Qu'est ce que la transmission ?

ted

C'est quoi exactement une transmission ?

Un transfert administratif d'un maître à un autre ? (pour diriger un temple, un dojo, etc...)
Une sorte de transfert de compréhension ? (le maître explique au disciple ce qu'il a compris...)
Pourquoi y a t'il des cérémonies autour des transmissions ? Est-ce ce qu'elles font partie de la transmission ? Ou est-ce culturel ?
Si la transmission est silencieuse, où est la connaissance qui est censée être transmise ? :shock:
Est-ce qu'on peut recevoir une transmission à son insu ? (en touchant un maître, une relique, par exemple...)
Est-ce que la transmission est de l'ordre du surnaturel ? :oops:

buuuudaaa

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yves
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je donne une explication purement intellectuelle, n'ayant pas reçu de transmission moi--même :oops:

la transmission c'est le moment ou l'élève a atteint un degré assez avancé de maîtrise pour que ses attachements ne "gène" plus l'expérience (les niveaux 7 et 8 de cette page http://www.forum-bouddhiste.com/viewtopic.php?f=87&t=9003 par exemple) alors le maître peut aider l'élève à faire une première expérience de ce qu'il y a au-delà du niveau 9
FleurDeLotus
pour l'aspect culturel je n'y connais rien shuuuut_8
oui à ce qui est
tout change
tout est maintenant
être tout
amour
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yudo
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Sur la transmission, il y a la mythologie, et la réalité.

La mythologie, c'est que la Transmission est une sorte de certification par laquelle le maître accueille l'adepte au rang des maîtres et donc atteste de la Réalisation du disciple, au moins égale à celle du maître.

La réalité recouvre plusieurs visages, la plupart n'étant guère reluisants.
Comme, pour la plupart des gens, être maître est une position de prestige, qui donne un pouvoir, il est logique que les personnes assoiffées de pouvoir veuillent obtenir cette certification, dont ils/elles espèrent qu'elle leur permettra de consolider une position de puissance. Je connais ainsi au moins un exemple, à Turin, où une nonne a veillé sur les derniers jours de son maître en espérant (espoir récompensé) en obtenir la Transmission et ainsi le pouvoir sur les dojos (il y en avait plusieurs) qui dépendaient de lui. Elle a été malheureusement pour ses ambitions cruellement déçue, car les gens l'ont fuie.
Dans les cas où des personnes jouissent déjà d'un pouvoir mais où ce dernier est attaqué en légitimité, la Transmission permet de balayer la poussière sous le tapis. Dans la plupart des cas, ces transmissions s'acquièrent. Elles s'acquièrent grâce à un double jeu de recherche du prestige. Les "maîtres" de l'AZI et tous les "successeurs" de Deshimaru sont dans ce cas. Ils se rendent au Japon, contactent des maîtres de temples à qui d'avoir un successeur en Occident rapportera du prestige, payent les "cadeaux" de règle dans ces cas, ainsi que les frais d'adhésion à l'organisation centrale à laquelle sont affiliés ces chefs de temple, obtiennent donc ainsi la transmission, qui devra être complétée au fil des ans par d'autres cérémonies (et frais) qui leur permettront de monter dans la hiérarchie de l'Organisation centrale.
Il y a dans le cadre de la Sôtôshu, l'école centrale du Zen Sôtô au Japon, un processus automatique, qui fait qu'un disciple (nb: seul le disciple accepté d'un maître a le droit de se réclamer de ce titre, au Japon) reçoit automatiquement la transmission trois ans après son ordination, et devra normalement parcourir tout le cursus de façon tout aussi automatique, tout en payant les frais afférents tout au long de sa vie. Cela pour ceux qui ont étudié au Japon, pris les préceptes là-bas, et évolué dans le contexte japonais en général.

Il y a enfin une minorité de cas où la transmission est donnée par un maître sur la base de sentiments et de proximité personnelles. Ce qu'on appelle en sino-japonais "i shin den shin" (de coeur à coeur). Il ne faut pas en inférer que le maître se croit réalisé et qu'il croit son disciple réalisé lui aussi. Dans la plupart des cas, ces personnes ne se font aucune illusion ni sur eux-mêmes ni sur l'autre. C'est juste que l'aîné accorde sa confiance au cadet, qui reçoit ainsi une sorte d'"ordre de mission", avec le double intérêt que personne ne peut accuser le plus jeune de s'être auto-proclamé "maître" et que celui-ci peut se réclamer d'une sorte de filiation dans l'enseignement. Cela dit alors, simplement, que le nouvel enseignant ne sort pas de nulle part.

Mais guère plus.
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
ted

Ok Yudo.
Mais et l'éveil dans tout ça ?
La transmission, c'est bien quelque chose du même ordre que Bouddha tournant une fleur devant Mahakashyapa ?

Un jour, le Bouddha Shâkyamuni était avec ses disciples
sur le Mont des Vautours.
En silence, il cueillit une fleur, une simple fleur,
une fleur d’udumbara, dira t-on plus tard.

