Vipassana et l'esprit de Zazen

ted

Pratiquant zen il y a une quinzaine d'années, je me suis intéressé au theravada.

Alors que les deux assises sont assez semblables (position du lotus), les théravadins se concentrent sur leur respiration (anapanasati) puis, totalement immobiles, observent leurs sensations, allant même parfois jusqu'à les étiqueter mentalement (préparation vipassana - méthode Mahasi Sayadaw).

Alors que je discutais, avec un pratiquant, de la méditation d'approche théravadin qui permet de déboucher sur l'apparition du nimitta, il m'a répondu à peu près ceci :
  • - "Mais je suis dans un dojo zen. Je dois fixer le mur et laisser passer mes pensées. Je ne suis pas censé me concentrer sur mes sensations. Si je fais ça, c'est pas honnête vis à vis du dojo. "
Je lui ai répondu qu'extérieurement, personne ne pouvait s'en apercevoir. Il m'a répété qu'il ne trouvait pas ça correct.

Donc questions :

1) Quand on prend la position de Zazen dans un dojo, est-on moralement autorisé à pratiquer vipassana ?

2) Est-ce que Zazen (shikantanza, mushotoku, hishiryo) cesse d'être Zazen parce qu'on pratique l'établissement de l'attention ?

jap_8
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Pour vipassana je ne sais pas.
2) Est-ce que Zazen (shikantanza, mushotoku, hishiryo) cesse d'être Zazen parce qu'on pratique l'établissement de l'attention ?
Suzuki roshi après avoir failli se noyer, s'est dit que ce pourrait être bien de recommencer depuis le début sa pratique du zen, de revenir aux basiques. Il recommandait de compter ses respirations au début. Puis une fois que l'on avait réussi à le faire 40 minutes sans dévier, à juste observer sa respiration. C'est une école. Et c'est assez proche de la pratique de samatha.

D'ailleurs je crois que dans le fukanzazengi Dogen nous dit qu'il faut être attentif au corps, à la respiration (il ne donne aucune indication je crois, je vais aller le relire) et à l'esprit.

Dans la lignée Sawaki, ce que j'ai pu entrevoir, c'est qu'il ne fallait rien rechercher et strictement juste s'asseoir. Kosho Uchiyama appelle ça zazen( et sesshin) sans jouet : pas de kyosaku, pas de kusen, donc à mon avis pas d'objet de pensée. dans le sens où ne suit pas les pensées.

Et dans le zen en général, on est pas censé être à la poursuite d'un état ou d'un objet spécial aussi (type nimitta).

D'après mon expérience, quand on fait zazen on est attentif à notre corps, surtout au début. L'obsession du début c'est la posture, et cela ne demande pas à se concentrer sur un seul endroit, mais partout : le corps en entier, puis l'esprit par rapport à nos pensées. Quand vient la douleur, c'est un autre travail qui se fait : comment lâcher, comment ne pas réagir...

Après tout dépend où l'on se situe avec soi-même. Je connaissais un gars qui venait au groupe de pratique et qui répétait son mantra. Ce n'était pas du "pur" zen, et il s'en foutait je crois, il venait juste pour pratiquer la méditation en silence 1h avec des gens sympas, et la collation après la pratique était aussi bonne ambiance.
Dernière modification par chercheur le 20 juin 2017, 12:00, modifié 1 fois.
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Dogen dans le Fukanzazengi :
Les yeux doivent rester toujours ouverts, et vous devez respirer doucement pas le nez.
Quand vous avez pris la posture correcte, respirez profondément une fois, inspirez et
expirez. Inclinez votre corps de droite et de gauche; et immobilisez-vous dans une
posture stable. Pensez à ne pas penser. Comment pense-t-on à ne pas penser? Au-delà
de la pensée (hishiryo). Cela en soi est l'art essentiel du zazen.
Le Zazen dont je parle n’est pas l’apprentissage de la méditation, il n’est rien d’autre
que le Dharma de paix et de bonheur, la pratique-réalisation d’un éveil parfait. Zazen est
la manifestation de l’ultime réalité
(...)
Pourquoi abandonner le siège qui vous est réservé à la maison pour
errer sur les terres poussiéreuses d’autres royaumes ? Un seul faux pas, et vous vous
écartez de la voie tracée toute droite devant vous.
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jules
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Ted : 1) Quand on prend la position de Zazen dans un dojo, est-on moralement autorisé à pratiquer vipassana ?
A mon avis, si on ne se sent pas indisposé à l'idée qu'il puisse être possible que le sujet arrive sur le tapis lors d'une conversation avec le godo ou les autres pratiquants, tout va bien.
Si on veut se cacher, l'harmonie avec le groupe et avec soi-même est rompue en quelque sorte.

