Esprit et matière, fondamentaux vajra

Serge Zaludkowski

Tous les véhicules de la voie bouddhiste font référence au dharma enseigné par Bouddha Shakyamouni dont les enseignements sont rapportés dans le tripitaka/tipitaka, les 3 corbeilles. Ceux-ci sont reconnus par tous les véhicules, et ceux qui n'y adhèrent pas pleinement ne font pas partie de ce dharma. Dans le véhicule vajra, ceux qui adhèrent à d'autres dharmas, quels qu'ils soient, font partie du "véhicule des dieux et des hommes". Malgré qu'ils n'aient pas encore découvert les enseignement de Bouddha Shakyamouni, certains de ces véhicules sont une étape sur le chemin. C'est la raison pour laquelle, dans certains véhicules bouddhistes et dans l'objectif de créer des ponts "entre les hommes", certains enseignants "interprètent" les enseignements du véhicule des dieux et des hommes dans une vision du dharma de Shakyamouni élargie à ceux-ci. Cette approche porte souvent à confusion et si les divergences de vues ne sont pas clairement énoncées, le risque est pris de tendre vers des tendances dites "new-age" où tout se mélange et finit par ressembler aux enseignements "hindouistes" que Bouddha Shakyamouni, en son temps, a considéré comme faisant partie de voies extrêmes qui ne mènent pas au plein éveil. L'enseignement du Bouddha est avant tout "La voie du Milieu", en dehors des vues extrêmes. C'est la raison pour laquelle, dans la majeure partie des cas, les tenants du véhicule vajra évitent ces amalgames.
Concernant les véhicules bouddhistes, les divergences résident dans l'interprétation que chacun de ces véhicules proposent des enseignements retranscrits de Bouddha Shakyamouni. Ces différences forgent les étapes de "l'histoire du bouddhisme". Les approches philosophiques divergentes sur des points précis ont donné lieu à des grands débats dont certains furent les vecteurs d'accumulation de nombreuses causes négatives ... nous subissons encore aujourd'hui les effets créés par certaines de celles-ci.
Ainsi, il est important, sur la voie, de prendre un temps à étudier ces courants, philosophies et débats parce qu'ils ont formé les "vues" sur lesquelles s'appuient les différentes pratiques d'aujourd'hui. Il peut-être important, pour certaines écoles, de débattre au sein de chaque tradition afin de "clarifier" la vue qui y est proposée. Par contre il est, dans la majeure partie des cas, improductif, pour ne pas dire négatif, de reproduire ces débats inter-véhicules. Ceux que cela intéresse ont à leur disposition une littérature importante sur le sujet. Même à l'intérieur du véhicule vajra, certaines discussions n'ont plus lieu d'être, tout ou presque ayant été dit sur le sujet.

Le point de convergence de tous les véhicules de Bouddha Shakyamouni sont couverts par les 4 sceaux :

1. Anitya : tous les phénomènes sont impermanents
2. Anatman : tous les phénomènes sont sans substance
3. Sunyata : tous les phénomènes sont vides
4. le nirvâna est au-delà des extrêmes

1. Tous les phénomènes sont impermanents : Tous les phénomènes (par définition interdépendants/composés suivant le vajrayana/dzogchen) sont impermanents. Ainsi, à part, d'un point de vue conventionnel, "la base", le dharmakaya, l'objet même de l'enseignement du Bouddha, l'état libéré de toutes les souffrances, tous les phénomènes naissent, paraissent et disparaissent.

2. Tous les phénomènes sont sans substance : C'est ce qu'on appelle le non-soi. Aucun phénomène, quel qu'il soit, n'existe "par lui-même". Tous les phénomènes sont l'objet de la production conditionnée, l'interdépendance.

3. Tous les phénomènes sont vides : Le vide (sunyata) est la nature profonde de tous les phénomènes. Du point de vue vajra, ce vide n'est pas "rien". Ce n'est pas le nihilisme, il est "réalisable".

4. Le nirvana est au-delà des extrêmes : La cessation de la souffrance, ce qu'on appelle le nirvana, bien qu'impermanent lui même, ne se trouve pas dans les extrêmes du nihilisme ou du matérialisme.

