Brad Warner et les obtentions de méditation

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yudo
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Brad Warner vient de pondre un truc intéressant sur l'"obtention". Je vais vous le communiquer:

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Considérons un instant ce concept de l'obtention. Quand quelqu'un obtient quelque chose, il l'ajoute à lui-même. C'est en relation avec le verbe obtenir, qui veut dire prendre possession d'un objet. Il y a deux ans, environ, j'ai vendu ma basse Ibanez en copie de Rickenbacker et j'ai utilisé l'argent pour m'acheter une basse de jazz Fender modèle signé par Noel Redding. Donc, un jour, j'étais Brad et le jour suivant, j'étais Brad + basse modèle signé par Noel Redding. Géant!

Quand j'arrive à quelque chose, c'est un peu plus nébuleux. La très utile fonction dictionnaire de Google me dit que d'arriver à signifie "réussir (quelque chose qu'on désire et pour laquelle on a travaillé).” Il y a quelques années, j'ai voulu perdre du poids. Je rentrais du Japon et j'avais passé environ une année à me régaler avec ces portions géantes de restaurants et ces trucs frits graisseux qui m'avaient tant manqué au Japon. J'ai pris environ dix kilos. Mais je me suis mis à mieux mangé et j'ai pu revenir à mon poids normal. Je l'ai ré-obtenu. Succès!

Mais qu'arrive-t-il à mon obtention si je me mets à manger de gros sacs de chips et à boire des milk-shakes géants (et soi-disant "sains") à nouveau? Eh oui, je grossis.

Dans les années 90, je suis parti pour le Japon. A mon arrivée là-bas, je ne parlais que très peu japonais. Mais j'ai travaillé dur et après quelques années, j'ai atteint un niveau de japonais compétent, si ce n'est brillant.

Mais au cours des cinq dernières années, je ne l'ai guère parlé. Et quoique n'en ayant pas totalement perdu la capacité, je ne suis pas aussi bon que je l'étais il y a cinq ans.

Je suis un assez bon bassiste, un guitariste intéressant, un bon écrivain, et quelques autres trucs. J'ai travaillé dur pour toutes ces choses. Mais si je cesse de les pratiquer, je perdrai toutes ces capacités que j'ai obtenues. A tout le moins, mes obtentions en seront diminuées.

Donc, les obtentions ne restent pas là d'elles-mêmes. je n'en vois pas une seule qui puisse rentrer dans cette catégorie de vie. Il faut travailler à chacune d'elles. Pourquoi les obtentions de méditation seraient-elles différentes?
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
Jean

Je crois que si on se cantonne à la méditation sur coussin, la pratique formelle, si on diminue ou si on arrête sa pratique en effet, il peut y avoir diminution des qualités acquises

Mais si on pratique aussi la pratique informelle, hors coussin, (refus de se laisser piégé dans les pensées ou émotions), les qualités acquises sont de plus en plus intégrées et se renforcent chaque jour davantage.

Mais là aussi il y a un piège : croire que l'on a plus besoin de méditation formelle. Cela peut être une erreur à une étape. Si on est à l'étape où la méditation assise est devenu un plaisir, pourquoi s'en priver? Ca ne mange pas de pain!

D'un autre point de vue, continuer à pratiquer la méditation assise est une sécurité. Il y a tant de possibilités de fausses interprétations!!!
lausm

Je ne suis pas aussi certain.
Il me semble qu'il faut pratiquer, en abandonnant tout désir de sécurité.
La méditation assise peut etre comme un phare. Mais on sait que le phare n'est pas l'océan, et je pense que beaucoup s'y trompent, et pensent que parce qu'ils s'assoient, cela se suffit...et du coup deviennent dogmatiques de la méditation assise. C'est une maladie plus spécifique du zen, cela dit en passant.
Pourtant, Eno avait dit, que l'éveil ne dépendait meme pas de la méditation assise....ou comment déraciner la velléité de saisir quoi que ce soit au travers de s'asseoir en méditation.
Je dis ça car je pense que certains feraient mieux de moins méditer, car ça aggrave les surinterprétations de toutes sortes.
Il faut de tout :s'asseoir, et vivre....c'est faire les liens entre ces différents temps, ces différents espace, qui créent une vie éveillée. Et ne se fixer sur aucun, ni non plus en fuir aucun.
ted

