La prise de refuge mahayaniste

ted

Zopa2 a écrit :.
Pour me réaliser, il va falloir porter mes potentialités à leur complet développement. Je m'épanouis à condition de faire fructifier ce capital intérieur, de faire mûrir ces possibilités. Je dois faire croître ce qui est en germe.
Bé non, justement.

A mon avis, la réalisation, c'est juste le contraire. On ne va pas construire, mais déconstruire.
Toutes ces architectures mentales ne sont que des tours de babel au service d'un égo qui deviendra spirituel sans aucun doute. Il faut faire confiance aux sagesses qui émergent de la pratique. Notre vrai potentiel est une source de vacuité pure.

Alors bien sûr, on peut jongler avec les concepts, les ériger, les maîtriser, mais à condition en dernier ressort, de les frotter les uns les autres jusqu'à ce qu'ils flambent et disparaissent. Comme deux bouts de bois qui s'enflamment par frottement.
:)
<<metta>>
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Zopa2
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ted a écrit :
Zopa2 a écrit :.
Pour me réaliser, il va falloir porter mes potentialités à leur complet développement. Je m'épanouis à condition de faire fructifier ce capital intérieur, de faire mûrir ces possibilités. Je dois faire croître ce qui est en germe.
Bé non, justement.

A mon avis, la réalisation, c'est juste le contraire. On ne va pas construire, mais déconstruire.
Toutes ces architectures mentales ne sont que des tours de babel au service d'un égo qui deviendra spirituel sans aucun doute. Il faut faire confiance aux sagesses qui émergent de la pratique. Notre vrai potentiel est une source de vacuité pure.

Alors bien sûr, on peut jongler avec les concepts, les ériger, les maîtriser, mais à condition en dernier ressort, de les frotter les uns les autres jusqu'à ce qu'ils flambent et disparaissent. Comme deux bouts de bois qui s'enflamment par frottement.
:)
Peut-être que la vérité est entre les deux et que ni l'un ni l'autre n'avons tort. Ce qui me fait dire cela, c'est notamment la traduction tibétaine du mot Bouddha : " sang-gye". La première syllabe signifie je crois "purifié" car un Éveillé a éliminé, éradiqué, déconstruit, tout ce qu'il y avait à éliminer, tandis que la seconde syllabe "gye" signifie " épanoui" car un Bouddha a parfaitement développé tout ce qu'il y avait à développer.

Après, quant aux méthodes pour atteindre l'Eveil, le Bouddha en a enseigné plusieurs (on dit que le Dharma possède 84 000 portes) pour tenir compte des différentes capacités, aptitudes, des êtres. Pour ma part, j'ai étudié le Bouddhisme indo-tibétain avec des maîtres de la tradition Géloug qui accorde une grande importance aux concepts et aux raisonnements valides (mais ce n'est pas la seule à le faire). Cela convient bien avec mon caractère et cela se ressent peut-être dans ma façon de présenter les choses. Mais je ne pense pas que cette tradition est supérieure à une autre. Ni inférieure, ni supérieure.
<<metta>>
Dernière modification par Zopa2 le 12 septembre 2015, 23:14, modifié 1 fois.
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Zopa2
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ted a écrit :
Zopa2 a écrit : En fait, l'action n'est pas forcément l'aventure. Elle peut aussi consister dans l'élévation du sujet au-dessus et au-delà de la sphère immédiate de sa vie quotidienne ; par l'action j'accède à un niveau et à une ampleur de conscience qui dépassent et transcendent le niveau corporel et perceptif ; parce que je vois plus loin dans le temps et l'espace, parce que plus d'êtres sont concernés, mon être acquiert comme une réalité plus vaste et plus spirituelle, que celle qu'il atteint par la simple activité quotidienne. Le désir d'éveils ou même le désir d'Eveil, semblent bien correspondre avec tout cela.
Pardon si je m'éloigne du sujet.
Mais il me semble que si on continue sur cette voie de l'élévation par l'action, on va redécouvrir le confucianisme. :)
Est-ce que le désir d'éveil ne s'épanouit pas plutôt dans l'approfondissement du corporel et du perceptif ? Et dans la non-action ?
Car l'action juste est non-action, naturellement, inconsciemment, automatiquement.

