul ne niera l'utilité du Madhyamatra ou du Chittamatra, pas plus que du Théravada ou du Vajrayana, ou du Zen ou du Dzogchen, mais ce ne sont pas des voies identiques et elles ne mènent pas non plus à la même réalisation ou plutôt au même niveau de réalisation. Parfois, il faut emprunter plusieurs voies lentes pour parcourir le chemin jusqu'au bout. Cela dépend donc des individus et de leurs karmas respectifs.

Je ne nie pas (et je déplore) que des maîtres de certaines écoles bouddhiques s'engagent dans un processus de simplification du Dharma, en invitant, par exemple, à pratiquer la "pleine conscience" comme si cela était l'équivalent de Vipassana. Cela peut être considéré comme une stratégie qui fera peut-être avancer le disciple sur la voie. Mais de mon point de vue, on ne fait pas d'enseignement correct avec des vues fausses : Vipassana n'est pas la "pleine conscience" ; ça n'a même strictement rien à voir et nul ne connaîtra l'éveil par la "pleine conscience". Je ne vais pas expliquer ici en quoi c'est différent, mais c'est différent et l'on est en droit de se demander si les maîtres qui invitent à pratiquer la pleine conscience sont réellement des éveillés. Personnellement (et je ne suis pas seul à le penser, loin de là) je pense qu'ils ne sont pas éveillés ainsi que leur notoriété pourrait le faire croire. Ce n'est pas un fait du hasard si des gens comme Christophe André (psychiatre) font plus autorité dans la sphère bouddhique que certains maîtres réellement éveillés, simplement parce que Christophe André a une certaine notoriété appuyée par des moines bouddhistes tibétains ou zen qui ont pignon sur rue. Je ne sais pas si l'on se rend compte vraiment du risque réel de dévoyer le Dharma à ce point. Je trouve quant à moi que c'est catastrophique. Vous allez sans doute penser que j'exagère, que je suis trop excessif dans mes pensées, mais je ne suis pas le seul à penser ainsi et vous devez savoir que cette situation est largement déplorée dans certaines écoles bouddhistes, en particulier celles qui s'appuient sur la Vue (c'est à dire sur l'expérience/réalisation) et non sur la philosophie.
ted

Dumè Antoni a écrit :Ce qui me chiffonne, Ted, c'est que tu puisses supposer que les éveillés orientent l'enseignement dans telle ou telle direction, comme s'il s'agissait d'une stratégie visant à le rendre plus lisible ou plus compréhensible qu'il ne l'est actuellement, dans un esprit adaptatif à l'époque et au public. Ceci me paraît dangereux car cela reviendrait à effacer les différences karmiques des êtres, différences qui font que tous les individus ne sont pas au même niveau vis à vis du Dharma. Il existe des voies lentes et des voies rapides, ainsi que des voies intermédiaires.
Bon. J'aurais dû préciser comme tu me l'as demandé. :oops: Parce que, en effet, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire.

Je pars simplement de la réflexion que le Bouddha adaptait son enseignement à la personne (ou aux groupes de personnes) qu'il avait en face de lui. Cette pédagogie (appelle là strategie si tu veux) me semble couramment admise par les commentateurs reconnus. On en parle d'ailleurs maintenant sur Nangpa dans le fil Comment lire un sutta : http://www.forum-bouddhiste.com/viewtopic.php?f=92&t=9173

Donc, quand je parle d'adapter l'enseignement, c'est bien de cela qu'il s'agit. Et en aucune façon d'un nivellement global, en tirant vers le bas un enseignement supposé global. Car justement, cet enseignement supposé global n'existe pas dans le rapport à l'individu : il y a autant de Bouddhismes que de Bouddhistes.

Je dirai presque que les éveillés qui l'ont mis en place savaient que le Zen etait adapté, taillé, pour le japon, que le Chan était fait pour la Chine, le BT pour les tibétains etc... La "terre pure" adaptée aux diasporas persécutées ou en guerre, sans structures monastiques... etc.. Dans les grandes lignes.

