Qui s'éveille ?

FA

Si tu dis que le nirvana n'est pas dépendant de causes et conditions, ça veut dire qu'il existe par lui-même. Donc tu te contredis en disant maintenant qu'il n'existe pas par lui-même. Dire le nirvana n'est pas dépendant de causes et conditions et il n'existe pas par lui même est une contradiction.
Bonjour,

Le nirvana-en-tant-que-Bodhicitta dépend de causes et conditions, car il se manifeste en dépendance de celui qui y aspire, c'est la juste rétribution de l'effort que nous accomplissons vers l'éveil.
Le nirvana dépend du désir qui nous anime de nous éveiller, c'est la juste reconnaissance de notre désir de mettre fin à la souffrance.
Le nirvana-en-tant-que-concept dépend du samsara-en-tant-que-concept, c'est la reconnaissance du Dharma en tant que moyen habile de libération.
Mais au final le nirvana-en-tant-que-réalisation ne dépend ni des causes ni des conditions, car c'est la reconnaissance que la réalisation de cette potentialité, reflète les qualités intrinsèquement lumineuses de l'esprit qui sont toujours présentes en nous.
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jules
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Dumè Antoni a écrit :
jules : Le Bouddha dit lui-même que lorsqu'il s'est éveillé tous les êtres se sont éveillés avec lui.
Je ne crois pas que le Bouddha ait dit une chose pareille.
Effectivement, ce n'est pas lui qui le dit, c'est Deshimaru dans son livre "La lumière du Satori". Au temps pour moi.
Robi

FA a écrit :Mais au final le nirvana-en-tant-que-réalisation ne dépend ni des causes ni des conditions, car c'est la reconnaissance que la réalisation de cette potentialité, reflète les qualités intrinsèquement lumineuses de l'esprit qui sont toujours présentes en nous.
Bonjour,
il me semble qu'ici tu réfutes la vacuité du nirvana. Ce n'est pas la position Madhyamaka où le nirvana (et le samsara) a pour essence la vacuité, c'est-à-dire qu'il existe dépendamment de causes et conditions.
Enfin dans les termes mêmes que tu emploies, je ne vois pas comment une réalisation (le nirvana-en-tant-que-réalisation, dis-tu) pourrait exister sans celui qui réalise.
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jules
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Ou comment ne lire que ce qui nous arrange... :lol:
Robi

jules a écrit :Ou comment ne lire que ce qui nous arrange... :lol:
Ben j'ai tout lu, mais il se trouve que ce dernier passage ne "m'arrange" pas... :)
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jules
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Sacré Robi loveeeee
FA

il me semble qu'ici tu réfutes la vacuité du nirvana. Ce n'est pas la position Madhyamaka où le nirvana (et le samsara) a pour essence la vacuité, c'est-à-dire qu'il existe dépendamment de causes et conditions.
En fait le mot Nirvana signifie : Extinction des causes du mal-être
(Nirva, "être éteint" : racine va "souffler" ) Résultat de la cessation des causes de la souffrance et de toutes les imprégnations karmiques qui caractérisent
le cycle des naissances et des morts (samsara). Contrairement à l'idée répandue, ce n'est pas un anéantissement ou l'abolition de la personnalité dans une paix douceureuse, une indifférence totale envers le monde, mais la cessation de la confusion et l'au-delà de tous les conditionnements douloureux.De ce fait, le nirvana n'est pas simplement l'extinction du mal-être mais un état de paix suprême. Cette quiétude est le but des pratiques du Hinayana. Dans le Mahayana, le nirvana est considéré comme l'accomplissement de la nature de Bouddha, l'essence de la compassion et de la sagesse.

Du point de vue du Hinayana si le Nirvana est l'extinction d'un ensemble de conditions (celles qui créent la souffrance) c'est donc que le Nirvana est conditionné à cette cessation et donc vide d'existence inhérente.
Dans le Mahayana si le Nirvana est l'accomplissement de la nature de Bouddha, il est aussi conditionné à cet accomplissement, donc vide d'existence inhérente
de ce point de vue.

