MARA : comment lui échapper techniquement (pour Compagnon)

ted

Ensuite, bhikkhous, un bhikkhou, ayant complètement transcendé la sphère de ni perception ni non perception, ayant pénétré la cessation de la Perception et du Ressenti, y demeure.

Et ses impuretés mentales sont détruites par sa vision de sagesse.

On dit, bhikkhous, de ce bhikkhou, qu'il a aveuglé Māra, [qu'il ne laisse] pas de traces, qu'il a détruit l'œil de Māra, qu'il est devenu invisible au Malfaisant, et qu'il s'est rendu au-delà de l'attachement au monde.

Idamavoca bhagavā. Attamanā te bhikkhū bhagavato bhāsitaṃ abhinandunti.

Ainsi parla le Bhagavā. Les bhikkhous furent satisfaits et approuvèrent les paroles du Bhagavā.
Compagnon

Pourquoi tant d'attention à mon égard ?

Pour information :
Wikipédia a écrit : Māra (sanskrit, pâli), littéralement « mort », est, dans le bouddhisme, l'esprit tentateur qui essaya d'empêcher Siddhartha Gautama d'atteindre l'éveil.

Dans le bouddhisme theravāda, Māra n'est pas tant un démon extérieur aux êtres qui naviguent dans le samsara, mais plutôt la « personnification des passions et des objets du désir » .

Māra correspond essentiellement aux trois caractéristiques. Une distinction s'opère toutefois entre quatre Māra :

Démon des agrégats d'attachement, celui qui meurt, skandhamāra.

Les constituants de tout individu, skandha, étant affligés de ces caractéristiques, sont Māra : « Le corps est Māra ; en ce qui concerne Māra tu devrais contrôler tes désirs insatiables. La sensation est Māra ; en ce qui concerne Māra tu devrais contrôler tes désirs insatiables. La perception est Māra ; en ce qui concerne Māra tu devrais contrôler tes désirs insatiables. Les formations mentales est Māra ; en ce qui concerne Māra tu devrais contrôler tes désirs insatiables. La conscience est Māra ; en ce qui concerne Māra tu devrais contrôler tes désirs insatiables. »


Démon des passions, celui qui fait mourir, kleśmāra.

Ce sont toutes les passions qui poussent à entretenir des actes, des paroles ou des pensées mauvaises, productrices de karma. La vie sera écourtée.. Ici, māra s'oppose aux actions vertueuses.

Démon du seigneur de la mort, mṛtyumāra.

C'est l'impermanence, anicca : toute vie ne dure, en réalité, qu'un seul et bref instant de conscience. Dans ce contexte, Māra est donc un principe appliqué à tout phénomène.


Le démon des fils divins, devaputramāra


Il s'agit ici de toute autre chose ; la distraction, le fait de ne pas se concentrer sur la seule tâche qui soit à accomplir, mettre un terme au samsara.

Dans le vajrayāna

Dans le bouddhisme vajrayāna, les quatre démons sont :

Le démon des liens ;
Le démon sans lien ;
Le démon de la jouissance ;
Le démon de l'orgueil.


Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Māra
ted

Compagnon a écrit :
20 mai 2017, 16:32
Pourquoi tant d'attention à mon égard ?
:D
Parce que tu as écrit récemment :
Compagnon a écrit : Donc notre propre conception du réel et de l'illusoire, de la vérité et du mensonge, les définitions que nous donnons, les vues que nous avons dessus doivent être dépassées, transcender, tant qu'elles sont dualistes. (Et cela va très très loin, bien plus loin que vous ne le pensez, personnellement je pressens que cela touche aussi à des choses aussi fondamentales pour nous que les notions d'espace et de temps - ce qui au passage permettrait d'expliquer que le Bouddha ait réussi certains "miracles").
Compagnon a écrit :
13 mai 2017, 11:16
Le récit de l’événement à une certaine dimension "épique" parfois et même "surnaturelle" et savoir ce qu'est Mara au juste peut avoir son importance.
Je pensais que tu serais intéressé, dans ton interrogation sur l'illusion, d'analyser ce sutta où le Bouddha décrit dans le détail une technique de méditation qui permet d'échapper à "Mara et ses compagnons".

