Selon le bouddhisme, les plantes ont-elles un esprit ?

Dumè Antoni

Il s'agit d'un texte propre à l'école Sôtô du Zen où les kôans sont "discutés" philosophiquement, voire comparés aux sutras du Mahayana. Cette approche n'étant pas celle du Rizaï, je ne peux être que réservé sur les commentaires qui demeurent, de mon point de vue, superficiels. Je viens de montrer l'importance toute relative, pour ne pas dire inutile et dangereuse, de l'analyse dialectique des sutras. Je ne m'étendrai pas davantage.
Serge Zaludkowski

Pour donner quelques références (non zen) à ce sujet qui, me semble-t-il, part souvent dans tous les sens et contient n'importe quoi et même son contraire, voici un extrait de l'Uttaratantra d'Arya Maitreya écrit par Arya Asanga et commentaires de Jamgön Kongtrül Lodrö Thay, expliqué par Khenpo Tsultrim Gyamtso Rinpoché ... désolé, je n'ai pas le temps de traduire :
The perfect buddhakaya is all-embracing,
suchness cannot be differentiated,
and all beings have the disposition.
Thus they always have buddha nature.
The Buddha has said that all beings have buddha nature
“since buddha wisdom is always present within the assembly
of beings,
since this undefiled nature is free from duality,
and since the disposition to buddhahood has been named after
its fruit.”
The dharmakaya of a perfect buddha embraces and pervades all phenomena. With regard to suchness or the true state of the entirety of samsara and nirvana, there is not the slightest differentiation. The disposition of the Tathagata is present within all sentient beings in terms of the dharmadhatu being by nature pure and its veils being able to be purified. For these reasons all sentient beings have had the nature of the absolute Buddha, always and uninterruptedly, since beginningless time. As it is said in the sutras: “The Buddha Bhaghavat has said ‘all sentient beings always have the tathagatagarbha.’” With regard to [the three reasons given above], the great translator
from Ngog (Tib. rngog lo chen po, i.e. Lodän Sherab, who first translated the Mahayana Uttara Tantra Shastra into Tibetan) states the following:

In the given sequence they represent the sugatagarbha in terms of the fruit, the sugatagarbha in terms of the nature, and the sugatagarbha in terms of the cause. The first is the dharmakaya. This is the real Tathagata, whereas the nature of beings is only named after it. Since it is able to be attained by beings, it is explained as being all-pervasive. The second is the real nature of both a Tathagata and beings. When merely considered from the aspect of suchness being by nature completely pure, the sugatagarbha [or tathagatagarbha] is really present within a Tathagata and beings alike. The third is the real nature of beings. Since it is the cause of the Tathagata, it has been named after it.

At this point the noble Asanga states [in his commentary]:

In brief, there are three reasons for which all beings have the nature of the Tathagata. The Bhagavan has said: “All beings have buddha nature, since buddha wisdom is always present within the assembly of beings, since this undefiled nature is free from duality and since the disposition to buddhahood has been named after its fruit.” These three reasons have been taught extensively in all the words of the Buddha. With respect to this they are explained as follows: due to the fact that the dharmakaya of the Tathagata embraces all beings, that the suchness of the Tathagata is completely indivisible and that they have the disposition of the Tathagata...
Si, comme certains essayent de nous le faire passer, "tout le vivant", plantes compris et pourquoi pas minéraux avaient la nature de bouddha, ils auraient tous le potentiel d'exposer les attributs de bouddha, omniscience et siddhis compris.

Serge
Serge Zaludkowski

Je suppose que beaucoup ne liront pas ... pour les autres :
Essence, cause, fruit, function, endowment, manifestation,
phases, all-pervasiveness of suchness, unchangingness,
and inseparability of the qualities should be understood
as intended to describe the meaning of the absolute expanse.
It should be understood that the intention behind the following ten points is to determine the meaning of the dharmadhatu, which is by nature utterly pure, being equivalent to the true state of everything or the absolute truth. They represent a systematic order that classifies this meaning fully and properly:
The points “essence” and “cause” describe the features of purity and purification. The points “fruit” and “function” describe the feature of accomplishment. The topic “endowment” describes the multitude of qualities. The topic “manifestation” describes the fact that there is [a difference in] manifestation due to different kinds of individuals. The topic “phases” describes the fact that there is only a classification in terms of names. The topic “all-pervasiveness” describes the fact that suchness is all-pervasive like space. The topic “unchangingness” describes the fact that the dharmadhatu is at all times free from change, and the topic “inseparability of the qualities” describes the fact that the qualities are completely inseparable [from it].
Serge Zaludkowski