Anitya, anatman et sunyata sont relativement, identiquement, compris par tous les véhicules bouddhistes. Le nirvana quant à lui donne lieu à plus d'interprétation. D'un point de vue dzogchen, le nirvana est une vue duelle, opposée à samsara, et donc impermanente. Ce n'est pas l'objet final de l'enseignement du Bouddha, il subit la loi des trois premiers sceaux, il est impermanent, conditionné et vide, mais réalisable.

Le monde matériel et l'esprit duel (sems) sont donc eux aussi impermanents, conditionnés et vides. Ce qui les conditionne, en premier lieu, c'est l'ignorance. L'absence de reconnaissance de la nature véritable de tous les phénomènes, esprit et matière, supports aux extrêmes. La non reconnaissance de la nature véritable ouvre les portes de l'errance des êtres dans le samsara, le monde duel de l'ignorance qui codifie "le monde/les phénomènes" et les rapports avec celui-ci en terme de "lois naturels". C'est le domaine d'observation des différentes "sciences", et notamment des sciences "physiques" qui enregistrent "pour vraie" les différentes causalités (effets karmiques) reproductibles. Ils observent, par exemple, que dans les conditions de notre univers une pierre lancée en l'air retombe obligatoirement sur la terre, de haut en bas. Ils observent, aujourd'hui de façon approfondie, bon nombre de causalités du samsara. Le dharma du Bouddha accepte pour vraies ces "lois physiques", dans la limite où elles se confinent au domaine du relatif. Les domaines des "probabilités", des "statistiques", du "hasard" et autres sont vus, du point de vue du dharma, avec "sympathie" mais distance. Ce sont des "boîtes" qui servent à ranger ce qui ne peut être érigé en "lois fondamentales", en causalité. Ce sont des boîtes sans "causes connues" ou reconnues pour "vraies et définitives". D'une façon général y sont rangé ce qui touche à l'origine fondamentale du temps et de l'espace, le domaine des hypothèses. Ces lois, on le comprendra bien, ne peuvent être considérées comme "supérieures" ou "dominantes" en regard des enseignements de Bouddha Shakyamouni. Elles ne peuvent servir de référence ou être objet de support à démonstration. Pour un pratiquant du vajrayana, sans qu'il soit nécessaire de l'affirmer publiquement afin d'éviter des débats "sans fond", elles font partie du domaine de l'ignorance, de la non reconnaissance de notre nature véritable, du monde des conventions duelles.

Puissent tous les êtres trouves le bonheur et le chemin qui mène à la cessation de toutes les souffrances.
Serge Zaludkowski

Suite à une communication privée, ted m'a proposé de préciser que c'était tous les phénomènes "conditionnés" qui étaient impermanent, car cela avait donné lieu, dans le temps, à des discussions épiques. J'ai précisé entre parenthèses, néanmoins :

Du point de vue dzogchen, cela ne nécessite pas de précision, car TOUS les phénomènes sont impermanents, y compris le nirvana, car tous font partie du domaine de l'ignorance, la non reconnaissance de sa nature profonde, la séparation entre soi et les autres, soi et les phénomènes,,l'univers duel ... et cela ne se discute pas, ne peut se discuter, cela se réalise, c'est tout.
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

:D Bonjour Serge,

Cette présentation des 4 sceaux est inédite, tandis que celle que tu fais ailleurs est correcte: viewtopic.php?f=61&t=8995&p=42308&hilit ... A9s#p42308.

Voici celle qu'on retrouve dans L'Enseignement du Bouddha de Walpola Rahula (p. 82-83):

Dans le Dhammapada, il y a trois vers extrêmement importants et essentiels dans l’enseignement du Bouddha. Ce sont les N° 5, 6 et 7 du chapitre XX (ou les vers 277, 278 et 279).
Les deux premiers vers disent :

"Toutes les choses conditionnées sont impermanentes (Sabbe saṃkhara anicca)."
"Toutes les choses conditionnées sont dukkha (Sabbe saṃkhara dukkha)."

Le troisième vers dit :
"Tous les dhamma sont sans soi (Sabbe dhamma anatta)."

Ici il faut soigneusement observer que dans les deux premiers, c’est le mot saṃkhara (choses conditionnées) qui est utilisé. Mais à cette même place dans le troisième vers c’est le mot dhamma qui est utilisé. Pourquoi ce troisième vers n’utilise-t-il pas le mot saṃkhara comme les deux premiers vers et pourquoi utilise-t-il le mot dhamma ? C’est là le point crucial de toute la question.