Et la "simple activité quotidienne" devient un trésor de compassion.
Ne connaissant pas le confucianisme ( ni le taoïsme d'ailleurs), je ne peux répondre à ta remarque.
Et je ne sais pas ce que l'on entend par " non-action ", ou par " l'action juste est non-action". J'imagine qu'il y a des choses à découvrir derrière cette formulation paradoxale.
ted

Zopa2 a écrit : Et je ne sais pas ce que l'on entend par " non-action ", ou par " l'action juste est non-action". J'imagine qu'il y a des choses à découvrir derrière cette formulation paradoxale.
C'est une façon de dire que l'acte juste n'est pas planifié ni calculé. Qu'il jaillit des tréfonds de l'être comme un comportement naturel, en harmonie avec les événements du moment. De ce fait, on ne peut pas dire qu'il y ait action, ni désir d'agir. La vraie compassion s'écoule sans qu'il y ait prise de décision à ce sujet. Et elle est aussitôt oubliée. Elle est suscitée par les événements et apparait automatiquement. De ce fait, il n'y a pas de processus de perfectionnement volontaire à enclencher.

Si nous devons nous motiver pour faire preuve de compassion, alors, ce n'est pas de la compassion. C'est peut être de la gentillesse, de la tolérance ou de la pitié ? Mais la vraie compassion est automatique, juste, et apparait sans efforts. C'est une non-action. Enfin, je crois bien... mais je peux me tromper bien sur... :)
Dumè Antoni

Ted a écrit :C'est une façon de dire que l'acte juste n'est pas planifié ni calculé. Qu'il jaillit des tréfonds de l'être comme un comportement naturel, en harmonie avec les événements du moment. De ce fait, on ne peut pas dire qu'il y ait action, ni désir d'agir. La vraie compassion s'écoule sans qu'il y ait prise de décision à ce sujet. Et elle est aussitôt oubliée. Elle est suscitée par les événements et apparait automatiquement. De ce fait, il n'y a pas de processus de perfectionnement volontaire à enclencher.
Ça, c'est de la poésie, mais je ne pense pas que ce soit une pensée juste d'affirmer cela :D . Le point de vue taoïste, sur ce plan, diffère grandement du Bouddhisme et le Zen — en tant qu'école bouddhiste — pourtant très influencé par le taoïsme, ne reprend pas à son compte ce point de vue qui est erroné, au moins sur ce point particulier (par rapport au Bouddhisme). Penser qu'une action juste n'est pas calculée ou planifiée, ça revient à installer une dichotomie entre la pensée ordinaire et l'Etat naturel. Si les deux doivent bien être distingués, c'est dans une analyse duelle où effectivement l'Etat naturel n'est pas la pensée ordinaire. Mais l'Etat naturel transcende précisément cette dichotomie en sorte que les personnes qui vivent dans l'Etat naturel (les éveillés) pensent comme les autres et agissent comme les autres. C'est la fameuse différence entre "les montagnes sont des montagnes" avant la réalisation de sa vraie nature et "les montagnes sont des montagnes" après la réalisation. C'est la même chose et ce n'est pourtant pas la même chose. En d'autre termes, un éveillé s'y prendra exactement de la même façon qu'un homme ordinaire s'il veut, par exemple, construire un mur de soutènement. Il devra calculer les contraintes, le volume de béton, celui des terres, la poussée hydrostatique le cas échéant... L'action "construire un mur de soutènement" est une action juste, qu'elle soit réalisée par un être ordinaire ou un éveillé. Je vais même plus loin : si l'éveillé ne fait pas attention à certains calculs, contrairement à l'être ordinaire, c'est l'éveillé qui comment une mauvaise action, que cela vienne du tréfonds de son être ou pas, car le mur pourrait s'écrouler. Bien sûr, un éveillé — qui a atteint la complète et parfaite réalisation, ce qui n'est pas le cas de tous les éveillés — ne commettrait pas d'erreurs en construisant un mur sans prendre certaines précautions, mais c'est autre chose car l'action d'un Bouddha est toujours juste, qu'elle soit calculée et planifiée ou non. Il est très important de comprendre cela, je pense, car quand un maître zen dit que l'esprit de Bouddha est l'esprit de tous les jours, il a raison. Et quand un être ordinaire dit qu'il est éveillé parce qu'il pense et agi exactement comme un éveillé au quotidien, il a tort.
Dumè Antoni