L'intégration d'éléments culturels dans la pratique est la clé qui permet de briser les attachements d'un groupe qui a construit ses vues erronées sur une culture donnée (subjuguer les démons de la religion Bön, par exemple). C'est comme un vaccin. Il faut un minimum de virus pour développer les anticorps.

Donc, ce que font des gens comme Deshimaru, Thich Nhat Hanh, Tenzin Wangyal ou Brad Warner, m'apparaît soudain lumineux : ils intègrent des éléments culturels locaux pour mieux les neutraliser !!! C'est remarquable ! Prodigieux !!! Et bien sûr, incompréhensible au premier coup d'oeil !

Ce n'est pas en répétant tels quels des schémas de pensées, des pratiques bouddhiques, conçues pour contrer les dérives culturelles du Japon ancien, qu'on déracinera les vues fausses du New Age contemporain. Un éveillé apparaît à une époque. Il analyse son époque, sa "terre de Bouddha", et il applique un antidote dont il a le secret.
Dumè Antoni

Je comprends mieux ton message, mais je ne partage pas l'idée selon laquelle les maîtres que tu cites — ou certains d'entre eux — soient des éveillés qui savent vraiment ce qu'ils font (ou qui savaient ce qu'ils faisaient) du point de vue du Dharma. Je ne crois pas qu'ils soient (ou étaient) des maîtres prodigieux — très loin de là, même —, et j'espère ne blesser certaines personnes en le disant. De la même façon, je ne pense pas que T. Jyoji soit un maître prodigieux — très loin de là, même — ni non plus qu'ils soit d'une qualité inférieure à celle des maîtres que tu cites au prétexte qu'il n'a pas pignon sur rue (pour "faire bouger les choses") et qu'il est d'un esprit plutôt conservateur en ce sens qu'il ne fera jamais un Zen Rinzaï à la sauce européenne ou moderne.

Pour ma part, je ne pense pas que le Bouddhisme doive s'adapter à un milieu ou à un Pays. Il s'adapte ou non selon la nature ou le karma des gens qui vivent dans ce milieu ou ce Pays. S'il ne s'adapte pas, ce n'est pas grave et ça ne veut pas dire non plus que tous les habitants de ce milieu ou de ce Pays ne s'adaptent pas, mais que le Bouddhisme ne sera tout simplement pas une religion "dominante" comme l'est actuellement le Christianisme en Europe ou l'Islam dans le proche Orient ou le Maghreb. Tout ça est karma et non une fatalité : c'est un fait, un constat d'expérience. En France, les bouddhistes représentent à peu près un million d'habitants dont 80% sont des Asiatiques de la diaspora. On est très loin d'une religion dominante. Je vais même enfoncer le clou en disant que le Zen (parce que je pense bien savoir de quoi il est question), du fait de la très forte dominance de l'AZI en Europe, ne me paraît pas un Zen digne de ce nom (et donc du Bouddhisme).

Je réalise que j'entre ici dans une polémique qui peut être mal interprétée — aussi ne vais-je pas poursuivre sur ce terrain —, mais pour dire les choses comme je le pense intimement, non seulement avec la foi mais avec l'expérience : je ne partage pas ton enthousiasme — très loin de là, même — relativement à l'action des maîtres mentionnés ni du reste d'aucun maîtres non mentionnés exerçant actuellement en Europe. Je parle bien sûr des maîtres appartenant aux disciplines associées aux maîtres cités, à savoir exclusivement le Zen et le Dzogchen. Pour le Zen, je suis assez à l'aise pour en parler (même si je n'appartiens pas au Sôtô) ; pour le Dzogchen, je m'en réfère davantage à des gens (que je pense) sérieux, qui savent de quoi l'affaire retourne, et qui sont plus que sceptiques (c'est réellement un euphémisme de l'affirmer) sur les qualités d'un TWR, par exemple, avis que je partage après lecture de certains propos de ce maître sur la réalisation de la vacuité de l'esprit (mais je ne vais pas entrer dans les détails ici parce que ce n'est pas l'objet). Donc, désolé de réagir comme je l'ai fait. Après tout, ce n'est que mon opinion, mon avis — bien sûr partagé —, et nul n'est obligé d'y souscrire s'il pense intimement le contraire.
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Dharmadhatu
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jap_8 Coucou Dumè,

