Comment reconnaître les luminosités ?

Jean

On avait demandé à Lama Guendune de raconter l'histoire de sa vie, il avait répondu :

"Bof! J'ai mangé de la tsampa et j'ai été aux toilettes"

Au moment de la mort, le souvenir de sa vie et de toutes ses composantes ne devrait plus avoir aucune importance. L'image souvenir de sa vie doit être très proche de l'image souvenir d'un rêve duquel on réveille. Shelley avait composé un poème sur le sujet. Mick Jagger en avait lu un extrait lors du concert d'Hyde Park dédié à la mémoire de Brian Jones.

'Autant en emporte le vent" pourrait être une bonne dernière phrase.

Il y a un travail à faire dans la vie actuelle de se décrocher des bonnes et des mauvaises histoires de sa vie. En plus il y a plein d'histoires sac de noeuds que l'on a créées de toute pièce et dont on aurait pu très bien se passer.

L'important est d'expérimenter l'état de conscience illuminé, le comment, le pourquoi, les paroles et les histoires n'ont aucune importance.

Mais ne même temps il faut voir que les Lamas aiment bien revoir leur mère, leurs amis et si ils peuvent retourner au Tibet, même pour une courte période, ils en sont très heureux. Donc;, c'est encore l'histoire de ne pas être plus royaliste que le roi.

Il est possible de mourir en étant détaché de sa famille, (ses animaux), ses amis, son pays, sa civilisation, son époque, mais il faut faire attention de ne pas y arriver en s'étant fait un cœur de pierre à triple blindage. Ce qui serait le signe d'une faillite totale.
ted

Jean a écrit :Il est possible de mourir en étant détaché de sa famille, (ses animaux), ses amis, son pays, sa civilisation, son époque, mais il faut faire attention de ne pas y arriver en s'étant fait un cœur de pierre à triple blindage. Ce qui serait le signe d'une faillite totale.
Plus je réfléchis et plus je me dis que le dégoût pour le samsara devrait être quelque chose de réversible. :oops: Un point de vue qu'on adopte mais sans vraiment y croire. En gardant à l'esprit sa vacuité.
Un moyen habile.

Car sinon, comment entretenir notre compassion pour les êtres ?
Comment ne pas les mépriser, les rejeter en même temps que le samsara ?
Oui, il faut avoir l'esprit détaché pour percevoir les luminosités.
Oui, vaut mieux à ce moment ne pas penser au joli sourire de la voisine, au repas gastronomique ou aux injustices dans le monde.

Mais on n'efface pas le monde en percevant les luminosités. On ne met fin qu'à nos perceptions erronées.
Des êtres souffrent encore.
Comment les aider si on ne ressent que du dégoût pour leur environnement ?
Comment retourner dans les enfers aider ceux qui en ont besoin si l'enfer nous répugne ?
lausm

En aimant l'enfer, tout simplement.
Et en reconnaissant que bien souvent, nous y vivons déjà, l'entretenons et le créons largement, et qu'au final c'est bien souvent le fait de vouloir s'en enfuir pour trouver un paradis meilleur qui nous met encore plus dans la souffrance infernale.

En n'oubliant pas que l'illumination créera forcément une ombre sur tout objet qu'elle touche.

Il n'y a pas à être dégoûté du samsara, mais à voir le nirvana qui existe en son sein...c'est un autre défi, mais c'est celui du mahayana.
longchen2

ted a écrit :Plus je réfléchis et plus je me dis que le dégoût pour le samsara devrait être quelque chose de réversible. :oops: Un point de vue qu'on adopte mais sans vraiment y croire. En gardant à l'esprit sa vacuité.
Un moyen habile.

Car sinon, comment entretenir notre compassion pour les êtres ? (...)
Je n’ai pas l’impression que le dégoût du samsara soit quelque chose de réversible dans le bouddhisme. Etre en proie à un sentiment de renoncement au monde est quelque chose que le bouddhisme valorise beaucoup.