On dit, bhikkhous, de ce bhikkhou, qu'il a aveuglé Māra, [qu'il ne laisse] pas de traces, qu'il a détruit l'œil de Māra et qu'il est devenu invisible au Malfaisant.
(MN 25 Nivāpa Sutta — La nourriture —)

Quant à savoir si Mara est une simple personnification de nos désirs et tentations, chacun se fera une idée suivant ses croyances. Cependant, les récits du bouddhisme ancien ne laissent aucun doute quant à l'existence réelle des Dévas.

Sur ce coup là, Wikipédia raconte un peu n'importe quoi. :)
Compagnon

Bien. D'accord. Merci.

Ce sont les sources de l'article de wikipédia :

- G. P. Malalasekera, Buddhist dictionary of Pali Proper Names
- Nyanatiloka, Vocabulaire pali-français des termes bouddhiques, Adyar, 1995
- Philippe Cornu, Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme
- Samyutta Nikaya, Sutta XXIII 35

Nous en reparlerons, je n'ai pas le temps ce soir, je dois me consacrer à autre chose. Mais en attendant peux-tu, sans que ce soit trop long ni complexe, définir ce qui ou ce qu'est Mara pour toi au regard de tes connaissances et expériences ?

J'ai moi-même mes propres "vues" sur le sujet mais j'aimerais d'abord que tu explicite les tiennes un peu plus. Merci
ted

Baaahh... Mara est un Deva, maléfique.
Que dire d'autre ?
Ce sont les sources de l'article de wikipédia :
Ca ne veut rien dire. L'article est partial.
Si Mara est une personnification, les autres Devi le sont ils aussi ? :)
Ca risque de remettre en question pas mal de suttas.
ted

Il semblerait que, dans les sutta, le terme Mara soit utilisé dans les deux acceptations. Donc, l'article de Wiki est partial puisqu'il n'en retient qu'une.

Voici ce qu'en dit buddha-vaccana.org :
Māra apparaît à la fois comme une personnification du mal, de la tentation, des passions, de la totalité de l'existence mondaine, de la mort et comme un déva vivant dans le plan d'existence des 'dévas qui contrôlent les créations des autres' (paranimmitavasavattī). Il est souvent considéré qu'il peut prendre le contrôle de l'esprit de ceux qui lui laissent leur porte ouverte par leur négligence
Et voici un exemple où Mara n'est clairement pas une personnification :
SN 4.21
Sambahula Sutta


Māra tente de provoquer la confusion chez de jeunes bhikkhous en prenant la forme d'un vieux brahmane.

Evaṃ me sutaṃ:

En une occasion, le Fortuné séjournait parmi les Sakyas à Silāvati, et de nombreux bhikkhous séjournaient à proximité, diligents, ardents et résolus. En cette occasion-là, Māra le Malin, adoptant l'apparence d'un brahmane, avec un tas de cheveux emmêlés sur la tête, habillé d'une peau de léopard, courbé comme une poutre de toit, respirant lourdement et tenant une canne en bois d'udumbara, s'approcha de ces bhikkhous et leur dit:
— Vous autres renonçants êtes encore des garçons! Vous êtes jeunes, aux cheveux noirs, dans la lueur de la jeunesse! Vous êtes à l'apogée de la vie et vous ne vous êtes pas encore amusés avec les plaisirs sensuels. Jouissez des plaisirs sensuels humains, messieurs! Ne laissez pas tomber ce qui est visible directement pour rechercher des choses éloignées.{1}

