Le zen et la vie de couple

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Shunryu Suzuki nous donne ici une illustration du kôan : "Parvenu au sommet du mât de cent pieds, comment avancer ?"

Oubliez ce moment et hissez-vous vers le suivant. C'est la seule voie. Par exemple, quand le petit déjeuner est prêt, ma femme fait résonner des claquettes de bois. Si je ne réponds pas, elle peut continuer à les faire claquer jusqu'à ce que je sois assez irrité. Le problème est très simple : c'est parce que je ne réponds pas. Si je dis "Oui !", il n'y a pas de problème. Comme je ne dis pas "Oui !", elle continue de m'appeler parce qu'elle ne sait pas si je l'ai entendue ou non.

Parfois elle peut penser : "Il sait, mais il ne répond pas." Quand je ne réponds pas, je suis au sommet du mât. Je ne fais pas le saut. Je crois que j'ai quelque chose d'important à faire au sommet du mât : "Tu ne devrais pas m'appeler, tu devrais attendre." Ou bien, je pense peut-être : "C'est très important ! Je suis tout là-haut, au sommet du mât ! Tu ne comprends pas ?" Alors, elle continue à faire sonner les claquettes. C'est ainsi que nous créons des problèmes.

Le secret consiste donc seulement à dire "Oui !" et à se jeter dans le vide. Dès lors, il n'y a plus de problème. Il s'agit d'être soi-même dans l'instant présent, toujours soi-même , sans s'accrocher à son vieux moi. Vous oubliez tout ce qui vous concerne et vous êtes revigoré. Vous êtes un nouveau moi et avant que ce moi devienne un vieux moi, vous répondez "Oui !" et vous allez à la cuisine prendre le petit déjeuner. L'essentiel, à chaque instant, est donc d'oublier l'essentiel et d'étendre votre pratique à votre vie.

Comme le dit Maître Dogen : "Étudiez le bouddhisme, c'est s'étudier soi-même. S'étudier soi-même, c'est oublier soi-même à chaque instant." Tout viendra alors vous aider. Chaque chose contribuera à attester votre éveil. Quand je dis "Oui !", ma femme atteste mon éveil : "Oh, tu es un bon mari !" Mais si je m'attache à ce "bon mari" que je crois être, je crée un autre problème.

Concentrez-vous donc à chaque instant pour être vraiment vous-même. A cet instant, où se trouve la nature de Bouddha ? La nature de Bouddha, c'est quand vous dites "Oui !". Ce "Oui !" est la nature de Bouddha elle-même. Celle que vous croyez déjà posséder n'est pas la nature de Bouddha. Quand vous devenez vraiment vous-même, oubliez tout de vous et dites "Oui !" - voilà la nature de Bouddha.

Cette nature de Bouddha n'apparaîtra pas dans le futur, elle est déjà là. Si vous n'avez qu'une idée de la nature de Bouddha, cela ne veut rien dire du tout. Ce n'est qu'un "gâteau de riz peint", pas un vrai. Si vous voulez le véritable gâteau de riz, regardez-le donc quand il est là. Quand vous êtes seulement vous-même, vous avez le véritable éveil. Si vous tentez de vous accrochez à ce que vous avez déjà atteint, ce n'est pas le véritable éveil.

Parfois vous rirez de vous-même quand votre pratique s'égarera. "Mais qu'est-ce que je fais ?..." C'est en comprenant comment votre pratique avance tant bien que mal que vous l'apprécierez. La véritable compassion, le véritable amour, le vrai encouragement, le vrai courage naîtront de là et vous deviendrez alors quelqu'un de bon.

Extrait de Libre de soi, libre de tout de Shunryu Suzuki
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Suzuki roshi pratiquant zazen

(...)La chose elle-même est vacuité, et en y ajoutant quelque chose vous souillez la nature véritable. Ne pas souiller les choses, cela consiste à les vider. Quand vous êtes assis en shikantaza, ne vous laissez pas déranger par les sons, ne laissez pas le mental fonctionner. Cela implique de ne pas s'appuyer sur aucun organe des sens ni sur le mental pour simplement recevoir des nouvelles du monde de la vacuité. C'est cela shikantaza.

