J'ai déjà remarqué, cher Robi, que dire "le Bouddhisme dit ceci ou dit cela" est manquer totalement de nuance car il y a des points de vue différents au sein du Bouddhisme, mais voici une preuve que tu te trompes sur toute la ligne:Robi a écrit :J'ai dit que tu dis : ultimement il n'y a rien. Et le bouddhisme ne dit pas cela.
Ratnavali de Nagarjuna (dois-je rappeler que le Madhyamaka est un courant appartenant au Bouddhisme ?):
31. De même qu'en dépendance d'un miroir
Se manifeste le reflet de notre visage,
Mais celui-ci, en réalité,
N'a pas la moindre existence,
32. De même, en dépendance des agrégats
Est observée l'appréhension je,
Mais, tel le reflet de notre visage,
En réalité le [je] n'existe en rien.
50. Ayant ainsi perçu la production d'effets à partir de causes,
On admet ce qui apparaît selon la convention
De ce monde, tel que cela est,
Et l'on refuse l'inexistence.
Or, "en réalité" signifie selon la vérité ultime, sur le plan ultime, car aucune école bouddhiste n'accepte plus de 2 vérités: relative/conventionnelle et ultime.
Et Jules a dit qu'il acceptait les choses conventionnellement.
Ensuite, voilà qui montre que Robi n'a pas compris ce que signifie le nihilisme au sens bouddhiste:
Ratnavali:
43. En résumé, qu'il n'y a pas d'effets aux actions
Est la vue d'inexistence.
Sans mérite et menant aux mauvaises destinées,
Elle est dite vue erronée.
Jules n'a jamais dit qu'il n'y a pas d'effets aux actions ou qu'il n'y a rien. Il a dit qu'ultimement/en réalité, il n'y a rien, pas même d'ultime. Si Jules avait accepté qu'ultimement, il y a quelque chose, ou qu'ultimement il y a l'ultime/la vacuité, Nagarjuna, dit (Traité du milieu, XXIV):
16. Si vous considérez que les choses
Existent en raison de leur nature propre,
Alors vous envisagez toutes les choses
Comme privées de causes et conditions.
Puis, Ratnavali:
51. Réfutant [une causalité ultime]
On n'acceptera pas comme vrai
Ce qui n'apparaît pas selon la convention;
Par suite, sans prendre appui sur la dualité, on se libère.
Or exister en raison d'une nature propre, c'est exister selon une nature ultime, c'est exister ultimement/en soi/de manière absolue/inhérente/intrinsèque. Ce que n'a pas affirmé Jules.
Pour aider à comprendre la philosophie bouddhiste de la voie médiane, voici ce que dit Djé Tsongkhapa, un autre grand Maître bouddhiste (Gongpa Rabsel):
Si cette [distinction entre les deux sens du terme ‘ultime’] est bien certifiée, on comprendra les significations expliquant pourquoi il n’y a pas de contradiction dans le fait de [maintenir] que rien n’existe au moyen de sa propre nature et que rien n’existe selon la perspective ultime, tout en soutenant qu’une ‘nature ultime’ existe et qu’elle est le ‘mode d’être [des choses]’ ainsi que l’objet ultime.
Puis:
Par conséquent, il est impossible que le sens ultime, la nature des choses, leur ainsité et le mode d’être [de tous les phénomènes] n’existent pas. Même s’ils existent, ils ne le peuvent pas en tant qu’absolus ou en tant que [leur propre] mode d’être réel. Suggérer autre chose est montrer un manque total de familiarité avec les modes d’analyse critique selon le point de vue ultime.
Puis ce que dit Thupten Jinpa, grand érudit et traducteur bouddhiste (Self, Reality and Reason, p. 49):
Il est intéressant de noter ici qu’autant d’importance philosophique dépend de ce qui semble être une singulière forme linguistique ou grammaticale. Tsongkhapa sous-entend que tout emploi particulier du terme ‘ultime’ (paramārtha) dans ce cas grammatical spécifique implique des exigences ontologiques. Le cas grammatical en question est ce qui est connu en tibétain comme étant de nyid, un cas unique d’emploi prépositionnel qui est fait presque exclusivement en référence à la notion d’identité. Cet usage pourrait sans doute être le mieux comparé au cas adverbial anglais. Des phrases comme don dam par grup (ultimement existant), yang dag par grub (existant au moyen d’une nature parfaitement définissable), bden par yod (vraiment existant), gshis lugs su grub (établi au moyen de son propre mode d’être), rang dbang du grub (indépendamment existant), rdzas su yod (substantiellement existant), et tshugs thub tu yod (existant au moyen d’une essence autonome) sont des exemples de cet emploi. De plus, la façon qu’a Tsongkhapa de définir le sens d’‘ultime’ (paramārtha) dans le contexte de la dialectique mādhyamika, en se basant sur la distinction des deux sens spécifiques du terme, semble avoir contribué à une plus grande clarté dans le raisonnement du Madhyamaka. Elle nous permet d’avoir une plus claire appréciation de ce qui est nié exactement dans l’assertion mādhyamika suivant laquelle les choses et les événements n’existent pas du point de vue ‘ultime’.
What else ?