L'état naturel dans le Zen

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jules
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Dumè : (...) Kashyapa. Avant la Vue, la fleur était distincte de Kashyapa, en ce sens qu'il existait une forme de "distance" entre lui et la fleur. Avec la Vue, la dualité sujet/objet disparaît et il "devient" la fleur. Il n'est donc pas "vide de la fleur" en réalisant la vacuité de son esprit ; il est au contraire "plein de la fleur", si j'ose dire.(...)
Oui si tu oses dire Dumè et en supposant que tous tes termes entre guillemets aient le même sens pour toi que pour celui qui te lit, chose au sujet de laquelle tu fais bien de douter, puisque précisément tu uses de guillemets.
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jules
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Pour moi, l'enseignement de la fleur, c'est juste...l'enseignement de la fleur, qu'il s'agit de relater de manière intacte sans ajout d'interprétation. Cet enseignement transmet ce qu'il a à transmettre directement par le simple fait de le relater. L'interpréter c'est perdre l'enseignement du troisième tour de roue.
Robi

jules a écrit :Pour moi, l'enseignement de la fleur, c'est juste...l'enseignement de la fleur, qu'il s'agit de relater de manière intacte sans ajout d'interprétation. Cet enseignement transmet ce qu'il a à transmettre directement par le simple fait de le relater. L'interpréter c'est perdre l'enseignement du troisième tour de roue.
Ce qui est à remarquer c'est que le Bouddha a transmis cet enseignement sans parole à un de ses disciples particulièrement (Mahakyashapa) qu'il considérait comme avoir compris son enseignement.
Cela veut donc dire qu'il ne suffit pas de lire cet épisode de transmission pour s'estimer comprendre ce qu'il veut dire.
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jules
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Robi : Cela ne veut donc pas dire qu'il suffit de lire cet épisode de transmission pour s'estimer comprendre ce qu'il veut dire.
C'est vrai, mais il ne s'agit pas non plus de lui faire dire ce qu'il ne dit pas...C'est un enseignement silencieux.

C'est une préfiguration de la description du chán que l’on prêtera à Bodhidharma : « Pas d’écrit, un enseignement différent [de tous les autres], qui touche directement l’esprit pour révéler la vraie nature de bouddha (不立文字、教外別傳, 直指人心,見性成佛). »1 Wiki
Robi

jules a écrit :
Robi : Cela ne veut donc pas dire qu'il suffit de lire cet épisode de transmission pour s'estimer comprendre ce qu'il veut dire.
C'est vrai, mais il ne s'agit pas non plus de lui faire dire ce qu'il ne dit pas...C'est un enseignement silencieux.
Cela c'est un risque à prendre, c'est pourquoi il y a des débats.
jules a écrit :C'est une préfiguration de la description du chán que l’on prêtera à Bodhidharma : « Pas d’écrit, un enseignement différent [de tous les autres], qui touche directement l’esprit pour révéler la vraie nature de bouddha (不立文字、教外別傳, 直指人心,見性成佛). »1 Wiki
Si selon toi il n'y que ce moyen pour comprendre, j'espère pour toi que tu es dans le cadre stricte de la transmission de maître à disciple, où le maître confirme (en dehors des écritures, par son enseignement différent) ce qu'il te faut pour comprendre ou si tu as compris.
En dehors de cela il n'y a que la discussion ou les écrits pour essayer de comprendre.
Dumè Antoni

