C'est juste, Tongra,
mudra est resté masculin en tibétain, et
mahamudra aussi donc. Peut-être parce que quand il s'agit de
jñanamudra ou de
karmamudra, ça peut être aussi bien une déité masculine que féminine.
Pour la distinction entre Theravada et Mahayana, il faut dire que traditionnellement les mahayanistes parlent plus du Hinayana que du Theravada (encore assez peu connu jusqu'à récemment dans le monde tibétain, qui parle plus souvent du Véhicule des Auditeurs tel qu'il est exposé dans les doxographies traditionnelles); et nous savons qu'il y a des différences entre Hinayana et Theravada.
Voici ce que disent les guéloukpas sur cette distinction entre les véhicules lorsqu'ils se placent du point de vue prasangika (tels qu'ils le lisent chez Nagarjuna, Chandrakirti etc.):
La différence de réalisation entre Shravaka Arhats, Pratyeka-buddhas et Bodhisattvas ne réside pas dans le profond (la vue), mais dans le vaste (différence d'amplitude de mérites). La vue est comme une unique mère et les mérites sont comme trois pères différents: tout réalisateur de la cessation d'un ou deux voiles doit réaliser l'absence d'existence inhérente de la personne et des agrégats.
Par contre, les mérites sont différents: de plus en plus vastes. Les plus vastes chez les bodhisattvas parce qu'ils englobent dans leur pratique la responsabilité universelle, la responsabilité d'aider tous les êtres à se libérer de la souffrannce, et ce, en atteignant l'Eveil omniscient (parce que sans cet Eveil, il est impossible d'aider tous les êtres en accord avec leur inclinations, capacités et racines de vertus).
Tous les pratiquants de tous les véhicules sont forcément altruistes d'une manière ou d'une autre parce que toute école insiste sur le développement des 4 infinis: metta, karuna, mudita et upeksha.
Pour répondre à la question importante de Ted, c'est vrai qu'on confond souvent ego et egocentrisme, saisie du soi et attachement au moi, etc.: l'ego (ou saisie du soi) est la vue erronée de notre propre identité personnelle, l'ignorance afflictive. Son antidote est la sagesse du non-soi.
Par contre cette sagesse du non-soi n'est pas l'antidote à l'égocentrisme (pas tout à fait appelé "attachement au moi" chez les Tibétains, mais presque: le fait de "saisir un chérissement de soi"), sinon n'importe quel Arhat développerait immédiatement l'esprit d'Eveil. Donc l'antidote à l'egocentrisme est l'atruisme, et l'altruisme le plus vaste: l'esprit d'Eveil.
Attention, quand on parle d'egocentrisme, ça pourrait être mal compris, comme dans le stéréoptype dénoncé par Tirru au travers de sa citation (je n'ai pas encore lue en entier): ce n'est pas "après moi le déluge", c'est juste que fondamentalement l'être humain est altruiste (voir la vidéo "Vers un monde altruiste ?" qui résume une partie du magistral
Plaidoyer por l'altruisme de Matthieu Ricard), mais que cet altruisme manque d'impartialité, alors les pratiques bouddhistes permettent de renforcer cet altruisme en le rendant impartial (les 4 évoqués plus haut). Pour les écoles mahayanistes, cependant, tant qu'on n'a pas cultivé l'esprit d'Eveil, on manque d'un type particulier d'altruisme: celui qui veut qu'on prenne en charge soi-même le bonheur définitif de tous les êtres, donc à ce titre on a ce type spécifique d'egocentrisme: son antidote est donc l'esprit d'Eveil altruiste.
Bref, tous les "nirvanés", quels que soient les véhicules respectifs, réalisent forcément la même vue juste du non-soi subtil, mais ce qui fait qu'ils obtiennent des fruits différents c'est le vaste: les mérites. La sagesse du non-soi est l'antidote à l'ego (
satkayadrishthi) et l'esprit d'Eveil est l'antidote à l'egocentrisme (non pas d'être attaché au moi, mais le simple fait de ne pas s'être habitué à prendre en charge le nirvana de tous les êtres).
Pour les autres écoles que prasangika, les mérites ne sont pas le seul curseur pour déterminer des fruits distincts car la vue aussi fait partie du curseur: ces écoles autres que prasangika envisagent des niveaux différents de non-soi réalisé pour éliminer le voile afflictif [-> Shravaka Arhat] puis le voile cognitif (entièrement [->Eveil final des bodhisattvas: état de samyak-sambuddha] ou pas [-> Pratyeka-buddha]).