Illusion et vérité

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jules
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Que pourrait signifier -chercher la vérité- dans un monde qui ne serait qu’illusion ?
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davi
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Soulever les voiles ?
2.1.4. Les voiles de l’esprit

«Non reconnu l’apparent en soi s’illusionne en objets ;
Par nescience, l’intelligence en soi se prend pour sujet ;
La saisie duelle est l’errance en la sphère du devenir ;
Puissent les illusions de l’ignorance être éradiquées.»
Karmapa III, Les Souhaits du Mahâmudrâ.

S’il n’y a aucune différence essentielle entre l’esprit d’un bouddha et notre propre esprit, pourquoi un bouddha a-t-il toutes les qualités qui lui sont attribuées et pourquoi ne les avons-nous pas ?
La différence provient de ce qu’en notre esprit la nature de bouddha est voilée par diverses enveloppes qui la recouvrent et la masquent.
Chacune des trois facettes de l’esprit pur que nous venons d’évoquer [vacuité-ouverture, clarté-lucidité-luminosité, capacité sans limite] devient au niveau impur – c’est-à-dire dans l’ignorance – un des éléments constitutifs de l’expérience dualiste.
D’abord, l’ignorance de la vacuité-ouverture de l’esprit donne naissance à la conception du sujet, le moi, l’observateur ; et l’ignorance de la clarté essentielle donne naissance à celle des objets extérieurs. Ainsi naît la dualité sujet-objet, moi-autre.
Ensuite, entre les deux pôles de cette dualité, diverses relations se développent. Elles motivent à leur tour différentes activités.
Les étapes de ce processus constituent quatre voiles masquant l’esprit pur ou la nature de bouddha.
Ce sont :
– le voile de l’ignorance,
– le voile de la propension fondamentale,
– le voile des passions,
– et le voile du karma.
Ils sont consécutifs, chacun se structurant sur la base du précédent.

Le voile de l'ignorance

L’absence de connaissance que l’esprit a de sa vraie nature, le simple fait qu’il ne reconnaisse pas ce qu’il est vraiment s’appelle l’ignorance fondamentale. Elle est l’incapacité foncière de l’esprit habituel à se percevoir lui-même.
On pourrait comparer l’esprit pur, pourvu de ses trois qualités essentielles, à une eau calme, transparente et limpide, en laquelle tout peut être vu clairement. Le voile de l’ignorance est un manque d’intelligence de l’esprit, une sorte d’opacité, semblable à la vase qui fait perdre à l’eau sa transparence limpide. L’esprit ainsi obscurci perd l’expérience de lucidité ouverte et il en vient à ignorer sa nature essentielle.
Cette ignorance fondamentale est dite innée, parce qu’elle est inhérente à notre existence ; nous sommes nés avec elle. Elle est, en fait, le point de départ de la dualité, la racine de toutes les illusions et la source de tous les maux.

Le voile de la propension fondamentale

L’esprit sous l’emprise de l’ignorance s’engage dans les illusions, parmi lesquelles la plus fondamentale, racine de toutes les autres, est la saisie dualiste en termes de sujet et d’objet1.
Quand l’esprit ignore l’ouverture de sa vacuité, se substitue à son expérience sans centre ni périphérie celle d’un point de référence central à partir duquel tout est perçu. Ce point, centre qui s’approprie toutes les expériences, est l’observateur, l’ego-sujet. C’est ainsi qu’ignorant sa vacuité, l’esprit engendre l’expérience illusoire d’un moi ou je.
Simultanément, la nature de sa clarté n’étant pas reconnue, à sa qualité autoconnaissante se substitue l’expérience de quelque chose d’autre. Ainsi, le sujet-ego connaît des choses qui lui sont distinctes et qui deviennent des objets extérieurs. Le moi et l’autre, la dualité du sujet et de l’objet sont nés. Ces choses autres, l’altérité, ont une double forme : les apparences du monde extérieur et les phéno­mènes mentaux.
Cette propension de l’esprit à ignorer sa propre nature et à percevoir toute situation en mode dualiste est le voile de la propension fondamentale. Ce deuxième voile pourrait, de ce point de vue, être aussi nommé le « voile de la saisie dualiste ».

