Karma collectif

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jules
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Compagnon a écrit :@Davi : ce que tu exprimes me paraît on ne peut plus sensé. Et cohérent/logique. Toute le monde toutefois ne le comprends pas forcément ainsi. C'est difficile d'expliquer à quelqu'un ce qui est une évidence pour soi... Je comprends les difficultés qu'a du rencontré le Bouddha Shakyamuni :lol:
Tu m'étonnes, surtout quand on voit qu'il est possible d'interpréter une phrase aussi claire que "le Karma lui-même est forcément individuel" comme si cela pouvait vouloir dire en fait que "le Karma n'est pas forcément individuel mais aussi collectif". :lol:
Dernière modification par jules le 30 décembre 2016, 00:29, modifié 3 fois.
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jules
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Davi : Actuellement la réalité c'est qu'il n'existe pas de soi et pas de karma concernant un soi. Tout ça c'est de l'illusion pure.
C'est vrai, c'est de l'illusion pure, mais il n'en reste pas moins qu'une illusion c'est ce qui est pris pour la réalité. Et agir à partir d'une vue illusoire crée nécessairement des actes emprunts d'ignorance.
Compagnon

Un autre passage ou Thích Nhất Hạnh s'exprime sur le karma collectif :

Enseignement du 12/07/2008 Village des Pruniers (passage du paragraphe : Le monde que nous sommes) :

Lorsque nous nous réunissons au Village des Pruniers, nous avons notre karma collectif. Nous sommes ici ensemble, c'est notre karma collectif, c'est parce que nous voulons pratiquer, nous voulons transformer notre souffrance. Et le karma collectif est fait du karma individuel, et le karma individuel crée le karma collectif. Donc le collectif et l'individuel inter-sont. Dans l'individuel, nous voyons le collectif, et dans le collectif, nous voyons l'individuel. Sans l'individuel, il n'y aurait pas de collectif. Et le karma inter-est aussi. Il y a l'inter-être des cinq agrégats et de l'environnement, l'inter-être de l'individuel et du collectif, l'inter-être du karma individuel et du karma collectif, mais il y a toujours le libre arbitre et nous avons la capacité de changer notre karma. Si nous avons la pleine conscience, la concentration juste et la vue juste, en prenant le chemin octuple, nous pouvons changer notre vie.

jap_8

"
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jules
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Cette une vision intéressante cette notion d'inter-être. Effectivement on peut comprendre que les deux inter-sont, comme toute chose en fait. Il n'y a effectivement pas besoin de faire de séparations.

jap_8
Compagnon

Je crois que tout d'abord la vue de Tich Nhat Hanh est fort logiquement imprégné de bouddhisme vietnamien qui est un bouddhisme de type Mahayana composite influencé entre autre par le Taoïsme, qui préfère faire coexister harmonieusement les contraires plutôt que les faire s'affronter.

Ensuite l'enseignement de Thay est très orienté vers la non-discrimination, bouclier efficace contre toute forme de fanatisme (après tout Thay est depuis sa jeunesse un militant pour la paix). L'inter-être comme il l'appelle est un façon d'exprimer cette non-discrimination.

Enfin, je crois que ce terme "d'inter-être" qu'il a forgé en français est une façon d'exprimer la vacuité, le Vide. Il tient compte du fait que le terme Vide a été pendant trop longtemps mal interprété et mal compris en occident et vacuité trop "technique", abstrait peut-être. Inter-être est plus "parlant". Dans inter-être il y a "interdépendance". Cela ramène à la vacuité, au non-soi. A la co-production conditionnée. Cela résume beaucoup en peu de mot.

Ce n'est pas pour rien qu'il a appelé l'ordre qu'il a fondé "L'ordre de l'inter-être".

Cela se comprend aisément au niveau des concepts intellectuels, des notions. Ainsi la notion de "haut" dépendant de la notion de "bas". Par exemple. Cela pousse à la transcendance de tout dualisme.

Ainsi la notion de samsara est dépendante de celle de nirvana. La notion d'individualité dépendante de celle de collectivité. La notion de non-soi dépendant de l'existence de la notion de soi. Et le chemin qui mène à la libération de la souffrance dépendant de l'existence même de la souffrance. Ainsi la souffrance est utile. Elle sert à chercher à s'en libérer :) Sans souffrance il n'y aurait ni Eveil, ni Bouddha ni bouddhisme. Les 4 Nobles Vérités inter-sont tout comme le Noble Sentier Octuples.