J'apprécie la plupart des tes interventions (en tout cas celles que j'ai le temps de lire), mais je trouve dommage ceci:
Il est évident, pour donner un exemple précis, que la vue ultime du Madhyamaka qui est la Vacuité ("tout est vide") ou encore la vue Chittamatra ("Tout est esprit") n'ont strictement rien à voir avec la vue Zen ou Dzogchen, par exemple.
Pour plusieurs raisons:

1) il y a eu déjà de nombreux fils qui ont évoqué ce point et je ne vois pas l'intérêt de multiplier ce type de discussion sur tous les fils où tu discutes (je sais que ce n'est pas "tous" les fils, mais tu vois ce que je veux dire). J'y vois comme une forme de pollution, parce que le sujet principal de ce présent fil concernait les Bouddhismes tibétain et chinois, selon l'exposé de Sa Sainteté et celui d'un Maître Chan reconnu.

2) comme tu l'as déjà souligné, tu ne pratiques pas le Dzogchen et tu en parles selon les ouï dire d'Achard etc., c'est pourquoi je ne vois pas l'intérêt d'en parler tout en étant extérieur à la pratique Dzogchen (on ne peut se faire un avis du Dzogchen sur de simples lectures et/ou discussion car le Dzogchen commence avec rigpa'i tsel wang de la part d'un Maître qualifié et continue avec la certitude d'avoir "compris" rigpa'i tsel).

3) sur le fond: comme le rappelle clairement Sa Sainteté le Dalaï Lama, rechercher la faille cachée de l'esprit, qui permet d'accéder à trekcheu est semblable à l'analyse du Madhyamaka-prasangika (Cf. Dzogchen, l'essence du coeur de la Grande Perfection).

Voici aussi ce que dit Tulkou Orgyen Rinpotché (Rainbow Painting, p. 33-34)
Y a-t-il quelque différence entre les vues du Mahamudra, du Dzogchen et du Madhyamika ? Parfois, il est dit que la base est Mahamudra, la voie est Madhyamika et le fruit est Dzogchen. Qu'il y ait une différence ou non dépend de quel aspect nous parlons. S'il vous plaît, comprenez que le Madhyamika n'est pas juste le Madhyamika; vous devez définir quel aspect est en question. Il y a différents types de Madhyamika, comme le Svatantrika Madhyamika, le Prasangika Madhyamika et le Grand Madhyamika du sens définitif. (*)

Au sein du système Mahamudra, il y a le Mahamudra des Sutras, le Mahamudra des Tantras et le Mahamudra essentiel (**). Le Mahamudra des Sutras est le même que le système mahayniste décrivant les étapes progressives au travers des cinq voies et des dix bhumis. Ceci diffère définitivement du Dzogchen, et c'est pourquoi ce n'est pas simplement appelé Mahamudra, mais Mahamudra des Sutras. Le Mahamudra des Tantras correspond au Maha Yoga et à l'Anu Yoga dans lesquels on utilise la "sagesse de l'exemple" pour accéder à la "sagesse du sens" (***). Le Mahamudra essentiel est le même que le Dzogcehn, mis à part le fait qu'il n'inclut pas tögel. Le Grand Madhyamika du sens définitif n'est pas différent de la vue dzogchen de trekcheu.(****)

Au sein du système Dzogchen, il y a également plusieurs niveaux. Il n'est pas suffisant de dire "Dzogchen" sans mentionner de quel aspect particulier nous parlons. Le Dzogchen n'est pas une entité unique; il y a quatre subdivisions. Il y a la section externe de l'esprit, qui est comme le corps. Il y a la section interne de l'espace, qui est comme le coeur, et la section secrète des instructions, qui est comme les veines dans le coeur. Enfin, il y a la section la plus secrète et insurpassable, qui est comme l'énergie vitale dans le coeur, la pure essence de la force vitale.
_____________
Ce qu'on doit ajouter (comme ici personne le lit le tibétain, je n'indique que la phonétique):