Le voile des passions

Comme nous venons de le voir, ignorant sa vacuité-ouverture et sa clarté, l’esprit est plongé dans la dualité. Ensuite, par ignorance de la capacité illimitée, se développent toutes les relations existant entre les deux pôles sujet-objet de cette dualité. Au niveau pur, la capacité illimitée est la multiplicité des qualités éveillées, mais dans l’ignorance s’y substituent les possibilités illimitées de relations duelles.
Le sujet dans son illusion commence par prendre les objets extérieurs pour des choses réelles ; il éprouve alors de l’attraction envers celles qui lui sont agréables, de la répulsion envers celles qu’il ressent comme désagréables, et de l’indifférence vis-à-vis de celles qui lui semblent neutres. Si l’objet paraît agréable au sujet, il voudra le posséder ; au contraire, confronté à des objets ou des situations désagréables, il aura une attitude de rejet ; enfin, il aura une relation neutre vis-à-vis de certains objets ou situations, par indifférence ou opacité mentale.
Ces trois types de relations – attraction, répulsion, indifférence – correspondent au désir, à la colère et à l’ignorance ; ce sont les trois poisons fondamentaux de l’esprit, les trois passions primaires qui animent et conditionnent l’esprit habituel.
Sur la base de ces trois types de relations empoisonnées, se multiplient les nombreuses autres passions ou émotions conflictuelles, notamment l’orgueil, l’avidité et la jalousie. L’orgueil se développe à partir du moi qui naît dans l’ignorance ; l’avidité est un prolongement du désir-attachement ; tandis que la jalousie provient de la colère-aversion. Ainsi, les trois poisons primaires se ramifient-ils en six passions 2: l’aversion-colère, l’avidité, la stupidité-ignorance, le désir-attachement, la jalousie et l’orgueil. Elles correspondent, nous le verrons par la suite, à six états de conscience caractérisant six mondes différents. Puis, de subdivision en subdivision, se dénombrent jusqu’à quatre-vingt-quatre mille types de passions !
Toutes ces relations duelles et conflictuelles constituent le voile des passions.

Le voile du karma

Les diverses passions induisent une grande variété d’actes dua­listes qui peuvent être, en ce qui concerne le karma, positifs, négatifs ou neutres. Ils conditionnent l’esprit et le font naître dans l’un ou l’autre des six mondes de l’existence conditionnée. C’est ce que l’on nomme le « voile de l’activité conditionnée » ou « voile du karma ».


Le dharma : une pratique de dévoilement

Ces quatre voiles qui recouvrent l’esprit font de nous des per­sonnes habituelles, ballottées par leurs illusions dans les six ­mondes du samsâra.
On ne peut se libérer de cette condition de personne habituelle qu’en dissipant les voiles, en dévoilant l’esprit. La pratique du dharma offre de nombreuses méthodes permettant de dissoudre peu à peu ces enveloppes et de révéler ainsi le joyau de l’esprit pur.
La nature de l’esprit pourrait être comparée à une boule de cristal, et les quatre voiles à quatre couches de tissu l’enveloppant et la masquant de plus en plus.
Selon une autre image, ces divers voiles pourraient être comparés à des strates nuageuses couvrant le ciel de l’esprit. Tout comme les nuages ferment le ciel et l’obscurcissent, ces voiles masquent l’espace de la vacuité ainsi que la clarté de sa luminosité-lucidité. La pratique du dharma, et principalement celle de la méditation, dissipe progressivement ces différents voiles, des plus extérieurs vers les plus intérieurs.
Quand tous ces voiles ou enveloppes ont été dissipés, il y a dévoilement complet, un état de purification qui est rendu en tibétain par le terme « sang ». L’épanouissement de tous les aspects d’espace et de lumière qu’il révèle est rendu par le terme « gyé ». Ces deux syllabes « sang-gyé », qui signifient littéralement « pureté et épanouissement parfait », « tout pur et tout épanoui », forment ensemble le mot tibétain pour « bouddha ». L’état de bouddha est la manifestation des qualités inhérentes à l’esprit lorsqu’il a été purifié des voiles qui l’obscurcissaient.
Ce dévoilement qui révèle les qualités immanentes à la pureté de l’esprit résume tout le cheminement de la pratique du dharma.

