Souffrance et interprétation.

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jules
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La souffrance est-elle une interprétation ?

jap_8
ted

jules a écrit :
23 août 2017, 13:12
La souffrance est-elle une interprétation ?

jap_8
Bonne question. jap_8

Il y a en effet un risque de mal comprendre ce que le bouddhisme appelle dukkha et qui est traduit généralement par souffrance.
Voici ce qu'en dit Ajahn Amaro :


Les Quatre Nobles Vérités

Bien qu’il existe de nombreux volumes des discours du Bouddha dans plusieurs traditions, on dit aussi que tout son enseignement est contenu dans son tout premier discours, celui que l’on a appelé « la mise en marche de la roue de la Vérité ». Le Bouddha donna cet enseignement à ses cinq anciens compagnons spirituels, dans le Parc aux Daims, près de Bénarès, peu de temps après son Eveil. Dans ce bref discours – il ne faut que vingt minutes pour le réciter – il développa la nature de la Voie du Milieu et les Quatre Nobles Vérités. Cet enseignement est commun à toutes les traditions bouddhistes et, tout comme un gland contient dans son code génétique ce qui le fera devenir un immense chêne, on peut dire que toute la myriade des enseignements bouddhistes dérive de cette matrice de sagesse fondamentale.

Les Quatre Nobles Vérités sont formulées à la manière d’un diagnostic médical dans la tradition ayurvédique : a) les symptômes de la maladie ; b) la cause ; c) le pronostic ; et d) le traitement. Le Bouddha a toujours utilisé des structures et des formes qui étaient familières aux personnes de son époque et, dans ce cas précis, c’est ainsi qu’il peignit le tableau.


Ajahn Amaro
Vertu et méditations, éditions Sully.
ted

  • La première vérité, le « symptôme », est qu’il existe dukkha, un mal-être que l’on peut ressentir comme un sentiment d’incomplétude, d’insatisfaction ou de souffrance. Il peut y avoir des instants ou de longues périodes où nous ressentons du bonheur – un bonheur grossier ou même de nature transcendante – mais il arrive un moment où le cœur ressent une insatisfaction. Celle-ci peut aller de l’angoisse extrême à l’infime intuition que la félicité que l’on ressent ne va pas durer. Toutes ces variantes portent l’étiquette de « dukkha ».
Parfois les gens lisent cette Première Vérité et l’interprètent mal, comme si le Bouddha avait déclaré de manière absolue que la réalité est dukkha dans toutes ses dimensions. On prend cette Vérité comme un jugement de valeur qui s’applique à tout, mais ce n’est pas ce qui a été dit. Si c’était le cas, cela voudrait dire qu’il n’y a aucun espoir de libération pour qui que ce soit, et la réalisation de la vérité de ce qui est – le Dhamma – n’aboutirait pas à une paix et un bonheur durables, contrairement à ce qu’a découvert le Bouddha.

Ce qu’il est donc très important de noter là, c’est qu’il s’agit de « nobles » vérités et non de vérités « absolues ». Elles sont nobles dans le sens que ce sont des vérités relatives mais que, une fois comprises, elles nous mènent à la réalisation de l’Absolu ou de l’Ultime.
  • La seconde Noble Vérité est que la cause de ce dukkha est le désir égoïste, tanhā en pāli, ce qui signifie littéralement « soif ». Ce désir, cet attachement avide, est la cause de dukkha. Il peut s’agir du désir de plaisirs sensoriels, du désir de « devenir » quelque chose, du désir de s’identifier à quelque chose, ou encore du désir de ne pas exister, de disparaître, d’être annihilé ou de se débarrasser de certaines choses. Il y a de nombreuses dimensions subtiles à toutes ces formes de désir.
  • La troisième Noble Vérité, le pronostic, est dukkha-nirodha. Nirodha signifie « cessation ». Autrement dit, ce sentiment de dukkha, d’incomplétude, peut disparaître en étant transcendé ; on peut y mettre un terme. Dukkha n’est donc pas une réalité absolue, ce n’est qu’un vécu temporaire dont le cœur et l’esprit peuvent se libérer.
  • La quatrième Noble Vérité est celle de la Voie : comment aller de la seconde Vérité à la troisième, de la cause de dukkha à son terme. Le traitement est l’Octuple Sentier qui consiste essentiellement à développer la vertu, la concentration et la sagesse.
Ajahn Amaro
Vertu et méditations, éditions Sully.
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