Comment reconnaître les luminosités ?

ted

A quoi servent des descriptions telles que :

- lumière blanche comme un ciel nocturne où se déploie un clair de lune,

Ou bien :

- vision rouge et claire comme un ciel d'automne,

sachant qu'à ce stade, les 80 conceptions se dissolvent ? :roll:

Le mourant ne pourra donc pas reconnaitre les luminosités sur la base des comparaisons proposées par les textes ? Puisqu'il n'a plus les 80 conceptions indicatives à sa disposition. :oops:

Pour lui, ciel d'automne ou clair de lune, ne signifie plus rien... :???:
longchen2

ted a écrit :(...) Le mourant ne pourra donc pas reconnaitre les luminosités sur la base des comparaisons proposées par les textes ? Puisqu'il n'a plus les 80 conceptions indicatives à sa disposition. :oops: (...)
Je ne crois pas non plus :???:
En plus pour le mourant, entre la douleur de la maladie qui l’afflige, les médicaments anti-douleurs qui l’assomment (ou l’endorment), les émotions certainement très vives (peurs) qui ne peuvent plus être refoulées, je doute beaucoup que les métaphores des Textes soient sa préoccupation.

Pour le ciel d’automne les textes disent parfois « bleu comme un ciel d’automne », ce n’est pas un bleu terne mais au contraire un bleu très lumineux, car c’est ainsi qu’est le ciel en automne en Inde selon ce que j’avais lu. Ici en occident c’est différent bien sûr.
FleurDeLotus
longchen2

Lors des retraites dans le noir, les lumières apparaissent à la conscience je crois, le disciple y est confronté. Ceci dit il faut vouloir faire une retraite dans le noir.
Personnellement je ne suis pas partant :cool:
Jean

C'est comme la Claire Lumière, son aspect vaste, sa vivacité, son expérience de félicité. Elle au delà des concepts, mais on emploie les mots claire, lumiere, espace, félicité, etc cependant elle peut être reconnue.

Dans l'entrainement, à force de passer par là, chaque étape est reconnue. Ensuite si on veut la décrire, obligé d'utiliser des concepts, des images pour en donner une idée.

Bien avant d'en expérimenter les pures luminosités, on peut commencer à en avoir une idée suivant le rêve que l'on a :

Des rêves à base de terre, de boue (mélange de terre et d'eau , d'eau (rivière, mer, etc), de feu, de vent, d'espace. Ces rèves sont provoqués par des dissolutions partielles d'énergies. Il y a le facteur quantité d'énergie dissoute et le facteur degré de pureté de l'énergie qui jouent un rôle dans la qualité, l'intensité de la vision.

Ces visons de luminosité ont été expérimentées par très yogis très aguerris. C'est comme être capable de voir le nombre de nadis à chaque chakra. Si on ne le perçoit pas c'est que l'état de conscience dans le quel on est est trop agité, trop pollué.

Ces expériences correspondent aux expériences vécues par quelqu'un qui aurait travaillé particulièrement aux niveaux des énergies, des 5 éléments. Une personne qui aurait travaillé au niveau des déités aura des vision décrites dans le Bardo Thodol.

Dans un orgasme, on vit toutes ces dissolutions, toutes ces luminosités mais vu la rapidité, et le manque d'entrainement on ne les perçoit pas. Idem quand on s'évanouit ou que l'on s'endort.

Les expériences de luminosités dans une retraite dans le noir n'ont pas forcément de rapport avec les dissolutions d'énergies. Cela peut être aussi la conscience du yogi qui crée des objets car le yogi n'a pas l'expérience de la dualité et il a besoin de quelque chose à quoi s'accrocher.

Quelque fois dans le sommeil profond, il y a une sensation qui va se traduire par une couleur ou par un son, toute une série d'associations vont se créer à partir de là qui vont constituer un rêve. Un peu le principe de la madeleine de Proust : le gout qui amène les souvenirs, les émotions etc.

La retraite dans le noir, c'est quelque chose qui se prépare et c'est en général le maître qui dit quand faut y aller et combien de temps il faut y rester.

Il y a eu des expériences qui ont été faites en Occident avec les "Chambres de déprivation sensorielle". Un container fermé, insonorisé, rempli d'eau salée pour que le corps flotte, à température du corps. Il y a des gens qui y pouvaient y rester que 10 minutes, d'autres plusieurs heures.

C'est à rapprocher de l'expérience de prisonniers qui ont été mis de longs mois en isolement total. Certains sont devenus fous, gâteux, d'autres mystiques, d'autres ont bien supporté l'épreuve.

Des études avaient été faites à ce sujet dans les années psychédéliques. Il y avait un livre qui s'appelait '"Inside the Black Box". Il y a des organismes qui louent des caissons de déprivation sensorielle (pas de lumière, flotter dans l'eau, gans en caoutchouc pour éviter le toucher, mais je crois qu'ils mettent cependant une musique apaisante. Les gens s'en servent pour se relaxer.

Il y a plusieurs type de retraite dans le noir. Dans certaines, le yogi ne doit être que conscient et rien faire d'autre, dans d'autres, il peut pratiquer méditations, visualisations, respirations.

L'aventure spirituelle est une aventure comme gravir les Himalayas ou faire tour du monde en navigateur solitaire. On ne peut pas passer sans beaucoup d'entrainement directement du métro, boulot, dodo à ce type d'aventure. Mais au moment de la mort, là il n'y a plus le choix. Faut y aller...

