Déterminisme

hoshin

Comme pour beaucoup de points complexes de ce genre, les questions et inquiétudes se dissolvent avec la pratique. Ce qui suit ne parle que de mon expérience dans un contexte de méditation vipassana...
Ted: Est-ce que dire qu'il n'y a personne n'est pas un raccourci trompeur ? [...] Dirons-nous que la voiture n'existe pas, sous prétexte que ses pièces proviennent de 2000 fournisseurs différents aux quatre coins du monde ?
Au niveau de la vie de tous les jours, de la réalité conventionnelle, ça serait délirant de dire qu'il n'y a personne. Il y a bien quelqu'un qui décide, qui pose des actions, qui a une personnalité particulière, qui en souffre, etc... L'ego existe au niveau conventionnel, et il FAUT faire avec. Dans ce sens, la voiture existe. Si on agissait comme si elle n'existait pas, c'est l'accident assuré. Un accident, c'est palpable, sauf si on est mort...

Au niveau de la réalité ultime (paramatha), ce n'est pas pareil. En méditant, on peut voire que des phénomènes apparaissent et disparaissent en un instant, qu'ils sont conditionnés et conditionnants, et que "nous" sommes bien incapables de décider qu'ils apparaissent ou non. Si ça vous chatouille ou ça vous gratouille et que vous êtes bien concentrés, vous allez peut -être percevoir "l'intention de se gratter" et être étonné de voir, immédiatement après, que le bras se lève tout seul lentement pour aller "gratter" la sensation. Qui a bougé le bras? Personne. Qu'est-ce qui a bougé le bras? La chaine de cause et conséquence aboutissant à cette intention qui a propulsé le mouvement du bras. Le fait que tout change sans cesse et soit non maîtrisable, fait que l'on est bien obligé de se rendre compte qu'il n'y a personne de solide, permanent, qui "décide"... Dans ce sens, la voiture n'existe pas. Mais, si on va un peu plus loin dans la méditation, on pourra prendre conscience de la sensation avant que la conscience d'une sensation désagréable surgisse, ou se dire qu'il est préférable de ne pas bouger et de profiter de cette sensation désagréable pour renforcer sa concentration, pour l'investiguer et découvrir ses caractéristiques. Il n'y a personne là non plus qui a décidé, mais il y a eu l'émergence d'une conscience, conditionnée par la compréhension des instructions ou des enseignements du moine, qui a ajusté la pratique.
Que mêmes nos choix sont conditionnés.
Dans une certaine mesure, oui, parce que, pour reprendre l'exemple de l'avion, si on veut partir en Tunisie, on ne va pas choisir de prendre l'avion pour New York. On a une possibilité restreinte de choix présents par l'effet de nos choix passés. Mais, si on prend conscience de ce qui est en train de se passer, on peut poser un choix, changer de direction. Exemple. Mettons qu'un type ait une tendance latente à la colère, l'impulsivité, etc. En méditant, il va apprendre à prendre conscience du fonctionnement du corps et de l'esprit. "Merde, ce type qui renifle tout le temps dans la salle de médit, qu'est-ce que ça m'énerve!! Ah oui, c'est vrai, il faut que je note 'énervement-énervement, aversion-aversion' " Petit à petit, le méditant notera "entendre-entendre" sans même plus reconnaître que c'est un type qui renifle, et la chaine de causes à effets sera coupée à cet endroit et ne produira donc plus les réactions physiques et mentales qu'on étiquette "colère". Au retour de sa retraite, peu à peu, ce type, à nouveau confronté à son environnement de travail et à son boss qui le menait à la colère, aura à certains moments la perception d'une conscience qui note "Tiens, 'je' sens de la chaleur et de l'agitation... Mais... Je suis en colère, là!". Après avoir identifié la colère qui monte, cet employé pourra alors AJUSTER sa réaction, choisir d'exprimer sa colère, si elle est justifiée, si elle est saine, ou de ne pas l'exprimer si elle n'est pas juste et qu'elle est uniquement due à cette tendance latente.
Faut-il en conclure que nous sommes programmés pour l'éveil de toute éternité ?
Nous en avons la capacité, tant que "notre" karma s' "incarne dans une enveloppe humaine". Il faut cependant poser le choix de méditer plutôt que d'aller au cinéma. Mais ce choix ne peut être posé que si on s'est un jour rendu compte qu'il y a un truc qui cloche chez nous ou qu'il y a "autre chose" à vivre, qu'on a entendu parler de la méditation, qu'on se dise que ça pourrait être intéressant, voire utile, qu'on a accès à la méthode, qu'on a la possibilité de se mettre en contact avec un maître qui peut nous accompagner, etc...
Parce qu'on va bien, tous, s'éveiller un jour, n'est-ce pas ?
Joker...
Mais la décision que je prends à l'instant, est-elle conditionnée ?
- Si c'est oui, alors le chemin vers l'éveil est déjà tracé. Je crois décider de pratiquer, mais je suis déjà conditionné, par le passé, pour pratiquer.
- Si c'est non, c'est que le karma ne m'atteins pas au moment où je décide d'agir ?
Si c'est une décision-réflexe comme on les prends tous les jours, elle est conditionnée par nos tendances latentes, notre environnement et tout le reste. Si c'est une décision qui se pose suite à une prise de conscience, à une perception correcte de la nature du corps et de l'esprit, alors elle change l'orientation "toute tracée" de nos réactions qui est de suivre ces tendances latentes. Là, le karma peut être changé, voire ne plus être reproduit.