Au sujet de l'éveillé qui ne commet jamais d'erreur, dont le parlais plus haut, je vais vous conter une anecdote (c'est donc une histoire vraie). Un jour, lors d'une sesshin, Taïkan Jyoji avait organisé un samu qui consistait à faire du débroussaillage autour du centre. Il avait bien sûr donné la consigne de ne pas égarer les outils que l'on empruntait. Cela nécessitait une certaine attention — la fameuse attention juste — car on oublie vite un sécateur, une faucille, une faux... quand on est pris dans l'action et qu'on ne fait pas attention à tout. A la fin du samu, une personne parmi les pratiquants trouva un sécateur oublié parmi les broussailles. Il s'est avéré que ce sécateur était celui de Jyoji (qui participait bien sûr au samu). Et Jyoji a aussitôt dit : "voilà un bon exemple d'inattention juste". D'un certain point de vue, Jyoji a commis une erreur en oubliant le sécateur, et il a pris cet oubli à la rigolade, avec son sens habituel de l'humour ; et d'un autre, en considérant qu'un maître zen est un éveillé et qu'il ne comment donc pas d'erreur (et il faut bien sûr admettre que Jyoji est de ce "niveau"), l'inattention était bien juste puisqu'au final, le sécateur n'a pas été perdu mais retrouvé. En d'autres termes, même si un maître commet une erreur, cette erreur est "juste" car elle ne laisse pas de trace "néfaste" (l'outil n'a pas été définitivement perdu, ce qui aurait été une perte pour le centre). Cette anecdote pourrait servir de kôan sur l'action juste, je trouve... :D
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Dharmadhatu
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:D Juste un mot cher Zopa:
C'est pareil pour l'omniscience : on peut essayer de comprendre ce que cela signifie (notamment grâce aux textes du Mahayana), mais je pense qu'il est très difficile, voire même peut-être impossible, de se représenter pleinement ce que cela signifie. Cela dépasse toutes conceptions.
C'est justement un sujet de discussion que j'ai avec Julien par mp; c'est vrai qu'il est difficile pour une chenille de sonder l'expérience du papillon en plein vol, mais il semble que si les textes traditionnels mahayanistes (comme l'Abhisamayalamkara, le Madhyamakavatara, en plus de certains Sutras) évoquent les modalités de l'omniscience, c'est peut-être parce que le sujet, bien que difficile, n'est pas si impossible à appréhender.

On parlait par exemple du filet de Brahma enseigné par le Bouddha pour évoquer l'interdépendance. J'imagine ce filet en 3D et le Bouddha qui perçoit la totalité de la réalité (le filet) quand nous en percevons une partie.

Mais bon, tant qu'on ne sera pas éveillés, on ne pourra parler de ça qu'au moyen de l'inférence.