— Nous n'avons pas laissé tomber ce qui est visible directement, brahmane, et nous ne recherchons pas non plus des choses éloignées. Nous avons abandonné les choses éloignées pour rechercher ce qui est visible directement. En effet, brahmane, le Fortuné a affirmé que les plaisirs sensuels sont des choses éloignées,{2} qu'ils produisent beaucoup de mal-être et de désespoir, et que le danger en eux est plus grand encore, alors que ce Dhamma est visible directement, portant des fruits immédiatement, invitant à venir voir, guidant vers l'avant et à être personnellement expérimenté par les sages.{3}

Lorsqu'ils eurent dit cela, Māra le Malin secoua la tête, tira la langue, fronça les sourcils, et s'en alla en s'appuyant sur sa canne.
Alors ces bhikkhous allèrent voir le Fortuné, lui rendirent hommage, s'assirent d'un côté et lui racontèrent ce qui s'était passé. Alors le Fortuné dit:
— Ce n'était pas un brahmane, bhikkhous, c'était Māra le Malin, venu dans le but de brouiller votre vision.

Alors le Fortuné, réalisant la signification de tout ceci, en cette occasion prononça cette strophe:
Celui qui a vu le mal-être et son origine,
Comment pourrait-il rechercher les plaisirs?
Sachant que l'attachement est enchaînement au monde,
Un être devrait s'exercer pour l'éradiquer.


Source : http://www.buddha-vacana.org/fr/sutta/s ... 4-021.html
Compagnon

@Ted : Me permets tu de pinailler un peu ? :lol:

Au début tu me dis que "l'article de wikipédia déconnes un peu". Bien, ça peut arriver. Tout le monde sait que wikipédia n'est pas fiable à 100% puisque c'est une encyclopédie en ligne basée sur le volontariat bénévole et qu'il est impossible pour les gestionnaires de wiki de vérifier systématiquement toutes les informations qui sont postées. Ok.

Puis, ton commentaire change un peu ou du moins tu précises : tu dis que l'article est "partial". La définition de "partial" est :
Qui prend parti pour ou contre quelqu'un ou quelque chose, au mépris de l'équité et de l'objectivité; qui juge avec parti-pris
Donc il y a une volonté de prendre parti, un choix.

Hors peut être que l'article est simplement incomplet ? L'auteur est peut être simplement imparfaitement informé sans qu'il y ai chez lui sciemment la volonté d'orienter le lecteur dans un certain sens. Nous ne savons pas.
Tu comprends la nuance ?

Plutôt que de dire que l'article est "partial" disons plutôt qu'il est incomplet. D'accord ? Question d'éviter les jugement de valeur et d'éviter la parole "injuste". Et le jugement d'autrui tout court. Car après tout dire que l'article est partial c'est dire que son auteur l'est, qu'il est inéquitable et malhonnête non ? :)

Bon... après cette minute "Compagnon en mode "moralisateur" (potentiellement casse-couille) :???:

Quelque chose qui me dérange un peu c'est cette existence réelle de Mara. Si tu veux, je crains qu'il ne soit un peu trop assimilé à une figure "satanique" propre aux religions du Livre ou au zoroastrisme par exemple. Il est décrit comme "le tentateur". C'est aussi un des qualificatif du "Diable" des monothéistes.

Hors que nous dit le bouddhisme ? Que l'Eveil ne peut être que le fruit d'un effort personnel, que de notre transformation intérieure fruit d'un effort personnel. Éventuellement, comme dans le courant tibétain, il peut y avoir un "support" sous forme de "divinités" issus de folklore local et intégrées à la pratique mais au fond c'est le pratiquant qui au final se libère lui même, grâce au Dharma, au Bouddha et à la Sangha. Le Bouddha n'est pas quelqu'un qui "récompense" ceux qui ont foi en lui en les libérant, comme le Dieu des chrétien qui donne accès à son Paradis a ceux qui ont foi en lui. Le Bouddha n'est qu'un maître un guide, pas un dieu, je ne t'apprends rien :) oiseau2julie