un dernier. Ceux que cela intéresse trouveront l'intégralité du texte en pdf sur le net ...
Just as a jewel, the sky, and water are pure
it is by nature always free from the poisons.
From devotion to the Dharma, from highest wisdom,
and from samadhi and compassion [its realization
arises].
Just as a precious jewel, the sky, and water are by nature pure, likewise the tathagatagarbha or dharmadhatu is by nature always free from the defilement of the mental poisons and thus utterly pure. Whereas this is the meaning of the essence, the cause that completely purifies the adventitious defilements consists of devotion towards the Mahayana Dharma, of highest discriminative or analytical wisdom realizing the non-existence of a self, of limitless samadhi endowed with bliss, and of great compassion focusing on sentient beings as its point of reference. The realization arising from these [purifying causes] is to be known as enlightenment.
Dumè Antoni

Ces personnes (les certains) dont tu parles n'ont pas compris que la référence aux plantes et à l'ensemble des dharmas composés n'ont pas la nature de Bouddha mais "sont de la nature de Bouddha" quand — et seulement quand — l'univers apparaît dans le Sambhogakaya lors du satori/kensho, avec le déploiement des Sagesses (Omniscience et Compassion notamment). Ces personnes faisant de zazen la plus haute expression du zen, en niant l'expérience de Çakyamuni parce qu'ils ne la font pas ou ne l'ont pas faite, ne savent donc pas de quoi il est question et probablement pas de quoi parlait Dôgen (ou Joshu).
Dumè Antoni

Voici un texte — qui je le précise doit être saisi "avec des pincettes" car s'il n'est pas fragile, il peut être source de graves confusions quand il est compris "avec son intellect" — à propos de l'esprit et la Voie.

Dialogue entre Maître Nyuri et son disciple Enmonn[1]

1. La Voie est profonde et vide, sublime et éternelle, au delà de toute compréhension, au delà de toute formulation verbale. Ici sont provisoirement mis en scène deux personnages qui tous les deux s'entretiennent de la véritable nature de la réalité : un maître nommé Nyuri et un disciple appelé Enmonn. Présentement, Maître Nyuri est calme et silencieux. Soudain Enmonn bondit sur ses pieds et demande à Maître Nyuri :
- Qu’appelle-t-on "esprit" ? Comment le "pacifier" ?
Le Maître répond :
- Vous n'avez nul besoin de supposer l'existence d'un esprit, ni de particulièrement vous efforcer de le pacifier. On peut dire que c'est cela « pacifier l'esprit ».
2. Question : - Si il n'y a pas d'esprit comment pouvons-nous étudier la Voie ?
Réponse : - La Voie n'est pas une chose à laquelle l'esprit puisse penser, comment concernerait-elle l'esprit?
3. Question : - Si l’esprit ne peut y penser, comment pourrons nous jamais y accéder ?
Réponse : - Avoir des pensées, c‘est avoir un esprit. Avoir un esprit contredit la Voie. Ne pas avoir de pensée c'est ne pas avoir d'esprit. Ne pas penser est la vraie Voie.
4. Question : - Tous les êtres vivants ont-ils un esprit ou non ?
Réponse : - Croire que tous les êtres vivants ont un esprit, c'est une perversion.
C’est seulement parce qu'on édifie un « esprit » dans le « non esprit » que des pensées illusoires prennent place.
5. Question : - Quels sont les attributs du « non esprit » ?
Réponse : - Le « non esprit » c'est le sur le champ le « non objet ». Le « non objet » c'est la nature elle-même. La nature elle-même est la Voie.
6. Question : - Comment les pensées illusoires des êtres vivants peuvent-elles être détruites ?
Réponse : - Tant que l’on considère les pensées illusoires et que l’on envisage de les détruire, on ne s’en débarrassera jamais.
7. Question : - Sans leur destruction ou élimination, comment est-il possible de se mettre en accord avec la Voie ?
Réponse : - Aussi longtemps que l’on parle de se mettre en accord ou pas en accord avec la Voie on ne peut pas davantage se libérer des pensées illusoires.
8. Question : - Alors, que dois-je faire ?
Réponse : - Ne rien faire. Voilà tout !


Source : http://aucoeurduzen.blogspot.fr/2014/04 ... -tout.html

Il serait difficile d'affirmer que l'expression "tout est esprit" puisse avoir un quelconque rapport avec le Zen. Comme il serait difficile de penser que Nyuri fait l'éloge de la non-pensée, au sens du végétalisme...
Serge Zaludkowski

Ce qui m'amuse c'est le "Ne pas penser est la vraie Voie." ... cela a l'effluve d'un ancien débat s'étant déroulé, dans le temps, à Samyé ba11
Pour le fun eveil_333
Dumè Antoni

C'est effectivement une des difficultés de ce texte, car on s'imagine que ne pas penser est le plus haut degré de la réalisation. T. Jyoji, sur ce plan, n'aide pas beaucoup, car dans les commentaires qui suivent, il semble se référer au samadhi, qui ne n'est pas propres au Zen, ce qui n'est pas de nature à aider à la compréhension.