Vider n'équivaut pas à refuser. Habituellement, quand nous refusons quelque chose, nous voulons lui substituer autre chose. Quand je refuse la tasse bleue, cela signifie que je veux la blanche. Quand vous discutez avec quelqu'un et que vous rejetez son opinion, vous cherchez à lui imposer la vôtre. C'est généralement ce que l'on fait. Mais notre voie n'est pas celle-là. En vidant les choses des idées égocentrées que nous plaquons sur elles, notre observation de celles-ci se purifie. Quand nous regardons les choses telles qu'elles sont, il n'est plus besoin de substituer une chose à une autre. C'est ce que nous entendons par "vider" les choses.

Si nous vidons les choses et que nous les laissons être comme c'est, elles fonctionnent. A l'origine, les choses sont liées, elles sont unies et cet être-un se déploie. Pour le laisser se déployer, nous vidons les choses. Quand nous adoptons une attitude de ce genre, sans la moindre idée de religion nous sommes religieux. Quand cette attitude manque à notre pratique religieuse, celle-ci devient naturellement une sorte d'opium. Purifier notre expérience et observer les choses comme c'est, c'est comprendre le monde de la vacuité et la raison pour laquelle le Bouddha a laissé tant d'enseignements.

Dans notre pratique de shikantaza, nous ne recherchons rien parce qu'une telle recherche se fonde sur une idée du moi : nous essayons d'accomplir quelque chose pour conforter cette idée du moi. C'est ce que vous faites quand vous accomplissez un certain effort, mais notre effort consiste à nous débarrasser de l'activité égocentrée. C'est ainsi que nous purifions notre expérience.

Ainsi si vous lisez et que votre épouse ou votre mari vous demande : "Veux-tu une tasse de thé ?", vous répondrez peut-être : "Non, je suis occupé... ne me dérange pas !" Si vous lisez de cette façon, je crois que vous devriez vous interroger. Vous devriez répondre "Quelle bonne idée, s'il te plaît, apporte-moi une tasse de thé." Alors vous vous arrêtez de lire et buvez votre thé. Une fois votre tasse finie, vous poursuivez votre lecture.

Vous pouvez aussi refuser net : "Je suis très occupé pour l'instant !", ce qui n'est pas très bon parce que alors votre esprit ne fonctionne pas dans sa globalité. Une partie de votre esprit travaille dur, mais l'autre ne travaille peut-être pas aussi dur. Vous perdez peut-être l'équilibre dans votre activité. Si vous lisez, ce n'est sans doute pas grave, mais si vous pratiquez la calligraphie et que votre esprit n'est pas en état de vacuité, votre travail vous dira : "Je ne suis pas en état de vacuité". Vous feriez mieux de vous arrêter.

Si vous êtes un élève zen, vous devriez avoir honte d’exécuter une calligraphie de cette façon. Faire une calligraphie revient à faire zazen. Donc quand vous travaillez à une calligraphie, si quelqu'un vous dit : "S'il te plaît, viens prendre une tasse de thé", et que vous répondez :"Non, je fais une calligraphie !" votre calligraphie clamera : "Non, non !" Vous ne pouvez vous duper vous-même.

(...) Il peut être parfois bienvenu de pratiquer zazen comme une sorte d'exercice ou d'entraînement afin de renforcer votre pratique ou de rendre votre respiration fluide et naturelle. Cela fait peut-être partie de la pratique, mais quand nous disons shikantaza, ce n'est pas ce que nous avons en vue. Quand nous recevons des nouvelles du monde de la vacuité, la pratique de shikantaza s'accomplit.

Extrait de Libre de soi, libre de tout de Shunryu Suzuki
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