Bon, donc ce qui vaut dans le sens du haut doit valoir dans le sens du bas. Si dans le bouddhisme il n'y a pas de divinité qui nous "élève" au grès de sa bonne volonté, peut-il y avoir un entité contraire malveillante qui cherche à nous faire échouer ?
Si le Bouddha n'est pas un dieu, Mara peut-il être un "anti-dieu", une force contraire réelle, solide, substantielle ? Thich Nhat Hanh plaisante doucement sur le dogme chrétien, lorsque qu'il dit que pour certain théologien chrétien "Dieu" est le fondement de l'être. Il demande alors, qui sera le fondement du non-être, Satan ? Et cela le fait bien rire. Peut être est sa façon à lui d'illustrer le fait que le Bouddha ni l’hypothèse réaliste et aussi l’hypothèse nihiliste.

Comprends tu ce que je veux dire ?

Ensuite. Le Bouddha encourage à un scepticisme prudent et à une vérification expérimentale de tout ce qu'il dit. Hors personnellement, je n'ai jamais rencontré un Dévas et encore moi Mara. Ou sans le savoir. Donc jusqu'a preuve du contraire, il est de mon devoir, de mon obligation de sagesse prudente de ne pas prendre pour argent comptant l'existence des Devas ou de Mara. Pas de foi aveugle tu comprends ? Le piège est trop grand de versé dans l’idolâtrie du Bouddha comme d'un "sauveur" et de Mara comme de l'Adversaire.

Cela ne veut pas dire que les Sutras mentent, mais que peut être il ne faut pas les prendre au sens littéral quand ils parlent de Mara ou des Devas. Tu comprends ? N'oublions pas que le Bouddha vivait dans un contexte polythéiste et qu'il lui fallait user d'un langage adapté et compréhensible à ses auditeurs eux même ayant comme révérenciel religieux des entités comme les Devas ou Mara. Le Bouddha n'a pas je crois inventé les "Devas" et "Mara". Ce sont des figure qui préexistaient à sa naissance et il a du lui même être élevé dans un cadre religieux ou on lui a appris que ces entités existaient.

Je le répète, le Bouddha nous invite à ne rien croire de ce qu'il dit sur parole n'est ce pas ? A ne pas croire par principe tout ce qu'il va dire parce que lui Bouddha le dit, mais de tout passer à la flamme de sa propre expérience. Hors pour le moment je ne peux pas dire que j'ai expérimenté personnellement la rencontre avec Mara ou des Devas. Donc je ne crois ni en leur existence ni en leur non existence. Peut être un jour aurai je la "preuve" de leur existence ou non existence, du moins quelque chose qui, pour moi, fera office de preuve. Pour le moment ce n'est pas le cas. Donc je suis le conseil du Bouddha : scepticisme prudent.

Maintenant partons du principe que "Mara" ou les "Devas" "existent, que se sont des êtres comme nous nous sommes des êtres mais qu'ils vivent dans une sorte de "dimension" voisine de la nôtre, appelle cela un plan d'existence ou un des 6 mondes comme tu veux. Et qu'ils ont la possibilité d’interagir avec nous en étant reconnus pour ce qu'ils sont. Ca fait déjà pas mal d’hypothèses de mon point de vue.
Comme tous les êtres des 6 mondes du samsara ils sont soumis à la conditionnalité, à la co-production conditionnée, à l'impermanence non ? Donc celui qui est appelé Mara n'est "déva" que temporairement et son existence en tant que deva est conditionnée, il faut la réunion de certaines conditions pour qu'il puisse "exister" et une fois ces conditions non réunies il cesse d'exister en tant que deva et en tant que Mara pour devenir autre chose (tant qu'il n'a pas atteint lui même la libération non ?) il va donc migré aussi entre les 6 mondes. Hors parmi les conditions de son existence il y a peut être notre ego, notre "soi". Peut être que l'attachement à notre "soi" est une condition essentielle à sa manifestation, à son existence, pour nous, pour notre cas particulier.