PS : D'ailleurs, je me demande si le mieux ce ne serait pas d'en faire clairement part au godo.
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oui je suis d'accord avec jules.

Après quelle est la démarche de ce pratiquant ? Il veut pratiquer zazen et/ou la méthode théravadin ?

Il peut pratiquer zazen au dojo et anapana-sati à la maison par exemple, s'il ne veut exclure aucune méthode de sa pratique. Mais je ne sais pas si c'est conseillé, s'il a un maître, un enseignant, le mieux c'est de lui en parler pour clarifier ses doutes.
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yves
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oui en discuter avec l'enseignant semble la bonne voie
oui à ce qui est
tout change
tout est maintenant
être tout
amour
ted

chercheur a écrit :
20 juin 2017, 11:28
D'après mon expérience, quand on fait zazen on est attentif à notre corps, surtout au début. L'obsession du début c'est la posture, et cela ne demande pas à se concentrer sur un seul endroit, mais partout : le corps en entier, puis l'esprit par rapport à nos pensées. Quand vient la douleur, c'est un autre travail qui se fait : comment lâcher, comment ne pas réagir...
Bé.... Ça, c'est trois des quatre étapes de l'établissement de l'attention décrit dans le satipathana sutta : être attentif au corps, être attentif aux perceptions, être attentif aux formations mentales...
Donc, trois étapes de vipassana.

Si de plus on rajoute d'être attentif à la douleur engendrée par la posture, on retombe sur une attention aux sensations (agréables/désagréables/neutres). Soit quatre étapes de vipassana.

Si zazen consiste à rester vigilant et attentif, à son environnement par exemple, ou à sa posture, alors il est plus proche de vipassana que de samatha.

Mais vu qu'il y a concentration sur un point du mur, on peut aussi plonger dans samatha assez facilement.

Pour résumer, est-ce que Zazen ce n'est pas :
  1. - samatha : concentration sur un point précis, le mur par exemple ?
    +
  2. - vipassana : attention vigilante et détendue à la posture, aux formations mentales et à la conscience ?
C'est ce mélange des deux types de méditation qui a permis au Bouddha de développer la concentration juste.

Alors, ça casse le mythe du "simplement s'asseoir" (shikantanza).

Mais qui prend vraiment au premier degré le "simplement s'asseoir" ?
Qui le considère comme autre chose qu'une simple incitation au lacher-prise, à la détente, à l'abandon des préoccupations ?

Derrière le "simplement s'asseoir", n'y a t'il pas samatha et vipassana, unis dans un seul élan ? :)


PS : l'anecdote que j'ai relatée remonte à une quinzaine d'années. :) Donc, le monsieur, je ne sais pas ce qu'il est devenu.. :)
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jules
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Ted : Mais qui prend vraiment au premier degré le "simplement s'asseoir" ?
Qui le considère comme autre chose qu'une simple incitation au lacher-prise, à la détente, à l'abandon des préoccupations ?
Perso, je le prends à ce premier degré, parce que c'est pris à ce premier degré qu'il produit le lacher prise, la détente et l'abandon des préoccupations. delphinus
ted

jules a écrit :
20 juin 2017, 20:15
Ted : Mais qui prend vraiment au premier degré le "simplement s'asseoir" ?
Qui le considère comme autre chose qu'une simple incitation au lacher-prise, à la détente, à l'abandon des préoccupations ?
Perso, je le prends à ce premier degré, parce que c'est pris à ce premier degré qu'il produit le lacher prise, la détente et l'abandon des préoccupations. delphinus
Mais tu vas pas loin avec ça. Au mieux, tu t'endors.
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jules
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:D
Justement, dans le zen on fait attention d'une part à ne pas se laisser sombrer dans Kontin (torpeur)
et d'autre part à ne pas se laisser entrainer par Sanran (L'agitation)

Il s'agit d'équilibrer ces deux tendances.
Quand on est juste assis dans une posture impeccable, on ne tombe ni dans l'une ni dans l'autre de ces tendances.
C'est donc la posture "plus rien" comme dit Dogen.

flower_mid
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