* tous les érudits et pratiquants tibétains ne sont pas d'accord pour dire que le Grand Madhyamaka (qui s'appuie sur le 3ème Tour de roue comme étant l'intention ultime du Bouddha) est de sens définitif, et donc c'est parfois le Madhyamaka dans son ensemble (qui s'appuie sur le 2ème Tour comme étant définitif) qui est désigné Grand Madhyamaka (Cf. Meditation on the Nature of Mind, p. 53).
** tous les érudits et pratiquants ne sont pas d'accord pour accepter une 3ème classe de Mahamudra, Cf. ce qu'en dit Sa Sainteté dans The Gelug/Kagyü Tradition of Mahamudra.
*** ce qui est la même chose que dans le Madhyamaka-Prasangika réalisé dans la phase de perfection des Anuttara Yoga Tantras (Cf. Yangchen Gawai Lodoe, Paths and Grounds of Guhyasamaja According to Arya Nagarjuna).
**** des érudits et pratiquants, comme Sa Sainteté entre autres, considèrent que la vue Prasangika-Madhyamika permet d'effectuer l'accès au trekcheu. Sa Sainteté rappelle bien sûr (dans de nombreux enseignements comme Le Monde du Bouddhisme tibétain par exemple) que la vue Prasangika ne peut pas être affirmée comme étant exactement la même chose que l'essence primordialement pure (ngowo kadag) du trekcheu car selon ce système, c'est la vacuité d'existence inhérente DE rigpa (c'est donc une négation inclusive, tandis que la vue Prasangika est une négation exclusive). Au sens de cette vacuité, c'est Prasangika (puisque rien ne peut échapper à cette vérité ultime), mais au sens où c'est indissociable de rigpa (Cf. d'autres passages de Rainbow Painting etc.), ce n'est pas une simple négation.

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Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Dumè Antoni

Hello Dharmadhatu, je comprends que tu trouves dommage que je revienne souvent sur le problème des vues dans le Zen (ou le Dzogchen, dont j'ai toutes les raisons de penser qu'il existe de nombreux points entre Kensho et Rigpa, mais ce n'est pas la question) et le Mahayana, notamment les philosophies du Madhyamaka et du Chittamatra. Ce n'est pas de ma faute si des différences de vues existent, qu'elles sont patentes. Je regrette tout autant que toi, sinon plus, de devoir revenir dessus régulièrement, parce que régulièrement l'on fait l'amalgame entre le Bouddhisme chinois, mahayaniste, et le Chan, qui dans son aspect Saijojo zen, se distingue nettement du Mahayana. Je pense que quand un maître Chan tente de faire des raccourcis regrettables en mêlant le Chan aux autres écoles bouddhistes chinoises (en particulier des écoles "spéculatives"), il manque singulièrement d'honnêteté intellectuelle, voire de Vue tout simplement, et cela même s'il est le successeur de 3ème génération de Xu Yun(*). En toute honnêteté, j'ai quelques doutes quand on affirme certaines choses. Je crois qu'il est important de le signaler, et cela même si j'ai bien compris qu'il est question de "vues d'ensemble des Bouddhismes tibétain et chinois". S'il n'avait pas été un maître Chan, revendiqué comme tel, je n'aurais probablement pas réagi.

Concernant le Dzogchen, je n'ai fait qu'effleurer la question (sans m'étendre) simplement en raison d'une certaine communauté de Vue avec le Zen (et que j'ai pu établir autrement que par un simple "ouïe dire", il me semble). En conséquence de quoi, s'il existe des différences de vues entre le Zen et le Bouddhisme chinois mahayaniste, il doit en exister fatalement entre le Dzogchen et le Bouddhisme chinois mahayaniste. Que le Dalaï Lama, qui pratique le Dzogchen, remette en question ce principe, je dirais que j'en prends acte, sans que cela change cependant mon point de vue vis à vis du Zen/Chan.