De là à dire que nous sommes prédestinés à l'éveil... C'est une question qui devient métaphysique. shuuuut_8
remind

hoshin a écrit :Si ça vous chatouille ou ça vous gratouille et que vous êtes bien concentrés, vous allez peut -être percevoir "l'intention de se gratter" et être étonné de voir, immédiatement après, que le bras se lève tout seul lentement pour aller "gratter" la sensation. Qui a bougé le bras? Personne. Qu'est-ce qui a bougé le bras? La chaine de cause et conséquence aboutissant à cette intention qui a propulsé le mouvement du bras.
On vient de prouver scientifiquement que le bras débute son mouvement quelques millisecondes avant que le cerveau n'ait donné l'ordre.

Etonnant non ?

Et ça est-ce déterminé ou pas ?

http://eugrafal.free.fr/Intentions-Inconscientes.pdf
hoshin

On vient de prouver scientifiquement que le bras débute son mouvement quelques millisecondes avant que le cerveau n'ait donné l'ordre.
Oui, j'ai lu ça il y a quelques années dans le passionnant bouquin de Jean Staune "Notre existence a-t-elle un sens?".
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axiste
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...parenthèse HS mais c'est un point qui me touche: on dit souvent que l'on ne doit pas réfréner l'énergie de la colère...soit mais on peut aussi voir les choses autrement, pourquoi pas...
Hoshin a écrit
Après avoir identifié la colère qui monte, cet employé pourra alors AJUSTER sa réaction, choisir d'exprimer sa colère, si elle est justifiée, si elle est saine, ou de ne pas l'exprimer si elle n'est pas juste et qu'elle est uniquement due à cette tendance latente.
Il n'y a pas que la méditation qui nous apprend ça
La vie fait ça aussi
Je dors dans des ronflements tonitruants et je suis passée je crois par tous les stades: agacement, énervement, colère, sentiment d'impuissance et d'injustice, jusqu'à aller dormir dans le salon...et puis, peu à peu, un grand calme au fond de moi: c'est arrivé comme cela, tout d'un coup. Aujourd'hui je n'entends les ronflements que si je décide de les entendre: c'est à dire que je sais où poser ma conscience pour cela. Lorsque j'ai décidé de dormir, je n'entends plus rien, mais vraiment rien. C'est devenu très facile pour moi de faire cela...
Mais c'est anecdotique (et il m'arrive de ronfler également ...)
Quant à la colère, il est certainement bénéfique de ne pas la refouler, mais je ne pense pas que le but final soit de continuer à subir ses assauts: en fait, l'énergie de la colère peut très bien être sublimée en autre chose...pour le bien de tous.
Il y a d'autres moyens aussi pour exprimer les choses...mais bien sur, nous sommes humains aussi...et c'est normal alors tout ça...
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
tobeornottobe

Pour le bras qui se lève ..... C'est normal, un bébé fait comment pour avoir des réactions face à l'inconnu? Et certains animaux, dès qu'ils sont nés savent déjà marcher, etc.

Sinon, pour l'éveil, on le sera tous un jour : je crois que non, un cercle vicieux s'installe pour certains et d'actes négatifs en actes négatifs, n'ont pas accès à la compréhension du Dharma, même en voyant que des personnes sont plus "zen" que d'autres, etc. Et cela les amènes aux enfers par des réincarnations sans fin je suppose.

Maintenant, la souffrance qui leur ouvrira les yeux, j'aimerai pas la connaître mais bon, si il le faut pour connaître l'éveil, après des milliers de vie, c'est bien ce qu'ils devront expérimenter.

Namasté
Florent

Si j'avais le choix, c'est à dire la vrai liberté, je ne serais pas là devant un écran en train de pianoter ce que je suis en train d'écrire.

Avoir le choix c'est être libre, c'est un statut que l'on pourrait qualifier de divin voir de supra-divin( peut être bouddha) Avoir le choix ça veut dire n'être pas soumis aux conditions.
Donc la vérité est que même si nous avons l'impression d'avoir le choix, en fait nous ne l'avons jamais.
Mais il est surement plus réconfortant de ce dire que l'on à le choix, ça nous donne l'impression d'avoir du pouvoir...