Brad Warner a écrit :Donc, les obtentions ne restent pas là d'elles-mêmes. je n'en vois pas une seule qui puisse rentrer dans cette catégorie de vie. Il faut travailler à chacune d'elles. Pourquoi les obtentions de méditation seraient-elles différentes?
J'ai peur de paraître "cuistre" comme aime à dire Flocon. loveeeee
Mais j'ai cru comprendre qu'on "n'obtient" rien en méditant... Au contraire, on enlève des voiles, on se débarrasse des attachements, on se déleste du poids des ressentiments et des remords... Ce n'est pas du domaine de l'obtention... (à part quelques facultés qui, en effet, vont vite s'en aller si on ne les cultive pas...)

Mais l'éveil est déjà là. Il ne peut pas être réversible. Comment ce qui est notre Vraie Nature pourrait-il être réversible ?

Dans un bac fermé, l'eau peut se transformer en cube de glace, puis en eau, puis en glace, puis en eau, indéfiniment, sous l'action de la température extérieure, chaude, froide, chaude, froide... Mais une fois le bac ouvert, l'eau s'évapore et se disperse dans 10 000 directions. Ce cube de glace ne se reformera jamais plus.

Une fois que les voiles de l'illusion, agrégés et solidifiés autour de nous, se sont éparpillés et dissipés aux quatre vents, ils ne peuvent plus se réagglutiner en une silhouette d'ignorance. Ce n'est pas du domaine de l'obtention, mais du domaine de la libération.
Robi

A mon avis dans toute spiritualité on entre dans un cheminement. Dans le bouddhisme cette entrée est la bodhicitta (aspiration et engagement à l'Eveil). Dans cet engagement et ce cheminement tour à tour on obtient et on perd la paix de l'esprit, la zenitude, la joie, etc... ou ce qu'on appelle les paramitas dans le bouddhisme. Il faut biensûr les cultiver (les pratiquer) plutôt que de les perdre, mais personne n'est à l'abri d'un faux pas (la colère, le découragement, l'impatience, l'egoisme, etc...). Le tout c'est de reprendre la route...
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yudo
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ted a écrit :
Brad Warner a écrit :Donc, les obtentions ne restent pas là d'elles-mêmes. je n'en vois pas une seule qui puisse rentrer dans cette catégorie de vie. Il faut travailler à chacune d'elles. Pourquoi les obtentions de méditation seraient-elles différentes?
Mais j'ai cru comprendre qu'on "n'obtient" rien en méditant...
Je te rappelle que le SdC dit effectivement "il n'y a pas d'acquisition car il n'y a rien qui puisse être acquis" mais on a tendance à oublier la petite phrase préliminaire qui est si importante: "dans la vacuité".

C'est comme de soutenir que, pour le Bouddhisme "rien n'existe". C'est tellement commode d'oublier le segment "de façon autonome".
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
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Flocon
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yudo a écrit :C'est comme de soutenir que, pour le Bouddhisme "rien n'existe". C'est tellement commode d'oublier le segment "de façon autonome".
Entièrement d'accord : c'est justement ce qui constitue le terreau de la polémique théiste contre le bouddhisme, cette façon de tronquer les textes pour en tirer de fausses accusations de nihilisme. Et c'est une vieille façon de faire, très vieille... Les Pères de l’Église ignoraient le bouddhisme, mais ils étaient passés maîtres en découpage des textes, pour faire dire aux philosophes païens le contraire de ce qu'ils disaient :lol: (les philosophes le leur rendaient d'ailleurs bien, mais bon, à la guerre comme à la guerre :D ).
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
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yudo
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C'est Eusèbe de Césarée, menteur s'il en fut jamais, qui justifiait le mensonge quand il s'agissait de faire triompher la foi...
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
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Flocon
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Oui, et il s'inspirait en la matière d'Origène et surtout de Justin, l'un des premiers grands polémistes chrétiens, habile à faire feu de tout bois contre l'adversaire, Juif, païen ou chrétien d'une autre tendance que la sienne :lol: (mais les évangélistes et Paul étaient déjà forts dans ce domaine).

Bref, c'est un procédé ancien et courant, qui a également été employé par les bouddhistes et que nous employons à notre insu -plus ou moins- tous les jours ; moi-même je l'ai utilisé pas plus tard qu'hier :shock: :oops: en déformant la phrase de Ted sur sa propre pratique.

