Et les chinois...

ted

boudiiii ! a écrit :le "tout est parfait" n'est pas toujours un facteur d'apaisement pour nos "âmes imparfaites" ; c'est ce que je voulais souligner .
J'aurais pu continuer la provocation plus loin mais je préfère m'arrêter là de peur de brusquer anjalimetta
Merci Jules d'avoir souligner l'importance du mot "Tout" dans nos expressions les plus lapidaires .
J'ai compris ton intervention comme de l'ironie à propos d'une mauvaise compréhension du discours non-duel...
Un peu comme le "Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possible" de Voltaire. je crois que c'était dans Candide ?
A parler de tout ce qui leur est arrivé, Candide vient à se poser la question de savoir ce qui était le plus grave et ne trouve pas la réponse. A chercher le pourquoi et le comment des malheurs du monde et de la condition humaine, il finit par se dire que toute philosophie est mise en échec par la conclusion suivante : il faut se limiter à cultiver son jardin !
Il était pas un peu bouddhiste sans le savoir, Voltaire ? :)
http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/1150
ted

Jules : je partage ton analyse... Mais quand même, j'ai un petit bourdonnement qui s'installe quand j'entends cette phrase : "Tout est parfait". C'est comme s'il y avait un Koan que je n'avais pas encore résolu. :oops:
J'imagine un jour, la réponse au Koan qui apparaitrait, eveil_333 et là, toutes les victimes à travers tout l'univers, se relevant, les suppliciés retrouvant le sourire et guérissant de leur blessures, les bourreaux lachant leurs armes et s'essuyant le front, et tout le monde se tournant vers moi en disant : "Hé ben, t'en as mis du temps à trouver la solution de l'énigme qu'on a mis en scène pour toi".

Je sais, ça fait un peu mégalomane :mrgreen: : le monde et ses souffrances qui n'existeraient que pour nous enseigner une vérité essentielle ! :) Mais laquelle ?

En tout cas, il ne faut pas hésiter à signer toutes les pétitions possibles. C'est déjà ça.
Et à aider les tibétains quand c'est possible.

Je viens de revoir "Le pianiste". Pour préparer le brevet de mon fils. Où on voit une famille juive persécutée dans le ghetto de Varsovie ! avec les SS qui se défoulent à la moindre occasion : exécutions sommaires, massacres, humiliations... Une horreur !
Imaginer que de tels actes sont encore fréquents dans le monde est désolant... Pourquoi tant de haine ?
Jean

Le "Tout est parfait" ou le "Tout est impermanent" ou le "C'est une perception erronée car partielle" on peut se le dire à soi-même quand on souffre, cela peut aider. Mais le dire à une personne en souffrance, il y a quelque chose qui cloche, à moins que cela soit à un super Bouddhiste, mais même dans ce cas, pas la peine de lui dire, il est supposé le savoir déjà, pas la peine de lui rappeler.

Il y a le cas de Marpa qui venait de perdre son fils et qui en avait très gros sur la patate. Une personne lui dit "Mais comment pouvez-vous vous lamenter, vous même vous enseignez que tout est illusion"

Ce à quoi Marpa a répondu " Oui mais la mort de mon fils, c'est une super illusion"

C'est pourquoi je me dis que si le grand, le légendaire Marpa, maître du Mahamoudra, a répondu de cette manière, il ne faut pas être trop exigeant avec soi-même. Il y a les textes et il y a l'expérience brute de la vie. Des fois ça coïncide, des fois ça coince et ça fait mal.
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Flocon
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Je n'y connais pas grand chose, mais je ne crois pas que le "tout est parfait" du bouddhisme rejoigne le "tout est parfait" de Leibniz, moqué par Voltaire : ils ne reposent pas sur les mêmes bases, Leibniz étant théiste et démontrant la perfection du monde à partir de celle de Dieu.

Après, pour ce qui est de l'usage de ce type de formules dans un cadre bouddhiste, il me semble que ça doit pouvoir constituer un refuge intérieur, comme le suggérait Jean. Pourquoi pas, face à la souffrance du monde?

