Encore Brad Warner: le Cercle de la Voie de maître Dôgen

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yudo
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Le Cercle de la Voie de maître Dôgen
http://hardcorezen.info/dogens-circle-of-the-way/2548

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Demain commence la sesshin que je vais diriger avec Kazuaki Tanahashi au Upaya Zen Center. Elle s'intitule Le Cercle de la Voie de maître Dôgen.

Avant que Kaz m'invite à diriger cette sesshin avec lui, je n'étais pas très familier avec l'expression "Cercle de la Voie". J'en avais probablement entendu parler à Tassajara, mais je n'y avais jamais accordé beaucoup d'attention. Cela me paraissait être une de ces expressions accrocheuses courantes au San Francisco Zen Center. Quand on a un petit groupe dévoué à une pratique franchement pas populaire, ce groupe tend à développer son propre code. Toutes les sous-cultures le font. C'est souvent une façon de créer une identité culturelle en opposition avec l'ensemble plus large. Et parfois, c'est juste qu'ils en ont marre de toujours répéter la même chose. Le plus souvent c'est un peu des deux.

Chaque fois qu'on a une mauvaise journée à Tassajara, quelqu'un vous dira: "C'est une occasion de pratique". J'ai juste envie de leur mettre des baffes.Si on raconte qu'on a été maltraité, quelqu'un vous reprendra avec un "Tu est dans le jugement!" Ce genre de conneries devient très vite fatiguant.

Et comme ils lisent Dôgen tout le temps, ils ont beaucoup de code pour désigner ce dont Dôgen parle. Entendre ces phrases en code sur les idées de Dôgen n'est pas aussi fatiguant que de se faire rabaisser avec des clichés lorsqu'on a juste besoin de se défouler, mais je tends la plupart du temps à les laisser passer sans faire trop d'effort pour savoir de quoi ils parlent.

Parfois, il me faut traduire le code doguénien en un autre code doguénien avec lequel je suis plus familier. il se trouve que la traduction de "Cercle de la Voie" dans le code nishijimien pour les idées de Dôgen est "Pratique continue".

C'est un point très essentiel de l'enseignement de maître Dôgen. Il se pourrait bien, en fait que ce soit ce qui fait que le Zen de Dôgen soit si fondamentalement différent de presque toutes les autres formes de méditation que je connaisse et aussi ce qui fait que son approche soit la façon la plus pratique d'arriver à la méditation pour les contemporains. Voici ce qu'en dit Kaz: http://www.tricycle.com/web-exclusive/f ... s-thoughts. Voici la mienne.

Lorsque je dis que c'est ce qui fait de la manière de Dôgen la plus pratique, je ne parle pas ici de posture ou de rituels ou de quoi que ce soit de superficiel. La posture est importante, et les rituels sont signifiants. Mais ce que Kaz appelle le Cercle de la Voie représente un truc bien plus fondamental encore. Et cela s'applique à toutes sortes d'activités à part de la méditation assise.

Jusqu'à ce que Dôgen rencontre son maître, Tendô Nyôjo, on lui avait appris que Zazen était un moyen pour une fin, une façon d'atteindre un but spécifique. On pratique Zazen pour devenir éveillé.

C'est ainsi qu'on enseigne la plupart des formes de méditation. Vous voulez réduire votre stress? Faites ça! Vous voulez la paix de l'esprit? Faites ça!

Mais ce n'est pas que la méditation qui est enseignée ainsi. Pratiquement tout ce que nous faisons dans la vie est divisé entre moyens et buts. On fait son boulot pour avoir sa paie. On court pour perdre du poids. On pratique le violon pour jouer à Carnegie Hall. On écrit des livres pour devenir un auteur célèbre. La liste est interminable.