Le terme saṃkhara représente les cinq agrégats, tous conditionnés, interdépendants, états et choses relatifs, à la fois physiques et mentaux (...)

Le mot dhamma a un sens beaucoup plus large que saṃkhara. Il n’y a pas, dans toute la terminologie bouddhiste, de terme plus large que dhamma. Il comprend non seulement les choses ou états conditionnés, mais aussi le non-conditionné, l’Absolu, le Nirvana. Il n’y a rien dans l’univers ou en dehors, bon ou mauvais, conditionné ou non-conditionné, relatif ou absolu, qui ne soit inclus dans ce terme.


Même chose dans de nombreux autres textes, un exemple dans Les Quatre nobles vérités du Vén. Lobsang Gyatso (p. 74-78), sauf que pour le second saṃkhara, on a ici "phénomènes impurs" et souvent "phénomènes contaminés".

:arrow: En fait, la confusion qui fait dire au Bouddha que tout est impermanent (on le fait dire aussi à Sa Sainteté le Dalaï Lama dans La Voie vers la paix, par exemple) semble provenir d'une traduction malheureuse de "every thing" (toute chose [produite], skt. bhāva, tib. dngos po) qu'on lit à tort comme étant "everything": tout - tout ce qui existe - tout phénomène - etc.

Il y a donc, pour la philosophie bouddhiste, des phénomènes (pali dhamma, skt. dharma, tib. chos) qui sont permanents: récemment en Inde du Sud, Sa Sainteté a évoqué la nature de Bouddha comme étant qualifiée de permanente parce qu'en tant que continuum conscient, elle n'est jamais venue à l'existence et ne peut cesser non plus. Ce dernier point est confirmé par Namkhaï Norbu Rinpotché dans Dzogchen et Tantra (p. 98). Et tu le rappelles à juste titre:
Ainsi, à part, d'un point de vue conventionnel, "la base", le dharmakaya, l'objet même de l'enseignement du Bouddha, l'état libéré de toutes les souffrances, tous les phénomènes naissent, paraissent et disparaissent.
Mais en même temps ce que je souligne est contredit ce que tu dis plus bas:
le nirvana, bien qu'impermanent lui même
N'oublions pas qu'il existe dans la tradition bouddhiste plusieurs types de nirvana, mais ce sont des cessations qui sont largement reconnues comme étant permanentes.
3. Duhkha : tous les phénomènes sont vides
Duhkha c'est la souffrance; vide, c'est śhūnya.

Enfin, concernant ce point:
Tous les phénomènes (par définition interdépendants/composés suivant le vajrayana/dzogchen) sont impermanents.
Sa Sainteté avait rappelé à Hambourg (2007) qu'il y a deux types de composés: les causalement composés et les composés de parties distinctes. Il semble que rien n'échappe à la seconde catégorie car même la vacuité (des existants en général) peut être dite avoir des parties: la vacuité de chaque phénomène particulier. Par contre, elle est bien causalement in-composée et donc permanente (il est important de connaître la définition bouddhiste du terme permanent, qui est " un phénomène non instantané").

Amitié FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Serge Zaludkowski

Dharmadhatu a écrit ::D Bonjour Serge,

Cette présentation des 4 sceaux est inédite, tandis que celle que tu fais ailleurs est correcte: viewtopic.php?f=61&t=8995&p=42308&hilit ... A9s#p42308.

Voici celle qu'on retrouve dans L'Enseignement du Bouddha de Walpola Rahula (p. 82-83):

...
Bonjour C.,

Je laisserai de coté cette présentation de Walpola Rahula qui représente une vue particulière qui n'est pas partagée par tous les véhicules bouddhistes. C'est la raison pour laquelle, plutôt que de répondre dans le sous-forum généraliste, j'ai tenu à venir répondre, indirectement, dans un sous forum plus proche de la vue que je partage.
Même chose dans de nombreux autres textes, un exemple dans Les Quatre nobles vérités du Vén. Lobsang Gyatso (p. 74-78), sauf que pour le second saṃkhara, on a ici "phénomènes impurs" et souvent "phénomènes contaminés".

