Thich Nhat Hanh, Walpola Rahula et l'espace-temps
Publié : 17 avril 2017, 21:09
Rappel : la notion d'espace-temps en physique
En physique, l'espace-temps est une représentation mathématique de l'espace et du temps comme deux notions inséparables et s'influençant l'une l'autre.
Cette conception de l'espace et du temps est l'un des grands bouleversements survenus au début du xxe siècle dans le domaine de la physique, mais aussi pour la philosophie. Elle est apparue avec la relativité restreinte et sa représentation géométrique qu'est l'espace de Minkowski ; son importance a été renforcée par la relativité générale.
Le continuum espace-temps comporte quatre dimensions : trois dimensions pour l'espace, « x », « y », et « z », et une pour le temps, « t ». Afin de pouvoir les manipuler plus aisément, on s'arrange pour que ces quatre grandeurs soient homogènes à une distance en multipliant « t » par la constante « c » (célérité de la lumière dans le vide).
Un événement se positionne dans le temps et l'espace par ses coordonnées « ct », « x », « y », « z », qui dépendent toutes du référentiel. Il est très difficile de s'imaginer que le temps ne soit pas le même suivant le référentiel dans lequel on le mesure, mais c'est bien le cas : il n'est donc pas absolu ; il en va de même pour l'espace : la longueur d'un objet peut être différente selon le référentiel de mesure.
Dans l'état actuel des connaissances, seul l'espace-temps comme concept unifié, qui est mathématiquement un espace de Minkowski en relativité restreinte et un espace courbe quelconque en relativité générale, est invariant quel que soit le référentiel choisi, tandis que ses composantes d'espace et temps en sont des aspects qui dépendent du point de vue (référentiel).
Le rapport entre les mesures d'espace et temps donné par la constante universelle c permet de décrire une distance d en matière de temps : d = ct avec t le temps nécessaire à la lumière pour parcourir d. Le Soleil est à 150 millions de kilomètres c'est-à-dire à 8 minutes-lumière de la Terre. En disant « minutes-lumière », on parle d'une mesure de temps multipliée par c, et on obtient une mesure de distance, dans ce cas-ci des kilomètres. Autrement dit, le facteur c sert à convertir des unités de temps en unités de distance. Kilomètres et minutes-lumière sont donc deux unités de mesure de distance.
Ce qui unifie espace et temps dans une même équation, c'est que la mesure du temps peut être transformée en mesure de distance (en multipliant t, exprimé en unités de temps, par c), et t peut donc de ce fait être associé aux trois autres coordonnées de distance dans une équation où toutes les mesures sont en unités de distance. En ce sens on pourrait dire que le temps, c'est de l'espace !
Cependant John Wheeler tient à rappeler que le temps et l'espace ont de grandes différences de nature, ne sont pas complètement identifiables et ne se transforment que partiellement l'un en l'autre dans un changement de repère.
Popularité de la notion d'espace-temps
La notion d'espace-temps intéresse grandement les philosophes, comme Prigogine, Stengers, Bergson, Kant.
Contrairement à la notion d'espace ou de temps, la notion d'espace-temps a globalement du mal à s’ancrer en tant que réalité physique dans la culture générale et l’inconscient collectif. Le temps et l'espace ont toujours tendance à être dissociés et le temps à être perçu uniquement comme un concept qui n'a pas de réalité physique (contrairement à l'espace).
Histoire du concept
La culture inca ne distingue pas l'espace et le temps ; l'espace-temps est appelé « pacha », en quechua et en aymara.
Extrait de : Il n'y a ni mort ni peur.
Thich Nhat Hanh
Qui sommes-nous ?
Nous voyons notre corps comme étant notre soi ou appartenant à notre soi. Nous considérons notre corps comme étant « mien » ou « à moi ». Mais avec le regard profond, vous voyez que votre corps est aussi le cors de vos ancêtres, de vos parents, de vos enfants et de leurs enfants. Donc il n'est pas « mien » ou « à moi ». Votre corps est plein de tout le reste – une infinité d'éléments non-corps – à l'exception d'une chose : une existence séparée.
L'impermanence doit être vue à la lumière de la vacuité, de l'inter-être et du non-soi. Ces choses n'ont rien de négatif. La vacuité est merveilleuse. Nagarjuna, le fameux maître bouddhiste du deuxième siècle a dit :
« Grâce à la vacuité, tout est possible ».
Vous pouvez voir le non-soi dans l'impermanence et l'impermanence dans le non-soi. Vous pouvez dire que l'impermanence est le non-soi vu sous l'angle du temps, et que le non-soi est l'impermanence vue sous l'angle de l'espace. C'est la même chose. C'est pourquoi l'impermanence et le non-soi inter-sont.
Si vous ne voyez pas l'impermanence dans le non-soi, ce n'est pas le non-soi. Si vous ne voyez pas le non-soi dans l'impermanence, ce n'est pas vraiment l’impermanence. Mais ce n'est pas tout. Vous devez aussi voir le nirvana dans l'impermanence et dans le non-soi.