Pour ce qui est des Bouddhas qui reviennent vers les êtres sensibles (dans les enfers ou ailleurs) je me souviens que TWR a dit que cela se passe à travers la prière d’aspiration "Quand j’aurais réalisé l’illumination, puissè-je aider tous les êtres":
Les Bouddhas sont au-delà du désir et de l’aversion, ils aident sans effort et spontanément. Il a dit que s’ils peuvent le faire c’est parce qu’ils ont prié sur le chemin menant à la libération et que leurs prières ont été réalisées.
La façon dont la compassion s’articule avec le renoncement dans le bouddhisme ne me paraît pas très évidente, sauf dans le théravada qui ne met pas l’accent sur la compassion.
FleurDeLotus
"Quel que soit le royaume, le cycle en entier
Est un vaste charnier, un immense brasier !
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Qui depuis toujours ne sont que noeuds de vipères !"
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Flocon
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Oui, mais c'est toujours un peu le même problème de vocabulaire : selon qu'on choisit "dégoût" ou "renoncement", ou "libération", la connotation est différente. Je ne sais plus quel est le terme pali/sanscrit à l'origine de ces diverses traductions et j'ai un peu la flemme de chercher, mais personnellement, moi non plus, je n'aime pas les formules qui emploient la notion de dégoût, parce que je n'ai pas envie de m'entraîner à être dégoûtée de quoi que ce soit. Je préfère donc penser autrement : ça marche mieux pour moi. Je crois que ce qui n'est pas réversible dans la Voie, ce n'est pas un dégoût : c'est un certain accès à la sagesse qui permet de voir la réalité des choses et de ne plus en être prisonnier. Donc je pense la Voie en termes de libération.

C'est peut-être aussi mon côté juif : le judaïsme est considéré comme un processus de libération de l'homme par l’interaction entre lui-même et Dieu, donc je projette un peu mes concepts culturels de base sur le bouddhisme. Mais tant pis, chacun ses racines : si ça marche, tant mieux!
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
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Dharmadhatu
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:D Moi j'aimais bien lire les invitations au dégoût de Patrul Rinpotché quand j'entamais une retraite, ça fortifiait ma motivation.

Mais en tibétain, le renoncement, c'est niédjoung (en gros: certitude de la sortie)*, et j'ai vu dans un dico leutong (abandonner, laisser tomber). Il est dit que pour les bodhisattvas, renaître par compassion dans le samsara n'est pas plus douloureux que pour les cygnes se poser sur un lac. Parce qu'ils ont l'esprit d'Eveil: tout est transformé, purifié, libéré par cette pierre philosophale qui n'est pas à chercher loin d'ici.

Donc on ne renonce qu'aux souffrances et à leurs causes, pas aux êtres ni à ce qu'implique le fait de les accompagner dans leur cheminement.

________________________________
* Contemplation on death will bring you a deepening sense of what we call “renunciation,” in Tibetan ngé jung. Ngé means “actually” or “definitely,” and jung to “come out,” “emerge” or “be born.” Sogyal Rinpotché;

http://viewonbuddhism.org/dharma-quotes ... iation.htm

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Jean

Le miroir est une image utilisée dans le Dzogchen.

Le miroir reflète tout ce qui se présente, ni attachement, ni répulsion, les choses apparaissent, les choses disparaissent, le miroir reflète...

J'aime bien cette image mais je la trouve un peu froide. Elle convient à un miroir, pas à un être organique. Mais pour l'esprit d'un être humain (qui se situe dans son coeur) ce serait plutôt un miroir à la base chaleureux et bienveillant inconditionnellement.

Et comme c'est un être humain doté de skandas, cette bienveillance se transforme en amour, compassion suivant ce qu'il reflète.

Samsara, piège à c.... Il y a l'image d'Ulysse qui se fait attacher au mat du navire, pour pouvoir entendre le chant de sirènes sans succomber à leurs charmes. Le mat du navire peut être vu comme étant un symbole du Dharma, de Zazen, de la conscience dans le canal central, du Refuge Intérieur, Rigpa...etc

L'histoire est intéressante, parce que après avoir traversé la zone dangereuse, Ulysse se fait détacher et vague (et flotte) à ses occupations. Il ne fait pas tout le voyage attaché au mat.
longchen2

Jean a écrit :(...) J'aime bien cette image mais je la trouve un peu froide. Elle convient à un miroir, pas à un être organique. Mais pour l'esprit d'un être humain (qui se situe dans son coeur) ce serait plutôt un miroir à la base chaleureux et bienveillant inconditionnellement. (...)
Shérab Jamma tient ce miroir dans une fleur Butterfly_tenryu
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Dharmadhatu
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FleurDeLotus
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yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
lausm

Le renoncement et la compassion, se lient très simplement, parce que lorsqu'on renonce à son égocentrisme, on se tourne bien plus facilement vers l'autre.
Pour moi je me rends compte que bien souvent, j'ai des moments de repli qui sont une pure construction mentale : selon des conventions qui me sont propres, héritées de l'habitude qui m'entoure, l'éducation, etc....je me replie, je m'invente des besoins propres qui m'isolent des autres....et quand je laisse tomber tout ça, je me rends compte que j'ai envie de la relation aux autres, et qu'en fait quand je vis cela, j'oublie plein de soucis, de préoccupations, et en fait je suis heureux avec peu.
En fait c'est un renoncement qui coute au début, mais en fait donne beaucoup.
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