:arrow: En fait, la confusion qui fait dire au Bouddha que tout est impermanent (on le fait dire aussi à Sa Sainteté le Dalaï Lama dans La Voie vers la paix, par exemple) semble provenir d'une traduction malheureuse de "every thing" (toute chose [produite], skt. bhāva, tib. dngos po) qu'on lit à tort comme étant "everything": tout - tout ce qui existe - tout phénomène - etc.
Il existe des divergences de vues à l'intérieur du bouddhisme tibétain, nous le savons. L'approche du dzogchen est très particulière parce que toutes les choses sont conditionnées par l'ignorance, c'est à dire la non reconnaissance de notre nature au moment du surgissement des apparitions de la base. C'est la naissance du samsara et du nirvana. Samsara et nirvana n'existe pas au moment de la base, ce sont tous deux des facteurs conditionnés. Au moment de la base, samsara et nirvana sont indifférenciés. Le nirvana n'a d'existence qu'en regard du samsara qui lui même n'a pas d'existence intrinsèque mais est conditionné par la non-reconnaissance (ma-rigpa). Ainsi, à part la base (gZhi) tous les phénomènes sont conditionnés.

Le maître Longchen Rabjam explique comment se produisent les apparitions de la base :
Après avoir brisé l’enveloppe (rGya) du « corps du vase de jouvence », la base primordiale de la sphère interne ultime originellement pure, par le flux (gYos-Pas) de l’énergie/vent de la sagesse primordiale, les apparitions spontanées de la conscience intrinsèque rayonnent (‘Phags) de la base sous l’aspect de « huit portes spontanément accomplies » (Lhun-Grub Kyi sGo-bGyad) .
Comme tout, nirvana et samsara, surgit spontanément des apparitions des « huit portes spontanément accomplies », on appelle cela le « grand surgissement simultané des apparitions du samsara et nirvana ».

Comme l'explique ce maître, la base primordiale (gZhi) de la sphère interne ultime (la vacuité, la mère-essence) est originellement pure (kadag). Au moment de la base elle est non polluée ni par le samsara, et par conséquence ni par le nirvana.

Sur le sujet, le Yeshé Lama est très clair:
La quadruple confiance est (a) la confiance de n’avoir aucune peur de l’enfer sachant que tout est illusion, (b) n’avoir aucune attente de résultats karmiques puisque le samsara est non-existant, (c) n’avoir aucun espoir de réalisation parce qu’il n’y a pas d’existence véritable du nirvana, et (d) ne pas avoir de joie, mais plutôt de l’équanimité concernant les vertus de la bouddhéité, puisqu’on a atteint l’état naturel.

Je pourrai retrouver de multiples références, mais la vue et l'analyse que tu présentes est, comme tu le dis, "philosophique". Il est néanmoins important de toujours se rappeler, comme Longchen Rabjam, que concernant la vue de dzogchen (dans la catégorie la plus secrète) :
Comme elle ne s’appuie pas sur des mots, elle ne dépend pas des sagesses intellectuelles. Comme elle réalise directement la nature, elle ne demeure pas dans la vue de l’analyse intellectuelle. ...

Jigmed Lingpa, par exemple, dans le Yon-Tan Rin-Po-Ch’e’i mDzod-Las :
Dans la base, la conscience intrinsèque est présente sans tomber dans aucune dimension (rGya). Comme sa nature est dépourvue d’existence inhérente, elle ne risque pas de tomber dans aucun extrême. Elle est dépourvue d’un intellect de conceptualisation d’un soi, et c’est la conscience intrinsèque nue et libre, inconcevable et inexprimable.

Il est clair que la vue du dzogchen ne peut être "com-prise" par la simple analyse philosophique. Essayer de la mettre dans une boîte pré-existante ne peut refléter, ne fusse que de loin, c'est qu'elle pourrait être.
Il y a donc, pour la philosophie bouddhiste, des phénomènes (pali dhamma, skt. dharma, tib. chos) qui sont permanents: récemment en Inde du Sud, Sa Sainteté a évoqué la nature de Bouddha comme étant qualifiée de permanente parce qu'en tant que continuum conscient, elle n'est jamais venue à l'existence et ne peut cesser non plus. Ce dernier point est confirmé par Namkhaï Norbu Rinpotché dans Dzogchen et Tantra (p. 98). Et tu le rappelles à juste titre:
Ainsi, à part, d'un point de vue conventionnel, "la base", le dharmakaya, l'objet même de l'enseignement du Bouddha, l'état libéré de toutes les souffrances, tous les phénomènes naissent, paraissent et disparaissent.
Mais en même temps ce que je souligne est contredit ce que tu dis plus bas:
le nirvana, bien qu'impermanent lui même
N'oublions pas qu'il existe dans la tradition bouddhiste plusieurs types de nirvana, mais ce sont des cessations qui sont largement reconnues comme étant permanentes.
3. Duhkha : tous les phénomènes sont vides
Duhkha c'est la souffrance; vide, c'est śhūnya.

