Où sont les cinq agrégats ?
Lorsque nous percevons une sensation, quelle qu’elle soit, aussitôt que nous sommes conscient de quelque chose, ce sont en réalité les cinq agrégats qui sont à l’œuvre. Quoi que nous percevions, à quel moment que ce soit, ce sont les cinq agrégats qui sont à l’œuvre. Que nous soyons en train de penser, de parler, de nous déplacer, de ressentir une douleur, une démangeaison ou une sensation neutre, ce sont les cinq agrégats qui sont à l’œuvre. Lorsque nous sommes absorbés dans la méditation, ce sont les cinq agrégats qui sont à l’œuvre. Lorsque nous atteignons des états de conscience que nous entendons souvent qualifiés de transcendant, au-delà du concept, union du divin, ou quoi que ce soit, ce sont encore les cinq agrégats qui sont à l’œuvre. Toute expérience qu’il est possible de faire, dans quel domaine que ce soit, de quelle manière que ce soit, où que ce soit, quand que ce soit, ce sont toujours les cinq agrégats qui sont à l’œuvre. Lorsque nibbāna est connu, lorsque nibbāna est atteint, lorsque nibbāna est observé, ce sont encore les cinq agrégats qui sont à l’œuvre.
Ainsi, il n’y a absolument aucun champ expérimental qui soit en dehors des cinq agrégats. Ceci est la grande découverte que fit le moine Gotama, l’Éveillé, Bouddha, il y a vingt-cinq siècles, sous l’arbre de la « boddhi ». Il observa très clairement l’apparition des cinq agrégats et la disparition des cinq agrégats. Il en tira la conclusion suivante ; Quoi qui soit, quoi que ce soit, ce sont toujours les cinq agrégats. Il n’y a absolument rien qui soit en dehors des cinq agrégats.
La découverte de Bouddha
Si Bouddha n’avait découvert que cela, ce serait déjà un apport considérable à la connaissance de l’humanité. Ce qui est encore plus insolite, ce qu’il a découvert d’encore plus frappant et de révolutionnaire, parmi tous ces systèmes de pensée, philosophies et religions, inventés par l’homme depuis des temps immémoriaux, est que, s’il n’y a vraiment rien en dehors de ces cinq agrégats, il n’y a absolument rien non plus à l’intérieur de ces cinq agrégats. Ils sont parfaitement vides et insubstantiels. En fait, ils n’existent pas, disons qu’ils n’existent pas par eux-mêmes. Ils apparaissent et aussitôt qu’ils sont apparus, ils disparaissent.
En dehors de ce processus, il n’y a RIEN et à l’intérieur, il n’y a RIEN non plus. Toute expérience que nous pouvons faire, toute connaissance que nous pouvons acquérir, fut-elle être transcendante, au-delà du monde, au-delà du monde des phénomènes, fut elle-même une expérience de la « bouddhéité », c’est-à-dire de l’éveil en soi, de l’éveil total, ce sont encore les cinq agrégats. C’est ÇA, la découverte de Bouddha.
Lorsqu’il était encore un être ignorant sur la voie, il a suivi l’enseignement de certains grands maîtres considérés eux-mêmes comme des bouddhas, comme des êtres ayant atteint la « bouddhéité ». C’est-à-dire l’éveil, la libération totale. Il a suivi leur enseignement, il a effectué les diverses pratiques et yogas qu’ils enseignent et il a atteint le stade ultime, que ces maîtres qualifiaient d’état d’éveil, de réalisation totale. On appelle parfois cela « état de non-méditation », qui est un état où il n’y a absolument plus rien qui apparaît clairement à la conscience. Nous pensons qu’il s’agit d’un état qui est au-delà des agrégats. Nous croyons que c’est un état de transcendance.
L’intuition de Bouddha
Lorsque Bouddha y est arrivé ses maîtres lui ont dit : « Maintenant que vous êtes arrivé au but, vous pouvez vous associer à nous pour enseigner cette vérité. » Cependant, il n’en est pas resté là. Il est resté insatisfait de cette expérience, car il a eu l’intuition, que n’a pas le commun des mortels. Même s’il a atteint ces états de transcendance, le problème est justement qu’il a atteint quelque chose. C’est uniquement par leur manque de sagacité, leur manque d’intelligence, leur manque de connaissance, que ces maîtres spirituels tiennent cela pour l’état d’éveil, pour la libération, pour la fin de la souffrance. Même si en ce temps-là il n’avait pas encore atteint ce qu’il atteindra plus tard sous l’arbre de la « boddhi », il a eu l’intuition que cela était insatisfaisant.
Dans divers systèmes religieux, dans divers systèmes philosophiques, notamment dans le brahmanisme, des diverses religions de l’Inde, on nous présente souvent la libération comme étant une transcendance du monde, comme étant un état d’être, un mode d’être, qui transcende tout et qui se situerait au-delà de tout. Bouddha, lui, ne se satisfait pas de cette explication. Il pense qu’où que nous soyons, nous sommes quelque part. Quelle que soit l’expérience que nous faisons, c’est encore une expérience, QUELLE QU’ELLE SOIT. Aussi, pour transcendants que nous tenons nos accomplissements spirituels, nos expériences, ce sont encore des accomplissements spirituels, des expériences.
Ainsi, il dit : « Toutes expériences faites par tous ces maîtres spirituels sont des expériences nées du contact ». C’est-à-dire que ce sont encore les cinq agrégats.
http://www.dhammadana.org/dhamma/5_agregats.htm