Bon, je :arrow: :lol:
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
Robi

Flocon a écrit :
yudo a écrit :C'est comme de soutenir que, pour le Bouddhisme "rien n'existe". C'est tellement commode d'oublier le segment "de façon autonome".
Entièrement d'accord : c'est justement ce qui constitue le terreau de la polémique théiste contre le bouddhisme, cette façon de tronquer les textes pour en tirer de fausses accusations de nihilisme. Et c'est une vieille façon de faire, très vieille... .
C'est avant tout les philosophes du XIX éme siècle (et non les théistes à propremenr parlé) qui "découvrant" le bouddhisme y ont vu un nihilisme.
http://www.rpdroit.com/index.php/enquet ... imitstart=
Quant à l'analyse du bouddhisme par les théistes d'aujourd'hui, elle est autrement plus fine que la simple et grossière accusation de nihilisme comme vous le prétendez (et encore moins vrai est qu'ils tronqueraient volontairement les textes pour porter leurs accusations. Si un non bouddhiste sérieux essaie de critiquer le bouddhisme ce ne peut être qu'en le prenant dans son entièreté)
Flocon a écrit :Les Pères de l’Église ignoraient le bouddhisme, mais ils étaient passés maîtres en découpage des textes, pour faire dire aux philosophes païens le contraire de ce qu'ils disaient :lol: (les philosophes le leur rendaient d'ailleurs bien, mais bon, à la guerre comme à la guerre :D ).
Est-ce que vous ne passez pas là vous même maître dans la falsification ou pour le moins dans l'extrême simplification de ce qu'il se passait à l'époque?
C'est bien mal juger des débats de l'époque et leurs protagonistes qui sont resté à la postérité que de les reléguer avec des procédés d'amateurs ou d'imposteurs...
yudo a écrit :C'est Eusèbe de Césarée, menteur s'il en fut jamais, qui justifiait le mensonge quand il s'agissait de faire triompher la foi...
Eusèbe de Césarée n'est pas un menteur, il est seulement qu'en tant qu'historien et propagandiste d'un christianisme (teinté d'arianisme) il fait l'impasse sur certains évènements en faveur d'autres et il ne s'en est pas caché:
"Mais nous mentionnerons généralement dans cette histoire uniquement les événements qui peuvent être utiles d'abord à nous-mêmes, ensuite à la postérité."
Flocon a écrit :Oui, et il s'inspirait en la matière d'Origène et surtout de Justin, l'un des premiers grands polémistes chrétiens, habile à faire feu de tout bois contre l'adversaire, Juif, païen ou chrétien d'une autre tendance que la sienne :lol: (mais les évangélistes et Paul étaient déjà forts dans ce domaine).
Bref, c'est un procédé ancien et courant, qui a également été employé par les bouddhistes et que nous employons à notre insu -plus ou moins- tous les jours ; moi-même je l'ai utilisé pas plus tard qu'hier :shock: :oops: en déformant la phrase de Ted sur sa propre pratique.
Il ne faut pas confondre faire feu de tout bois (qui est une expression vraiment hasardeuse) et démonter habilement (y réussissant ou pas) les arguments de l'adversaire. Vous dites que les évangélistes et Paul sont des menteurs :shock: , en quoi donc sont-ils des menteurs?

Il ne faut pas non plus confondre déformer la phrase ou l'argument de quelqu'un et mal l'interpréter ou n'en faire ressortir que ce qu'il a de négatif.
(il se peut qu'à votre insu plus ou moins, par manque d'attention, -ici un mot que vous n'avez pas pris le temps de peser- vous déformiez les propos de l'autre dans une conversation de forum, mais sincèrement je ne crois pas que ce soit la règle dans les débats de l'antiquité -qui sont toujours en cours-. Si c'était le cas dans l'antiquité ce manque d'attention -peu probable- devait bien vite être corrigé)
Comment pouvez-vous penser que des gens chercheurs sincères de la vérité (de tout bord) s'appuieraient sur des procédés et non de véritables raisonnements? (Même les sophistes ne sont plus de nos jours de simples beaux parleurs alors à fortiori des gens que l'Histoire n'a jamais qualifié de sophistes...)
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