Je souhaitais partager avec vous une expérience que j'ai eu récemment et qui m'a bouleversé. Le hasard a fait qu'on m'a proposé la semaine dernière d'aller faire un tournage en Grèce dans la camp de réfugiés d'Edomini à la frontière macédonienne ou s'entassent prés de 14000 réfugiés dans des conditions de vie dramatiques. Le camp est prévu pour n'accueillir que 2000 personnes et vu que les balkans ont fermé la frontière alors chaque jour le flux de réfugiés augmente et ils sont logés dans des petites tentes insignifiantes contre le froid hivernale mais surtout contre la pluie et la boue. Je me souviens de ce soir ou il faisait un froid glacial et qu'il commencé à pleuvoir à torrent, les tentes sont éparpillés sur des champs de terre qui se transforment rapidement en champ de boue, l'eau pénètre à la fois par le toit de la tente et par le bas mouillant les couvertures et les réfugiés qui s'y abritent. Très vite ce champ est devenu un véritable enfer glacial, j'entendais des enfants pleurer partout et le pire c'est qu'il n'y a aucun moyen de s'abriter, ni de se réchauffer, les mamans courraient hystériques. Vous êtes là, témoin impuissant avec ce sentiment de ne rien pouvoir faire, de voir le tragique comme ça ! A la fin du tournage, je suis allé dans mon hôtel chauffé et j'ai eu honte en pensant à ces enfants. Ce sentiment d'urgence m'habite et a éveillé en moi ce regard sur mon humanité et sur mon confort et mes sécurités tellement faciles, voire banales. Bref, si compassion il y a, elle doit être active et je n'ai pas vu de bénévoles bouddhistes dans ce champ !
Le lendemain je suis allé sur l'ile de Lesbos qui souffre de sa situation géographique puisqu'elle se trouve à 25 kilomètres par la mer de la turquie et qui le point de départ par la mer des réfugiés. A trois heures du matin, j'ai suivi des équipes de bénévoles et j'ai filmé l'arrivée des migrants en bateau pneumatique, tétanisés et pétrifiés de froid et de peur. Ceux là avaient eu de la chance, ils ont réussi à rejoindre la plage. La veille 18 personnes avaient trouvé la mort parmi lesquelles 8 enfants. Chaque semaine, entre mille à deux mille personnes débarquent et sont de différentes nationalités, syrienne surtout mais aussi irakienne, pakistanaise, afghane...
Je revient au camp d'Edomini 800 km plus au nord ou j'avais rencontré deux kurdes d'irak au hasard et qui jouaient du Saz, j'ai fait un petit montage que je vous propose de regarder :
Re: Expérimenter la compassion auprès des réfugiés
Re: Expérimenter la compassion auprès des réfugiés
Publié : 12 mars 2016, 12:06
par ted
On peut faire quelque chose de notre côté :
- arrêter de croire, de soutenir, de voter, d'être complaisants, avec les personnes qui sont responsables indirectement de cette monstruosité qui n'est que les retombées de leur géo-politique.
- aider les associations humanitaires. Leur donner même 5 euros. Même si on est soi-même dans le besoin.
- ne pas se sentir impuissant maladivement. On ne peut pas, tout seul, empêcher à 14 000 personnes d'avoir froid. C'est tout simplement hors de notre capacité. Par ailleurs, de telles situations sont innombrables sur terre. Mais la proximité nous rend plus réceptifs à mon avis.
- Dukkha dans les livres et Dukkha sur le terrain, c'est pas pareil. Siddartha Gautama a rencontré Dukkha sur le terrain, tout comme toi Tirru. C'est cela qui a déclenché sa quête.
- on peut prier et envoyer des pensées positives à l'intention de ces réfugiés. Le rayonnement de Metta est quelque chose de concret, de réel. Ce n'est pas de la pensée magique.
- avoir un vrai dialogue, à la française, sur l'accueil des réfugiés. Sans naïveté. Mais sans renier non plus nos valeurs.
Merci pour ce témoignage qui ne peut qu'éveiller les consciences et qui me met mal à l'aise, moi aussi, dans mon petit confort pèpère.