Il tourna cette fleur entre ses doigts en guise d’enseignement.
Seul, Mahâkâshyapa, le futur premier patriarche, sourit.
Il avait reçu et perçu.

Le Bouddha ainsi aurait transmis l’essence même de son précieux trésor spirituel .
Le Zen jaillit de cette histoire où l’écrit n’a point d’importance.

Juste une voie abrupte dans le silence qui touche l’esprit et le coeur.
D’ailleurs, le Bouddha Shâkyamuni n’a jamais écrit.
Dumè Antoni

La transmission est fondamentale dans le Bouddhisme, car c'est le "ciment" du Sangha. Les hommes naissent et meurent et sans cette transmission, le Dharma ne peut survivre. On comprend donc bien son importance, pas seulement pour garder un "esprit de famille", sur la base d'une simple discipline (l'OS), mais surtout pour garder intacte la vue juste, sa signification profonde, qui ne doit pas être confondue avec une compréhension intellectuelle de ce que sont les écritures, ni une simple pratique de Dhyana (qui sans Prajna et Sîlâ n'est pas propre au Bouddhisme et peut donc parfaitement signer une pratique erronée, du point de vue du Bouddhisme), ni une pratique de la mendicité et des préceptes (qui sans Dhyana et Prajna n'est pas propre au Bouddhisme non plus, et peut donc parfaitement signer une pratique erronée, du point de vue du Bouddhisme).

Je pense aussi qu'il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Certaines transmissions sont certes plus que douteuses, voire franchement malhonnêtes, mais ça ne veut pas dire que toutes le sont. Pour donner un exemple concret — et je ne dévoile rien de secret puisque le sujet est traité dans le tome 2 de "Zen au fil des jours" de T.Jyoji —, "l'expérience zen" (terme signifiant kensho dans le vocabulaire de Jyoji) du successeur de ce dernier — actuellement moine en poste à la Falaise Verte —, n'a pas été jugée "suffisamment profonde" pour porter le titre de "maître" et cela bien qu'ayant passé 11 ans à Shofuku-ji. Et je suppose que ce cas n'est pas propre au Zen. Dans le Dzogchen, celui-ci commence avec Rigpa (qui est liée à la confrontation au maître), et dans le BT, je suppose que le titre de "maître" (qui est celui de "Lama") ne doit pas être porté à la légère non plus. Certes, il existe des titres "honorifiques", qui expriment une forme de respect, qui font que certains portent le titre de Lama, ou de maître de temple zen, ou... mais ceci ne cache pas la vérité qui est que la transmission se fait sur la base de la Vue juste, qui n'a jamais été un mythe (et qui donc ne relève pas de la mythologie), sauf à vouloir disqualifier le Sangha, et sans doute aussi, sauf à ne pas avoir cette vue.
ted

Yudo
Tu as quelqu'un en vue pour ta propre transmission ? :oops:

Je sais pas si ça se fait de poser ce genre de question publiquement. Si j'ai gaffé, baaah, n'en parlons plus et je te prie de m'excuser. jap_8
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yudo
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NOn, pour le moment, mais je pense que ce qu'écrit Dumè est juste. Ce n'est pas parce qu'il y a une tonne de transmissions douteuses qu'il faut rejeter le principe d ela transmission. A minima, elle veut quand même dire que la personne n'est pas auto-proclamée, et rien que pour cela, il faut la garder.

En même temps, il faut bien prévenir les adeptes qu'il ne faut pas en exagérer l'importance. Il faut à cet égard évacuer totalement l'idée qu'elle soit la marque d'une quelconque réalisation. Cela ne veut pas dire que ce n'est jamais le cas, mais simplement que quand ce l'est, c'est exceptionnel. Il y a en France un enseignant connu qui, lorsqu'on lui a donné la transmission, a voulu la rejeter à cause de l'usage que certains en font. J'ai dû le persuader d'accepter pour qu'au moins quelqu'un puisse se prévaloir d'une transmission sincère. Brad Warner lui-même, lorsque Nishijima lui a dit qu'il lui donnait la transmission, a voulu refuser, se sentant indigne. Nishijima lui a simplement dit qu'il pouvait refuser de faire la cérémonie, mais que la transmission était donnée, point.

Pour ma part, je suis loin d'être convaincu qu'au sens de "dignité", je méritais cette transmission. Mais je crois qu'elle m'a été donnée comme un relais, comme un passage du flambeau (ou de la Lampe). C'est donc pour moi une responsabilité, sans plus.

De toute façon, quand bien même le maître qui donne la transmission aurait été un être parfaitement réalisé, et qu'il donnerait à un autre être parfaitement réalisé sa transmission, il faut bien se rendre compte que cette "parfaite réalisation" ne se traduirait pour le commun des mortels par pas grand-chose d'exceptionnel. Même le Bouddha était un être ordinaire (d'un certain point de vue).
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
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