Mais par ailleurs :
« Il y a un sans-naissance, sans-devenir, sans-création, sans-condition. S'il n'y avait pas ce sans-naissance, sans-devenir, sans-création, sans-condition, on ne pourrait échapper au né, devenu, créé, conditionné. Mais puisqu'il y a un sans-naissance, sans-devenir, sans-création, sans-condition, on peut échapper au né, devenu, créé, conditionné. » Udana, VIII, 3.
:shock: C'est là ce qui peut sembler paradoxal : Il y a un sans-condition, car sinon on ne pourrait échapper au conditionné.

jap_8
Dumè Antoni

Fa a écrit :si le Nirvana est l'extinction d'un ensemble de conditions (celles qui créent la souffrance) c'est donc que le Nirvana est conditionné à cette cessation et donc vide d'existence inhérente.
Non, pas du tout. La disparition des causes (ou conditions) de la souffrance – des douze liens interdépendants, en clair – n'est pas à l'origine (et donc la cause) du nirvana, en sorte que ce dernier serait conditionné à la disparition des douze liens interdépendants, mais c'est très précisément et exactement le contraire : c'est le Nirvana qui provoque (et qui est donc à l'origine) de la disparition de la souffrance. Sans Nirvana, il n'y a pas de fin à la souffrance et non pas, le Nirvana est conditionné à la cessation de la souffrance (ou des causes de la souffrance). C'est pourquoi on ne s'attaque pas directement aux causes de la souffrance en remontant à l'origine (la fameuse parabole de la blessure par flèche, dont le Bouddha à montré que la recherche était vaine) mais en réalisant directement le Nirvana, qui est la seule voie possible. En d'autres termes, en réalisant le Nirvana, les douze liens interdépendants s'effondrent ou se défont d'un seul coup.

Vous me faites par ailleurs sincèrement bien marrer avec cette histoire de Nirvana vide d'existence inhérente. Heureusement que la bêtise doit l'être tout autant, car alors il y aurait vraiment du souci à se faire...
« Il y a un sans-naissance, sans-devenir, sans-création, sans-condition. S'il n'y avait pas ce sans-naissance, sans-devenir, sans-création, sans-condition, on ne pourrait échapper au né, devenu, créé, conditionné. Mais puisqu'il y a un sans-naissance, sans-devenir, sans-création, sans-condition, on peut échapper au né, devenu, créé, conditionné. » Udana, VIII, 3
:shock: C'est là ce qui peut sembler paradoxal : Il y a un sans-condition, car sinon on ne pourrait échapper au conditionné.
Mais non, il n'y a rien de paradoxal. Le Bouddhisme est clair comme de l'eau de roche et sans ambiguïté. Sans le Nirvana, il n'y a pas d'issue possible ; pas de sortie du Samsara. Point final. C'est le Nirvana qui est la fin de la souffrance, et non l'inverse. Car alors, il suffirait de se shooter à l'héroïne jusqu'à ce que mort s'ensuive pour ne plus souffrir et atteindre ainsi le Nirvana. C'est vraiment un truc new age, ça... :roll:

Les bras m'en tombent, je dis... :neutral:
Robi

FA a écrit :Dans le Mahayana si le Nirvana est l'accomplissement de la nature de Bouddha, il est aussi conditionné à cet accomplissement, donc vide d'existence inhérente
Si tu dis qu'il est conditionné à cet accomplissement (la réalisation de la nature de Bouddha), c'est qu'il n'est pas indépendant de causes et conditions (comme tu le dis plus haut à propos du nirvana réalisé ou accompli)
Dumè Antoni a écrit :Non, pas du tout. La disparition des causes (ou conditions) de la souffrance – des douze liens interdépendants, en clair – n'est pas à l'origine (et donc la cause) du nirvana, en sorte que ce dernier serait conditionné à la disparition des douze liens interdépendants, mais c'est très précisément et exactement le contraire : c'est le Nirvana qui provoque (et qui est donc à l'origine) de la disparition de la souffrance. Sans Nirvana, il n'y a pas de fin à la souffrance et non pas, le Nirvana est conditionné à la cessation de la souffrance (ou des causes de la souffrance). C'est pourquoi on ne s'attaque pas directement aux causes de la souffrance en remontant à l'origine (la fameuse parabole de la blessure par flèche, dont le Bouddha à montré que la recherche était vaine) mais en réalisant directement le Nirvana, qui est la seule voie possible. En d'autres termes, en réalisant le Nirvana, les douze liens interdépendants s'effondrent ou se défont d'un seul coup.