Enfin, concernant ce point:
Tous les phénomènes (par définition interdépendants/composés suivant le vajrayana/dzogchen) sont impermanents.
Sa Sainteté avait rappelé à Hambourg (2007) qu'il y a deux types de composés: les causalement composés et les composés de parties distinctes. Il semble que rien n'échappe à la seconde catégorie car même la vacuité (des existants en général) peut être dite avoir des parties: la vacuité de chaque phénomène particulier. Par contre, elle est bien causalement in-composée et donc permanente (il est important de connaître la définition bouddhiste du terme permanent, qui est " un phénomène non instantané").

Amitié FleurDeLotus
On comprend donc que ne s'appuyant sur aucune des "sagesses intellectuelles", elle ne peut entrer dans aucune des "philosophies bouddhistes", elle est hors de de ces champs. Pour certains aspects elle se rapproche de yogacara, pour d'autre de madhyamaka, mais n'est "englobée" dans aucune de celles-ci.

Concernant les références à "Dzogchen et tantra" de ChNN. Cet ouvrage est la compilation de retranscriptions d'enseignements donnés par ChNN à différentes occasions. Sorties de leurs contextes elles ne peuvent être considérées comme représentant la pensée définitive du maître. Qui plus est c'est un "ouvrage de vulgarisation" avec des concepts simplifiés accessibles au plus grand nombre. Je te propose plutôt, sur le sujet dzogchen, Les Enseignements Dzogchen (notamment p59 à 76 et plus), que j'ai traduit récemment, mais aussi les nombreux enseignements qu'il est possible de réécouter sur le site de la CD.
Namkhai Norbu, à l'occasion de tous ses enseignements, ne cesse de répéter que, dans la majeure partie des cas, ce qu'il enseigne et les pratiques qu'il transmet sont des pratiques "secondaires", qui appartiennent généralement au mahayoga, au tantrisme ... pas véritable au dzogchen.
Ainsi, si on veut avoir une véritable compréhension de ce qu'est le dzogchen, Longchen Rabjam, Jigmed Lingpa et d'autres grands maîtres doivent être pris comme référence.
Concernant Sa Sainteté (et tu sais l'attachement que j'ai pour elle), c'est avant tout un moine de tradition gelugpa et ses enseignements ont pour ligne directrice le lamrin de Je Tsongkhapa. Tu connais les positions de Je Tsongkhapa sur le dzogchen et les différents qui existe, par exemple avec Jigmed Lingpa (entre autres), nous n'allons pas refaire l'histoire. Bien entendu il a reçu les enseignements et initiations de nombreux cycles du dzogchen de ses maîtres nyingma. Mais comme il est expliqué dans les enseignements dzogchen, un pratiquant dzogchen peut pratiquer et enseigner n'importe quel yana, dans la mesure où c'est vu à partir de l'état naturel ... ce qui bien entendu facilite l'enseignement du dzogchen sans qu'il y ait contradiction avec les enseignements de Tsongkhapa ... ce qui n'est pas un exercice facile.
Pour finir, tu essayes de faire ressortir ce qui serait "mes contradictions", mais si tu lis bien ce que j'écris, tu y découvriras que, pour les besoins de l'explication, je me place d'un point de vue conventionnel "Ainsi, à part, d'un point de vue conventionnel, "la base", le dharmakaya, l'objet même de l'enseignement du Bouddha, l'état libéré de toutes les souffrances, tous les phénomènes naissent, paraissent et disparaissent".

Le dzogchen n'est ni une philosophie, ni les tantras du Guhyagarbha ...