Si je trace une ligne, il y aura d'un coté l'impermanence et le non-soi, et de l'autre le nirvana. Cette ligne peut être utile mais elle peut aussi induire en erreur. Le nirvana signifie dépasser tous les concepts, même les concepts de non-soi et d'impermanence.
Si le nirvana est présent dans le non-soi et dans l'impermanence, cela veut dire que nous ne sommes pas prisonniers du non-soi et de l'impermanence en tant qu'idées.
Extrait de : l'enseignement du Bouddha d'après les textes les plus anciens.
Walpola Rahula
Maintenant ; qu'est ce que la Vérité Absolue ? Selon le bouddhisme, la Vérité absolue est qu'il n'y a rien d'absolu en ce monde, que tout est relatif, conditionné et impermanent, et qu'il n'y a pas de substance absolue qui ne change pas, qui est éternelle, comme le Soi, l’Âme ou Atman, en nous ou hors de nous. Ceci est la Vérité absolue. La vérité n'est jamais négative, bien qu'il existe une expression populaire telle que vérité négative.
La compréhension de cette Vérité, c'est à dire voir les choses telles qu'elles sont (yathabhutam) sans illusion ou ignorance (avijja), c'est l'extinction du désir, de la « soif » (tanhakkhaya) et la cessation (nirodha) de dukkha, qui est le Nirvana.
Il est intéressant et utile de rappeler ici le point de vue du Mahayana sur le Nirvana comme n'étant pas différent du Samsara. La même chose est Samsara ou Nirvana selon la manière de voir – subjectivement ou objectivement. Cette conception du Mahayana a été probablement élaborée à partir des idées que l'on rencontre dans les textes originaux, en Pali, du Théravada, auxquels nous nous sommes référés dans ce bref exposé.
Hypothèse personnelle : la loi du karma s'inscrit dans l'espace et le temps. Pour en avoir une vu globale, une perception globale, le Bouddha a, par l'esprit, fait "un" avec l'espace-temps de l'univers tout en s'en extrayant, ce qui lui a permis de s'affranchir de ces 2 limites. Il a pu "voir" une infinité de mondes sur un temps infini, ici comme ailleurs, passé, présent et avenir. Pour lui lors de l'Eveil en un instant tout cela ne fut plus qu'un point, il a pu en "jouer" à sa guise. Il a transcender les limites de l'espace et du temps, ce qui lui a permis d'affirmer avec conviction : la co-production conditionnée, le non-soi, la vacuité, l'interdépendance, la loi du karma. Intellectuellement, je crois qu'il s'est affranchis de nos conceptions humaines de l'espace et du temps. Hier, aujourd'hui, demain, ici et là bas ne furent plus des notions distinctes mais un ensemble fluide ou circuler à sa guise sans contrainte.

En physique, l'espace-temps est une représentation mathématique de l'espace et du temps comme deux notions inséparables et s'influençant l'une l'autre.
Cette conception de l'espace et du temps est l'un des grands bouleversements survenus au début du xxe siècle dans le domaine de la physique, mais aussi pour la philosophie. Elle est apparue avec la relativité restreinte et sa représentation géométrique qu'est l'espace de Minkowski ; son importance a été renforcée par la relativité générale.
Le continuum espace-temps comporte quatre dimensions : trois dimensions pour l'espace, « x », « y », et « z », et une pour le temps, « t ». Afin de pouvoir les manipuler plus aisément, on s'arrange pour que ces quatre grandeurs soient homogènes à une distance en multipliant « t » par la constante « c » (célérité de la lumière dans le vide).
Un événement se positionne dans le temps et l'espace par ses coordonnées « ct », « x », « y », « z », qui dépendent toutes du référentiel. Il est très difficile de s'imaginer que le temps ne soit pas le même suivant le référentiel dans lequel on le mesure, mais c'est bien le cas : il n'est donc pas absolu ; il en va de même pour l'espace : la longueur d'un objet peut être différente selon le référentiel de mesure.
Dans l'état actuel des connaissances, seul l'espace-temps comme concept unifié, qui est mathématiquement un espace de Minkowski en relativité restreinte et un espace courbe quelconque en relativité générale, est invariant quel que soit le référentiel choisi, tandis que ses composantes d'espace et temps en sont des aspects qui dépendent du point de vue (référentiel).
Le rapport entre les mesures d'espace et temps donné par la constante universelle c permet de décrire une distance d en matière de temps : d = ct avec t le temps nécessaire à la lumière pour parcourir d. Le Soleil est à 150 millions de kilomètres c'est-à-dire à 8 minutes-lumière de la Terre. En disant « minutes-lumière », on parle d'une mesure de temps multipliée par c, et on obtient une mesure de distance, dans ce cas-ci des kilomètres. Autrement dit, le facteur c sert à convertir des unités de temps en unités de distance. Kilomètres et minutes-lumière sont donc deux unités de mesure de distance.
Ce qui unifie espace et temps dans une même équation, c'est que la mesure du temps peut être transformée en mesure de distance (en multipliant t, exprimé en unités de temps, par c), et t peut donc de ce fait être associé aux trois autres coordonnées de distance dans une équation où toutes les mesures sont en unités de distance. En ce sens on pourrait dire que le temps, c'est de l'espace !
