La prise de refuge mahayaniste

Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

Zopa2 a écrit :Oui je suis d'accord avec toi. S'il y a désir de se mettre en route mais que l'on continue à rester assis, c'est donc que le processus de motivation n'est pas complet. Il manque les étapes que tu as indiquées.

Parfois, il peut y avoir l'envie, le désir, mais la manque d'entrainement, des obstacles ou des freins, font que ces derniers vont rester des voeux pieux. Mais alors, on pourra qualifier cette motivation d'incomplète, parce qu'elle ne parviendra pas à se concrétiser en actions concrètes et mesurables.

Bon, c'est déjà bien d'avoir l'envie, dans le cas de l'esprit d'Eveil d'aspiration par exemple.
:idea: D'ailleurs je me demande si l'esprit d'Eveil d'aspiration ne peut vraiment rester qu'au seul niveau d'une aspiration. Par exemple, on peut prendre refuge (et donc des préceptes) ou prendre des voeux de pratimoksha avec cette motivation, et donc, même s'il ne s'agit pas à proprement parler de la perfection transcendante de l'éthique, le fait de maintenir une éthique avec cette motivation est déjà une perfection. Elle deviendra transcendante si on ajoute à tout ça la vue de la vacuité.

Ou donner une pièce à un mendiant, du temps d'écoute à un ami etc. avec la motivation de l'esprit d'Eveil, du genre "puisse ceci être dédié à l'Eveil de tous les êtres !", c'est déjà la perfection de générosité, non ?

Donc à ce titre l'esprit d'Eveil est bien une motivation complète puisqu'il sous-tend un acte (prise de voeux, don etc.), sauf que l'individu n'a pas officiellement promis de faire de son mieux pour pratiquer les paramitas au cours d'une cérémonie prévue à cet effet. Qu'en penses-tu ?

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Avatar de l’utilisateur
Zopa2
Messages : 379
Inscription : 04 septembre 2015, 19:23

Tout à fait !

Mais dans les exemples que tu donnes, il me semble que l' on ait déjà franchi un cap au-delà de la simple aspiration.

Si la motivation altruiste de l'esprit d'éveil nous fait prendre des préceptes et que l' on respecte ensuite ces derniers, c'est donc que l'on a pris d'abord une décision, que l'on produit ensuite de l'énergie pour être en congruence avec sa décision (je fais ce que je dis) car cela va nécessiter tout un processus mental impliquant plusieurs facteurs mentaux comme la vigilance.
Grâce à la vigilance, on va alors pouvoir également mesurer la qualité de notre pratique de l'éthique. Puis, en cas de réussite, on va pouvoir se sentir heureux et développer une saine confiance en soi (et non l'orgueil j'espère).

On retrouve donc, dès lors qu'il y a une action, même minime, l'ensemble des étapes constituant le processus de motivation.

C'est la même chose avec un acte de générosité.
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

:D Donc ce que je comprends c'est que le stade de la seule motivation "puissé-je atteindre l'Eveil omniscient pour le bien de tous les êtres" n'est que du temporaire parce qu'on sait bien qu'en rester au voeu pieux ne mènera jamais à ce but (c'est comme rester au pieux tout court ! :lol: )

D'autant qu'il n'est pas si facile d'avoir partout et toujours cette motivation, tant qu'on ne fait pas encore partie des Bodhisattvas entrés dans les voies, en particulier celle d'accumulation.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Avatar de l’utilisateur
Zopa2
Messages : 379
Inscription : 04 septembre 2015, 19:23

jap_8
Le stade de la seule motivation doit bien, à un moment ou à un autre, évoluer vers une série d'actions. Sinon, peut-on encore parler de motivation ?

C'est au coeur du désir que se forme l'énergie nécessaire à la mise en mouvement. Cette source d'énergie restera active si l'on contemple les bienfaits du résultat attendu. Grâce à la méditation sur les avantages souhaités, la conscience pratique une forme d'anticipation. C'est la raison pour laquelle le désir est un dynamisme qui se projette lui-même vers l'avant ; il est donc dépassement.

Et à ce titre (dépassement), il est aussi liberté.

Qu'en pense-tu ?
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

Zopa2 a écrit :jap_8
Le stade de la seule motivation doit bien, à un moment ou à un autre, évoluer vers une série d'actions. Sinon, peut-on encore parler de motivation ?

C'est au coeur du désir que se forme l'énergie nécessaire à la mise en mouvement. Cette source d'énergie restera active si l'on contemple les bienfaits du résultat attendu. Grâce à la méditation sur les avantages souhaités, la conscience pratique une forme d'anticipation. C'est la raison pour laquelle le désir est un dynamisme qui se projette lui-même vers l'avant ; il est donc dépassement.

Et à ce titre (dépassement), il est aussi liberté.

Qu'en pense-tu ?
jap_8 Ca me semble juste, même si j'imagine qu'il sera véritablement liberté quand il aura été transcendé par l'activité éveillée spontanée; sans même plus avoir besoin de désirer aider les êtres.

Amitié FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Avatar de l’utilisateur
Zopa2
Messages : 379
Inscription : 04 septembre 2015, 19:23

Le Dharma nous enseigne que l'expérience du malheur attise la nécessité de se référer à la Joie. C'est parce que le bonheur est la véritable vocation des individus et de l'humanité que nous pouvons condamner et combattre la souffrance. Nous pouvons nous battre contre le négatif car nous avons une idée implicite du positif.

