Zen, éthique et samouraïs

Dumè Antoni

Yudo a écrit :l'essentiel du Zen français traite, je pense, non pas de la libération, mais de l'autoritarisme.
Je suppose que tu veux parler du Zen de l'AZI ? Auquel cas, peut-être conviendrait-il de le préciser, car le lecteur n'est pas toujours familiarisé avec les différentes écoles du Zen en France et pourrait faire des amalgames fâcheux.
Yudo a écrit :De plus, comme je l'ai déjà dit, certaines outrances de Victoria ont un peu décrédibilisé le reste, car à mettre dans le même sac Yasutani qui était un authentique hystérique fascisant et Kôdô Sawaki, c'est fatalement se donner un coup de bêche sur les pieds
Victoria s'est contenté de relever des faits sans nuances, en tirant dans le tas, si j'ose dire. Il a fait un travail d'historien, en collectant des faits, comme s'il n'avait pas été impliqué alors qu'il est lui-même moine zen, rattaché à l'école Sôtô. Bien sûr, on pourra lui reprocher beaucoup de choses (et une partie du clergé nippon ne s'en est pas privé), mais son livre a le mérite d'exister et sans lui nous nous serions tous illusionnés sur les maîtres zen, en faisant d'eux des sortes d'icônes immaculées (ce qu'ils pouvaient par ailleurs être, au moins au plan du Nirmanakaya, mais ce n'était pas le sujet de Victoria et c'est heureux). Ce que je reprocherais à Victoria, pour ma part, mais peut-être n'est-il pas tout à fait responsable (car le lecteur l'est autant par son interprétation), c'est d'avoir montré une sorte de "maladie du Zen", alors que ça n'était que la maladie de ses maîtres (et encore...). En clair, le problème n'était pas le Zen mais les 2 premières Nobles Vérités. Et donc, si Victoria avait souhaité être objectif, il aurait dû parler non pas du "Zen en guerre" mais des maîtres zen pris dans le tourbillon du samsara, sans possibilité d'en sortir sinon d'apprendre aux soldats à tuer pour ne pas se faire tuer ou à mourir sans être envahi par la peur quand il n'y a plus que cette perspective pour eux. D'autres pourraient penser qu'ils auraient pu inciter à la révolte, à la désobéissance. Mais ceux-là n'y étaient pas et il est toujours plus facile de critiquer quand on n'est pas dans le problème que quand on est dedans.

Quant à Yasutani, j'avoue que je ne connais de lui (en dehors de ce qu'en dit Victoria et quelques biographies lues sur le net) que le portrait élogieux de Kapleau dans son livre "les trois piliers du Zen". Kapleau n'était pas ce qu'on pourrait appeler un "fascisant", ni avant, ni après sa conversion au Zen (bien au contraire) et j'avoue avoir quelques difficultés à croire qu'il eût pu s'attacher à un maître "hystérique fascisant". Mais peut-être ne savait-il pas tout. Moi non plus, d'ailleurs.
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yudo
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Dumè Antoni a écrit :
Yudo a écrit :l'essentiel du Zen français traite, je pense, non pas de la libération, mais de l'autoritarisme.
Je suppose que tu veux parler du Zen de l'AZI ?
Evidemment. pour moi, cela va tellement de soi que j'oublie de spécifier.
Dumè Antoni a écrit :
Yudo a écrit :De plus, comme je l'ai déjà dit, certaines outrances de Victoria ont un peu décrédibilisé le reste, car à mettre dans le même sac Yasutani qui était un authentique hystérique fascisant et Kôdô Sawaki, c'est fatalement se donner un coup de bêche sur les pieds
(...) En clair, le problème n'était pas le Zen mais les 2 premières Nobles Vérités. Et donc, si Victoria avait souhaité être objectif, il aurait dû parler non pas du "Zen en guerre" mais des maîtres zen pris dans le tourbillon du samsara, sans possibilité d'en sortir sinon d'apprendre aux soldats à tuer pour ne pas se faire tuer ou à mourir sans être envahi par la peur quand il n'y a plus que cette perspective pour eux. (...)
Quant à Yasutani, j'avoue que je ne connais de lui (en dehors de ce qu'en dit Victoria et quelques biographies lues sur le net) que le portrait élogieux de Kapleau dans son livre "les trois piliers du Zen". Kapleau n'était pas ce qu'on pourrait appeler un "fascisant", ni avant, ni après sa conversion au Zen (bien au contraire) et j'avoue avoir quelques difficultés à croire qu'il eût pu s'attacher à un maître "hystérique fascisant". Mais peut-être ne savait-il pas tout. Moi non plus, d'ailleurs.
En fait, ils ont fini par se fâcher. Je suppose que, fatalement, Yasutani avait des qualités de charisme, mais rien que sa demande de fermer toutes les Universités du Japon et d'enfermer les profs te dit bien ce qu'il était. De plus, il semble que ces maîtres, après la guerre, se tenaient relativement à carreau, surtout aux USA.

