L'état naturel dans le Zen

FA

Dumè Antoni a écrit :Ouais bon, je vais en rester là. Pour Fa, tu ne fais donc que montrer que le Chan a introduit Nagarjuna dans la lignée des Patriarches pour des raisons politiques et non doctrinales. Sengzhao n'est pas dans la lignée des Patriarches Zen à partir de Bodhidharma (avant peut-être, je l'ignore, mais avant, ça ne compte pas pour les raisons politiques que j'ai indiquées).
Qu'Est-ce que tu racontes ? Tu nous la joue à l'envers, en réinterprétant l'histoire du Bouddhisme à ta sauce ! Le texte dit que l'enseignement de Nagarjuna a exercé une influence déterminante dans le développement du Bouddhisme Chinois, et toi tu traduis cela par : le Bouddhisme Chinois a introduit Nagarjuna dans sa lignée pour des raisons politiques...C'est ridicule !
Le Bouddhisme Chinois n'a pas d'existence inhérente ! Il s'est élaboré par le biais de diverses influences. C'est tout.
avant peut-être, je l'ignore, mais avant, ça ne compte pas pour les raisons politiques que j'ai indiquées
Ce n'est pas à toi, de dire ce qui compte ou pas, tu n'as aucune autorité en la matière, et quand à faire vœux d'ignorance, autant faire aussi preuve de prudence dans ses interprétations, et ces jugements non ?

flower_333
Fa
Dumè Antoni

Fa a écrit :Qu'Est-ce que tu racontes ? Tu nous la joue à l'envers, en réinterprétant l'histoire du Bouddhisme à ta sauce ! Le texte dit que l'enseignement de Nagarjuna a exercé une influence déterminante dans le développement du Bouddhisme Chinois, et toi tu traduis cela par : le Bouddhisme Chinois a introduit Nagarjuna dans sa lignée pour des raisons politiques...C'est ridicule
Tu devrais apprendre à lire ou changer de lunettes. J'ai dit le Chan et non le Bouddhisme chinois a introduit Nagarjuna dans la lignée des Patriarches pour des raisons politiques car le Chan était très mal vu du Bouddhisme chinois, lequel avait pignon sur rue en Chine. Ce sont les disciples de Huineng, et plus précisément Shenhui considéré comme le 7ème Patriarche qui a imposé le Chan grâce à ses influences politiques. Si tu connaissais un tant soit peu le Chan (je veux parler de l'école subite et non graduelle de ShenXiu qui a été éliminée du Chan), tu comprendrais que la philosophie de Nagarjuna n'y a pas sa place. Cites-moi un seul traité Chan, depuis Bodhidharma jusqu'aux contemporains du Zen, en dehors des maîtres de l'école du nord (dont Shen Xiu, "éliminé" par Houineng) où les stances de Nagarjuna sont mentionnées pans la pratique de la Voie, et je pourrais reconsidérer ma position. En attendant, je crois que le ridicule est plutôt l'accusateur.
En 700, lorsque Shenxiu fut appelé à la cour par Wu Zetian, il aurait conseillé aux moines ne pouvant le suivre de rejoindre son condisciple Huineng à Shaozhou dans la province de Guangdong. Pendant son séjour dans le Sud, Shenhui aurait également rendu visite à Xingsi (行思), autre disciple de Huineng, ancêtre des lignées Soto et Hogen. De retour auprès de Huineng, il en reçut la succession. En 720, il fut nommé au monastère Longxing (龍興) de Nanyang au Henan. C’est là qu’il fit la connaissance du poète Wang Wei. Il obtint le soutien des principaux fonctionnaires du comté, Zhang Wanqing (張萬頃) et Wang Pi (王弼).

Préconisant l'enseignement exclusif de l’illumination subite, il s’était pendant son séjour méridional écarté de la branche dominante du Chan, Dongshan (東山), fondée par Daoxin et Hongren et représentée alors par Puji, successeur de Shenxiu. En 734 (ou 732), le jour de la fête des lanternes, il organisa au monastère de Dayun (大雲寺) à Huatai (滑台) dans le Henan un grand rassemblement appelé Kumbhamelâ (無遮大會), à l’occasion duquel il débattit contre un maître Dongshan. C’est là qu’il mit publiquement en cause pour la première fois la valeur et la légitimité de Dongshan, prétendant que cette école n’enseignait que la méthode graduelle, inférieure, et que sa lignée ne descendait pas directement de Bodhidharma, Hongren ayant désigné Huineng et non Shenxiu comme successeur. Il couchera sa doctrine par écrit entre 745 et 753 dans l’Essentiel de la doctrine (顯宗記), sur lequel est fondée l’image du Chan du Sud « subitiste » contre le Chan du Nord « gradualiste ». Les spécialistes de la seconde moitié du xxe siècle ont depuis remis quelque peu cette vision en cause, et considèrent que la pensée de Huineng se rattachait à celle de l’école Dongshan, qui enseignait à la fois les méthodes subite et graduelle. Shenhui serait le véritable promoteur du subitisme intégral.