Amitié FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
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Zopa2
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Dharmadhatu a écrit ::D Juste un mot cher Zopa:
C'est pareil pour l'omniscience : on peut essayer de comprendre ce que cela signifie (notamment grâce aux textes du Mahayana), mais je pense qu'il est très difficile, voire même peut-être impossible, de se représenter pleinement ce que cela signifie. Cela dépasse toutes conceptions.
C'est justement un sujet de discussion que j'ai avec Julien par mp; c'est vrai qu'il est difficile pour une chenille de sonder l'expérience du papillon en plein vol, mais il semble que si les textes traditionnels mahayanistes (comme l'Abhisamayalamkara, le Madhyamakavatara, en plus de certains Sutras) évoquent les modalités de l'omniscience, c'est peut-être parce que le sujet, bien que difficile, n'est pas si impossible à appréhender.
On parlait par exemple du filet de Brahma enseigné par le Bouddha pour évoquer l'interdépendance. J'imagine ce filet en 3D et le Bouddha qui perçoit la totalité de la réalité (le filet) quand nous en percevons une partie.
Amitié FleurDeLotus
Bonjour Dharmadhatu, :)
Les 70 sujets de l'Abhisamayalamkara donnent l'occasion d'essayer de comprendre ce qui y est appelé : " le connaisseur sublime de tous les aspects", mais cela est tellement incroyable pour un être humain ordinaire d'imaginer tout connaître, l'Univers en son entier, et toute son histoire se déployant depuis un temps infini.
Tu évoques le filet de Brahma en 3 D, j'ai trouvé cette video sur YouTube : celle d'un amas d'étoiles, situé à des années-lumière de la Terre, dans la Constellation du Chien. Video prise par le téléscope spatial Hubble. Penses-tu que le Bouddha connaissait chacune de ces étoiles ?

http://youtu.be/xnUzbqiwltM


Amicalement,
Dumè Antoni

Zopa2 a écrit :mais cela est tellement incroyable pour un être humain ordinaire d'imaginer tout connaître, l'Univers en son entier, et toute son histoire se déployant depuis un temps infini.
L'omniscience est au-delà de toute imagination, de toute représentation. Un maître zen disait "Quand on n'a pas le satori (anuttara samyak sambodhi), un brin d'herbe peut nous cacher l'univers entier. Quand on a le satori, l'univers entier tient sur un brin d'herbe". Voilà, le mystère de l'omniscience est levé : il suffit de réaliser sa vraie nature et le brin d'herbe qui cachait l'univers devient celui qui le révèle.
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Zopa2
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Et lorsque je dis connaître ces étoiles, je veux bien sûr dire connaître absolument tout de ces étoiles : leur nombre, leur diamètre, leur masse, leur volume, leur densité, leur température de surface, la température de leur couronne, celle de leur centre, leur luminosité en énergie produite, leur magnitude absolue, leur magnitude apparente, leur durée de rotation à l'équateur, leur durée de rotation à 60 degrés de lattitude, leur composition chimique précise au nombre d'atomes près, comme le nombre exact de rayons gamma qui s'en échappe, leur chaîne de fusion nucléaire, leur spectre électromagnétique, le pourcentage d'hélium dans la composition de leur atmosphère, l'épaisseur de leur zone radiative et convective, la vitesse de leur vent stellaire, les ondes acoustiques piégées à l'intérieur, l'ensemble des mouvements aléatoires de la surface, la densité de leur plasma en profondeur, leurs lignes de champs magnétiques locaux, l'altitude de leurs boucles issues des protubérances et des éjections de masses coronales, leur nombre de fontaines de gaz chaud ou spicules, leur distance des autres étoiles de cet amas et leur distance de chacune des autres étoiles des milliards de galaxies, sans oublier leur influence gravitationnelle sur leur probable système planétaire, et tout en sachant exactement quand chacune d'elle deviendra une géante rouge puis une naine blanche, et enfin une naine noire. Le Bouddha savait -il encore qu'une seule cuillère à thé de cette matière dégénérée qui forme une naine blanche pèse approximativement cinq tonnes ?
:D
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