1 La dualité sujet-objet est bien un voile sur la nature de l’esprit, mais il faut précisément comprendre, pour éviter de graves erreurs, qu’à un niveau ordinaire – relatif et relationnel – une perception dualiste en termes de sujet et d’objets est normale et même indispensable pour l’édification de ce que l’on nomme le moi ou l’ego, l’être conscient de ses actes, des autres et du monde qui l’entourent, et capable d’avoir avec ceux-ci des relations harmonieuses. La structuration et le fonctionnement du moi-ego, dans des références et des relations saines, constitue ce que le dharma appelle « le développement de bienfaits ». Celui-ci est fondé sur la pratique d’actes justes – non égoïstes – et cela dans la perspective du karma – voir infra Le karma et la discipline extérieure. Ce développement de bienfaits est le préalable incontournable au « développement d’intelligence immédiate » par lequel s’opère le dépassement des illusions dualistes. C’est même de la qualité du premier que dépend la réalisation du second – voir infra Le double développement.
2 Nous emploierons « passion » dans son sens ancien signifiant tout mouvement ou ­toute attitude de l’esprit, positif ou négatif, incluant même l’obscurité ou l’opacité mentale.
http://www.buddhawiki.fr/bwiki/bin/view ... Bouddha/24
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
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jules
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Merci pour ce texte Davi ; très instructif.
Cependant je reviens à ta réponse :
Davi : Soulever les voiles ?
Et si ces voiles étaient en fait nourris par notre croyance en une vérité et que cette croyance signifiait une forme d’hérésie à vouloir sortir des illusions, n’est-ce pas que ces illusions seraient douloureuses ? N’est-ce pas d’ailleurs cette douleur qui est l’objet de l’investigation du bouddhisme ? Et si c’était l’illusion qui était la vérité, que l’illusion était notre véritable nature, un peu comme si nous étions dans un rêve ?
Mais c’est vrai que la vérité au sens bouddhique du terme signifie éradiquer Dukkha et que l'illusion, toujours au sens bouddhique, signifie être assujetti à Dukkha. Dans ce sens, l’illusion est considérée comme ce qui produit Dukkha et non comme une chose qui nous interdirait l’accès à une vérité suprême susceptible d’être vue, entendue, sentie, touchée ou goûtée. On le comprend bien en lisant le texte que tu as posté il me semble.
ted

jules a écrit :
16 mai 2017, 17:59
Que pourrait signifier -chercher la vérité- dans un monde qui ne serait qu’illusion ?
Chercher la cause de l'illusion.
:mrgreen:
Question suivante. :oops:
:D
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jules
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Ted : Chercher la cause de l'illusion.
Et en trouvant la cause de l'illusion trouve-t-on quelque chose qui soit la vérité ? :oops:
ted

jules a écrit :
16 mai 2017, 21:57
Ted : Chercher la cause de l'illusion.
Et en trouvant la cause de l'illusion trouve-t-on quelque chose qui soit la vérité ? :oops:
Bé... l'illusion n'existe que par rapport à une vérité. C'est un concept dualiste.
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jules
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Ok, donc celui qui s'attache à la vérité, s'attache à l'illusion.
Compagnon

ted a écrit :
16 mai 2017, 22:02
jules a écrit :
16 mai 2017, 21:57
Ted : Chercher la cause de l'illusion.
Et en trouvant la cause de l'illusion trouve-t-on quelque chose qui soit la vérité ? :oops:
Bé... l'illusion n'existe que par rapport à une vérité. C'est un concept dualiste.
Le Sutra du Coeur de la Perfection de la Sagesse invite à aller toujours au delà de tous les concepts, de toutes nos conceptions, de toutes nos idées et nos notions ou nos conceptions sur tout, tant qu'elles sont duales. Donc notre propre conception du réel et de l'illusoire, de la vérité et du mensonge, les définitions que nous donnons, les vues que nous avons dessus doivent être dépassées, transcender, tant qu'elles sont dualistes. (Et cela va très très loin, bien plus loin que vous ne le pensez, personnellement je pressens que cela touche aussi à des choses aussi fondamentales pour nous que les notions d'espace et de temps - ce qui au passage permettrait d'expliquer que le Bouddha ait réussi certains "miracles").

En effet la notion de vérité n'existe que par rapport à celle de mensonge, la notion de réalité telle qu'elle est et d'illusion concernant la réalité sont aussi interdépendantes, co-dépendantes, l'une ne peut exister sans l'autre. La notion de plein n'existe pas sans la notion de vide. Tant que nous restons dans ces catégories mentales propres à notre mode de penser habituel nous restons insatisfaits, idem pour nos notions de souffrance et de libération de la souffrance.