En tout cas, j'ai souhaité mettre ce texte pour montrer que le "tout est esprit" n'est pas une caractéristique du Zen, mais quand TJ parle de Samadhi, on peut penser qu'il se raccroche à Alaya comme étant la voie. Je ne le rejoins pas dans cette affirmation, je le dis tout de suite. Je prendrais même définitivement mes distances avec lui si telles étaient réellement ses conclusions, mais je ne pense pas que ça soit le cas.

J'édite : dans certaines versions de ce texte, le maître est Nietou, celui-là même qui hésita à s'asseoir sur son siège parce que Tao-sin, le 4ème Patriarche après Bodhidharma, y avait écrit l'idéogramme de Bouddha. Après cette hésitation, Tao-sin dit à Nietou : "la peur est encore en vous", ce après quoi Nietou demanda à Tao-sin de lui enseigner la voie. Si le texte ci-avant est antérieur à l'épisode avec Tao-sin, on peut penser que Nietou fait effectivement référence au Samadhi, ainsi que le suggère TJ, mais s'il est postérieur, le "non-esprit" n'est autre que le "non-mental" de Huineng, et ceci ne signifie pas l'absence de pensées.
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yves
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si la réalité subjective est l'expression d'un champ de conscience infini et permanent qui serai lui: la Réalité

tout en est issus, les pensées, les pierres ou les plantes color_3

pourrait-on dire que les pierres sont la parfaite incarnation de ce champ, les plantes un peu moins et l'esprit encore moins car il connaît l'ignorance? :?:

ou encore

l'esprit a la capacité de "connaître" ce champ car il l'est, comme toutes choses le sont. pourrait-on dire q'une pierre ou une plante sont "plus proche" de ce champ de Réalité car "non pollué"? :???:

ces questions sont réellement comme ça en moi jap_8
oui à ce qui est
tout change
tout est maintenant
être tout
amour
Serge Zaludkowski

Sur le fait que dzogchen n'adhère pas non plus à la vue de l'école de l'esprit seulement :
En lui [le dzogpa chenpo] l’essence (Ngo-Bo) de la conscience intrinsèque, la réalisation de la non-existence de l’appréhendé et de celui qui appréhende, est appelée la sagesse primordiale surgissant spontanément. Mais le dzogpa chenpo ne l’affirme pas comme conscience intrinsèque et clarté intérieure (Rang-Rig Rang-gSal) comme le fait le yogācārya, l’école de l’esprit seulement. Parce que [d’après le dzogpa chenpo], comme il n’y a pas existence d’intérieur et d’extérieur, elle [la conscience intrinsèque] n’est pas établie comme esprit intérieur. Comme il n’y a pas soi et les autres, elle n’est pas établie comme conscience intrinsèque. Comme l’appréhendé et celui qui appréhende n’ont jamais existé, l’absence des deux n’est pas établie. Comme ce n’est pas un objet d’expériences et de conscience, l’expérience n’est pas établie comme non duelle.
Comme il n’y a pas d’esprit et d’évènements mentaux, elle n’existe pas en tant qu’esprit intrinsèque. Comme elle n’existe pas comme clarté ou non-clarté, elle n’est pas établie comme clarté intérieure. Comme elle transcende la conscience et la non-conscience, il n’y a même pas les attributions de conscience. Cela s’appelle le dzogpa chenpo, libre des extrêmes. Bien qu’elle soit désignée comme sagesse primordiale apparaissant d‘elle-même, esprit illuminé, corps ultime, grande sphère ultime spontanément accomplie et clarté intérieure nue de la conscience intrinsèque, ces attributions existent simplement dans le but de la signifier. Il doit être réalisé que l’essence intrinsèque [du dzogpa chenpo] est inexprimable. Sinon, si vous prenez le sens des mots littéralement, vous ne trouverez jamais [dans le dzogpa chenpo] aucune des différences de la connaissance de la conscience intrinsèque, clarté intérieure et non dualité de celui qui appréhende et de l’appréhendé de l’école de l’esprit seulement.

- Longchen Rabjam - Ch’os-dByings Rin-Po-Ch’e’i mDzod Kyi ‘Grel-Ba Lung-Gi gTer-mDzod -
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