Même si c'est un film de cinéma Hollywoodien, je repense à la scène du film "Little Bouddha" ou l'acteur Keanu Reeves incarne Siddharta. Elle il y a la fameuse scène de l'affrontement avec Mara. Hors que se passe t-il, il y a les fameuses armées il me semble, la colère des éléments, tout cela n'étant qu'illusion laissant justement Siddharta impassible car il comprend que ce ne sont que "mirages", dénués de réalités, il y a aussi les filles de Mara, mais sous le regard de Siddharta elle vieillissent se racornissent et tombent en poussière portée le vent. Non attachement aux désirs sensuel. Car la beauté des corps n'est que temporaire, les plaisirs aussi, la vieillesse et la mort balayent tout. Puis Siddharta se retrouve avec un marre d'eau a ses pied et en surgit une image en miroir de lui même presque identique, peut être légèrement plus sombre. Son ego ? Siddharta voit au travers de l'Illusion, les traits du "faux" Siddharta se déforment et prennent l'apparence de "Mara". Mais alors "Mara" ne s'enfuit pas en courant de rage, non, il se volatilise. Un instant il est là le visage grimaçant de dépit dans mon souvenir et la seconde suivante, plus rien, tout le décors est de nouveau parfaitement normal.

Il y a aussi le fait que le Bouddha a compris qu'il n'y avait aucun grand "architecte".

Selon moi cela veut dire que peut être Mara n'est qu'illusion aussi. Et sitôt qu'on réalise le non-soi, avec la disparition du "soi" disparaît aussi "Mara" , pour nous en tout cas. Il existe toujours pour les non-eveillé mais plus pour nous.
Nous lui avons ôté toute solidité. Il n'existe littéralement plus pour nous. Ce qui revient à dire que l'existence de Mara comme entité extérieure à nous dans un des 6 mondes est "relative". Un non-eveillé donc entretien l'existence de Mara rien que par attachement au soi, mais sans cela Mara n'existe plus. Donc Mara existe sans exister vraiment, il est relatif. Et en fait il n'est pas tout à fait extérieur à nous comme un "démon" d'une autre dimension, il est issu de nous, pour nous, en nous, en partie du moins. Tu comprends ce que je veux dire ?

Dans un enseignement Thich Nhat Hanh dit que le Bouddha a indiqué que rien ne peut survivre sans nourriture. Si non affamons Mara il finit par "mourir". Et si nous pouvons l'affamer cela signifie que nous le nourrissions et si nous le nourrissons c'est que nous sommes ses parents, et donc que nous lui avons donné naissance, au moins en partie. Si ce n'est en totalité. Donc a quel point est-il une "entité" solide du monde des Deva indépendante de nous ?

Tout est interdépendant non ? Mara est peut être aussi dépendant de nous pour exister, pour nous, de notre point de vue personnel, au cas par cas, tu comprends ce que je veux dire ?

C'est comme cela que je vois Mara personnellement. Après... c'est ma vue, j'ignore si elle est correcte. Je la trouve simplement plus "subtile" que de voir Mara comme une Lucifer qui vient nous tenté sur notre plan d'existence.

Et d'ailleurs en principe Mara doit aussi expérimenter dukkha non ? Il est donc aussi en souffrance (dans tous les sens du terme) et doit donc susciter notre compassion comme pour n'importe quel être, et si Mara est au moins en partie issu de nous même, avoir de la compassion pour lui c'est avoir de la compassion pour nous-même, la boucle est bouclée :)

Je ne sais pas si ce que je dis ci-dessus est pure divagation ou pas. Mais cela peut faire réfléchir, je crois. Et aider à mieux cerner ce qui doit être "combattu" ou pas, ou cela doit être "combattu" et comment.