Cela ne signifie pas qu'il faut abandonner toute idée de se libérer, mais il faut abandonner nos conceptions sur la libération. Je crois que cela explique par exemple le fait que dans Zazen l'on s'assoie sans but, on ne fait que rester assis, attentif, concentré, mais sans désir d'atteindre quoi que ce soit, car la désir même d'atteindre l'Eveil devient obstacle, car qui dit but de la méditation dit chemin et obstacle, but/obstacle, ou but/chemin, encore des dualismes.

Thich Nhat hanh l'explique très bien avec un schéma, nous pensons instinctivement qu'il y a une quelconque distance dans l'espace et le temps entre notre état actuel et l'Eveil, nous pensons que l'Eveil est "au bout du chemin", alors que l'Eveil n'est pas dans le futur, il est ici/maintenant. Si vous le pensez comme accessible dans le futur, vous créez un dualisme avec le présent. Et c'est insatisfaisant car vous créez une répulsion pour le présent où vous n'êtes pas éveillé et un désir pour le futur où vous espérez l'être. Et comme vous envisagez un effort de durée indéterminée entre les 2 cela vous frustre. C'est peut être pour cela que certains maîtres Zen rient aux éclats au moment de l'Eveil, ils se rendent compte parait-il que l'Eveil a toujours été sous leur nez et qu'ils ont passé des années en effort laborieux a chercher quelque chose qui était là sous leur nez depuis le début sans avoir à le chercher dans un autre lieu ou dans un moment de l'avenir. Et ils rient d'eux mêmes devant leur stupidité, leur aveuglement à ne pas voir l'évidence. C'est sans doute parce que jusque là ils étaient prisonniers de leur propre conception sur l'Eveil, ils pensaient que l'Eveil nécessitait un effort dans le temps et l'espace, ils ont donc suivi leur conception, le chemin qu'ils pensaient devoir suivre, et se sont donc infligé des obstacles totalement superflus. Et en riant ils se disent : qu'est ce que j'ai pu être bête ! quel imbécile je suis !

Toutes nos conceptions mentales, nos constructions intellectuelles ne peuvent être que de nature duale, notre intellect pense toujours en terme de dualité, faite l'expérience vous vous rendrez compte que si vous "pensez" quelque chose, il y a toujours son opposé qui existe : bien/mal, souffrance/plaisir, désir/répulsion, chaud/froid, haut/bas, petit/grand, etc...

Hors la dualité, le dualisme fruit de l'intellect, mène au couple désir/répulsion, et celui-ci mène à l'insatisfaction, à dukkha, car on ne peut toujours avoir accès à ce qui est souhaitable et être tenu à l'écart de ce qui ne l'est pas.

Donc ne comptez pas sur l'intellect, ne comptez pas sur les productions de votre intellect pour atteindre la libération de tous les concepts, l'intellect ne peut être que manichéen en quelque sorte. En plus on "oppose" systématiquement ces notions duales comme devant être ennemies et s'affronter. Dans un enseignement devant son public, Thich Nhat Hanh fait rire son public en expliquant que certains théologiens chrétiens définissent "Dieu" comme "l'essence de l'être", il indique donc qu'il doit y avoir forcément quelque chose qui soit "l'essence du non-être", il suggère "Satan ?" et cela fait rire tout le monde. Je reconnais ce n'est pas très gentil (pour une fois) mais le but est d'essayer de libérer les gens de la peur, du dégoût, de la souffrance propre au dualisme. Car qu'est ce que le non-être si ce n'est le néant ? Et pour le Bouddha le néant, la conception nihiliste, est non correcte, la conception réaliste aussi d'ailleurs. Donc pour Thay la conception que certains théologiens chrétiens ont de leur propre "Dieu" n'est pas correcte. Et il rejoint en cela d'autres théologiens, juifs, chrétiens et musulmans qui reconnaissent aussi que nos conceptions mentales, intellectuelles, notre discours, notre vocabulaire est au fond impropre, inadéquat pour décrire la nature de celui qu'ils appellent "Dieu". Donc au fond, Thay ne dit pas autre chose que ce que certains théologiens monothéistes lucides disent. (faudrait inventer le "pts godwin" sur "dieu" tiens, suis sûr qu'il y a une règle a vérifier aussi sur ce point).

