La vacuité

Dumè Antoni

Fa a écrit :En quoi la vacuité affirme-t-elle le karma ?
L'endroit où l'on se trouve à cet instant même est occupé par nous seul et personne d'autre. C'est notre karma (car le karma est exactement ce qui nous concerne en propre et donc notre propre place en ce monde). Si cette place n'était pas "vacante" (ou vide) par nature propre, nous ne pourrions jamais l'occuper. C'est là l'exemple le plus simple et le plus immédiat (intellectuellement) du rapport profond entre vacuité et karma. Nature de Bouddha est nature de dharma (au sens d'objet ou phénomène). En fait, la forme et le vide sont les deux aspects de la même pièce (réalité).

A noter que cette place que nous occupons est toujours la même à chaque instant, et cela même si évidemment nous changeons de place. Nous ne pouvons pas être ailleurs que là où nous sommes.
FA

Bonjour Antoni,
L'endroit où l'on se trouve à cet instant même est occupé par nous seul et personne d'autre. C'est notre karma (car le karma est exactement ce qui nous concerne en propre et donc notre propre place en ce monde). Si cette place n'était pas "vacante" (ou vide) par nature propre, nous ne pourrions jamais l'occuper.
J'apprécie beaucoup cette formulation, qui rejoint l'existentialisme de Sartre : En venons au monde nous héritons d'une position dans ce monde et devons assumer notre liberté, ou autonomie de décision, et la responsabilité qui l'accompagne.
Mais si je vais dans le sens de ton propos, alors le fait de n'occuper aucune position dans l'espace et le temps, n'implique pas l'existence d'un karma. Or la conception Bouddhiste semble admettre une loi rétributive
individualisée qui transcende le cheminement d'une vie incarnée dans l'espace et le temps.

En ce qui me concerne, si je tire les conséquences de la notion de vacuité, je déduis que les phénomènes inter-sont et inter-agissent. Par conséquent ce qui m'arrive de bon ou de mauvais, ne peut pas résulter uniquement d'un processus de rétribution morale qui m'est propre. Bien sûr mes actions vont avoir des conséquences que je vais devoir assumer. Mais cela transcende le domaine restreint de la morale, ou de la notion de rétribution. Mes actions aurons des conséquences sur autrui, de même que les actions d'autrui auront des conséquences sur ma vie, et je dois aussi assumer dans le cheminement de mon existence,
les conséquences des actions d'autrui aussi bien que les miennes.

Ce qui me fait dire que je ne vois pas en quoi la notion de vacuité éclaire celle de karma.

jap_8
Fa
Dumè Antoni

Fa a écrit :J'apprécie beaucoup cette formulation, qui rejoint l'existentialisme de Sartre : En venons au monde nous héritons d'une position dans ce monde et devons assumer notre liberté, ou autonomie de décision, et la responsabilité qui l'accompagne
Ce n'était pas le sens de mes propos.
Mais si je vais dans le sens de ton propos,
Donc, ce n'est pas le cas.
alors le fait de n'occuper aucune position dans l'espace et le temps, n'implique pas l'existence d'un karma.
Ce qui est le cas de la nature de Bouddha. Elle occupe une position dans l'espace et dans le temps en qualité de Nirmanakaya, mais pas en qualité de Dharmakaya, lequel n'est pas en dépendance du temps ou de l'espace et sa vacuité n'est pas liée à l'interdépendance des phénomènes (car le Dharmakaya n'est pas un phénomène).
Or la conception Bouddhiste semble admettre une loi rétributive individualisée qui transcende le cheminement d'une vie incarnée dans l'espace et le temps.
Le karma n'a de sens que dans sa manifestation. La "loi rétributive", ça n'est pas autre choses que les mailles de l'interdépendance inhérente aux phénomènes.
Par conséquent ce qui m'arrive de bon ou de mauvais, ne peut pas résulter uniquement d'un processus de rétribution morale qui m'est propre.
Tu dis cela parce que tu te considères comme distinct du reste de l'univers, ce qui est une vue erronée. Ce que tu fais aux autres, c'est à toi que tu le fais car les autres ne sont pas autre chose que des rétributions karmiques (et réciproquement, bien sûr). Tu es – nous sommes individuellement – une rétribution karmique, fondamentalement. Ce que tu appelles "moi" est une vue erronée. C'est la B.A. BA du Bouddhisme, il me semble...
Mais cela transcende le domaine restreint de la morale, ou de la notion de rétribution.
Je ne crois pas que quiconque ait limité le karma au domaine de la morale. Il ne s'agit pas d'une loi divine qui ferait peser sur les êtres les conséquences de ses propres actions. Ce karma-là est celui de l'hindouisme. Or, le Bouddhisme n'est pas une vue éternaliste de cette sorte. Le karma, au sens bouddhiste, c'est ce que nous sommes et nous sommes ce que nous faisons, mais pour comprendre cela, il faut réaliser la vacuité (et donc le fait que nous ne sommes pas un ego – ou un atman – distinct), sinon, on se perd dans les dédales de raisonnements inadaptés au Bouddhisme.
Robi