Jules a écrit :Pour moi, l'enseignement de la fleur, c'est juste...l'enseignement de la fleur, qu'il s'agit de relater de manière intacte sans ajout d'interprétation. Cet enseignement transmet ce qu'il a à transmettre directement par le simple fait de le relater. L'interpréter c'est perdre l'enseignement du troisième tour de roue.
C'est censé expliquer quoi ? Que "l'enseignement de la fleur" se suffit à lui-même ? Mais bien sûr, à condition d'avoir fait l'expérience de la Vacuité/Clarté, sinon ce n'est pas un enseignement mais lettre morte. Excuse-moi, Jules, mais ce genre de sentence péremptoire censée mettre un terme à toute discussion sur le sujet n'est pas pertinente, car tu peux faire n'importe quelle interprétation que tu veux de cet enseignement, y compris une fausse, sans pour autant montrer que tu l'as compris. Et quand on ne montre pas qu'on l'a compris, pour moi, c'est qu'on ne l'a pas compris du tout, tout en faisant semblant de le comprendre en s'appuyant, comme l'on s'appuierait sur une béquille pour s'empêcher de tomber, sur le fait que cet enseignement est au-delà du langage. Et de plus, tu te trompes ; cet enseignement n'est pas au-delà du langage, et j'en veux pour preuve les kôans secondaires, leur introduction en tant que "moyens habiles" cette fois dans l'enseignement du Zen, pour prouver au maître que l'on a compris. Au final, on aura toujours recours aux mots et donc au langage, car une gatha comme celle de Huineng par exemple, pour ne citer que ce détail, est une succession de mots, et non des idéogrammes dépourvus de sens.

Par ailleurs, je ne me contente pas d'interpréter ce passage de la fleur (au risque de perdre l'enseignement du 3ème tour de roue qui ne peut se perdre, parce qu'il ne peut se comprendre que s'il est réalisé, et que si tel est le cas, il n'y a aucun risque de régression dans l'interprétation). Je l'explique en fonction de la Vue dans le sens du Zen (je n'ai pas la prétention de me placer du point de vue du Dzogchen ou de tout autre école d'enseignement abrupte). Ce qui signifie en clair que cette explication est limpide pour qui sait ce qu'est la Vue au sens du Zen, mais qu'elle ne l'est pas du tout, ou qu'elle peut être mal interprétée pour qui ne sait pas ce qu'est la Vue, au sens du Zen. Et pour enfoncer le clou je dirai que cet enseignement de la fleur n'a probablement jamais eu lieu, mais qu'il est l'équivalent de ce qu'est le kôan du cyprès, que Joshu a sans doute reproduit à dessein dans un contexte factuel. Il n'y a donc pas plus d'enseignement de la fleur que d'enseignement du cyprès. Il n'existe qu'un seul enseignement, c'est le Dharma, et tous les moyens sont bons, y compris le langage, quand c'est utile à quelqu'un.
FA

Dumè Antoni a écrit :
Fa a écrit :Veux-tu dire que rien n'indique que Nagarguna était un maitre "éveillé" ?
Effectivement, rien ne l'indique clairement.... Par ailleurs, sa position dans la lignée des Patriarches du Zen a été placée tardivement, ...... Et à titre personnel, je partage ce point de vue.
.
Je trouve que ton propos minimise à l'excès l'importance que l'enseignement de Nagarjuna a eut dans le développement du Chan en Chine. L'enseignement de Nagarjuna a une filiation directe avec le Chan du
maître Sengzhao (347/378 - 414 ) et l'école Sanlun. Mort à moins de 40 ans, Sengzhao (Seng-tchao) n'en a pas moins exercé une influence déterminante sur la genèse philosophique du Bouddhisme Chinois.
Né à Chanan ( aujourd'hui Xian),alors capitale impériale; il étudie d'abord le Taoïsme, puis recopiant l'Enseignement de Vimalakirti, texte essentiel du Mahayana, il a une révélation qui fait de lui un moine Bouddhiste. En 406, il se rend auprés du grand traducteur Kumarajiva (344-413), dont il devient le disciple. Héritier de la lignée de Nagarjuna, Kumarajiva enseigne la Madhyamaka, dont il traduit les trois plus importants traités. Sur ce modèle, Sengzhao compose le Discours de Zhao, formé de 3 essais : L'immuabilité des phénomènes, la vacuité de l'iréel, et la Sagesse par delà la connaissance.Il y privilégie l'expérience directe et la connaissance intuitive contre le raisonnement et la verbalisation. Pour lui, le paradoxe serait le meilleur moyen d'exprimer l'inexprimable. Une telle attitude annonce celle des maitres du chan.
Sengzhao, qui réussit à harmoniser les deux voies taoistes et bouddhiques est le principal théoricien de l'école chinoise Sanlun (des Trois traité) qui expose la vacuité de tous les phénomènes et leur interdépendance, différencie comme Nagarjuna, vérité relative et vérité absolue, et distingue trois phases dans l'enseignement du Bouddha, lesquelles justifient la diversité des interprétations et des écoles.
Transmis au Japon et en Corée, le Salun y devient le Sanron, une des 6 écoles de Nara au VIII ième siècle Jacques Brosse