Crois-moi bien que je ne recherche pas une faille caché comme si j'éprouvais un malin plaisir à polémiquer. Je dis simplement qu'il faut appeler un chat, un chat. Et — pardonne-moi de me répéter — quand on me dit que le corbeau est blanc et la colombe est noire, je ne l'accepte pas. Je pense que le Dalaï Lama est un homme d'ouverture d'esprit qui n'hésiterait pas à chercher des points communs entre le Christianisme et le Bouddhisme, dans le but de rapprochements entre les êtres. Ted comprend bien cette démarche et l'approuve. Personnellement, je ne l'approuve pas. Non pas que je ne veuille pas de rapprochements entre les êtres et leur manière de voir les choses, mais parce que les êtres sont différents par nature propre. J'insiste bien sur ce détail, car on a tendance à dire — dans la communauté bouddhiste en général — que les êtres n'ont pas de nature propre, mais ce n'est pas exactement la Vue du Zen dans son principe de différentiation des éveillés. Je me suis expliqué avec Ted sur cette question de différences karmiques justifiant amplement les différents véhicules avec les vues (ou non) respectives. Si tous les véhicules visent la libération dans la 3ème Noble Vérité, tous les véhicules ne pratiquent pas de la même façon la 4ème Noble Vérité (Triple Discipline) en raison des vues (d'approches) différentes qui ont fait l'objets de véritables schismes, non seulement dans le Zen, mais dans le Bouddhisme en général, tous véhicules confondus. Ce n'est pas faire injure au Bouddhisme que de le répéter aussi souvent que nécessaire, et je ne pense pas polluer le fil à devoir le répéter. Ce qui est polluant, c'est la négation systématique de cette "vérité" pourtant simple.

(*) Edit : je redis que je ne sais que penser de la succession de Xu Yun, surtout à partir de la 3ème génération. Je m'étonne simplement, alors que Xu Yun prétendait ouvertement (il l'a écrit) que son école était "insurpassable" (**) — dans le sens du véhicule suprême —, que son successeur (certes de 3ème génération) tente d'en faire une "synthèse" (même s'il s'agit d'une synthèse du "meilleur") des deux écoles. De mon point de vue une "synthèse" est strictement philosophique et ne saurait inclure la Vue (qui n'est pas de la philosophie), en particulier quand on sait que le Tiantaï et le Huayan sont du Bouddhisme mahayana spéculatif. Enfin, tout ça mériterait un peu plus de clarté (mais peut-être est-ce détaillé dans le livre ?).

(**) "Notre école Chan ne connaît aucune étape et elle est, de ce fait, insurpassable" (Xu Yun, discours prononcé au monastère du Bouddha de Jade de Shangaï, dans "Le moine aux semelles de vent", éd. Dervy, collection "chemins de sagesse")
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Dharmadhatu
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Hello Dharmadhatu, je comprends que tu trouves dommage que je revienne souvent sur le problème des vues dans le Zen (ou le Dzogchen, dont j'ai toutes les raisons de penser qu'il existe de nombreux points entre Kensho et Rigpa, mais ce n'est pas la question)
jap_8 Oui justement, c'est pourquoi je m'interroge sur ton souhait de vouloir parler du Dzogchèn, alors que ce n'est pas la question. Y revenir constamment, même quand ce n'est pas la question, ça fait limite propagande, tu vois ce que je veux dire ?
Je pense que le Dalaï Lama est un homme d'ouverture d'esprit qui n'hésiterait pas à chercher des points communs entre le Christianisme et le Bouddhisme, dans le but de rapprochements entre les êtres.
jap_8 Il y a des points communs, qui en douterait ? Mais pas au point de dénaturer les fondements de chaque tradition; jamais Sa Sainteté ne remettra en question la vacuité par exemple.
Que le Dalaï Lama, qui pratique le Dzogchen, remette en question ce principe, je dirais que j'en prends acte, sans que cela change cependant mon point de vue vis à vis du Zen/Chan.
Je t'invite à lire ce livre où tu trouveras un point de vue de Sa Sainteté brièvement évoqué sur un aspect du Dzogchen. Il me semble que le Vénérable Maître Chan Sheng-yen était assez réalisé et érudit pour qu'on prenne en compte son avis sur la tradition chinoise et sur ses sources scripturales comme Nagarjuna, Vasubandhu etc. Par contre, s'il s'était mis à discuter du Dzogchèn sans y avoir été introduit et sans l'avoir pratiqué, alors j'aurais moi-même émis des doutes sur le bien fondé de ses déclarations.