Et au final, le Sutra du Coeur de la Perfection de la Sagesse, qui est un des Sutras majeur du Mahayana, invite à dépasser tout dualisme, y compris les notions comme samsara et nirvana. Ne jamais s'arrêter. Aller toujours toujours au delà.
C'est un chemin possible vers l'Eveil.

Thay pousse même à nous défaire de nos propres notion en matière de bouddhisme, de n'être prisonnier d'aucune vue, y compris bouddhiste. D'ailleurs il me semble que le Bouddha a dit que ceux qui finissaient par être prisonniers de leur propre notion de la vacuité étaient "incurable". Il faut aussi dépasser notre conception de la vacuité.
Compagnon

En y réfléchissant ce matin dans mon lit dans un certain état de somnolence j'ai pensé à ces notions de karma collectif et individuel. Lorsqu'il parle Tich Nhat Hanh distingue ce qu'il appelle la dimension historique et la dimension ultime. Une façon je crois de distinguer en quelque sorte ce qui nous apparaît dans le samsara et ce qui est dans nirvana. Peut être aussi une façon de nommer les différents niveaux de langages dans les enseignements bouddhistes. Nous en avons parlé je crois déjà ici. J'ai lu quelque chose là dessus, sur les différents niveaux de compréhension des écrits bouddhistes y compris les sutras du canon Pali, puisque le Bouddha adaptait son niveau de langage aux auditeurs.

Hors je me suis fait plusieurs réflexions, faites en ce que vous voulez, voyez si elle vous paraissent utiles, pertinentes, éclairantes ou pas du tout.

Déjà, autour de ces deux niveaux de perception, de lecture, la dimension historique (samsara ? notre vie concrète là dans ce corps) et ce que TNH appelle Dimension Ultime (Nirvana ? Vue Juste de la réalité telle qu'elle est ?).

Déjà ils sont interdépendant, l'un ne va pas sans l'autre. Ils inter-sont comme l'exprime TNH (désolé pour les puristes ce n'est pas un manque de respect mais c'est plus pratique pour moi de contracter :) "Dieu sait" - façon de parler - si j'ai beaucoup de respect pour Thay - j'hésite même à l’appeler par son nom propre à ses disciples c'est dire...), donc dimension historique et Ultime sont vacuité, aucune n'a d'existence en soi et indépendante.

Ensuite, peut être, peut être, que si l'on observe uniquement les choses au niveau de la dimension historique (un peu comme une couche unique horizontale) on a l'impression qu'il y a juxtaposition de karma individuels. Que le karma ne peut être que produit et "rétribué" "individuellement".

Mais si l'on passe à la couche "supérieure", si l'on regarde de plus loin, de plus "haut", du point de vue de la Dimension Ultime, qui est à la fois supérieure et complémentaire à l'historique (comme Samsara et Nirvana ?) on se rend compte qu'en fait il peut y avoir karma collectif aussi bien produit que rétribué. Car si il y a bel et bien non-soi, vacuité de tous les phénomènes, le karma étant un phénomène, il ne peut être que vacuité, qu'interdépendant. Alors comment peut-il y avoir le moindre karma "individuel" , "indépendant" et "autonome", uniquement confiné à un individu ? Un soi ? En fait là dessus... j'ai deux hypothèses, l'une franchement audacieuse et extrême et l'autre plus pondérée. Chacune je crois est envisageable :

- la première, en poussant la logique de la vacuité à fond, il n'y a aucun karma individuel. A un niveau "grossier" ou "superficiel" on en a l'impression mais en fait à un niveau d'observation supérieur on se rend compte qu'il n'y a que karma collectif composé d'une' myriade d'individuels interconnecté. Un peu comme lorsque des physiciens nous disent qu'en fait le chaos n'existe pas car en fait il n'est qu'apparent, qu'il y a un ordre sous-jacent plus profond qu'on ne voit pas pour le moment. Vous saisissez ?

- la seconde, qui intègre la notion d'impermanence, c'est que parfois il y a karma collectif, parfois individuel, dans les 2 dimensions, selon les circonstances, les conditions.