Mettre en doute l'éveil de Nagarjuna, c'est un peu comme avoir la conviction que quelqu'un capable de vous apprendre à pêcher n'a jamais vu le moindre poisson.... delphinus
Dernière modification par FA le 09 octobre 2015, 14:32, modifié 4 fois.
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jules
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Comme tu veux Dumè...Interprète autant que tu veux, mais tes interprétations ne vaudront jamais le sourire de Kashyapa qu'il serait juste à son tour de ne pas d'avantage interpréter d'ailleurs.

"Devenir la fleur", "être plein de la fleur" comme tu dis, j'admets quand même que c'est poétique, mais pour moi c'est encore se mirer dans le miroir.
Dumè Antoni

Jules a écrit :C'est une préfiguration de la description du chán que l’on prêtera à Bodhidharma : « Pas d’écrit, un enseignement différent [de tous les autres], qui touche directement l’esprit pour révéler la vraie nature de bouddha (不立文字、教外別傳, 直指人心,見性成佛). »1 Wiki
L'interprétation "pas d'écrit" n'est pas juste. L'interprétation correcte est "au-delà du langage". De fait, "les deux accès à la réalité ultime" est un enseignement attribué à Bodhidharma. Que je sache, Bodhidharma l'a enseigné avec des mots ; il n'a pas enseigné qu'en se tenant 9 ans assis face à un mur. Au-delà des mots ne veut pas dire sans les mots. C'est ce qui se comprend par delà les mots. Par exemple "quel est le son d'une seule main ?" est une question claire avec des mots, une phrase, un point d'interrogation, mais sa compréhension relève bien sûr de quelque chose qui se situe au-delà des mots ou du langage. Car si l'on se place du seul point de vue du langage, cet enseignement ne dépasse pas le stade de l'aporie. En d'autres termes, la question n'a aucun sens et donne du reste à des interprétations très fantaisistes.
Dumè Antoni

Ouais bon, je vais en rester là. Pour Fa, tu ne fais donc que montrer que le Chan a introduit Nagarjuna dans la lignée des Patriarches pour des raisons politiques et non doctrinales. Sengzhao n'est pas dans la lignée des Patriarches Zen à partir de Bodhidharma (avant peut-être, je l'ignore, mais avant, ça ne compte pas pour les raisons politiques que j'ai indiquées). Pour Jules, je n'ai pas la prétention, sur ce forum, de rendre l'équivalent du sourire de Kashyapa pour la simple et bonne raison qu'un simple smiley n'y suffirait pas, et parce que je ne crois pas que cela aurait fait sens dans l'esprit de quiconque. En m'exprimant comme je l'ai fait, je répondais à Zopa2, ou m'efforçais d'y répondre. Je n'entendais nullement m'engager dans un débat dont je sais d'avance qu'il se finira encore en eau de boudin et non de Bouddha. Donc, pour moi, l'affaire de la fleur de Kashyapa est entendue et ne mérite aucun débat. Sur ce point, je suis d'accord. Mais aucun débat ne signifie pas dans mon esprit aucune explication.
Verrouillé