L'état naturel

ted

axiste a écrit :L'existence dans un va et vient qui me plaque au dehors comme si j'observais ce mouvement, puis finalement non, je plonge dans ce mouvement et puis reviens encore…il n'y a pas de dedans ou de dehors, de moi ou de monde là, juste un entrecroisements de choses qui sont des explosions comme autant de naissances que je relie avec un fil mémoire qui lui même subit les assauts de perceptions lors des instants de conscience qui s'enchaînent…
Je fais une parenthèse là, mais il semble Axiste, que tu fasses des plongées dans l'état naturel (au sens Dzogchen). Dans ces cas là, ça s'auto-libère par ci, par là, ça explose par petites touches, avec une forte impression de non-dualité avec le phénomène observé. Ce sont des signes qui montrent que tu progresses sur la bonne voie.
C'est assez imprévisible comme occurences. <<metta>>
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Flocon
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axiste a écrit :Y a t-il un monde là dehors quand le monde rentre en nous de telle façon qu'il n'y a plus de limites entre lui et nous?
Je dirais que la réponse est "non" au point de vue de l'observateur (le tien en l'occurrence), et "oui" au point de vue d'une personne extérieure (qui conserve son propre monde mental quelle que soit ton expérience). Ce que tu décris, et qu'on expérimente assez vite lors de la méditation formelle, puis en dehors, est je crois connu dans toutes les traditions et souvent nommé, de façon large, "sentiment océanique". Il y a un poème de Soseki qui le décrit bien :

J'ai rejeté cette toute petite chose
Qu'on appelle le moi
Et je suis devenu
Le monde entier.

Je ne sais pas si c'est l'"état naturel" du Dzogchen, peut-être que oui. :?:
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
Dumè Antoni

Le sentiment océanique n'est pas l'état naturel. L'état naturel n'est du reste pas un sentiment ou ce qui en résulte, ou une sensation ou ce qui en résulte, ou une réflexion ou se qui en résulte...

L'état naturel, auquel on s'éveille avec Rigpa (Dzogchen) ou le kensho (Zen) est le Dharmakaya. C'est aussi Nibbana pour les théravadins.

Et puis, ce n'est pas que "l'oeil ne puisse pas se voir". On ne trouve tout simplement pas l'esprit avec l'esprit dualiste (sems dans le Dzogchen). Mais on peut trouver la véritable nature de l'esprit qui est l'état naturel et qui est donc Vacuité et Clarté.

L'esprit se découvre (par le fait de Prajna qui éclaire la conscience = Clarté du Dharmakaya) lui-même en se retournant sur lui-même et ce qu'il découvre est sa propre vacuité. Il s'agit là d'une Vue, au sens du Zen ou du Dzogchen et non de raisonnements de type lemmes propres au Madhyamaka par exemple. Les lemmes sont simplement l'emprunte du buffle et non le buffle lui-même.

Il n'y a pas d'impression ou de conscience océane dans cette expérience. C'est par la reconnaissance de la Vacuité qu'on réalise que l'on n'est pas distinct de l'univers et de tous les êtres. De fait, le poème de Soseki, tel que je le comprends, fait référence à la Sagesse du Dharmakaya et non au "sentiment océanique", lequel relève à mon sens d'un makyo durant les états samadhiques.
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Flocon
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Dumè Antoni a écrit :De fait, le poème de Soseki, tel que je le comprends, fait référence à la Sagesse du Dharmakaya et non au "sentiment océanique", lequel relève à mon sens d'un makyo durant les états samadhiques.
Il me paraît difficile d'être affirmatif à cet égard : Soseki pratiquait le Zen, en relation avec plusieurs maîtres éminents ; selon lui-même, il n'a jamais vécu personnellement d'expérience d'éveil malgré le grand désir qu'il en avait -c'est pour cela que j'ai rapproché ce poème d'un "sentiment océanique" (peut-être à tort). On peut néanmoins interpréter le texte dans le sens que tu donnes, c'est vrai. Un maître célèbre, Soen Shaku, donnait du poète cette description allant dans ton sens :

"Je n'ai pas beaucoup connu Soseki, mais j'ai toujours pensé qu'il était doté d'un esprit Zen naturel. Sa connaissance du Zen n'était pas très approfondie, pourtant il me semble qu'il avait atteint le cœur du bouddhisme et de la philosophie orientale."