Sur cette notion de "production" de karma collectif. Nous sommes d'accord pour dire je crois que "karma" signifie "action" mais que cette action peut prendre la forme d'une pensée, d'un parole ou d'un acte, voir les 3 ensembles, successivement. Pensées seule, pensées et parole, pensée et acte, pensée et parole et pacte. Et acte ou parole sans pensée pour les plus irréfléchis ! XD

L'intention est importante dans la pratique bouddhique. Hors que ce passe t-il si un groupe de pratiquant se réunit dans un lieu dans une même intention de pratique ? Quand des pratiquants, une Sangha, se réunie pour méditer ensemble selon une même méthode spécifique, chanter ensemble le même chant, pratiquer ensemble la même marche méditative en cercle les uns derrières les autres, tous écouter la même lecture d'un enseignement ? Il y a une intention commune non ? Une présence commune. Une pensée, un état d'esprit commun. N'est-il pas logique qu'il y ai production de karma "collectif" ? Donc la rétribution se fera un jour de manière collective ?

Prenez dans une église chrétienne ou un coeur chante du gospel, l'intention qu'ils mettent tous dans ce chant, l'énergie que cela dégage et dont on voit immédiatement l'effet : le rythme qui se propage dans l'assistance, les auditeurs tantôt se dandinant en rythme, tantôt tapant des mains ou chantant en accompagnement. Il y a une émotion partagée, propagée, une communion. Et même si ce n'est pas de la pratique bouddhique ne pensez vous pas qu'il y ai production de quelque chose de collectif pendant cet événement et ayant des répercussion ensuite sur l'assistance bien après la fin de la célébration ?

Je prends un exemple hypothétique : nous tous ici qui dialoguons sur un forum, sur le Dharma. Jusqu'a preuve du contraire, dans cette vie, aucun de nous n'a rencontré un des autres physiquement (a moins bien sûre que certains d'entre vous se soient déjà rencontré irl mais ça je l'ignore). Pour les besoins de l'exemple partons du principe qu'aucun de nous ne s'est jamais rencontré en face à face irl.

Maintenant, et si le fait que nous nous rencontrions ici, sur la toile, dans ce forum, à échanger à distance sur la dharma n'était que la rétribution d'un karma collectif que nous avons déjà partagé dans une précédente manifestation ?

Peut être qu'il y a mettons 1500 ans Jules et moi avons eu des échanges épistolaires fructueux, sans jamais nous rencontrés, sous d'autres latitudes et dans d'autres religions qui sait ? Peut être que, il y a 500 ans, Ted et moi avons aussi eu une relation épistolaire fructueuse de même type, idem pour Circé. Et que ces diverses relations ont produit un "karma" qui se manifeste maintenant, nous réunissant tous depuis quelque mois, sur la toile dans un même "communauté" de "destin" ou de rétribution de karma collectif ? Un effet collectif fruits des causes similaires émaillées dans le temps entre nous et qui se "cristallise" ou se "coagule" en un effet unique maintenant à notre époque. Et d'ailleurs peut être produisons nous encore en ce moment un karma qui fait que, dans 500 ou 1000 ans, allez savoir comment et ou, nous serons de nouveau réunis pour discuter ensemble de spiritualité, sans savoir le moins de monde que nous nous sommes déjà rencontrés par le passé sous d'autres formes ?

Et si l'on y pense, qu'est ce que le Web si ce n'est un vecteur démultiplicateur de karma ? Tout ce que vous pensez, dite et faite peut avoir un effet karmique démultiplié (en bien comme en mal) grâce à la toile. Il y a 500 ans si je disais quelque chose à mon voisin, le cercle de l'effet n'allait pas bien loin, un pâté de maison ? Un quartier au mieux ? Maintenant ce que je dis peut être lu et impacter des milliers voir des millions de gens !

Vous mesurez l'outil à la fois terriblement puissant et dangereux que le web représente ? Je peux avoir un effet karmique immense aussi bien en "bien" qu'en "mal". Et donc une rétribution semblable. Imaginez les effets dévastateurs karmiques d'une personne mentant sciemment sur la toile et faisant gober son mensonge à des milliers voir millions de gens ? Imaginez l'effet karmique extraordinaire d'un homme de bien, d'une parole sage, d'espoir et de compassion, répercutée sur la toile et touchant le cœur de milliers et millions de gens ?