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Dumè Antoni

Dharmadhatu a écrit :Oui justement, c'est pourquoi je m'interroge sur ton souhait de vouloir parler du Dzogchèn, alors que ce n'est pas la question. Y revenir constamment, même quand ce n'est pas la question, ça fait limite propagande, tu vois ce que je veux dire ?
Je comprends ce que tu veux dire, même si je n'ai pas l'impression d'avoir fait du Dzogchen l'essentiel de mes propos (et encore moins de la propagande). Mais bon, je te prie d'accepter mes excuses pour cette maladresse de ma part.
jap_8 Il y a des points communs, qui en douterait ? Mais pas au point de dénaturer les fondements de chaque tradition; jamais Sa Sainteté ne remettra en question la vacuité par exemple.
Je n'en ai jamais douté.
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Dharmadhatu
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jap_8 Merci Dumè pour ta compréhension, le Dzogchen est un domaine très difficile relevant du niveau des Anuttara yoga Tantras et qui comprend de nombreuses subdivisions; or comme il n'est déjà pas facile de s'y retrouver même en ayant reçu des transmissions etc., certaines craintes quant à de nouvelles altérations éventuelles par rapport aux fondements de cette tradition vaste et profonde me semblent justifiées.

Ceci n'enlève en rien le fait que j'apprécie le reste de tes interventions qui sont devenues de plus en plus constructives et utiles au forum.

Bien sûr, si un Maître Dzogchen venait à confirmer ta réalisation de rigpa, il va sans dire que je serais parmi les premiers à accueillir tes propos sur la question.

De tout coeur flower_mid
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Dumè Antoni

Dharmadhatu a écrit :Bien sûr, si un Maître Dzogchen venait à confirmer ta réalisation de rigpa
Houla ! Attention ; je n'ai jamais dit que j'avais réalisé Rigpa mais que j'avais toutes les raisons de penser que Rigpa et Kensho étaient de même nature (de réalisation). Bien évidemment, cet avis résulte des conversations et analyses sur un forum, avec une personne dont j'ai tout lieu de penser qu'elle savait parfaitement ce que signifie Rigpa. Mais je n'ai cependant, à titre personnel, jamais rencontré (en "chair et en os") de maîtres ayant suffisamment de compétence en Zen et en Dzogchen pour confirmer (ou infirmer) cette "ressemblance" pressentie. La différence fondamentale entre Kensho et Rigpa est que le premier ne nécessite pas (ou en tout cas, ce n'est pas aussi formel) l'introduction du Maître. D'après Jean-Luc Achard, toutefois, la nature visionnaire de Rigpa n'existe nulle part ailleurs que dans le Dzogchen (les "autres" réalisations seraient pour lui essentiellement sapientiales), ce que je conteste pour ma part avec Kensho, même si les "visions" (associées à kensho) ne sont pas exactement de la même nature. Le problème le plus important, en fait, c'est que les maîtres dzogchenpa ne connaissent pas le Zen et les maîtres zen ne connaissent pas le Dzogchen, et de fait, les nombreuses publications tendant à rapprocher ces deux Voies (l'une et l'autres sont subististes, mais le Zen a de larges "compromis" avec le Mahayana, ce qui en fait un véhicule un peu à part) ne semblent pas satisfaire les Dzogchenpas. Je comprends cette réticence (et donc je la partage) car les auteurs de ces publications sont souvent des universitaires, historiens, qui ne connaissent du Zen ou du Dzogchen que les sources scripturales (c'est à dire essentiellement mahayanistes pour ce qui concerne le Zen).
ted

Dumè, et si tu allais chercher la transmission chez un maître Dzogchen ? Ca devrait aller vite ?
Du coup, tu deviendrais une référence pour parler des deux.

Je sais que tu étais BT à tes débuts, mais là, c'est dzogchen. C'est pas tout à fait la même école.

C''est J.C. P, le pote de Yudo qui est allé chez les tibétains, je crois, après avoir pratiqué le Zen très longtemps.
Provence - Côte d'azur - Corse
Alpes de Haute-Provence - 04

Association Thiglé
école : Changpa-Kagyu (Dzogchen)
115 rue Poterie 04200 Sisteron
Tél. 04.92.61.26.93
Site Internet : www.thigle.com
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