(Et c'est un type très cérébral qui vous dit ça ! :lol: )

L'intellect va vous permettre de comprendre intellectuellement ce que je viens de dire mais il ne va pas vous permettre de le réaliser. En quelque sorte l'intellect va être en mesure de vous dire : je suis au fond incapable de t'aider. Ce qui d'ailleurs est un conseil utile, l’honnêteté de l'intellect a avoué son impuissance peut être regardé avec bienveillance, comme un cadeau, au moins l'intellect vous indique la mauvaise direction, donc il vous évite de vous y égaré, c'est gentil de sa part non :D (Je dis cela pour évité de tomber dans le piège de la répulsion vis à vis de l'intellect).

Il y un passage d'un livre que je lis en ce moment ou l'on parle justement d'illusion et de vérité, je vous le poste dans la journée. Et ... je vous préviens, je suis désolé mais il est issu entre autre, du moine Matthieu Ricard (j'ai l'impression qu'il y a pour lui comme pour Thay des a priori négatifs à son encontre ... c'est dommage d'ailleurs).

Voila le passage concerné :

".... Nous devons tout d'abord revenir à la notion de "vérité relative". Selon le bouddhisme, la perception que nous avons du monde comme étant composé de phénomènes distincts issus de causes et de conditions isolées est appelée "vérité relative" ou "vérité trompeuse". L’expérience du quotidien nous porte à croire que les choses ont une réalité objective indépendante, comme si elles existaient de leur propre chef et possédaient une identité intrinsèque. Mais ce mode d'appréhension des phénomènes est une simple construction de notre esprit. Même si cette vision de la réalité est entérinée par le sens commun, elle ne résiste pas à l'analyse.

Le bouddhisme adopte plutôt la notion que les choses - mieux vaudrait dire les phénomènes - n'existent qu'en relation avec d'autres, l'idée de causalité réciproque. Un événement ne peut survenir qu'en relation et en dépendance avec d'autres événements. Le bouddhisme voit le monde comme un vaste flux d'événements reliés les uns aux autres et participant tous les uns des autres. Notre mode d'appréhension de ce flux cristallise certains aspects de cette globalité de manière purement illusoire et nous fait croire qu'il s'agit d'entités autonomes dont nous sommes entièrement séparés.

Dans l'un de ses sermons, le Bouddha décrit la réalité comme un entrelacs de perles : dans chacune des perles, toutes les autres sont reflétées, ainsi que le palais dont elles ornent la façade et l'univers tout entier. Ce qui revient à dire que dans chaque élément de la réalité, tous les autres sont présents. Cette image illustre bien la notion d'interdépendance selon laquelle il ne peut exister, ou que ce soit dans l'univers, une seule entité dissociée de l'ensemble."


L'infini dans la paume de la main, page 86
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jules
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Compagnon : C'est peut être pour cela que certains mettre Zen rient au éclat au moment de l'Eveil, ils se rendent compte parait-il que l'Eveil a toujours été sous leur nez et qu'ils ont passé des années en effort laborieux a chercher quelque chose qui était là sous leur nez depuis le début sans avoir à le chercher dans un autre lieu ou dans un moment de l’avenir.
Oui, c’était sous leurs yeux mais c’était voilé. On peut le comprendre en relisant ce passage du texte posté par Davi :
S’il n’y a aucune différence essentielle entre l’esprit d’un bouddha et notre propre esprit, pourquoi un bouddha a-t-il toutes les qualités qui lui sont attribuées et pourquoi ne les avons-nous pas ?
La différence provient de ce qu’en notre esprit la nature de bouddha est voilée par diverses enveloppes qui la recouvrent et la masquent.
Chacune des trois facettes de l’esprit pur que nous venons d’évoquer [vacuité-ouverture, clarté-lucidité-luminosité, capacité sans limite] devient au niveau impur – c’est-à-dire dans l’ignorance – un des éléments constitutifs de l’expérience dualiste.
En alchimie, on parle de Materia Prima. Quelque part, tel que je comprends la chose, c’est cette matière qui serait réinvestie par la conscience que nous en aurions. Mais quelque soit ce niveau de conscience, elle serait effectivement toujours sous nos yeux. Ainsi l’étoile du matin (Venus) est là pour les êtres ordinaires comme pour les Bouddha sauf que pour ces derniers, elle serait synonyme de Pure Clarté si je puis dire.
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jules
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Cette histoire de Materia prima comme base de l'ignorance et de la clarté nous est expliquée par ces chasseurs à 2':58"



:lol:
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