Mais dans ce cas, pourquoi Soseki lui-même pensait-il ne pas avoir connu l'éveil? :?:
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
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Kong Tseu
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Flocon
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:D Un autre alors, pour la route (pardon pour le HS). Il ne sera de saison que dans un mois, mais tant pis.

Je lave mon visage
Et dans la bassine voici
Que se reflète l'automne.

:)
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
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Kong Tseu
ted

Dumè Antoni a écrit : L'état naturel, auquel on s'éveille avec Rigpa (Dzogchen) ou le kensho (Zen) est le Dharmakaya. C'est aussi Nibbana pour les théravadins.
Sincèrement, ça m'étonnerait que l'état naturel soit nibbana. Mais bon... :)
Ca reviendrait à réduire l'aboutissement ultime du petit véhicule à quelque chose qui est facilement introduit et communiqué auprès des débutants du dzogchen. Je veux bien croire que le dzogchen soit un véhicule supérieur et insurpassable, mais à ce point quand même ! :shock: non sans doute pas... :)

Très jolis poèmes, Flocon. <<metta>>
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michel_paix
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Sincèrement, ça m'étonnerait que l'état naturel soit nibbana. Mais bon... :)
J'aime pas l'idée d'un nirvana, cette affirmation me semble erroné, ont devraient plutôt parler de nibbanation qui serait plus exacte tant qu'a moi !! Je dirais que l'état naturel peut etre vécu uniquement quand les actes égotique ce nibanise !! :)

<<metta>>
:)
Dumè Antoni

Flocon a écrit : Soseki pratiquait le Zen, en relation avec plusieurs maîtres éminents ; selon lui-même, il n'a jamais vécu personnellement d'expérience d'éveil malgré le grand désir qu'il en avait -c'est pour cela que j'ai rapproché ce poème d'un "sentiment océanique" (peut-être à tort).
Non, tu as sans doute raison. Je ne connaissais pas Soseki, et si, de lui-même, il reconnaissait n'avoir jamais vécu personnellement l'expérience de kensho ou satori, alors il a utilisé un langage poétique proche de celui des maîtres zen. Pour exprimer cela, je propose de lire l'extrait d'un taisho de Taitsu Kohno Roshi, quand il parle du satori de Daïto Kokushi :
Taitsu Kohno Roshi a écrit :Donc, de ce point où il avait les cinq sens fermés, où il n’y avait plus rien, le Maître Daïto Kokushi réalisa qu’il n’entendait pas la pluie avec ses oreilles mais il voyait la pluie avec ses oreilles, de la même façon qu’avec ses yeux il pouvait aussi l’entendre. En fait, à cet instant, il avait découvert sa vraie nature et il réalisait que le monde entier, c’était lui. C’est en comprenant que sa vraie nature est vide que le monde entier et soi, en fait, ne font qu’un. »
J'ai trouvé une similitude entre le poème de Soseki et le satori de Daïto Kokushi exprimé par Taitsu, donc, au temps pour moi.
Ted a écrit :Sincèrement, ça m'étonnerait que l'état naturel soit nibbana. Mais bon... :)
Ca reviendrait à réduire l'aboutissement ultime du petit véhicule à quelque chose qui est facilement introduit et communiqué auprès des débutants du dzogchen. Je veux bien croire que le dzogchen soit un véhicule supérieur et insurpassable, mais à ce point quand même ! :shock: non sans doute pas... :)
Il n'y a pas de différence entre le Dharmakaya et Nibbana. Je mets au défi quiconque de me préciser la différence. Par ailleurs, pour en avoir discuté avec Yamantaka sur son forum, Rigpa est la reconnaissance de l'Etat Naturel qui est le Dharmakaya. Mais il n'existe pas de reconnaissance du Dharmakaya sans le Samboghakaya et le Nirmanakaya car ces Trois Corps, en réalité, ne sont qu'un. La reconnaissance de l'Etat naturelle est par ailleurs l'expérience du kensho. Là encore, les discussions avec Yamantaka ont permis d'aboutir à la même conclusion, à la réserve près qu'il n'y a pas d'introduction directe par le maître dans le Zen (je veux parler du Zen Rinzaï et du Zen Sôtô de Dogen, pas du Zen de l'AZI ou de Nishijima, qui ne reconnaît pas le kensho). Le Véhicule des Anciens met l'accent sur Nibbana ; cela ne signifie pas que les maîtres théravadins qui font l'expérience de Nibbana n'ont pas la Vue assez profonde pour être capables de se comporter comme des Bodhisattvas. Çakyamuni n'a jamais enseigné le Mahayana, ce qui ne veut pas dire que le Mahayana n'est pas compris dans l'enseignement du Bouddha (et que le Mahayana et tout ce qui en découle serait une sorte de Bouddhisme dévoyé).