Le problème, c'est qu'on n'atteint pas souvent ses buts. Il se peut que la paie sont moindre que ce qu'on mérite, ou qu'on ne jouera jamais à Carnegie Hall, ou qu'on ne maigrisse pas aussi vite que ce qu'on veut, peut-être devient-on un écrivain connu mais pas célèbre et qu'on ne gagne pas d'argent, etc. Ces chose nous causent bien des déceptions. Cela suffit souvent à nous faire abandonner quoi que ce soit que nous faisons bien avant que les bénéfices en soient évidents.

De très nombreuses personnes abandonnent la pratique méditative pour cette raison. Je ne saurais dire combien j'ai reçu de textes écrits de façon très éloquente pour expliquer quelle perte de temps est la méditation. Celui-ci par John Horgan en est un bon exemple. Horgan a été déçu par la pratique du Zen et il l'explique en des termes très difficiles à réfuter. Mais je dirais qu'il le faisait pour de mauvaises raisons. Et de mauvaises raisons pour entreprendre la pratique du Zen sont n'importe quelle raison pour entreprendre la pratique du Zen.

Tendô Nyôjo a dit à Dôgen que la pratique de Zazen est l'éveil lui-même. Il n'y a pas de séparation entre l'activité et le but. Ceci ne tient pas seulement pour la pratique du Zen. Cela vaut pour tout le reste.

Alan Watts a écrit quelque chose de très juste là-dessus. Il compare l'idée absurde de faire quelque chose afin d'arriver à un but à un compositeur qui n'écrirait sa musique que pour la fin du concert.Les types de South Park en ont fait un dessin animé génial.

L'idée de pratique/éveil n'est pas qu'un truc pour rassurer les zénistes par rapport à ce que notre pratique peut avoir l'air ennuyeuse et inutile. C'est une façon révolutionnaire de vivre sa vie. La notion de pratique sans but (mushotoku) peut s'appliquer à absolument tout ce que nous faisons dans la vie et l'améliorer de façon considérable.

Il y a un tas de façon de reformuler cette idée. Une de mes préférées est un peu grossière. Mais comme elle l'est, elle est plus facile à mémoriser: la voici: On ne mange pas pour aller chier.

Nous savons tous cela. Mais dans d'autres domaines, nous appliquons des buts à ce que nous faisons et nous nous rendons malheureux en le faisant. Nous devenons comme ces mecs qui croient que le sexe, c'est l'orgasme, ce qui fait qu'ils passent très vite à travers le meilleur. Nous perdons nos vies à pourchasser le futur.
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
Jean

Yudo a écrit
Il y a un tas de façon de reformuler cette idée. Une de mes préférées est un peu grossière. Mais comme elle l'est, elle est plus facile à mémoriser: la voici: On ne mange pas pour aller chier.

Nous savons tous cela. Mais dans d'autres domaines, nous appliquons des buts à ce que nous faisons et nous nous rendons malheureux en le faisant. Nous devenons comme ces mecs qui croient que le sexe, c'est l'orgasme, ce qui fait qu'ils passent très vite à travers le meilleur. Nous perdons nos vies à pourchasser le futur.
FleurDeLotus
Jingshen

Il y a un tas de façon de reformuler cette idée. Une de mes préférées est un peu grossière. Mais comme elle l'est, elle est plus facile à mémoriser: la voici: On ne mange pas pour aller chier.
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And so ?
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jules
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Jingshen

And so, la boucle est bouclée!

Butterfly_tenryu
Dernière modification par Jingshen le 20 février 2014, 20:55, modifié 1 fois.
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yudo
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Chôli!!!

Tu as même pu reproduire son sourire si caractéristique!

Puis-je diffuser?
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
Jingshen

à Yudo, pas de pbs pour "le diffuser", ou 'l'enregistrer"
Je l'ai fait sur un coin de table toute à l'heure, en essayer de "respecter un peu" l'esprit du personnage ;-)
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jules
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Jingshen
And so, la boucle est bouclée!
Oui, ça fait aussi penser à une sorte de papillon, avec le corps au milieu et les ailes de chaque côté.
Ou un vortex considéré de haut en bas : large en haut, de plus en plus serré en descendant , puis à la pointe du cône, repartant vers le bas en s'évasant à nouveau.
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jules
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Jean a écrit :Yudo a écrit
Il y a un tas de façon de reformuler cette idée. Une de mes préférées est un peu grossière. Mais comme elle l'est, elle est plus facile à mémoriser: la voici: On ne mange pas pour aller chier.