Cependant John Wheeler tient à rappeler que le temps et l'espace ont de grandes différences de nature, ne sont pas complètement identifiables et ne se transforment que partiellement l'un en l'autre dans un changement de repère.
Popularité de la notion d'espace-temps
La notion d'espace-temps intéresse grandement les philosophes, comme Prigogine, Stengers, Bergson, Kant.
Contrairement à la notion d'espace ou de temps, la notion d'espace-temps a globalement du mal à s’ancrer en tant que réalité physique dans la culture générale et l’inconscient collectif. Le temps et l'espace ont toujours tendance à être dissociés et le temps à être perçu uniquement comme un concept qui n'a pas de réalité physique (contrairement à l'espace).
Histoire du concept
La culture inca ne distingue pas l'espace et le temps ; l'espace-temps est appelé « pacha », en quechua et en aymara.
Extrait de : Il n'y a ni mort ni peur.
Thich Nhat Hanh
Qui sommes-nous ?
Nous voyons notre corps comme étant notre soi ou appartenant à notre soi. Nous considérons notre corps comme étant « mien » ou « à moi ». Mais avec le regard profond, vous voyez que votre corps est aussi le cors de vos ancêtres, de vos parents, de vos enfants et de leurs enfants. Donc il n'est pas « mien » ou « à moi ». Votre corps est plein de tout le reste – une infinité d'éléments non-corps – à l'exception d'une chose : une existence séparée.
L'impermanence doit être vue à la lumière de la vacuité, de l'inter-être et du non-soi. Ces choses n'ont rien de négatif. La vacuité est merveilleuse. Nagarjuna, le fameux maître bouddhiste du deuxième siècle a dit :
« Grâce à la vacuité, tout est possible ».
Vous pouvez voir le non-soi dans l'impermanence et l'impermanence dans le non-soi. Vous pouvez dire que l'impermanence est le non-soi vu sous l'angle du temps, et que le non-soi est l'impermanence vue sous l'angle de l'espace. C'est la même chose. C'est pourquoi l'impermanence et le non-soi inter-sont.
Si vous ne voyez pas l'impermanence dans le non-soi, ce n'est pas le non-soi. Si vous ne voyez pas le non-soi dans l'impermanence, ce n'est pas vraiment l’impermanence. Mais ce n'est pas tout. Vous devez aussi voir le nirvana dans l'impermanence et dans le non-soi.
Si je trace une ligne, il y aura d'un coté l'impermanence et le non-soi, et de l'autre le nirvana. Cette ligne peut être utile mais elle peut aussi induire en erreur. Le nirvana signifie dépasser tous les concepts, même les concepts de non-soi et d'impermanence.
Si le nirvana est présent dans le non-soi et dans l'impermanence, cela veut dire que nous ne sommes pas prisonniers du non-soi et de l'impermanence en tant qu'idées.
Extrait de : l'enseignement du Bouddha d'après les textes les plus anciens.
Walpola Rahula
Maintenant ; qu'est ce que la Vérité Absolue ? Selon le bouddhisme, la Vérité absolue est qu'il n'y a rien d'absolu en ce monde, que tout est relatif, conditionné et impermanent, et qu'il n'y a pas de substance absolue qui ne change pas, qui est éternelle, comme le Soi, l’Âme ou Atman, en nous ou hors de nous. Ceci est la Vérité absolue. La vérité n'est jamais négative, bien qu'il existe une expression populaire telle que vérité négative.
La compréhension de cette Vérité, c'est à dire voir les choses telles qu'elles sont (yathabhutam) sans illusion ou ignorance (avijja), c'est l'extinction du désir, de la « soif » (tanhakkhaya) et la cessation (nirodha) de dukkha, qui est le Nirvana.
Il est intéressant et utile de rappeler ici le point de vue du Mahayana sur le Nirvana comme n'étant pas différent du Samsara. La même chose est Samsara ou Nirvana selon la manière de voir – subjectivement ou objectivement. Cette conception du Mahayana a été probablement élaborée à partir des idées que l'on rencontre dans les textes originaux, en Pali, du Théravada, auxquels nous nous sommes référés dans ce bref exposé.
Hypothèse personnelle : la loi du karma s'inscrit dans l'espace et le temps. Pour en avoir une vu globale, une perception globale, le Bouddha a, par l'esprit, fait "un" avec l'espace-temps de l'univers tout en s'en extrayant, ce qui lui a permis de s'affranchir de ces 2 limites. Il a pu "voir" une infinité de mondes sur un temps infini, ici comme ailleurs, passé, présent et avenir. Pour lui lors de l'Eveil en un instant tout cela ne fut plus qu'un point, il a pu en "jouer" à sa guise. Il a transcender les limites de l'espace et du temps, ce qui lui a permis d'affirmer avec conviction : la co-production conditionnée, le non-soi, la vacuité, l'interdépendance, la loi du karma. Intellectuellement, je crois qu'il s'est affranchis de nos conceptions humaines de l'espace et du temps. Hier, aujourd'hui, demain, ici et là bas ne furent plus des notions distinctes mais un ensemble fluide ou circuler à sa guise sans contrainte.