Jean, je n'avais pas lu votre dernier message : c'est vrai qu'en cas de grave malheur personnel, affirmer la perfection du monde demande un certain courage. Mais ce n'est pas forcément impossible. C'est à expérimenter par soi-même, je suppose.
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
ted

Faut quand même préciser que cette notion d'un monde parfait où ce qui est contemplé est fondamentalement pur (kadak) n'est pas présente dans le bouddhisme originel, à ma connaissance. C'est propre au mahamoudra/dzogchen.

Dans le premier tour des enseignements du Bouddha, le monde est plutôt un "monceau de souffrance". :???:
Lorsqu’il entend un son avec l’oreille … Lorsqu’il sent une odeur avec le nez … Lorsqu’il goûte une saveur avec la langue … Lorsqu’il touche une chose tangible avec le corps …. Lorsqu’il a connaissance d’un objet mental, il ne le convoite plus s’il est agréable ni ne le rejette s’il est désagréable. … Avec la cessation de ce plaisir, l’attachement cesse; avec la cessation de l’attachement, le processus du devenir cesse; avec la cessation du processus du devenir, la naissance cesse; avec la cessation de la naissance cessent le vieillissement et la mort, le chagrin, les lamentations, les peines, l’affliction et le désespoir. C’est ainsi que cesse tout ce monceau de souffrance.
http://www.dhammadelaforet.org/sommaire ... khaya.html
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Dharmadhatu
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Flocon a écrit :D'accord, merci. Je posais la question, en profitant de ce sujet à connotation passionnelle, parce que c'est un aspect du vajrayana qui m'a toujours paru un peu obscur : il me semble que c'est la seule branche du bouddhisme qui utilise les émotions, mais je n'ai jamais bien saisi comment (et d'ailleurs, je me trompe peut-être :oops: ).
jap_8 Quand une émotion perturbatrice s'élève, on ne la rejette pas forcément, c'est vrai, ça dépend de la méthode qu'on emploie, qu'on se réclame du Vajrayana ou pas d'ailleurs. Si on pratique l'entraînement de l'esprit et qu'une telle émotion s'élève, on souhaite du fond de son coeur que tous les être soient épargnés par cette émotion. Ainsi elle se dissout d'elle-même.

Une fois j'ai lu une phrase du genre: la compassion est un lac sur lequel ne peut naître le feu des afflictions.

Donc ce que je comprends de la transmutation vajrayaniste, c'est que l'esprit d'Eveil est la pierre philosophale, le chintamani tenu dans les mains jointes d'Avalokiteshavara.

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FleurDeLotus
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yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

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Il n'est rien qui ne soit vide.

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Dharmadhatu
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ted a écrit :Faut quand même préciser que cette notion d'un monde parfait où ce qui est contemplé est fondamentalement pur (kadak) n'est pas présente dans le bouddhisme originel, à ma connaissance. C'est propre au mahamoudra/dzogchen.

Dans le premier tour des enseignements du Bouddha, le monde est plutôt un "monceau de souffrance". :???:
Lorsqu’il entend un son avec l’oreille … Lorsqu’il sent une odeur avec le nez … Lorsqu’il goûte une saveur avec la langue … Lorsqu’il touche une chose tangible avec le corps …. Lorsqu’il a connaissance d’un objet mental, il ne le convoite plus s’il est agréable ni ne le rejette s’il est désagréable. … Avec la cessation de ce plaisir, l’attachement cesse; avec la cessation de l’attachement, le processus du devenir cesse; avec la cessation du processus du devenir, la naissance cesse; avec la cessation de la naissance cessent le vieillissement et la mort, le chagrin, les lamentations, les peines, l’affliction et le désespoir. C’est ainsi que cesse tout ce monceau de souffrance.
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jap_8 Ca dépend de ce qu'on entend par Bouddhisme originel. Pour les vajrayanistes, le Bouddha a transmis les 3 Tours de roue à partir de son nirmanakaya, les Tantras à partir de son sambhogakaya et le Mahasandhi (Dzogchen) à partir de son dharmakaya. Or comme tous les kayas sont coexistants, aucun ne préexiste aux autres.