D'ailleurs, allégoriquement, peut être qu'a chaque fois que je suis en colère contre ceux qui pour moi me font du mal (et il y en a eu quelques uns de bien gratinés ces derniers mois), mon "soi" se manifeste, se défend par la colère, je fantasme sur des désir de vengeance et j'invite Mara en moi, lui qui est rage, colère, envie, désir malveillants, mais c'est moi qui lui donne naissance, est ce que j'invite vraiment quelque chose venu d'un autre plan d'existence ou est ce que je donne naissance à quelque chose en mon corps, dans mon mental, plus ou moins temporairement ? Comme un feu jamais totalement éteint que je ravive ? Et que je n'aurais éteint qu'une fois le non-soi réalisé ?

Mara est peut être une "personnalisation" temporaire du "soi" vide d'existence propre et indépendante. Et qui, comme le soi, à tout interêt à nous faire croire qu'il a une existence bien réelle et tangible indépendante de nous et donc qu'au final nous ne sommes pas capable de le "tuer", qu'il vaut mieux donc renoncé à l'Eveil. Un joli mensonge peut être, une illusion de plus ? Mara nous fait croire qu'il existe vraiment mais c'est en fait notre "soi", notre "soi" se cache derrière Mara. Mara c'est "Moi" ou "Toi", etc... Peut être. Ce "Mara" là par contre je le rencontre tout les jours et je sais à quel point il est "très présent" comme le plafond ! XD

Voila, c'était mes "cogitation" de la journée, bonne lecture XD
Compagnon

J'ai aussi trouvé ceci (après avoir rédigé le post ci-dessus) sur le forum bouddhiste l'Arbre des Refuge :

Mâra, le maître des illusions

Associé au démon tentateur des Evangiles, Mâra, dans le bouddhisme, nous renvoie à une réalité de nous même : nos démons intérieurs animés par des désirs existentiels et illusoires qui nous enchaînent au samsara.


(Extraits)

Le nom de cet être mythique, Mâra, signifie la mort, qui mine le bonheur des dieux. Et le comportement révélateur et pittoresque de ce dictateur fou, servira d'introduction à ce qui se cache au coeur de ce monde gouverné par l'ignorance, l'attachement au désir et à la répulsion.

Au delà de la tentation


Un jour les dieux de dix systèmes de mondes étaient venus écouter l'enseignement du Bouddha dans la grande forêt de Kapilavastu. Une immense assemblée s'était réunie, couronnée par le grand Brahmâ, quand survinrent les armées de Mâra, sombre et mauvais : " et maintenant observez la folie du Noiraud. Car il dit : " venez, saisissez-les, liez-les tous ! Avec un peu de chance nous les attraperons tous ! Encerclez-les, que nul n'échappe, qui que ce soit " ! Ainsi le seigneur de la guerre pressait ses troupes ténébreuses. De sa main il frappa le sol et déclencha un horrible vacarme, comme lors d'un orage... mais alors il recula, enragé mais impuissant " ... devant " ceux qui ne sont soumis ni au désir, ni à la peur ".
Ainsi donc Mâra réside dans le domaine des dieux qui dominent les créations des autres et en jouissent. Un technicien moderne de l'économie pourrait y voir, en quelque sorte, le président directeur général de la société universelle d'exploitation des émotions. Cette position de confortable monopole exige toutefois que personne ne cherche à s'y soustraire et à tarir les dividendes. La mort qui ramène dans le cycle confirme la soumission d'une clientèle captive. Mais le danger vient de ceux qui cherchent à se libérer pour réaliser le nirvâna. Alors que Mâra, conseillait au Bouddha de ne pas prêcher il s'attira la réponse suivante : c'est par crainte que les êtres échappent à ta domination, et non par compassion, que tu parles ainsi. Cela explique la lutte persistante engagée par Mâra contre le Bouddha et ses disciples. Elle tient une place notable dans le Canon.