Mais je pense que des types comme lui ont une énorme responsabilité dans l'injection subreptice de cet esprit fascisant dans le Zen. Ce n'est pas un hasard non plus pour l'AZI, si Deshimaru dans ses mémoires raconte qu'il a dû choisir entre ses amitiés pour le général Mazaki et le Zen. Il a choisi le Zen, mais l'autre éventualité signifie qu'il était, avant guerre, proche des milieux les plus extrémistes dans le militarisme. Pour mémoire, les partisans du général avaient assassiné deux ministres et un premier ministre dans l'espoir que leur chef fut nommé au gouvernement...

Dans tous ces cas de figure, lorsque, au prétexte de pratiquer le Zen, on se retrouve à pratiquer une forme de sectarisme autoritaire, c'est qu'on oublie les 4 Nobles, on oublie les 4 vertus du bodhisattva de maître Dôgen, on oublie les versets du Dhammapada auxquels faisait allusion le maître Chôka Dôrin, dans sa réponse au préfet Haku Rakuten: "Eviter le mal, pratiquer le bien pour toutes les créatures, se purifier l'esprit, tel est l'enseignement des bouddhas".

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Note: On s'écharpe souvent sur le sens du mot "fascisme". Il est devenu, dans certains milieux, une insulte péremptoire et dirimante, sans que personne ne s'intéresse jamais trop à ce qu'il veut dire. Benito Mussolini, dont je pense qu'il fait autorité en la matière, disait quelque chose comme : "Le fasciste abandonne sa volonté propre pour la mettre au service de celle du Duce, afin que la volonté du Duce se réalise sans obstacle!". Remplacez "volonté propre" par "ego"...
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
ted

Je ne vois pas d'autoritarisme dans cette vidéo.
Est-ce que vous n'avez pas tendance à dramatiser un peu ? :oops:

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blutack
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Il convient je crois de ne pas trop idéaliser les maitres mais il faut aussi relativisé la morale surtout quand on ne juge pas un individu mais un peuple et une époque. Bien souvent les maitres reflètent les opinions de leurs époques. Hors au Japon à cette époque je crois que les idées militaristes étaient dominantes tant chez les élites que le peuple. Aujourd'hui ce n'est pas différent, quand des maitres tibétains font l'apologie du végétarisme au nom du premier préceptes mais ne touche pas un mot sur l'avortement c'est là aussi parce qu'ils vont dans le sens de leur époque. C'est du pareil au même. Beaucoup s'illusionnent en croyant que si ils avaient vécu à dans les années 30-40 ils auraient été du côté des "gentils" mais ils rêvent ces gens là ! Ils auraient été pétiniste en 40 et gaulliste en 45 comme la grande majorité des autres. Comme aujourd'hui la plus part des gens sont pour l'égalité, les droits de l'homme, contre le racisme, etc... Chaque époque à ses idéologies et sa conception du bien et du mal, il faut prendre de la distance avec la petite morale si on veut comprendre l'Histoire.
Your Kingdom is Doomed
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yudo
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ted a écrit :Je ne vois pas d'autoritarisme dans cette vidéo.
Est-ce que vous n'avez pas tendance à dramatiser un peu ? :oops:
Ted! Depuis quand une vidéo (propagande) va te montrer ce qu'on ne veut pas montrer?