Pour aller plus loin, je pense que toute vie est déterminé, comme écrite à l'avance par les moires (Clotho, Lachésis et Atropos).La moïra (destiné). En fait nous ne faisons que (re)-parcourir ces mé-moires.
Nous parcourons des vies préexistante, il y en a probablement une infinité, l'univers est vaste et les dimensions nombreuses. C'est en ça que les renaissances sont possibles aujourd'hui être humain demain papillon. En conséquence et pour répondre à ted si une "personne" doit s'éveiller totalement (samma-sambouddha) il lui faut parcourir le chemin des bouddhas qui ont étais définit en 12 grands actes:

la descente des cieux Tusita ;
l'entrée dans la matrice ;
la naissance dans ce monde ;
l'accomplissement dans les arts mondains ;
la jouissance d'une vie de plaisir ;
le départ du palais et le renoncement ;
les exercices ascétiques ;
la méditation sous l'arbre de la Bodhi ;
la défaite des hordes de Māra ;
l'atteinte de l'éveil parfait et ultime ;
la mise en mouvement de la roue de la loi ;
l'entrée au parinirvana.

Tous les bouddhas historique ont parcouru, parcourent et parcourons ce chemin.
Dernière modification par Florent le 18 octobre 2011, 12:44, modifié 2 fois.
Iskander

Je pense que pour faire avancer le sujet, il faudrait déjà savoir ce qu'est un choix.

Ce que je veux dire par là est que pour moi un choix conditionné est un choix, entre autres, parce que les choix non conditionnés n'existent pas (ou du moins j'en connais pas, si vous en connaissez des exemples je suis intéressé).

Je pense que souvent les gens associent choix à libre arbitre, mais dans un univers déterministe, le libre arbitre, ça n'existe pas. Il faudrait donc lever ce malentendu
ardjopa

tobeornottobe écrit :
Et cela les amènes aux enfers par des réincarnations sans fin je suppose.

Maintenant, la souffrance qui leur ouvrira les yeux, j'aimerai pas la connaître mais bon, si il le faut pour connaître l'éveil, après des milliers de vie, c'est bien ce qu'ils devront expérimenter.
Tu sembles voir les renaissances (et leur possible ou non "réalité") comme une "fatalité", un peu comme les chrétiens voient le péché, et la culpabilisation qui va souvent avec, la croyance en un "paradis futur", comme quelquechose d'inéluctable;
C'est dommage de voir avant tout cela dans le Dharma;

Personnellement, ce n'est justement pas cela, qui me semble le plus "essentiel" dans la voie de l'éveil, ce n'est pas de se "projeter" dans un hypothétique futur, et de renaissances etc, ni de "préparer ses vies futures" (si elles "existent"...)mais au contraire de se connaitre, et de "vivre l'éveil", au présent, et si possible "dans l'instant"; Quand on "vit dans le présent", on "voit" l'impermanence et la renaissance à chaque seconde, en soi, autour de soi, et on "réalise" que "l'esprit", ou la "réalité sous-jacente" demeure toujours, quelquesoient les évenements qui naissent et meurent;
Seul le "présent" existe; Tout le reste ne sont que des projections illusoires du mental, de la pensée, toujours éphémère; Aussi longtemps que tu t'identifies ou te considères comme "ce mental, ce corps physique", alors effectivement il y a dukkha, il y a naissance, il y a mort, il y a renaissances, etc
Mais dès que tu réalises que tu n'es pas "cela", que la "présence" véritable, ta vraie nature, est au-delà, alors il n'y a plus ni souffrance, ni naissance, ni mort, ni renaissances, etc, juste la réalité
Aldous

ardjopa a écrit : Tu sembles voir les renaissances (et leur possible ou non "réalité") comme une "fatalité", un peu comme les chrétiens voient le péché, et la culpabilisation qui va souvent avec, la croyance en un "paradis futur", comme quelquechose d'inéluctable;
C'est dommage de voir avant tout cela dans le Dharma;
(fatigue...) Ardjopa tu devrais cesser d'amalgamer les concepts bouddhistes avec les concepts chrétiens, les deux révisés en plus par ton interprétation personnelle.
Le péché n'est pas une fatalité pour les chrétiens. Une fatalité c'est quelque chose qui serait écrit à l'avance, inéluctable et qu'on ne peut changer. Or le péché n'est pas quelque chose qu'on ne peut changer dans le christianisme. De même la culpabilisation: le message de Jésus n'est pas de nous enfermer dans la culpabilisation mais au contraire de nous en sortir.
ardjopa

Pour Aldous et répondre à tirru aussi
Mon message veut surtout dire que le péché dans le christianisme, les renaissances dans le bouddhisme,
peuvent être vus par certains (et ça l'est souvent, pour beaucoup de religieux laics ou non) comme une réalité "séculaire",voir "déterminée à l'avance"
que très peu de monde pourrait éviter : il suffit de voir les chrétiens qui prient pour trouver après leur mort le paradis "céleste" plutot que sur terre de leur vivant; et il en est parfois de même dans le bouddhisme "populaire", où beaucoup pensent surtout à accumuler des mérites pour de meilleures renaissances futures, sans forcément chercher la libération "au présent";
Ce n'est donc pas une critique du message de Jesus ou du Bouddha, mais plutot de ce que font certains de ces enseignements : soit une réalité vivante au présent, soit une chose morte du passé, ou une illusion future;

Jésus disait "laissez les morts enterrer leurs morts", Bouddha disait "ceux qui sont négligents sont déjà morts";
Mais les deux auraient pu dire de même : ceux qui sont vigilants ne meurent pas
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