Une énergie alimentée de l'intérieur

Munis de ces grilles de lecture nous allons envisager quelques-unes des activités de Mâra, narrées dans le Canon. Soulignons d'abord sa persévérance. Mâra tente le bodhisattva durant sept années, avant son Eveil et aussitôt après. Il reviendra à la charge avant son nirvana final, alors que le Bienheureux est âgé de 80 ans. Démasqué à de multiples reprises, il se retire dépité et triste, en soupirant : " le Bienheureux me connaît " . En voici un exemple, le récit est fait par le Bouddha.
" Mâra vint à moi et commença à me parler en des termes pleins de sympathie: " Vous êtes si amaigri et pale, dit-il, pourquoi ? N'êtes-vous pas prêt de la mort ? Je parie à mille contre un que vous allez mourir, il n'y a qu'une chance minime de survie ! Cher monsieur, vivez ! Il est bien meilleur de vivre, vous pourriez accumuler du mérite si vous demeuriez en vie ".

Mais Mâra peut changer son angle d'attaque et revendiquer son domaine : " C'est à moi seulement, moine, qu'appartiennent l'oeil et ses objets, à moi le champ de conscience du contact visuel ... de l'oreille " du nez...de la langue... du corps... du mental... ainsi, moine, où irez-vous pour m'échapper ? " A quoi le Bouddha répond : " Vous ne verrez même pas le chemin que je suis «, car là où il n'y a " ni oeil... ni mental... il n'y a aucune place pour vous, Mauvais ".
Mâra utilise tour à tour la menace, la prédiction d'échec, la tentation du pouvoir, les attaques sur les disciples, etc. sans succès. Il verra ses trois filles, Soif, Insatisfaction et Luxure, déployer leurs charmes pour séduire l'ascète, en pure perte, et constatera mélancoliquement qu'elles ont été " balayées par le vent comme une bourre de coton ". La seule véritable tentation qu'éprouva le Bouddha survint aussitôt après l'Eveil, quand voyant avec une pleine lucidité la profondeur de la vérité du Dharma et celle de l'ignorance humaine, son mental inclina brièvement vers l'inaction : les êtres " ne me comprendront pas, et cela sera pour moi fatigant et pénible " , dit-il alors.
Nous abandonnerons Mâra après avoir fourni un exemple de son activité auprès des disciples. I1 s'adressa ainsi à la nonne Somâ : " Cet état si difficile à réaliser, qui doit être atteint par les clairvoyants, ne peut être atteint par une femme, avec sa sagesse de deux sous ". Celle-ci lui rétorqua : " Quelle importance y a t-il quand l'esprit est bien concentré, quand la connaissance coule paisiblement, lorsqu'on voit justement le Dharma ? Quelqu'un à qui viendrait la pensée " Je suis une femme " ou " je suis un homme " ou " je suis finalement quelque chose ", est mûr pour s'adresser à Mâra ".
La réponse décapante de la nonne Somâ indique les limites d'action de ce commerçant soucieux de conserver sa clientèle. Celui qui est détaché des objets possédés, physiques et mentaux, et ne s'identifie plus au possesseur, est libre de Mâra. Dans les états méditatifs de la forme pure le pratiquant n'a plus rien à faire avec Mâra et, dans ceux du monde informel, il a tiré un épais voile de fumée devant lui pour devenir invisible. Nous quittons ainsi le monde du désir centré sur les formes matérielles, pour pénétrer dans ceux qui le dépassent et le contiennent.


Source :

Jean-Pierre Schnetzler
•Né en 1929, Jean-Pierre Schnetzler est bouddhiste depuis 1946, membre fondateur de la congrégation Karma Migyur Ling, il anime depuis 25 ans de nombreuses sessions de méditations. Fort de son expérience professionnelle de psychanalyste et de médecin psychiatre, l'enseignement qu'il donne est clair et direct. Retraité, il se consacre à la pratique méditative, à l'enseignement et à la rédaction d'ouvrages sur la spiritualité. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont " Corps âme esprit par un bouddhiste ". Editions Mercure Dauphinois, Grenoble.
ted

Bonjour
jap_8
Compagnon a écrit :Le récit de l’événement à une certaine dimension "épique" parfois et même "surnaturelle" et savoir ce qu'est Mara au juste peut avoir son importance.
Je suis content de voir que cet extrait de sutra te permette de clarifier ton point de vue.