D'où l'importance de la méditation sur la mort pour garder la motivation à s'entrainer...à moins que l'on soit très joueur. Ca passera où ça coincera. Qui mourra, verra. Aprés tout on nait, on vit, on meure depuis de millénaires. Cette fois ci on a rencontré le Bouddhisme, peut être a-t-on accumulé de mérite pour le retrouver à nouveau.
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

:D Pas bête du tout cette question !

L'important est de s'entraîner à percevoir tout ce qui advient comme vide de soi, c'est pour ça que le simulateur de vol comprend des mantras comme Om Svabhava Shuddha Sarva Dharma Svabhava Shuddho Ham, etc. Le fait de reconnaître quelque chose comme étant vide implique qu'on n'ait plus d'élaboration à son endroit normalement. L'esprit s'entraîne à réaliser l'absence de qualification.

Mais cette compréhension de la vacuité n'est-elle pas intellectuelle dans le cas de tout être ordinaire ? Oui, car seuls les Aryas ont une perception yogique (et donc directe) de la vacuité.

Pourtant cette sagesse doit être présente lors du dharmata, sinon on ne reconnaît pas la véritable nature du dharmata et le samsara est toujours là.

Comment concilier tout ça ? Est-ce que la sagesse de la vacuité finit par devenir la sagesse du dharmadhatu, ou encore la sagesse discernante, ou encore les 5 sagesses ensemble, ce qui expliquerait que le pratiquant puisse atteindre l'Eveil au moment du dharmata ?

A creuser...

Notons qu'il y a plusieurs exposés: certains disent que les conceptions indicatives cessent avec chacune des apparences (33, puis 40, puis 7), d'autres disent qu'il y a d'abord les unes puis la cessation des autres, etc. Mais la question est toujours valable concernant le truc le plus important à reconnaître: la claire lumière mère (celle qui est illustrée par une aube d'automne). Certains disent que reconnaître simplement celle-ci suffit, d'autres disent qu'il faut en plus en reconnaître la nature (ceux-ci semblent plus en accord avec l'omniprésence des mantras de la vacuité dans les sadhanas).

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
longchen2

Jean a écrit :(...) La retraite dans le noir, c'est quelque chose qui se prépare et c'est en général le maître qui dit quand faut y aller et combien de temps il faut y rester.(...)
Je crois aussi jap_8
ted

Est-ce au moment de la dissolution des 80 conceptions indicatives qu'on perd la mémoire de notre existence actuelle ?
Si oui, pourquoi notre mémoire revient-t'elle après une nuit de sommeil, un orgasme ou un évanouissement ? Vu qu'on traverse les mêmes phases de dissolution ?
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

ted a écrit :Est-ce au moment de la dissolution des 80 conceptions indicatives qu'on perd la mémoire de notre existence actuelle ?
Si oui, pourquoi notre mémoire revient-t'elle après une nuit de sommeil, un orgasme ou un évanouissement ? Vu qu'on traverse les mêmes phases de dissolution ?
:D Une personne décédée peut ne pas perdre définitivement la mémoire après la dissolution puisqu'elle peut revenir dans les lieux familiers et s'étonner du fait que personne ne la voit, en éprouver de la colère, de la tristesse, etc. Justement parce qu'elle reconnaît ses anciens proches etc.

Je ne suis pas certain que lors d'un évanouissement il y ait la dissolution des 80 conceptions. Elle devrait avoir lieu lors d'une phase de perfection réussie et lors de la mort seulement. En toute autre situation, quand on est dans un moment non-conceptuel, il s'agit généralement d'un moment dénué de conceptions grossières, c'est la différence entre un instant de stupéfaction et la mort effective par exemple.

La mémoire fait-elle partie des conceptions indicatives ? Ce n'est pas certain car un Bouddha, selon les vues mahayanistes indiennes et tantriques, conserve la mémoire des vies passées et, toujours selon ces vues, n'a plus de conceptions (il n'a que des sagesses non-duelles).

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
lausm

Oui, mais peut-être y a t il alors la capacité à de désidentifier de la mémoire dite.

En fait, lors de l'évanouissement, orgasme, nuit de sommeil, etc...on expérimente à petite échelle la mort.

Et au réveil, quand on ne se rappelle plus qui on est, c'est un peu la renaissance....et après la mémoire de notre identité conditionnée nous revient.
Mais on peut à force d'en prendre conscience, réaliser qu'en fait, on fait çà comme on remet son costard pour aller au boulot...et se préparer au jour où on n'ira plus au boulot!
La retraire, la mort, ça se prépare, j'en ai vu tellement identifiés à leur boulot, que le jour de la retraite : cancer, infarctus.
Je pense que ces pratiques-là servent à ça.

Mais je pense aussi qu'un des meilleurs moyens à se préparer à bien mourir, c'est complètement vivre sa vie.
Car si on garde des pans de soi mal vécus ou pas accomplis, ça favorise les désirs de renaissance, l'agrippement à cette identité.....alors qu'il faut être prèt à tout larguer, sachant que de toutes façons on retrouvera les choses inaccomplies à retenter.
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

Oui, mais peut-être y a t il alors la capacité à de désidentifier de la mémoire dite.
jap_8 Très juste. Je pense que quand l'individu atteint l'Eveil et perçoit, comme un hypermnésique sur une échelle infinie, l'ensemble de ses existences, il ne peut plus s'identifier à l'une ou l'autre.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Répondre