Nous savons tous cela. Mais dans d'autres domaines, nous appliquons des buts à ce que nous faisons et nous nous rendons malheureux en le faisant. Nous devenons comme ces mecs qui croient que le sexe, c'est l'orgasme, ce qui fait qu'ils passent très vite à travers le meilleur. Nous perdons nos vies à pourchasser le futur.
FleurDeLotus
Yudo a écrit :


Demain commence la sesshin que je vais diriger avec Kazuaki Tanahashi au Upaya Zen Center. Elle s'intitule Le Cercle de la Voie de maître Dôgen.

Avant que Kaz m'invite à diriger cette sesshin avec lui, je n'étais pas très familier avec l'expression "Cercle de la Voie". J'en avais probablement entendu parler à Tassajara, mais je n'y avais jamais accordé beaucoup d'attention. Cela me paraissait être une de ces expressions accrocheuses courantes au San Francisco Zen Center. Quand on a un petit groupe dévoué à une pratique franchement pas populaire, ce groupe tend à développer son propre code. Toutes les sous-cultures le font. C'est souvent une façon de créer une identité culturelle en opposition avec l'ensemble plus large. Et parfois, c'est juste qu'ils en ont marre de toujours répéter la même chose. Le plus souvent c'est un peu des deux.

Chaque fois qu'on a une mauvaise journée à Tassajara, quelqu'un vous dira: "C'est une occasion de pratique". J'ai juste envie de leur mettre des baffes.Si on raconte qu'on a été maltraité, quelqu'un vous reprendra avec un "Tu est dans le jugement!" Ce genre de conneries devient très vite fatiguant.

Et comme ils lisent Dôgen tout le temps, ils ont beaucoup de code pour désigner ce dont Dôgen parle. Entendre ces phrases en code sur les idées de Dôgen n'est pas aussi fatiguant que de se faire rabaisser avec des clichés lorsqu'on a juste besoin de se défouler, mais je tends la plupart du temps à les laisser passer sans faire trop d'effort pour savoir de quoi ils parlent.

Parfois, il me faut traduire le code doguénien en un autre code doguénien avec lequel je suis plus familier. il se trouve que la traduction de "Cercle de la Voie" dans le code nishijimien pour les idées de Dôgen est "Pratique continue".

C'est un point très essentiel de l'enseignement de maître Dôgen. Il se pourrait bien, en fait que ce soit ce qui fait que le Zen de Dôgen soit si fondamentalement différent de presque toutes les autres formes de méditation que je connaisse et aussi ce qui fait que son approche soit la façon la plus pratique d'arriver à la méditation pour les contemporains. Voici ce qu'en dit Kaz: http://www.tricycle.com/web-exclusive/f ... s-thoughts. Voici la mienne.

Lorsque je dis que c'est ce qui fait de la manière de Dôgen la plus pratique, je ne parle pas ici de posture ou de rituels ou de quoi que ce soit de superficiel. La posture est importante, et les rituels sont signifiants. Mais ce que Kaz appelle le Cercle de la Voie représente un truc bien plus fondamental encore. Et cela s'applique à toutes sortes d'activités à part de la méditation assise.

Jusqu'à ce que Dôgen rencontre son maître, Tendô Nyôjo, on lui avait appris que Zazen était un moyen pour une fin, une façon d'atteindre un but spécifique. On pratique Zazen pour devenir éveillé.

C'est ainsi qu'on enseigne la plupart des formes de méditation. Vous voulez réduire votre stress? Faites ça! Vous voulez la paix de l'esprit? Faites ça!