La reconnaissance impériale
Pendant près de dix ans après son premier défi public, Shenhui, orateur charismatique qui avait su s’attirer des partisans cultivés et bien placés, continua ses attaques contre Dongshan, qui de son côté tenait bon. En 745, invité par le préfet et poète Song Ding (宋鼎), il s’installa au monastère de Heze (荷澤寺) à Luoyang, dont l’école qui se réclame de lui tire son nom. En 753 le ministre Lu Yi (盧奕) le fit chasser de la capitale pour trouble de l’ordre public. Il se rendit successivement au Jiangxi, au mont Wudang et dans sa région d’origine, Xiangyang. L’exil ne se prolongea pas longtemps : en 755 éclatait la rébellion d’An Lushan, et en 756 Shenhui, répondant à l’appel de l’empereur, entreprenait avec succès une campagne de vente de certificats de moine destinée à fournir des fonds militaires. En remerciement, l'empereur Suzong le rappela et fit reconstruire le monastère de Heze détruit par l’armée rebelle. Shenhui mourut peu après, et son stoupa fut érigé au monastère Baoying (寶應寺).

Vers la fin du viiie siècle, l’école du Sud avait remplacé celle du Nord, Dongshan, comme forme dominante du Chan. En 796, quelque trente ans après la mort de Shenhui, l’empereur Dezong ordonna au prince héritier de convoquer une assemblée de maîtres Chan pour désigner officiellement le septième patriarche : ce sera lui. Sa nomination est confirmée par l’Éloge au septième patriarche (七祖贊) et une stèle au monastère de Shenlong (神龍寺). Huineng devint donc du même coup le sixième patriarche officiel
Source https://fr.wikipedia.org/wiki/Shenhui

L'on voit bien ici, bien que ce texte soit du Wiki, les conditions qui ont contribué à la reconnaissance du Chan de l'école du Sud. Si ce n'est pas de la politique, c'est que je n'y connais rien en politique. Et tu ne vas pas dire que l'école du Nord était l'école subite de Huineng et que cette école subite se réclamait de Nagarjuna. Faut donc arrêter de prêcher des idéaux. Pas avec moi en tout cas. Quant aux "spécialistes de la seconde moitié du XXème siècles", laissez-moi rire... j'aimerais bien les connaître. Même si je ne jette pas complètement la pierre sur Shen Xiu, peut-être mal compris (il y a très peu de textes de lui).
Fa a écrit :quand à faire vœux d'ignorance, autant faire aussi preuve de prudence dans ses interprétations, et ces jugements non ?
Je te retourne le compliment.
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Zopa2
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Dumè Antoni a écrit :.... En m'exprimant comme je l'ai fait, je répondais à Zopa2, ou m'efforçais d'y répondre.

Et voici la danse amoureuse de la vacuité et de l'apparence :

" Par les miracles de la production dépendante
On voit miroiter la lune sur un lac ;
Si on nage dans l'eau cherchant la lune,
On ne trouve rien ; la lune disparaît.

Il est naturel pour mes sens et mon entendement
qu'un "moi" autonome, substantiel, apparaisse ;
pourtant, quand j'examine le complexe de mon corps et de mon esprit,
Semblable au lait dans l'eau, ce "moi" indépendant disparaît.

Dans la rencontre magique de la pluie, des nuages et du soleil,
Un arc-en-ciel étincelant des cinq couleurs apparaît,
Ses extrémités immobiles semblent s'enraciner en terre ;
Pourtant, quand on s'approche, il fuit et s'efface.

Pour l'esprit naturel qui ne pose pas de questions,
Il n'y a que les spectacles des choses éphémères ;
Mais dans l'examen que fait l'esprit de la réalité,
Rien n'existe excepté l'ineffable essence.