Très amicalement,
serge

nb : une idée, peut-être la confusion vient-elle du fait que tu assimiles la base au nirvana ?
Serge Zaludkowski

J'ai trouvé cette citation, "en passant". Elle peut-être utile à notre discussion :
Dans la « base primordiale » il n’y a pas d’illusion. Mais quand les « apparitions de la base » surgissent, surgit aussi la connaissance (Shes-Pa) qui ne réalise pas l’essence intrinsèque, c’est une connaissance neutre prenant racine dans la non-illumination et qui considère les « apparitions de la base » comme des entités séparées, de la sorte on est pris dans l’illusion en tant qu’être.
Longchen Rabjam
Au fil du temps, je me propose d'éclairer ce sujet par des citations que j'aurai glané au fil des mes lectures ... si vous le voulez bien.

Puissent tous les êtres trouver le bonheur et le chemin qui mène à la cessation définitive de la souffrance
Serge jap_8
Avatar de l’utilisateur
yves
Messages : 692
Inscription : 26 février 2016, 13:01

de ce que que je comprends du dzogchen, il ne peut être pratiquer par des êtres capable de recevoir la "vue" directement d'un maître

ceux dont l'esprit n'est pas assez avancé sont guidés vers les "vues" autres (qui ne concernent simplement la fin de la voie)

pour donner un exemple plus concret si sur l'image que propose tirru ici viewtopic.php?f=87&t=9003 vous n'êtes pas au niveau 7/8/9 le dzogchen n'est pas pour vous et quand bien même vous auriez atteint les niveaux 7/8 il n'est pas sur que cela suffise car le reste de karma peut "gêner" la transmission directe du maître

donc je ne suis pas sur qu'ils soient vraiment utile de discuter de tout cela pour quiconque ici, moi le premier ::mr yellow::

bien à tous love_3
oui à ce qui est
tout change
tout est maintenant
être tout
amour
Serge Zaludkowski

Dans l’essence de la conscience intrinsèque, qui n’est pas distraite par les objets, il n’y a aucune manifestation d’un quelconque attachement, rejet ou accomplissement. Ainsi, c’est l’état de libération des limites du samsara et du nirvana. De cette vue Dampa Sangyé de l’Inde se réjouira. Dans la conscience intrinsèque, parfaite en tant que corps ultime (Ch’os-sKu), il n’y a pas de sujet de raisonnement. Ainsi, c’est l’absence d’entraves en tant que nature de la sagesse primordiale, la grande liberté des extrêmes.
- Jigmed Lingpa - Yon-Tan Rin-Po-Ch’e’i mDzod-Las -
Dans la grande perfection naturelle [dzogpa chenpo], toutes les vertus de la nature sont présentes spontanément en tant que clarté non composée [l’absorption lumineuse] de l’Esprit, qui transcende l’esprit et est la conscience intrinsèque et la sagesse surgissant spontanément. Ainsi il est libre naturellement et ne dépend pas des causations de créateur et créé, ou d’autres conditions tel le caractère de l’espace. Il est présent sans aucune modification.
- Gyurmed Tshewang Chogdrub - bDe-Bar gSegs-Pa’i bsTan-Pa Thams-Chad Kyi sNying-Po Rig-Pa ‘Dzin-Pa’i sDe-sNod rDo-rJe Theg-Pa sNga-‘Gyur rGyud-‘Bum Rin-Po-Ch’e’i rTogs-Pa brJod-Pa Lha’i rNga-Bo-Ch’e lTa-Bu’i gTam -
Le prāsangika, après avoir fait séparément la distinction entre apparitions et vacuité, appréhende la vacuité de la négation non affirmative (Med-dGag), l’appelant la distinction entre apparitions et vacuité, ou exclusion de la vacuité. C’est une méthode qui maintient la méditation et la vue par des concepts. Il affirme aussi que si l’on distingue d’abord la vue par des concepts et qu’on acquiert de l’expérience à l’aide de la méditation, cela deviendra tel qu’on le dit : « réalisation de la félicité, clarté et esprit sans concept ». Dans tous les cas, la tradition du dzogpa chenpo utilise la conscience intrinsèque en tant que voie, ou maintient seulement la conscience intrinsèque. Elle n’utilise pas des concepts parce que les concepts sont l’esprit, et elle médite sur la conscience intrinsèque après avoir fait, séparément, la distinction entre esprit et conscience intrinsèque.
- Jigmed Tenpa’i Nyima - rDzogs-Ch’en -
Serge Zaludkowski

yves a écrit : ...
donc je ne suis pas sur qu'ils soient vraiment utile de discuter de tout cela pour quiconque ici, moi le premier ::mr yellow::

bien à tous love_3
En discuter peut-être pas ... c'est la raison pour laquelle tout cela se retrouve dans un forum propre au dzogchen. Néanmoins ce sont des sources d'informations qui peuvent amener à relativiser sa propre voie, et peut-être finir par rencontrer un maître dzogchen qui proposera une introduction "direct" à la nature de l'esprit.