Pour fonder ce temple, OWG a ponctionné d'autorité les comptes de tous les dojos de sa baronnie. Le fondateur du dojo de Heidelberg qui a prétendu refuser pour des raisons locales s'est fait expulser de son propre dojo! Je ne te parle même pas du cas de lausm qui s'est fait virer du dojo qu'il fréquentait par OWG sans même avoir été entendu.

Tu crois vraiment que l'autoritarisme ne se voit que de façon caricaturale? Si tu devais croiser Ingrid Igelnik, tu n'aurais sans doute pas à première vue idée que cette fille est un adjudant. Il faut la fréquentation, l'expérience. L'adjudante de Marassi est assez gratinée, elle aussi. Je pourrais te citer bien des exemples, ta vidéo n'y changerait rien!
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
ted

Je veux bien Yudo.
Mais là, tu parles d'encadrement, de gestion des structures, de finances etc...

Mais le zéniste moyen qui fréquente un centre, il n'a pas connaissance de ces aspects là non ?
Je veux dire qu'il y a sans doute quand même une majorité de personnes de bonne volonté (on en voit quelques unes dans la vidéo) qui font les pratiques dans l'esprit du Zen, qui n'ont jamais mis les pieds au Japon, qui ont leurs propres exigences éthiques. Cet esprit de groupe devrait pouvoir contrebalancer assez facilement l'autoritarisme de quelques personnes qui ne peuvent quand même pas être partout à la fois ?
Dumè Antoni

Ted a écrit :Cet esprit de groupe devrait pouvoir contrebalancer assez facilement l'autoritarisme de quelques personnes qui ne peuvent quand même pas être partout à la fois ?
Ce n'est malheureusement pas vrai. Il suffit pour s'en convaincre de voir que la majorité des hommes ont besoin d'un leader pour les guider, et pas nécessairement pour les instruire. La notion de "secte" est justement née de ce constat.
ted

Je ne partage pas cette vision pessimiste des choses.
Faut pas prendre les gens pour des cons (pour parler vulgairement). :)
Dumè Antoni

Mais je ne prends pas les gens pour des cons. Il existe des personnes très instruites et très intelligentes qui se laissent embobiner par des pseudos maîtres, non pas parce qu'elles sont connes, mais parce qu'elles sont en souffrance et dans l'espoir de guérir et qu'elles sont donc prêtes à suivre n'importe qui, pourvu qu'il ait l'aspect de la projection névrosée que ces personnes se font d'un maître. Si tu considères que c'est être pessimiste de constater ce fait pourtant largement établi (pas que dans le Zen, d'ailleurs) alors moi je considère que tu es d'un optimisme béat de croire en la capacité des masses. Car l'avantage des pseudo maîtres, ce n'est pas dans l'action individuelle qu'il se manifeste, mais sur les masses. Et plus ces maîtres parviennent à diriger les masses, plus ils sont considérés comme des bons maîtres (c'est à dire dont l'autorité est reconnue massivement). Bien entendu, je ne dis pas que tous les maîtres qui parviennent à déplacer des masses sont mauvais, mais qu'il suffiraient qu'ils soient mauvais pour faire un véritable carnage psychologique et spirituel.
ted

Justement, comme tu le dis si bien, et c'est de notoriété publique, ce sont les personnes en état de faiblesse ou souffrance psychologique qui se font happer par des sectes.

Or là, vous parlez de l'AZI, la plus grande organisation zen de France, présidée de plus par le responsable de l'UBF (Union bouddhiste de France). Rien que ça !

Qu'il y ait eu des différents entre l'AZI et certains membres du forum (Lausm, Yudo), je veux bien.
Mais de là à laisser penser que l'AZI serait une vaste organisation sectaire :shock: :D va falloir faire attention à nos propos. :) On risque un procès qui serait mérité et de plus on divise le sangha en laissant penser qu'on discrédite sans discernement "l'ensemble des dojos zen de France" comme dit Yudo. :shock: Ce qui n'est bien sur pas son intention. Ni la tienne.

Bon, je dis ça, je dis rien... C'est le modérateur qui s'exprime...
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