Note que je comprends ton scepticisme, Ted, parce que tu reprends, grosso modo, les allégations avancés par certains à propos de la suprématie d'un véhicule sur l'autre sans comprendre que la suprématie ne vient pas de la base ni du fruit, mais de la méthode ; toute méthode abrupte ou directe se considérera supérieure aux autres (le Zen n'échappe à la règle), mais considérer le Nibbana comme inférieur à l'Etat Naturel (reconnu par le Dzogchenpa lors de Rigpa ou par le zeniste lors du kensho ou du satori), c'est méconnaître le fondement ultime du Bouddhisme, lequel n'existerait pas sans Nibbana. Je pense que de telles allégations relèvent non seulement d'une méconnaissance du Bouddhisme, mais aussi et surtout d'une absence totale de réalisation.

Enfin, il ne faut pas s'imaginer que l'introduction directe du maître concernant Rigpa consiste à la réalisation/reconnaissance de l'Etat Naturel ; il y a encore beaucoup – je veux dire énormément – de chemin à parcourir jusque là. Là encore, il règne une très grosse confusion au sein de la Communauté de certains dzogchenpas (comme il règne une très grosse confusion au sein de la communauté de certains zenistes, suivez mon regard :mrgreen: ). Cela étant, le Dzogchen n'étant pas ma pratique, j'invite fortement les amateurs ou les adeptes à s'inscrire sur le forum Vues Bouddhiques ou sur le forum de Jean Luc Achard car il n'y a pas de meilleurs forums francophones sur le Dzogchen que ceux-là.
ted

Dumè Antoni a écrit :mais considérer le Nibbana comme inférieur à l'Etat Naturel (reconnu par le Dzogchenpa lors de Rigpa ou par le zeniste lors du kensho ou du satori), c'est méconnaître le fondement ultime du Bouddhisme, lequel n'existerait pas sans Nibbana.
J'ai pas dit ça. Relis-moi.
J'ai même dit tout le contraire !
Comment nibbana pourrait-il être inférieur à quelque chose ? Nibbana est la troisième noble vérité !
Tu manques de sommeil Dumé ? :)

Bon, je reconnais avoir fait l'amalgame entre "introduction à l'état naturel" et "réalisation de l'état naturel". Mais on me le sort tout le temps ça ! Pas plus tard que cet après-midi sur SF, Sonam écrivait encore que l'introduction directe par le maître à la nature de l'esprit débouchait sur la bouddhéité.

De plus, le Bouddha n'a jamais déclaré qu'il fallait au préalable être "introduit" à nibbana
pour pouvoir espérer un jour réaliser nibbana. :shock: Donc, si tu assimiles nibbana à l'état naturel, tu réfutes toute la vue dzogchen.
ted

Coucou Christophe
En fait, j'ai simplement dit à Dumè qu'à mon avis, nibbana était différent de l'état naturel. J'ai pas dit qu'il était inférieur mais différent. Maintenant, tu précises qu'il serait inférieur du point de vue Mahayana. Cependant, Monsieur Dumé nous annonce que Mahayana n'a pas été enseigné par le Bouddha.

Donc, on va s'embrouiller je crois. :)

Effectivement, je me souviens que tu as souvent répété que nibbana n'enlevait pas le voile cognitif. Mais peut on affirmer ça sans sous entendre que le Bouddha historique ne s'était pas défait de son voile cognitif ? :shock:
Dumè Antoni a écrit :Çakyamuni n'a jamais enseigné le Mahayana, ce qui ne veut pas dire que le Mahayana n'est pas compris dans l'enseignement du Bouddha (et que le Mahayana et tout ce qui en découle serait une sorte de Bouddhisme dévoyé).
Verrouillé