La vacuité
Publié : 19 août 2015, 22:49

"La vacuité" est un diminutif pour "la vacuité ou l'absence d'existence absolue/indépendante/inhérente/objective".
Pourquoi tout ce qui existe est-il vide d'existence indépendante ? Parce que tout ce qui existe ne peut exister qu'en dépendance.
En dépendance de quoi ? il y a 3 types de dépendance de plus en plus subtils:
1) en dépendance de causes et conditions (pour les choses produites): une fleur dépend de la graine, de l'eau, de l'air, de la terre, la lumière etc.
2) en dépendance de parties constituantes (pour les choses produites et les phénomènes permanents): la fleur dépend aussi de sa couleur, de sa forme, de ses pétales, de ses pistils, de sa densité, de ses cellules etc. L'espace incomposé dépend des directions spatiales etc.
3) en dépendance d'une désignation conceptuelle (pour n'importe quel phénomène): si on cherche vraiment la fleur, on ne la trouve pas: elle n'est aucune de ses causes et conditions et n'est aucune de ses parties constituantes, ni le tout, ni la configuration etc. Donc la fleur n'existe qu'en tant que simple désignation en dépendance d'une base: un ensemble de caractéristiques.
C'est la voie médiane au-delà des extrêmes de l'éternalisme (ou absolutisme) et du nihilisme: on échappe au nihilisme en disant que les phénomènes sont vides (parce qu'ils sont vides d'existence indépendante mais pas vides d'existence), et on échappe à l'absolutisme en disant que les phénomènes existent en dépendance (comme ils dépendent, ils ne peuvent pas être absolus/indépendants).
Si on arrive à accepter que la vacuité implique la causalité (et en particulier la causalité karmique) au lieu de la nier, et que la causalité implique la vacuité au lieu de la nier, alors on a la vue juste (ou la juste compréhension), la vue médiane. Alors on se familiarise avec cette compréhension, encore et encore parce que cette vue juste est l'exact opposé de notre ignorance fondamentale source d'afflictions et de karmas contaminés. Donc notre familiarisation (un autre nom pour "méditation") avec cette compréhension doit entraîner un amoindrissement progressif de notre ego, de nos réactions malsaines etc.
Cette familiarisation éliminera totalement et définitivement l'ego et les autres émotions perturbatrices quand le "reflet conceptuel" entre le miroir de notre esprit et la réalité telle qu'elle est aura disparu: on parlera alors d'une perception yogique. Si notre voie est celle du Mahayana (ayant pour but l'Eveil omniscient pour aider tous les êtres), alors on poursuivra sur la voie de méditation jusqu'à ce qu'on finisse par éradiquer de notre esprit non seulement les graines de l'ego et des émotions négatives (le "voile afflictif"), mais aussi l'abat-jour qui empêche notre esprit de tout connaître (le "voile cognitif").
La question de la vacuité est d'une importance primordiale parce que parmi tous les remèdes enseignés par le Bouddha, certains soignent certaines émotions négatives, mais ne soignent que celles-là et pas les autres, alors que la sagesse de la vacuité soigne toutes les émotions négatives sans exception puisqu'elle tranche leur racine qu'est l'ego.
Il est important d'étudier les textes fondamentaux pour approcher la juste compréhension: ceux de Nagarjuna en particulier (qui fut prophétisé par le Bouddha comme allant exposer son intention ultime sur la vacuité), de Chandrakirti, Shantideva etc. Mais il existe d'excellentes introductions à ces traités comme certains ouvrages de S.S. le Dalaï Lama:
La Sagesse transcendante
Se voir tel qu'on est
L'Art de la sagesse
etc.

Bref, l'outil dépend de l'usage qu'on en fait, et vice-versa.
Je me demande si les poètes n'ont pas cette intuition au fond d'eux quand ils voient les choses à travers le prisme de leur coeur.