Quant à mon ressenti, il est le suivant :

De même qu'il existe de grands hommes, qui tentent de faire progresser l'humanité, que nous pouvons avoir la chance de croiser ou de lire, qui sont des exemples vivants, des modèles de sainteté. Et qui sont clairement ce qu'on appelle "de bonnes personnes", ou des sages, de même, il existe des êtres attirés par le mal, séduits par le mal, qui cultivent des comportements akusalas et s'en réjouissent.

Ces personnes de bien ou ces personnes mauvaises, nous en connaissons tous. Inutile de le nier. La question n'est pas de savoir s'il faut éprouver de la compassion ou pas envers une catégorie. Il faut avoir de la compassion pour tous les êtres. Le fait est que, conventionellement, ces personnes existent. Elles ne sont pas une personnification de notre esprit. Et elles ont plus ou moins de puissance et d'influence sur nous, sur nos choix. Penseurs, philosophes, écrivains, professeur, maîtres bouddhistes, moines, prix Nobel de la paix, membres éclairés de notre famille, etc... Ou encore dictateurs, manipulateurs, criminels, escrocs, gourous de sectes dangereuses, personnes jalouses, mauvais camarade, psychopathes, tueurs en série, politiciens cyniques... etc..

Donc, il est vrai qu'en dernier ressort, le choix de faire des actions kusalas ou akusalas nous appartient. Mais cela n'exclut en rien la possibilité que des êtres malfaisants nous soufflent des idées mauvaises. Ni que des personnes bienveillantes nous donnent de sages conseils.

Pourquoi y aurait-il des sages, des saints, des maîtres éveillés, des bodhisattvas, des prix nobels de la paix, extérieurs à nous, mais que dès qu'il s'agirait de prêcher le mal, aucune créature extérieure à nous ne puisse être trouvée ? :shock:

Dans le bouddhisme, il existe des plans d'existence où évoluent des démons, des esprits avides, des animaux, des demi-dieux et des dieux. Et un être humain peut croiser un de ses êtres et cela a du se produire de nombreuses fois par le passé, même si la mode actuelle est au scepticisme et au matérialisme.

Il convient donc de savoir se rapprocher des êtres bienveillants et de se protéger des êtres maléfiques. Car ce que nous appelons "nos pensées" ne sont pas toujours issues de nos empreintes karmiques. Il y a des pensées qui traînent dans l'air, qui sont merveilleuses ou immondes. Il serait dommage de se prendre pour un saint en s'appropriant les unes, ou de s'imaginer être un salopard en constatant les autres. :)
ted

Cela dit, il est toujours possible, de se recentrer uniquement sur l'analyse finale de nos pensées, paroles et actions. Sans se préoccuper de leur origine.

Dans ce cas, on pourrait bavarder tranquillement avec Mara ou un Bodhisattva sans éprouver d'autre préoccupation que celle de garder une attitude juste, une pensée juste, une parole juste etc... C'est l'octuple sentier, la Quatrième Noble Vérité, qui ne se soucie pas de qui a décoché la flèche.

Mais dans ce cas, il faut vraiment bien maîtriser l'octuple sentier, notamment la concentration juste. Ne pas sombrer dans la surexcitation et l'émotion parce qu'un grand Maître bouddhiste s'intéresse à vous et vous encourage. Mais ne pas paniquer non plus si une créature bizarre, qui sent le souffre, vous barre la route en pleine nuit. ::mr yellow::

Tout ça, c'est plus facile à dire qu'à faire. :)
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