Re: Expérimenter la compassion auprès des réfugiés
Publié : 12 mars 2016, 14:02
par tirru...
axiste a écrit :Hospitalité ou barbarie...
Merci pour cet article Axiste. J'ai noté ce passage :"l’effort gigantesque de la Grèce pour sauver, accueillir et convoyer les milliers de rescapés qui chaque jour accostent sur ses rivages, alors que son économie a été plongée dans une austérité dévastatrice ; la bonne volonté démontrée du Portugal pour recueillir une part des réfugiés stationnant en Grèce" Il est tout à fait étonnant qu'un pays comme la Grèce qui souffre d'une crise économique profonde puisse se montrer si généreux et surtout humain. Tout les réfugiés que j'ai rencontré n'ont cessé de louer les qualités de ce peuple qui les accueilli à bras ouvert et avec beaucoup de respect et d'humanité, je n'ai pas vu un seul réfugié les critiquer bien au contraire. J'ai posé la question au grecques que j'ai rencontré pour savoir la source de cet accueil et ils m'ont rappelé que leur peuple s'est retrouvé trois fois dans le passé dans une situation similaire et qu'il était tout à fait normal, voire un devoir pour eux d'agir de la sorte. Comme quoi crise économique ou pas un humain est un humain !
ted a écrit :On peut faire quelque chose de notre côté :
- arrêter de croire, de soutenir, de voter, d'être complaisants, avec les personnes qui sont responsables indirectement de cette monstruosité qui n'est que les retombées de leur géo-politique.
Sauf que beaucoup d'acteurs sont en jeu dans ce cas précis, d'ailleurs il n'y en a jamais eu autant à part durant les deux dernières guerres mondiales. Mais tu as raison, cela ne dédouane pas nos politiques qui pour le moment sont dans une sorte de stupeur et n'ont comme seul réponse que de donner du fric au turc pour contenir les réfugiés, mais on voit bien que les turcs exploite la situation n'ont seulement pour s'empocher 6 milliard d'euros mais pour tenter une entrée dans la communauté européenne.
ted a écrit :- aider les associations humanitaires. Leur donner même 5 euros. Même si on est soi-même dans le besoin.
Oui chacun agit à son niveau mais le don crée une distance car le bénévole c'est nous et le réfugié c'est nous aussi, le donateur n'est ni l'un ni l'autre !
ted a écrit :- ne pas se sentir impuissant maladivement. On ne peut pas, tout seul, empêcher à 14 000 personnes d'avoir froid. C'est tout simplement hors de notre capacité. Par ailleurs, de telles situations sont innombrables sur terre. Mais la proximité nous rend plus réceptifs à mon avis.
Tu as tout à fait raison pour la proximité mais je crois que si l'un de nos enfants souffre de froid il est impensable d'admettre que c'est hors de notre capacité de le réchauffer !
ted a écrit :Merci pour ce témoignage qui ne peut qu'éveiller les consciences et qui me met mal à l'aise, moi aussi, dans mon petit confort pèpère.
<<metta>>
Quelques photos du camps :
Un panoramique cliquer sur le lien pour le voir en détail :
Merci pour ce partage, Tirru. Le jour où l'on comprendra que ces gens ne fuient pas leurs pays pour toucher nos allocations mais parce qu'ils sont en guerre n'est pas près d'arriver, à ce que j'ai cru comprendre de la part de nos politiques. Hélas.
Re: Vivre la compassion auprès des réfugiés
Publié : 12 mars 2016, 20:22
par axiste
ne pas se sentir impuissant maladivement. On ne peut pas, tout seul, empêcher à 14 000 personnes d'avoir froid. C'est tout simplement hors de notre capacité. Par ailleurs, de telles situations sont innombrables sur terre. Mais la proximité nous rend plus réceptifs à mon avis.
Non, on ne peut pas tout seul.
Ces situations sont innombrables, mais cela ne relativise rien.
Il y a une pétition accessible, le lien est en fin de texte...
Merci pour vos mots et les photos partagées qui disent beaucoup.
