Zopa2 a écrit :Pourquoi dis-tu et répètes-tu que la vue de Nagarjuna n'est pas la Vue ? qu'est ce que la vue de Nagarjuna n'a pas de juste ou de correct selon toi ? Cette vue est-elle erronée ? est-elle incomplète ? Et svp parlons avec des mots simples ou bien alors prenons la peine de donner les définitions des termes principaux s'ils sont techniques. Ça fera gagner du temps à tout le monde, lecteurs et intervenants, et puis ça évitera souvent des échanges un peu stériles sur le fond.
La Vue, et plus précisément la Vue de la Vacuité du Dharmakaya, est une véritable expérience qui est tout à fait affirmative. Quand, par exemple, Joshu dit que la nature de Bouddha est le cyprès dans la cour, il ne dit pas, "on ne peut pas dire que la nature de Bouddha soit ceci ou cela, et on ne peut pas dire non plus que ce n'est pas ceci ou cela"... Le cyprès, c'est quelque chose de visible, comme la fleur de Kashyapa. En fait, quand on analyse le tétralemme, on ne sait pas clairement si Nagarjuna voit quelque chose de précis, de net. On comprend bien qu'une chose est vide de nature propre, mais on n'en sait pas plus de cette chose. On ne peut pas dire que c'est une chose, et en même temps, on ne peut pas dire le contraire. Si quelqu'un est capable de réaliser la vraie nature de cette chose à partir de cette présentation, il est vraiment très fort. En réalité, on ne peut pas dire plus que ce qu'en dit Nagarjuna car il a, en quelque sorte, fait le tour de la question. Mais ce n'est pas suffisant. Cette insuffisance est très difficile à comprendre pour celles et ceux qui n'ont, précisément, pas fait l'expérience de la vraie nature ce cette chose. Par exemple, la fleur de Kashyapa pourrait être considérée, du point de vue de Nagarjuna ou du Madhyamaka en général, comme étant vide de nature propre. Ce n'est évidemment pas faux, fondamentalement, mais ce n'est pas ce qu'a vu Kashyapa. Kashyapa a vu le Samboghakaya en voyant la fleur. Ce qui veut dire qu'il a réalisé que cette fleur, c'était lui. Mais que veut dire "cette fleur, c'était lui" ? Ça veut dire que ce qui le séparait de cette fleur, en tant qu'objet, en tant que dharma ou phénomène, c'était l'esprit discursif, l'esprit duel, l'esprit qui nous fait dire "je suis moi et non un autre". Cet esprit discursif s'est effondré dans la réalisation du Dharmakaya, et il a vu la fleur non pas comme vide de nature propre, au sens du Mahyamaka, mais il l'a vue telle qu'elle était après que cet esprit discursif se soit effondré. C'est à dire qu'il a fait l'expérience de la vacuité de cet esprit discursif en sorte que cette fleur n'était pas (ou plus) séparée de lui-même, mais qu'elle était lui-même. Et s'il en était ainsi, c'était parce qu'il réalisait la vacuité de son esprit, non pas au sens de vide d'existence inhérente, mais parce qu'il avait tout simplement disparu. Pour représenter cela, on se sert souvent d'un cercle avec un point au centre : le point représentant le moi, l'ego, l'atman, et la circonférence, le reste de l'univers, c'est à dire tout ce qui est différent de moi. Sans la Vue, au sens de la Vacuité du Dharmakaya, la fleur est sur la circonférence, comme mes chaussures, ma maison, la lune, la planète mars... Avec la Vue, le point central disparaît et tout est sur la circonférence : la fleur, moi, la planète mars, tous les dharmas... Il faut donc bien comprendre que la Vacuité n'implique pas la disparition de tout mais seulement du point central, c'est à dire du moi, de l'atman, de l'esprit, et bien évidement de la distance entre ce point et la circonférence. Et les objets sur la circonférence ne sont pas vides d'existence propre au sens du Madhyamaka, mais ils sont vides de leur différence qui les place en tant qu'objets, en tant que phénomènes (dharmas) objectivables. En d'autre terme, la réalisation n'est pas autre chose que la disparition de la dualité sujet/objet. Pour autant, les objets ne perdent pas leurs caractéristiques propres. La fleur reste une fleur, elle n'a pas changé de statut ; elle n'a pas changé de forme. Mais sa vacuité n'est pas liée uniquement à son absence d'existence inhérente ; elle est liée à son absence de dharma "différent". Elle est donc une fleur, et en même temps elle n'est pas une fleur distincte de moi. Et donc si l'on me demandait "quelle est la nature de Bouddha ?" je pourrais dire "la fleur". Mais qui peut voir cette fleur "telle qu'elle est" (c'est à dire en tant que Samboghakaya), sinon un esprit aussi éveillé que l'était Kashyapa ? C'est le sens de l'enseignement d'esprit à esprit. Kashyapa a vu le Samboghakaya et cela est très différent de dire que la fleur est vide d'existence inhérente.
Toi qui sait être si exigeant avec les autres, on attends aussi de toi la précision de l'orfèvre.
J'espère avoir été clair, mais je suis pas sûr que ce soit le cas... Chaque lecteur pourra se faire sa propre opinion.
lors que le Dalaï Lama dit et répète que la vue du Nagrajuna est parfaite pour réaliser la perfection de la sagesse, et qu'elle est en totale conformité avec les paroles du Bouddha, je ne vois pas en quoi on peut le réfuter, et ainsi critiquer le moyen de réaliser la perfection de sagesse résultante.
Mais très certainement ! Nagarjuna ne dit pas de contrevérité et sa manière d'exprimer les choses est certainement la meilleure qui soit au plan discursif, mais ce n'est pas suffisant. J'espère avoir montré en quoi ça ne l'était pas.