La toile ne serait-il pas un moyen de rendre "visible", de concrétiser cette "dimension ultime" de karma interconnecté dont je parle plus haut ? Car justement la toile transcende les frontières, elle est libérée de beaucoup de contraires (ce qui embarrasse bien des états d'ailleurs).
ted

Il ne peut y avoir de karma collectif que si on introduit la notion d'êtres collectifs et d'intentions collectives.

Or, créer des êtres collectifs en juxtaposant des présences individuelles, ou créer des intentions collectives en juxtaposant des intentions individuelles, me semble une vue conceptuelle, rien de plus.

Chacune des intentions individuelles n'aura pas le même effet "levier" pour engendrer des fruits. Jules l'avait bien expliqué je trouve.

Ceci dit, les tibétains soutiennent que les individus ayant des karmas similaires sont "regroupés" dans des espace-temps particuliers pour y recueillir des fruits identiques. Baaah pourquoi pas... Quand on met des particules dans une centrifugeuse, elles se satellisent bien en fonction de leur masse. Mais j'y vois plus la coexistence de plusieurs effets plutôt que l'effet d'une coexistence.
Et acte ou parole sans pensée pour les plus irréfléchis !
Ca c'est le point de vue cartésien. :D Dans les faits, s'ils sont le fruit d'une bonne pratique, les paroles et actes jaillis de la non-pensée sont plus profonds et plus justes.
Compagnon

Je viens de croisé ce matin au détour d'un texte un Thich vietnamien pour qui il existe bel et bien 2 sortes de karma dont un collectif et qui affirme que le Bouddha l'a enseigné.

La loi de causalité par le Vénérable Tich Thien Châu

Image

PS : je crois que c'est l'homme qui est au centre de la photo mais je n'en suis pas sûre à 100%, quand on cherche des sites bouddhistes vietnamiens ils sont très souvent... en vietnamien non traduit évidemment.

Extrait :

2. Autres questionnent :

Selon la loi de causalité, chacun récolte ce qu’il a semé. Autrement dit, quand le père commet une faute, il n’appartient pas au fils de la réparer, et inversement.

Pourtant on voit couramment le père supporter les fautes des enfants ou vice-versa où en est donc la justice ?


Réponse : Le Bouddha a enseigné dans ses soutras qu’il y a en vérité deux sortes de karma, le karma individuel et le karma collectif.

Le karma individuel ne concerne que l’individu en question. Par exemple, quelqu’un qui étudie bien acquiert beaucoup de connaissances pour lui seul. Quelqu’un qui mange bien, sera rassasié, lui seul, et personne d’autre. Celui qui travaille bien, réussira par contre s’il est paresseux, il s’attendra à des échecs et des déboires.

Le karma collectif concerne un groupe d’individus, vivant dans une même situation. Pour ne citer qu’un exemple, durant la guerre du Viêt-nam, tout un peuple a souffert sans distinction de classes sociales. Si, par contre, l’on a la chance de vivre parmi un peuple riche, chacun peut profiter de sa part de bonheur matériel. Ainsi vivant dans une même famille, une même société, les individus ont un dénominateur commun dans leur karma.

Les livres anciens disent : "Une personne qui accomplit une bonne action fait profiter de son geste des milliers d’autres personnes, un arbre fleuri embaume tout le jardin."


Tiré de Bouddhisme Actualités
270 avenue Pessicart Bt C
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Tél & Fax : (33) 04 93 84 42 08

Article de Buddhaline

jap_8
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jules
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Le Bouddha a enseigné dans ses soutras qu’il y a en vérité deux sortes de karma, le karma individuel et le karma collectif.
Je serais quand-même curieux de lire l'un de ces soutras.
Compagnon

Oui sans doute.
D'un coté il y a la confiance de principe a accorder à quelqu'un qui étudie et pratique depuis des décennies comme moine et même thich (qui est un titre) et de l'autre le droit et peut être même me devoir à l'esprit critique et à l'examen de ce qui est dit. Après les texte canonique ne sont pas tout à fait les mêmes selon les lieux et traditions du Dharma, ce qui n'aide pas.
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