Ce n'est pas que rien n'existe : il y a des choses,
Mais rien n'est comme il le semble à l'esprit ;
Ceux qui foulent la Voie Médiane sans être
et non-être, on les appelle Madhyamikas.

La paix suprême et rafraichissante du nirvana
Ne se manifeste pas sans la méditation ;
Car la connaissance de l'ultime - tel que c'est réellement -
naît de la compréhension pénétrante de la production interdépendante.

A partir d'agrégats de facteurs dépendants,
se déploie d'elle-même l'image de l'ultime ;
et de l'espace ultime, libre de toute dualité,
naissent les mondes de la forme et de la diversité.

Quand la forme révèle le contenu du vide,
et que le vide fait place à l'apparition spontanée,
Alors on est entré dans la jouissances des sages ;
Jamais plus on ne sera la proie des points de vue extrêmes."

Choné Lama Rinpoché (né en 1816) - Chants de la vision pure - Ed. Kunchab.


Je ne fais que répondre à Dumé ou j'essaye de le faire.
N'est-ce pas là une invitation à considérer que la réalisation du Rinpoché, qui s'appuie de facon certaine sur la Vue de Nagarjuna, vaut au moins comme témoignage que Nagarjuna ne fut pas seulement un ancien philosophe ?
Dumè Antoni

J'aime bien ce passage :
Quand la forme révèle le contenu du vide,
et que le vide fait place à l'apparition spontanée,
Alors on est entré dans la jouissances des sages ;
Jamais plus on ne sera la proie des points de vue extrêmes."
Pour autant, ce poème me semble creux. Désolé, je ne sens pas de vécu dans ces lignes mais tout au contraire l'assimilation de l'enseignement du Madhyamaka récité sous une forme poétique. Ça me fait penser au poème de je ne sais plus quel mathématicien à propos du nombre Pi.

Mais bon, je ne fais là qu'exprimer mon ressenti. Il n'engage donc que moi. Je préfère de très loin ceci :

Les gens me prennent pour un dément
Mais je n'en ai cure
Si je suis déjà un démon sur terre,
Plus besoin de craindre les enfers !
Chaque jour, les moines
commentent à l'infini le dharma
et chantent inlassablement
les précieux sutra.
Ils feraient mieux d'apprendre
comment déchiffrer
les lettres d'amour envoyées
par la pluie, la neige, la lune et le vent.

(Ikkiû)
FA

Magnifique ce poème, on y perçoit très nettement l'union harmonieuse des 2 vérités,
Enseignées par Nagarguna, en ce qui me concerne, je n'ai pas le moindre doute
Quand au fait que Nagarguna fut un maître éveillé, qui maitrisait l'usage
des moyens habiles.
Faut-il le rappeler, les enseignements du Bouddhisme sont des Upayas,
à visées libératrices, non des thèses métaphysiques en quête d'une formulation de La vérité.
Il est naturel pour mes sens et mon entendement
qu'un "moi" autonome, substantiel, apparaisse ;
pourtant, quand j'examine le complexe de mon corps et de mon esprit,
Semblable au lait dans l'eau, ce "moi" indépendant disparaît.
FA

"quel est le son d'une seule main ?" est une question claire avec des mots, une phrase, un point d'interrogation, mais sa compréhension relève bien sûr de quelque chose qui se situe au-delà des mots ou du langage.

Je me reprendrai bien une tranche de son. :cool:

Ce Koan, me rappelle le Chat coupé en deux de Joshu.
Maître Nansen remarqua des moines de deux pavillons se quereller à propos d'un chat. Prenant le chat il leur dit :
•Une seule parole juste et le chat sera sauvé !
Devant le silence des moines... il trancha le chat en deux !
Joshu, qui avait été absent, revint le soir. Nansen lui demanda alors ce qu'il aurait fait.
Sans dire un mot, Joshu ôta une de ses sandales et la posa sur sa tête.
Nansen lui dit alors :
•Si tu avais été là... le chat serait encore en vie !
Les 2 moines font pourtant preuve d'un certain accomplissement en gardant le silence.
visiblement ce ne sont pas des néophytes...Joshu n'est pas satisfait de leur non-réponse
pour autant. Une pensé pour ce pauvre chat.

Le chat de Joshu, Le chat de Shrödinger...décidemment, il faut trancher !
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Zopa2
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Dommage Dumé que ce poème te semble creux. Ne confonds pas la simplicité du langage avec la superficialité du propos.

