KU - La Vacuité

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1,1Jamais, nulle part, rien qui surgisse, ni de soi-même, ni d'autre chose, ni des deux à la fois, ni sans cause.

1,3 – En fait, on ne trouve dans aucune de ces conditions rien qui possède une nature autonome (svabhava) – En l'absence de nature autonome, il n'est point de nature dépendante (parabhava)

svabhava : nature propre, nature intrinsèque, autonome, en soi, aséité, identité absolue
parabhava : nature extrinsèque, dépendante, identité différentielle en référence à autre chose

NAGARJUNA - Madhyamaka-karikas


Ces deux stances posent d'emblée la nature de l'impossibilité de la causalité parce que jamais, nulle part, nulle identité, nulle ipséité. Ce qui permet de comprendre que même en effectuant une régression « ad infinitum » on ne trouvera jamais quoique ce soit qui puisse apparaître comme cause première non-causée

Ce qui ne veux aucunement dire que ne joue pas dans la quotidienneté une certaine causalité conventionnelle dont la nature est d'être souffrance définie et générée par les 12 Innens qui par ailleurs la font prospérer

La Vacuité est et sera l'articulation du milieu juste qui permettra de concilier le conventionnel et l'ultime justifiant par la-même la formulation du zen Soto « shiki soku ze ku – ku soku ze shiki » à savoir : le vide est forme, la forme est vide



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chakyam

L'investigation bouddhiste conduit à la constatation que le moi et les phénomènes extérieurs n'existent pas de façon autonome, que le « moi » et les « autres » n'est qu'une étiquette illusoire que le Bouddhisme désigne en tant que "vacuité" , ou absence d'existence propre

Matthieu RICARD – L’infini dans la paume de la main

Les choses sont vides, mais elles apparaissent en dépendance d'autres phénomènes, de la même manière que le rêve n'est bien sûr pas réel, mais pourtant s'est produit, troublant le dormeur de ses charmes et apparences

24, 8 – C’est en prenant appui sur deux vérités que les Bouddhas enseignent la Loi, d’une part la vérité conventionnelle et mondaine, d’autre part la vérité de sens ultime
24, 9 – Ceux qui ne discernent pas la ligne de partage entre ces deux vérités, ceux-là ne discernent pas la réalité profonde qui est dans la doctrine des Bouddhas

13, 8 - Les Victorieux ont proclamé que la vacuité est le fait d'échapper à tous les points de vue. Quant à ceux qui font de la vacuité un point de vue, ils les ont déclarés incurables

NAGARJUNA - Madhyamaka-karikas

Toute symétrie entre les deux vérités est trompeuse. Le sens ultime annule les conventions mondaines même si, lorsqu’on en parle, on le fait nécessairement en termes mondains. Les conséquences de ces sentences vont être sans appel et dévastatrice. Le mouvement/changement est vide d’existence propre ainsi que le temps, le Nirvana et le Bouddha également vides, illusoires, songes évanescents, rêves.



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15, 1 – Qu'un être en soi vienne à l'existence en raison de causes et conditions est contradictoire. Un être en soi engendré par des causes et conditions serait, en réalité, un être fabriqué.

NAGARJUNA - Madhyamaka-karikas

En pleine cohérence il est ré-affirmé que les douze Innens qui explicitent le mécanisme de l'affliction, des maladies et de la souffrance par absence d'être-en-soi ne décrivent et ne rendent compte, en fait, que de la perpétuation auto-causée de la souffrance.

La stance 15,1 informe qu’un être engendré par des causes et conditions est fabriqué. Ainsi chaque phénomène auquel nous attachons de l’importance, parce que nous le dénommons, dépend de nos attachements et ne produit par lui-même aucune affliction



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15, 1 – Qu'un être en soi vienne à l'existence en raison de causes et conditions est contradictoire. Un être en soi engendré par des causes et conditions serait, en réalité, un être fabriqué.
Un "être-en-soi" ne peut venir à l'existence en raison de causes et conditions, car "par définition", il tire son existence de lui-même.(être-en-soi).

Par conséquent un "être-en-soi" ne peut interagir avec quoique ce soit en ce monde. Ce qui est absurde.
chakyam

La conception même d’un « être-en-soi » (suprême, divin, créateur, transcendant…) est en soi une imposture logique par simple application de la stance 1, 1 qui précise que « de soi-même… rien qui surgisse » par impossibilité, stance 1, 3 « d’une nature autonome »

Il convient donc, à l’instar de ce qui est ainsi posé, de constater qu’en première et dernière analyse, le nirvana, le bouddha sont également vides d’existence autonome, illusoires en tant qu’être-en-soi.

