Un chirurgien annonce vouloir réaliser une greffe de tête, et affirme que cela permettra à la personne de marcher à nouveau.
Mais où se trouve l'esprit de la personne ? Faut-il considérer que l'esprit de la personne se trouve dans sa tête ?
Où bien le chirurgien va-t-il fabriquer une chimère ? Faut-il à l'instar de Descartes adhérer l'idée d'un certain dualisme entre le corps et l'esprit auquel cas cette greffe ne pose pas de problème
éthique, ou bien faut-il considérer qu'il n'y a pas de séparation bien nette entre le corps et l'esprit auquel cas, l'opération est d'une éthique douteuse digne de Frankenstein...
Qu'en pensez-vous ?
Greffer une tête ? Où est l'esprit ?
"Apporte-moi ton esprit et je le pacifierai" (Bodhidharma à Houeiko)Mais où se trouve l'esprit de la personne ?
Pourquoi introduire la notion d'esprit ? Il faudrait d'abord montrer ("apporter", disait Bodhidharma) cet esprit. Après, la question pourrait ne plus se poser en ces termes.Faut-il considérer que l'esprit de la personne se trouve dans sa tête ?
L'esprit, au sens bouddhique, est une chimère (anatman). En revanche, greffer un cerveau est peut-être techniquement possible (je n'en sais rien, en fait). Si le cerveau fonctionne correctement et si les liaisons avec le reste du corps (via la moelle épinière) fonctionnent également, la mémoire de l'ancien porteur va sans doute interférer avec le nouveau corps, ce qui signifie que l'opéré pourrait avoir des difficultés à reconnaître ce nouvel habitat. Mais il faudrait attendre le résultat de l'opération pour en juger. Là, on parle un peu dans le vide.Où bien le chirurgien va-t-il fabriquer une chimère
Il faut surtout réaliser sa vraie nature (au sens bouddhique). Ensuite, la question pourrait ne plus se poser en ces termes.Faut-il à l'instar de Descartes adhérer l'idée d'un certain dualisme entre le corps et l'esprit auquel cas cette greffe ne pose pas de problème
éthique, ou bien faut-il considérer qu'il n'y a pas de séparation bien nette entre le corps et l'esprit auquel cas, l'opération est d'une éthique douteuse digne de Frankenstein...
- Dharmadhatu
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FA a écrit :Un chirurgien annonce vouloir réaliser une greffe de tête, et affirme que cela permettra à la personne de marcher à nouveau.
Mais où se trouve l'esprit de la personne ? Faut-il considérer que l'esprit de la personne se trouve dans sa tête ?
Où bien le chirurgien va-t-il fabriquer une chimère ? Faut-il à l'instar de Descartes adhérer l'idée d'un certain dualisme entre le corps et l'esprit auquel cas cette greffe ne pose pas de problème
éthique, ou bien faut-il considérer qu'il n'y a pas de séparation bien nette entre le corps et l'esprit auquel cas, l'opération est d'une éthique douteuse digne de Frankenstein...
Qu'en pensez-vous ?

Selon les Tantras, et surtout Anuttarayoga, il y a des gouttes (bindu) dans les roues du corps subtil auxquelles sont associées des états d'esprit: la veille entre les sourcils, le sommeil paradoxal à la gorge etc. Et la goutte dite "indestructible" au niveau du coeur (pas le coeur physique, mais à côté) est associée à l'esprit subtil du sommeil profond et à l'esprit le plus subtil des Anuttarayoga Tantras (et du Dzogchen, qui décrit à cet endroit le canal de cristal, tsa kati). Donc a priori, seule une tête physique sera greffée, mais pas l'esprit d'une autre personne.
Malgré tout, comme le cerveau d'un être sert en quelque sorte d'abat-jour à la "lumière" de la conscience, la personne qui possède ce corps aura forcément changé après l'opération (et pas qu'avec des cicactrices ::mr yellow:: à la place d'une rivière de diamants). C'est un peu ce que dit Shalistamba ailleurs: une personne avec un cerveau de chien aura un "esprit" de chien, et une personne avec un cerveau humain aura un "esprit" humain. La lumière sera toujours la lumière, mais elle sera "filtrée" différemment selon les capacités du cerveau auquel les aspects grossiers de cette lumière seront associés.
Je me suis posé la question pour certaines méduses qui se reproduisent en se clonant, et il est fort possible que plusieurs continuums de conscience viennent s'associer aux différents corps qui se forment.
Concernant la séparation entre corps et esprit, j'ai lu récemment un enseignement tantrique où la distinction largement répandue dans le Bouddhisme exotérique entre le corps (= forme/matière) et l'esprit (non-forme/non-matière) était beaucoup plus ténue au sein des Anuttarayoga Tantras, quand il s'agit en particulier du souffle le plus subtil (qui sert inlassablement de monture à l'esprit inné de claire lumière, et qui est le substrat des Sambhogakayas). D'ailleurs, les 2 kayas (Dharma- et Rupa-) sont indissociables, au moins tant que le samsara tout entier ne sera pas définitivement vidé. Mais ça ne pose aucun problème si on parle de la séparation entre corps grossier et esprit.

apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate
Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.
Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate
Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.
Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).