Vous me faites par ailleurs sincèrement bien marrer avec cette histoire de Nirvana vide d'existence inhérente. Heureusement que la bêtise doit l'être tout autant, car alors il y aurait vraiment du souci à se faire...
C'est vrai ce que tu dis Dumè à condition de savoir de quel nirvana on parle.
Dans le Hinayana il y a déjà une distinction entre le nirvana avec résidus (celui qu'on obtient ou qu'on réalise, il ne provoque pas la fin de la souffrance, il est la fin de la souffrance) et le nirvana sans résidu (celui qui préexiste à tout en quelque sorte et donc qui permet ou provoque la fin de la souffrance comme tu dis et qui je suis d'accord avec toi n'est pas vide d'existence inhérente) .
Dans le Mahayana, on retrouve cette distinction sous la forme du nirvana dynamique (celui que l'on obtient, mais toutefois où y est aboli la distinction entre samsara et nirvana à la différence du Hinayana où l'on quitte l'un pour l'autre ) et du nirvana naturel (celui dont tu parles donc, celui qui n'est pas vide d'existence inhérente, pour moi que j'associe au non-né, non devenu, non-conditionné).
(avec cette précision, je réponds aussi en quelque sorte à FA)

Cordialement,
Dumè Antoni

Je pense qu'il n'y a pas de différence fondamentale, sur le fond. Par exemple, dans le Zen, le kensho n'est pas considéré comme libérateur, contrairement au satori qui l'est. En d'autres termes, le kensho pourrait être considéré comme un nirvana avec résidu, et le satori un nirvana sans résidu. Dans le Dzogchen, Rigpa n'est pas libérateur, et il existe un autre terme (que je ne connais pas bien, n'étant pas un adepte de cette Voie) qui est l'équivalent du satori, en quelque sorte, ou du nirvana sans résidu, car lui est libérateur. Mais quelle que soit l'expérience (libératrice ou non), il s'agit de la même Vue, exactement la même, et c'est le Dharmakaya. Il faut bien comprendre que la Vacuité associée à la Clarté du Dharmakaya n'est pas celle qui est inhérente aux phénomènes, mais est d'une toute autre nature car le Dharmakaya n'est pas un phénomène. Je sais parfaitement que pour le Théravada, le Nirvana est considéré comme un phénomène non conditionné, en ce sens que le mot Dharma comprend tout, c'est à dire également les choses sans commencement ni fin (non créées, non formées), l'espace cosmique, et Nirvana. Le Théravada considère donc que tous les dharmas ne sont pas impermanents et sujets au changement, puisque le Nirvana-dharma (et l'akasa = espace cosmique) sont permanents et libres de changements. De mon point de vue (et qui n'engage donc que moi) c'est là une considération qui ne correspond pas nécessairement à l'expérience. Je m'explique : un Dharma conditionné ou non est considéré comme un objet d'expérience et l'on dit régulièrement que l'on fait l'expérience du Nirvana. De ce point de vue, le nirvana est un dharma, très clairement. Mais de mon point de vue il s'agit là d'une méprise qui a été commise également dans le Zen jusqu'à Huineng, et D.T. Suzuki l'a clairement fait observer par l'usage du verbe voir, désigné 看 (kàn) jusqu'à Huineng, et qui s'applique aux dharmas (en terme d'objets conceptualisé, conditionnés ou non) et qui était régulièrement employé dans l'expression "voir dans sa vraie nature", et le même verbe voir, désigné 見 (jiàn), à partir de Huineng, et qui ne s'applique pas aux dharmas mais au Dharmakaya, au Nirvana et donc à la vraie nature ou l'état naturel.

D.T. Suzuki faisait remarquer justement que l'emploi régulier du verbe 看 (kàn) avant Huineng prêtait nécessairement à confusion, ce qui n'empêchait nullement, bien sûr, les Patriarches (de Bodhidharma à Hung jen) de réaliser leur vraie nature et d'avoir le satori, comme l'emploi indifférent du verbe voir en français ne s'oppose pas à la réalisation du satori. Mais très clairement, le fait de s'interroger si le Nirvana est un dharma ou non n'a pas une grande importance, sauf quand on n'a pas fait l'expérience et qu'alors il y a confusion sur la Vacuité et sur le terme voir : 看 (kàn) qui est impropre et 見 (jiàn) qui est correct. De fait, la fameuse gatha de Shen Xiu sur le "miroir à nettoyer" relevait clairement du verbe voir 看 (kàn) et non 見 (jiàn). C'est pourquoi Huineng a rectifié la gatha en précisant qu'il n'y a aucun miroir à nettoyer (donc pas de Dharma à observer, à voir, qu'il soit conditionné ou non). Ou dit autrement, le Dharmakaya (Nirvana) n'est pas un phénomène, n'est pas un Dharma. Mais je précise pour certains que ce n'est pas rien, hein ;-) , ce n'est pas le néant.
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