Rappelons-nous ! « quand j’ai atteint le Nirvana, je n’ai rien trouvé… » - Buddha -



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Il convient donc, à l’instar de ce qui est ainsi posé, de constater qu’en première et dernière analyse, le nirvana, le bouddha sont également vides d’existence autonome, illusoires en tant qu’être-en-soi.
Rappelons-nous ! « quand j’ai atteint le Nirvana, je n’ai rien trouvé… » - Buddha -
Quand le Bouddha a atteint le Nirvana, il s'est libéré de toute forme d'attachement. Lorsqu'il affirme n'avoir rien trouvé, il affirme n'avoir trouvé aucune objet particulier.
Et pour cause...Le nirvana n'est pas un objet, un "quelque-chose-de-spécial". Parce-qu’un "quelque chose de spécial", serait objet de désir, et donc d'attachement. Je n'ai rien trouvé, donc je suis libéré, je suis sans objet, sans attachement. Impossible d'atteindre, ni de saisir ce qui est de l'ordre d'une dynamique existentielle, une manière d'être au monde. On l'atteint en réalisant d'instant en instant. Soit on saute dans le train en marche, soit on reste scotché dans son monde d'objets essayant tant bien que mal de s'en dépêtrer.
chakyam

Nous sommes donc d'accord!... avec les conséquences philosophiques, pratiques, méditatives que celà entraine sur les différents thèmes de nos discussions.

On avance, on avance ...



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26, 1 – En vue d'une nouvelle existence, l'être investi par l'ignorance apprête des composants (samskara) de trois espèces. Par tels actes il se dirige vers telle destinée.


Samskara – composant, synergie, facteur de, tendance à agir – acte potentiel
Trois espèces – favorables, défavorables, neutres

26, 8-9 – L'existence (bhava) n'est rien d'autre que les cinq groupes d'appropriation. De l'existence procède la naissance. Vieillissement et mort, douleur, chagrin, lamentations, tristesse et tourments, tout cela procède de la naissance.


26, 10 – Ainsi, c'est l'ignorant qui apprête les composants, racines de la transmigration. L'ignorant est donc l'agent, non le sage qui voit ce qu'il en est.

Il n'y a donc aucun fatum ou destin dont il faudrait se débarrasser. Il suffit de « voir » - « Voir ce qu'il en est » consiste à ne plus identifier ou hypostasier aucun référent aux mots. Le sage, en conséquence, ne pose aucun acte (karman) puisqu'il n'a rien devant lui auquel il puisse s'accrocher.

26, 6 – Conditionnée par la sensation affective se produit la soif. Quand on a soif, en effet, ce que l'on cherche est une sensation en tant qu'elle nous affecte. L'homme en proie à la soif prend sur lui la quadruple appropriation


... soit, le plaisir des sens (en particulier sexuel), les opinions et prises de position personnelles, les observances rituelles et la constitution d'un moi substantiel.

26, 7 – L'appropriation étant là, le cours de l'existence se met en branle pour l'appropriateur. Car, s'il était libre d'appropriation, il se rendrait libre en effet. L'existence n'aurait pas lieu.

Seulement voilà ! Pas d'existence sans appropriation constitutive d'une étape fondamentale de l'existence humaine qui repose sur la structure moi/à moi dont on devient très rapidement dépendant.


NAGARJUNA - Madhyamaka-karikas



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jules
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Chakyam :

Il n'y a donc aucun fatum ou destin dont il faudrait se débarrasser. Il suffit de « voir » - « Voir ce qu'il en est » consiste à ne plus identifier ou hypostasier aucun référent aux mots.
Bonjour Chakyam :
Je ne suis pas certain de comprendre cette citation que tu fais de Nagarjuna. Veut-il affirmer par là que les mots ne veulent rien dire ? :neutral:
chakyam

Bonsoir Jules,

La vacuité, telle que présentée par Nagarjuna, n'affirme pas l'inutilité des mots mais attire notre attention vigile sur la tentation que nous subissons de figer, stopper les multiples processus d'impermanence, réifier (excuse le terme barbare) les évènements, les personnes, les idées par leur nomination conceptuelle. C'est évidemment bien utile de s'entendre sur la signification d'une table et d'une chaise et de ne pas confondre les différentes fonctions qu'on leur attribue mais croire, pour autant, que cette table et cette chaise ont une existence réelle, est évidemment dommageable quant on applique cette croyance (!!!!) à la souffrance, à l'âme, aux 12 Innens, au samsara et nirvana.

« Voir ce qu'il en est » consiste à voir l'articulation entre l'éphémère et l'ultime (qui n'est pas éternel ni absolu) et surtout ne pas hypostasier l'un au détriment de l'autre. Ainsi donc les mots sont utilisables et utilisés en tant que « moyens habiles » comme le doigt qui désigne la lune qu'aucun bouddhiste ne s'obstinerait à considérer comme réalité-en soi (la lune comme le doigt)

… du moins j'espère !



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Verrouillé