Néanmoins, il est bien de préciser que ce que le dzogchen entend par supérieur n'est pas limité à une caste d'individus qui auraient "quelque chose de plus" que d'autres. Tout le monde est capable de recevoir l'introduction directe d'un maître et de s'y "installer" ... c'est juste une question de pureté et d'énergie, pas "d'intelligence" per se.

Je remarque, en passant, puisque tu es intervenu, que tu as une piètre opinion de tes camarades de jeu : "discuter de tout cela pour quiconque ici" jap_8

eveil_333
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

:D En fait, cher Serge, un phénomène peut très bien être conditionné sans pour autant être impermanent: l'espace est conditionné dans le sens où il dépend d'une désignation par rapport à l'obstruction matérielle dont il est l'absence. La vacuité est conditionnée dans le sens où elle est désignée en dépendance d'un soi dont elle est l'absence. La désignation est la condition qui leur attribue une existence en dépendance de bases d'imputation. Mais cela ne les rend pas impermanents. Autrement dit, conditionnement = impermanence est une extrapolation que tu sembles faire.

Puis-je solliciter ton érudition en matière d'Ecritures dzogchen pour pouvoir lire une citation qui dit explicitement (toujours selon le Dzogchen) que tout ce qui est conditionné est impermanent ?

Tu sembles vouloir prôner une vue au-delà de toute philosophie (telle est la beauté du Dzogchen d'ailleurs) tout en apportant des éléments philosophiques comme les 4 sceaux. Ok, tout ce qui n'est pas Dzogchen est secondaire (sauf pour les pratiquants pour lesquels tout n'advient pas soudainement), je pense qu'on l'a bien compris, mais en même temps, rien de ce qui est secondaire n'est contradictoire avec le Dzogchen. Bref, selon ton point de vue, soit on parle uniquement de la vue Dzogchen a grand renfort de mots tibétains (que personne ne lit ici à part votre serviteur), soit on accepte de parler philosophie dès qu'on la met sur le tapis, alors qu'en fait tu laisses accroire que dès qu'on vient discuter des points de vue philosophiques, tu t'en retournes vers la vue qui échappe à tout point de vue philosophique.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Serge Zaludkowski

Je comprends la nécessité que tu as à ramener cette discussion à des concepts philosophiques, et certainement c'est un domaine où tu excelles. En ce qui me concerne je suis bien loin d'être capable, tel Jigmed Lingpa ou Mipham, d'être aussi à l'aise sur ce terrain pour soutenir la controverse. Avant néanmoins d'essayer de répondre à tes questionnements, par respect, je rappelle que le dzogchen n'est pas système intellectuel. Pour preuve les nombreuses citations d'éclairés qui mettent en garde sur ce point. Parmi ces citations, cette fois, je m'en tiendrai à celle-ci extraite de Enseignements Dzogchen de Namkhai Norbu :
"Pour connaître ou découvrir le sens véritable de l’enseignement dzogchen, vous n’avez pas besoin du titre d’un livre ou d’un enseignement, ni même d’études particulières, parce que lorsque vous lisez ou parcourez un livre, vous fabriquez une connaissance intellectuelle. Vous ne découvrirez jamais véritablement votre état du dzogchen de cette façon. ... La méthode consiste à travailler concrètement avec votre expérience. C’est seulement ainsi que vous pourrez découvrir le sens véritable du dzogchen. Cela ne fait partie d’aucune sorte d’intitulé ou de livre. ...
Observez-vous au lieu de regarder les objets. ... En général nous ne nous observons pas, surtout quand nous étudions de façon intellectuelle. Aussi longtemps que vous nourrissez le concept que votre point de vue existe, alors le point de vue des autres existe aussi. Si vous êtes convaincu de votre point de vue personnel, alors vous devez nier celui des autres, ce qui veut dire avoir un jugement sur chaque chose, regarder les objets et appliquer des analyses, quelque chose de bien différent que de s’observer."
Dharmadhatu a écrit ::D En fait, cher Serge, un phénomène peut très bien être conditionné sans pour autant être impermanent: l'espace est conditionné dans le sens où il dépend d'une désignation par rapport à l'obstruction matérielle dont il est l'absence.
Au moment de la base, il n'est pas encore de désignation. La désignation est déjà une étape du soi-individuel, bien après la non reconnaissance de la nature des apparitions. L'espace, qui n'est pas la base, est conditionné par le karma généré par notre ignorance commune ... c'est ainsi que le dzogchen explique, conventionnellement, l'apparition des univers et de leurs phénomènes (j'essaierai de trouver le temps d'amener des références sur ce point ... elles font partie des enseignements que j'ai reçu). Mais encore une fois les maîtres dzogchen privilégient l'expérience ...
Tous les phénomènes - le monde des apparitions et des possibilités - bien qu'ils se manifestent ne s'écartent pas de l'esprit illuminé et n'ont pas de substance. De même que les rêves ne sortent pas du sommeil et, même quand ils apparaissent, sont par nature ineffable, le monde des apparitions et possibilités, qu'il soit du samsara ou du nirvana, de la même façon ne sort pas du cadre de l'esprit illuminé et n'a ni substance ou caractéristiques.
- Longchen Rabjam - Gnas lugs mdzod -
La vacuité est conditionnée dans le sens où elle est désignée en dépendance d'un soi dont elle est l'absence. La désignation est la condition qui leur attribue une existence en dépendance de bases d'imputation. Mais cela ne les rend pas impermanents. Autrement dit, conditionnement = impermanence est une extrapolation que tu sembles faire.