Dumè Antoni a écrit : Ce que tu appelles "moi" est une vue erronée. C'est la B.A. BA du Bouddhisme, il me semble...
Bonjour,
ce n'est pas nécessairement une vue erronée, c'est une vue relative (de la réalité) qui peut être erronée (prendre le "moi" pour indépendant et permanent) ou juste (c'est alors voir le "moi " comme existant en interdépendance).
La seule vue erronée, c'est comme tu le dis toi-même: se croire distinct du reste de l'univers. Mais il existe une vue juste du "moi": se voir en interdépendance avec l'univers.
Dumè Antoni a écrit :
Mais cela transcende le domaine restreint de la morale, ou de la notion de rétribution.
Je ne crois pas que quiconque ait limité le karma au domaine de la morale. Il ne s'agit pas d'une loi divine qui ferait peser sur les êtres les conséquences de ses propres actions. Ce karma-là est celui de l'hindouisme. Or, le Bouddhisme n'est pas une vue éternaliste de cette sorte. Le karma, au sens bouddhiste, c'est ce que nous sommes et nous sommes ce que nous faisons, mais pour comprendre cela, il faut réaliser la vacuité (et donc le fait que nous ne sommes pas un ego – ou un atman – distinct), sinon, on se perd dans les dédales de raisonnements inadaptés au Bouddhisme.
Si nous sommes ce que nous faisons, il s'agit d'une Loi, certes pas divine dans le cadre du bouddhisme, mais d'une loi quand même. Et morale puisqu'elle concerne ce que nous faisons et ce que nous sommes.
Dernière modification par Robi le 27 septembre 2015, 12:54, modifié 1 fois.
Dumè Antoni

Robi a écrit :ce n'est pas nécessairement une vue erronée, c'est une vue relative (de la réalité) qui peut être erronée (prendre le "moi" pour indépendant et permanent) ou juste (c'est alors voir le "moi " comme existant en interdépendance).
Dans le contexte dans lequel je répondais à Fa, il s'agit d'une vue erronée.
Mais il existe une vue juste du "moi": se voir en interdépendance avec l'univers.
Ce n'est pas une vue juste, au sens du Bouddhisme ; c'est une interprétation de l'interdépendance des phénomènes. La vue juste, c'est seulement la vue dans sa vraie nature, c'est à dire de l'état naturel, qui ne ressort pas de l'interdépendance des phénomènes. Il n'y a que le Nirmanakaya qui a la vue juste des phénomènes (car les phénomènes sont – par nature – le Nirmanakaya).

Sinon, pour tout le reste, je ne souhaite pas débattre plus que je ne l'ai fait ici. Merci.
Robi

Dumè Antoni a écrit :
Robi a écrit :ce n'est pas nécessairement une vue erronée, c'est une vue relative (de la réalité) qui peut être erronée (prendre le "moi" pour indépendant et permanent) ou juste (c'est alors voir le "moi " comme existant en interdépendance).
Dans le contexte dans lequel je répondais à Fa, il s'agit d'une vue erronée.
Ok, Fa dans le contexte de ce qu'il explique n'aurait donc, d'après toi, que la vue vue erronée de la réalité relative.
Dumè Antoni a écrit :
Mais il existe une vue juste du "moi": se voir en interdépendance avec l'univers.
Ce n'est pas une vue juste, au sens du Bouddhisme ; c'est une interprétation de l'interdépendance des phénomènes. La vue juste, c'est seulement la vue dans sa vraie nature, c'est à dire de l'état naturel, qui ne ressort pas de l'interdépendance des phénomènes. Il n'y a que le Nirmanakaya qui a la vue juste des phénomènes (car les phénomènes sont – par nature – le Nirmanakaya).
Pour moi si. De ce que j'ai appris du bouddhisme il y a deux vues de la réalité relative: une vue erronée (se croire distinct de l'univers) et une vue juste (se savoir interdépendant de l'univers). Quant à la réalité absolue, elle est inconditionnée (indépendante et permanente) et ne peut être vue que de manière juste.
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jules
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Robi : De ce que j'ai appris du bouddhisme il y a deux vues de la réalité relative: une vue erronée ( se croire distinct de l'univers) et une vue vue juste (se savoir interdépendant de l'univers).
Et la vue absolue c'est quand on est aveugle ? :)
Robi

jules a écrit :
Robi : De ce que j'ai appris du bouddhisme il y a deux vues de la réalité relative: une vue erronée ( se croire distinct de l'univers) et une vue vue juste (se savoir interdépendant de l'univers).
Et la vue absolue c'est quand on est aveugle ? :)
Disons que la vue absolue de la réalité c'est de la voir telle qu'elle est: inconditionnée. (voir au sens large du terme, c'est-à-dire: saisir, réaliser, percevoir, expérimenter, etc...)
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jules
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Inconditionnée ? C'est à dire ? non conditionnée par une vue relative c'est ça ? :)
Robi

jules a écrit :Inconditionnée ? C'est à dire ? Inconditionnée par une vue relative c'est ça ? :)
Inconditionnée, c'est-à-dire qui ne dépend pas de conditions... (Je te renvoie à la notion de non-né, non-devenu...)
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