Je crois que c'est dans le Vimalakirtinirdesha-sutra que le Bouddha montre la pureté de cet univers appelé Endurance. Seule notre vision karmique, obscurcie nous le fait percevoir comme un univers ordinaire.

Ce n'est pas un Tantra et pourtant ça rejoint ce que le Bouddha a toujours dit: rien n'existe en soi, pas même le samsara, cette vision distordue que nous prenons pour acquise.

Donc quand le Bouddha dit que ce monde de perception est un monceau de souffrance, c'est juste, mais il dit aussi que nous pouvons transcender (comme lui l'a fait) cette perception des choses, justement parce qu'elle n'existe pas en soi. La sagesse de la vacuité est la porte de sortie. Elle l'a toujours été.

Bien sûr, on pourra toujours voir des réactions terribles chez beaucoup de gens quand ils se cognent le tibia sur une marche d'escalier ou s'ils se prennent un coup de rame sur la tête, même s'ils sont convaincus que tout est parfait et que tout est vide, mais comme on disait avec Michel: être convaincu intellectuellement est toujours utile jusqu'à ce que cette conviction devienne une perception, jusqu'à ce que ça coïncide, comme dit Jean.

FleurDeLotus
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Flocon
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Merci de ta réponse. Elle correspond à ce que j'avais trouvé chez le seul maître tibétain dont j'ai lu des textes à ce sujet, Mingyour Rinpoche (je n'ai pas lu les livres du Dalaï Lama sur ce point précis de la gestion des émotions) : il disait que dans le BT, on utilise les émotions négatives (haine, peur, etc.) comme des tremplins vers leurs opposés, ou comme un terreau pour cultiver la compassion et l'esprit d'éveil. Il prenait son propre exemple, puisqu'il a été sujet à des crises de panique dans sa jeunesse, et c'était très intéressant. :)

Je ne crois pas que ce genre de pratique se trouve en dehors du BT. :?: Dans le Chan que je connais, il y a des choses qui y ressemblent, sans doute empruntées au tantrisme : par exemple, quand on est en colère, il est courant d'exprimer sa colère sur un support neutre, comme de l'eau, et ensuite de répandre ce support dans la terre : on dirait bien une sorte de "remise" symbolique de l'émotion douloureuse à la Terre, donc à Ksitigarbha, le bodhisattva qui en personnalise la compassion illimitée, et qui prend soin des êtres les plus tourmentés par la colère (les démons). Au fond, c'est un peu la même idée, avec un rituel très simplifié.
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Kong Tseu
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Dharmadhatu
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:D Excellents ces rapprochements par rapport aux méthodes.

Connaissant encore moins les autres traditions que le BT, je ne saurais dire si la dissolution par l'esprit d'Eveil existe ailleurs ou non.

Dans un contexte plus explicitement tantrique, les 5 afflictions principales sont transmutées en les 5 sagesses primordiales, et toujours sur la base de l'esprit d'Eveil: on visualise que telle déité se diffuse dans l'univers pour faire en sorte que telle émotion soit transformée en sagesse chez tous les êtres.

Bref, l'esprit d'Eveil est vraiment le fondement de toutes ces pratiques, et la vacuité rend tout cela possible (voir Nagarjuna: Pour qui la vacuité est possible, tout est possible...).

FleurDeLotus
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Dharmadhatu a écrit :
Katly a écrit :Oui, ça je comprends assez, certains êtres vous obligeraient presque à les haïr.
Céder à la haine l'aurait tué dans le "laogaï".
jap_8 Oui, ses tortionnaires auraient alors vraiment réussi à le détruire, et pas seulement au cours de cette existence.

FleurDeLotus
pourquoi détruit au delà de cette existence ?
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