Lorsque notre désir d'Éveil (ou un autre désir) nous projette vers l' avant, l'avenir désiré participe à la construction de notre présent.

Tu fais référence à la liberté de l'Eveil, liberté qui est décrite comme absolue, spontanée, naturelle. Mais il en existe certainement une infinité de degrés. Certains sont peut-être un peu artificiels. On s'élève progressivement sur l'échelle de la Liberté.
FleurDeLotus
Avatar de l’utilisateur
Zopa2
Messages : 379
Inscription : 04 septembre 2015, 19:23

Si les premiers degrés de cette échelle font référence à des niveaux de liberté très limités, puisque à ce stade, la liberté est encore aveugle, spontanée (au sens de non-réfléchie), désordonnée, et malheureuse, de nouveaux degrés de liberté peuvent être obtenus lorsque l'on désire désormais se défaire des chaînes de la dépendance et passer ainsi d'une liberté malheureuse à une liberté heureuse. On ne peut accroître, à partir de l'aliénation, la qualité et l'intensité de sa liberté que parce qu'elle est déjà libre d'une certaine manière.

Si une motivation doit nécessairement aboutir à une suite d'actions pour être considérée comme complète, c'est dans cette succession d'actions que l'on peut construire sa liberté.

Trop souvent, l'action a été présentée par certains philosophes comme une agitation aventureuse destinée à surmonter l'angoisse et à masquer l'ennui ou la mort.

En fait, l'action n'est pas forcément l'aventure. Elle peut aussi consister dans l'élévation du sujet au-dessus et au-delà de la sphère immédiate de sa vie quotidienne ; par l'action j'accède à un niveau et à une ampleur de conscience qui dépassent et transcendent le niveau corporel et perceptif ; parce que je vois plus loin dans le temps et l'espace, parce que plus d'êtres sont concernés, mon être acquiert comme une réalité plus vaste et plus spirituelle, que celle qu'il atteint par la simple activité quotidienne. Le désir d'éveils ou même le désir d'Eveil, semblent bien correspondre avec tout cela.
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

jap_8 Je suis d'accord avec toi Zopa sur l'ensemble de ton propos, sauf peut-être avec la liberté de l'Eveil qui serait absolue car en fait l'enseignement du Bouddha montre que rien n'est absolu, c'est pourquoi je regrette que nombre de publications actuelles évoquent ce qualificatif de manière affirmative alors qu'il devrait toujours être objet de négation.

Comme on l'a vu sur cet autre fil initié par Ted: viewtopic.php?f=120&t=8874, les Bouddhas ne sont pas omnipotents, or s'ils étaient absolument libres (d'aller contre nos causalités karmiques), ils nous transmettraient l'Eveil d'un simple claquement de doigts, pas vrai ?

Amicalement FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Avatar de l’utilisateur
Zopa2
Messages : 379
Inscription : 04 septembre 2015, 19:23

jap_8

Je te l'accorde : le terme "absolu" pour qualifier la liberté de l'Eveil n'est certainement pas le plus approprié. La liberté de l'Eveil, comme tout ce qui concerne cet état, reste quand même assez difficile à concevoir.
C'est pareil pour l'omniscience : on peut essayer de comprendre ce que cela signifie (notamment grâce aux textes du Mahayana), mais je pense qu'il est très difficile, voire même peut-être impossible, de se représenter pleinement ce que cela signifie. Cela dépasse toutes conceptions.

Quand à l'omnipotence, je suis d'accord avec toi, si le Bouddha était omnipotent, il accorderait instantanément l'Eveil à tous les êtres sensibles afin de faire cesser toutes les souffrances. Vu sous cet angle, il n'est pas libre de nous l'accorder. L'omnipotence est une illusion conceptuelle.

En fait, ce sont plutôt nos virtualités, nos possibilités, nos capacités, nos facultés, nos ressources, notre nature, autrement dit, notre "potentiel", qui vont permettre de se réaliser.
Pour me réaliser, il va falloir porter mes potentialités à leur complet développement. Je m'épanouis à condition de faire fructifier ce capital intérieur, de faire mûrir ces possibilités. Je dois faire croître ce qui est en germe.

En d'autres termes, il faut non seulement que l'individu possède un potentiel mais qu'il éprouve aussi le désir de l'utiliser.

Amicalement
ted

Zopa2 a écrit : En fait, l'action n'est pas forcément l'aventure. Elle peut aussi consister dans l'élévation du sujet au-dessus et au-delà de la sphère immédiate de sa vie quotidienne ; par l'action j'accède à un niveau et à une ampleur de conscience qui dépassent et transcendent le niveau corporel et perceptif ; parce que je vois plus loin dans le temps et l'espace, parce que plus d'êtres sont concernés, mon être acquiert comme une réalité plus vaste et plus spirituelle, que celle qu'il atteint par la simple activité quotidienne. Le désir d'éveils ou même le désir d'Eveil, semblent bien correspondre avec tout cela.
Pardon si je m'éloigne du sujet.
Mais il me semble que si on continue sur cette voie de l'élévation par l'action, on va redécouvrir le confucianisme. :)
Est-ce que le désir d'éveil ne s'épanouit pas plutôt dans l'approfondissement du corporel et du perceptif ? Et dans la non-action ?
Car l'action juste est non-action, naturellement, inconsciemment, automatiquement.

Et la "simple activité quotidienne" devient un trésor de compassion.
Répondre