Mais ce n'est pas que la méditation qui est enseignée ainsi. Pratiquement tout ce que nous faisons dans la vie est divisé entre moyens et buts. On fait son boulot pour avoir sa paie. On court pour perdre du poids. On pratique le violon pour jouer à Carnegie Hall. On écrit des livres pour devenir un auteur célèbre. La liste est interminable.

Le problème, c'est qu'on n'atteint pas souvent ses buts. Il se peut que la paie sont moindre que ce qu'on mérite, ou qu'on ne jouera jamais à Carnegie Hall, ou qu'on ne maigrisse pas aussi vite que ce qu'on veut, peut-être devient-on un écrivain connu mais pas célèbre et qu'on ne gagne pas d'argent, etc. Ces chose nous causent bien des déceptions. Cela suffit souvent à nous faire abandonner quoi que ce soit que nous faisons bien avant que les bénéfices en soient évidents.

De très nombreuses personnes abandonnent la pratique méditative pour cette raison. Je ne saurais dire combien j'ai reçu de textes écrits de façon très éloquente pour expliquer quelle perte de temps est la méditation. Celui-ci par John Horgan en est un bon exemple. Horgan a été déçu par la pratique du Zen et il l'explique en des termes très difficiles à réfuter. Mais je dirais qu'il le faisait pour de mauvaises raisons. Et de mauvaises raisons pour entreprendre la pratique du Zen sont n'importe quelle raison pour entreprendre la pratique du Zen.

Tendô Nyôjo a dit à Dôgen que la pratique de Zazen est l'éveil lui-même. Il n'y a pas de séparation entre l'activité et le but. Ceci ne tient pas seulement pour la pratique du Zen. Cela vaut pour tout le reste.

Alan Watts a écrit quelque chose de très juste là-dessus. Il compare l'idée absurde de faire quelque chose afin d'arriver à un but à un compositeur qui n'écrirait sa musique que pour la fin du concert.Les types de South Park en ont fait un dessin animé génial.

L'idée de pratique/éveil n'est pas qu'un truc pour rassurer les zénistes par rapport à ce que notre pratique peut avoir l'air ennuyeuse et inutile. C'est une façon révolutionnaire de vivre sa vie. La notion de pratique sans but (mushotoku) peut s'appliquer à absolument tout ce que nous faisons dans la vie et l'améliorer de façon considérable.

Il y a un tas de façon de reformuler cette idée. Une de mes préférées est un peu grossière. Mais comme elle l'est, elle est plus facile à mémoriser: la voici: On ne mange pas pour aller chier.

Nous savons tous cela. Mais dans d'autres domaines, nous appliquons des buts à ce que nous faisons et nous nous rendons malheureux en le faisant. Nous devenons comme ces mecs qui croient que le sexe, c'est l'orgasme, ce qui fait qu'ils passent très vite à travers le meilleur. Nous perdons nos vies à pourchasser le futur.

Le Cercle de la Voie de maître Dôgen
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Jingshen

Les anglo (saxon) ont une expression pour parler de "la voie sans commencement ni fin" : "the work is teaching you the work" (c'est en faisant qu'on apprends et réalise en même temps)
Dans un art, art martial, activité manuelle, sportive, travail, ou autres activités, le but est l'activité elle-même
Donc il n'y a pas de "séparation" entre l'activité et un "objectif", plus de passé ni de futur, plus de pensées discursives, ni de jugements ou d'ambitions, contrairement à des désirs, des compétitions où le but du sport c'est de gagner (ou de s'éveiller dans ce cas); Le fair-play, c'est jouer juste, l'esprit est dans l'acte lui-même; concentré sur le geste, attentif et observateur; donc le but est dans le jeu lui-même; et non dans une victoire égo-iste ou un trophée;
Quand il est exactement dans ce qu'on fait, il n'y a plus de séparation entre l'esprit et le corps, entre l'action et son but, plus de temps, juste l'instant;
Donc "non-deux", c'est l'unité, ou le "zéro", la plénitude du enso
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