Puis-je solliciter ton érudition en matière d'Ecritures dzogchen pour pouvoir lire une citation qui dit explicitement (toujours selon le Dzogchen) que tout ce qui est conditionné est impermanent ?
J'essaierai de trouver une citation qui te satisfasse dans les textes en ma possession, si elle existe sous cette forme. Mais il me semble que ce que j'ai déjà exposé sur la nature de dzogchen ne nécessite pas de répondre à la question de la façon dont tu la formules.
Tu sembles vouloir prôner une vue au-delà de toute philosophie (telle est la beauté du Dzogchen d'ailleurs) tout en apportant des éléments philosophiques comme les 4 sceaux.
Le dzogchen est une vue du dharma de Bouddha Shakyamouni et il ne nie pas les 4 sceaux.
Ok, tout ce qui n'est pas Dzogchen est secondaire (sauf pour les pratiquants pour lesquels tout n'advient pas soudainement), je pense qu'on l'a bien compris, mais en même temps, rien de ce qui est secondaire n'est contradictoire avec le Dzogchen. Bref, selon ton point de vue, soit on parle uniquement de la vue Dzogchen a grand renfort de mots tibétains (que personne ne lit ici à part votre serviteur), soit on accepte de parler philosophie dès qu'on la met sur le tapis, alors qu'en fait tu laisses accroire que dès qu'on vient discuter des points de vue philosophiques, tu t'en retournes vers la vue qui échappe à tout point de vue philosophique.

FleurDeLotus
Le renfort de mots tibétains ne sont pas utilisés dans "mes" explications, mais font partie de citations. L'objet n'est pas de faire preuve "d'érudition" comme tu le sous entend, mais d'offrir le mot tibétain utilisé afin qu'il ne porte pas à confusion ... j'étais habitué à un forum où plus d'un seul membre avait le privilège de le comprendre.
Ceci dit ... certainement du à ma stupidité, je ne comprends pas bien ta remarque.
La vue dzogchen n'est pas une vue qui se laisse piéger dans la "philosophie" ... en parler permet, à ceux qui sont à maturité, de comprendre que peut-être ont-ils trouvé la voie qui est la leur. C'est mon objet ici, comme ça l'était précédemment, et comme ça l'est lorsque j'essaie de mettre à la portée du public francophone les écrits des maîtres de ce véhicule. Je ne suis pas là pour la joute philosophique chère à la tradition gelugpa. Le dzogchen a souvent été l'objet des attaques d'autres traditions, qui ne s'y retrouvaient pas ... et la tradition gelugpa et certains de ses maîtres ne sont pas les derniers dans cette démarche.

Très chaleureusement cher Ch.
Serge
Répondre