Voici ce qu'en dit le Dalaï Lama :

"Il fait partie d'une longue tradition de ce que l'on appelle "nyamgur" ou "chants de l'expérience" : ces poèmes, composés par des maîtres réalisés, expriment clairement leurs expériences spirituelles profondes(...)
Les chants présentés dans ce livre font partie des plus beaux et des plus émouvants jamais écrits en tibétain. Pour un tibétain, ce ne sont pas seulement des poèmes qui lui parlent, mais, plus important,ils ont le pouvoir d'éveiller une profonde inspiration spirituelle dans le coeur du pratiquant fervent. Beaucoup de ces œuvres ont été composées spontanément à la suite d'une expérience spirituelle profonde, elles transmettent donc un sentiment palpable de fraîcheur et d'immédiateté. Je prie pour que, même traduits, ces poèmes continuent d'être la source de réconfort et d'inspiration qu'ils ont toujours été au Tibet."

Voilà, ça donne à réfléchir.


Ceci dit, j'aime bien ton poème aussi.
Dumè Antoni

Très honnêtement, Zopa, je ne conteste pas l'intérêt d'un tel poème dans le cadre de la compréhension du Madhyamaka. C'est justement là que le bât blesse, pour moi. On "sent" l'analyse conceptuelle, comme on "sent" la méthode dans la gatha de SenXiu (le rival "malheureux" de Huineng) :

"Ce corps est l’arbre de la bodhi
Le mental est comme un miroir brillant ;
Prends soin de le garder toujours net
Et ne laisse pas la poussière s’y amasser
"

Peut-être ne suis-je pas habitué à la façon dont les maîtres tibétains expriment leur réalisation, mais là, j'ai carrément l'impression de lire un enseignement et non une réalisation. Mais, encore une fois, je ne fais là qu'exprimer mon ressenti.

Par ailleurs, Je vais sans doute paraître ridicule à certains ou même irrespectueux (à tort, mais on ne peut pas empêcher les gens de penser ce qu'ils veulent, comme je le fais moi-même), mais je pense que le Dalaï Lama est obligé de "ménager la chèvre et la choux". Ce n'est pas la première fois qu'il loue certains maîtres qui, en réalité, sont très discutables (ou discutés), à la fois au plan du comportement mais aussi de la réalisation. Par exemple, il a préfacé le livre de Sogyal Rinpoche "Le livre tibétain de la vie et de la mort". Dans le Dzogchen, SR est très critiqué, pour ne pas dire décrié, sans compter son comportement "louche" pour le moins qui a fait un temps l'actualité. Je veux dire que quand on est à la tête du Bouddhisme Tibétain, toutes écoles confondues, on est plus ou moins forcé de maintenir ou renforcer l'union entre toutes les écoles et les maîtres qui les représentent. C'est un peu le même principe qui a sans doute dicté les disciples de Huineng, une fois le Chan devenu une "religion d'Etat", de reconnaître Nagarjuna et le placer au rang des Patriarches. Donc, pour moi, très clairement les propos du Dalaï Lama ne sont pas une caution, même si j'ai conscience qu'il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain.
Robi

Pour moi dans le genre (poésie relevant de la culture bouddhiste) le plus touchant est le haïku japonais. Il nous projette toujours (quand il est bon) dans l'expérience indicible, éphémère et à la fois merveilleuse de l'instant du voir, de la contemplation, de la beauté des choses et des évènements les plus ordinaires ou prosaïques.
Est-ce que ce sont des éveillés qui les ont composés, en tout cas des émerveillés...

Devant l'éclair -
Sublime est celui
Qui ne sait rien !

Bashô (1644–1695)
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jules
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" Par les miracles de la production dépendante
On voit miroiter la lune sur un lac ;
Si on nage dans l'eau cherchant la lune,
On ne trouve rien ; la lune disparaît.

Il est naturel pour mes sens et mon entendement
qu'un "moi" autonome, substantiel, apparaisse ;
pourtant, quand j'examine le complexe de mon corps et de mon esprit,
Semblable au lait dans l'eau, ce "moi" indépendant disparaît.

(...)
Cela fait penser je trouve au fait qu'être constitue une expérience spontanée qui, lorsqu'elle est interrogée, s'évanouit sous l'effet des explications qui cherchent à la définir.
Verrouillé